AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 19/05212 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MQBT
CPAM DE LA LOIRE
C/
Société [5]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Tribunal de Grande Instance de LYON
du 08 Juillet 2019
RG : 16/03991
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE D - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 16 JUIN 2022
APPELANTE :
CPAM DE LA LOIRE
Services des Affaires Juridiques
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Mme [N] [C], Audiencier, munie d'un pouvoir
INTIMEE :
Société [5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Xavier BONTOUX de la SELARL FAYAN-ROUX, BONTOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Pauline BAZIRE, avocat au barreau de LYON,
Assuré : M. [P] [I]
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Mars 2022
Présidée par Bénédicte LECHARNY, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
- Nathalie PALLE, président
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
- Thierry GAUTHIER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 16 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article
450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [P] [I] (l'assuré), salarié de la société [5] (la société), a été victime d'un accident du travail le 5 mars 2014, dont il est résulté, selon les termes du certificat médical initial, une « plaie [de l']avant-bras avec section des pédicules radiales et ulnaires et section du nerf médian ».
La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire (la caisse) a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.
Elle a déclaré l'assuré consolidé à la date du 14 mars 2016 et a, par décision du 10 juin 2016, fixé à 40 % son taux d'incapacité permanente partielle (IPP) à compter du 15 mars 2016.
La société a, par courrier du 30 juin 2016, saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de la région Rhône-Alpes d'une contestation de cette décision. Le tribunal ayant été supprimé le 31 décembre 2018, le dossier a été transféré le 1er janvier 2019 au tribunal de grande instance de Lyon, juridiction nouvellement compétente pour connaître de ce litige.
A l'audience du 26 juin 2019, le tribunal a ordonné une consultation médicale sur pièces confiée au professeur [B].
Par jugement du 8 juillet 2019, le tribunal a :
- dit que les séquelles de l'accident du travail dont l'assuré a été victime le 5 mars 2014 justifient l'attribution d'un taux d'IPP de 30 % à la date de consolidation du 14 mars 1016,
- dit que les frais de la consultation médicale d'audience sont à la charge de la caisse.
La caisse a interjeté appel du jugement par lettre recommandée du 19 juillet 2019.
Par conclusions reprises à l'audience du 11 mars 2022, la caisse demande à la cour de :
- dire que le taux médical n'est pas surévalué,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon,
- confirmer le taux médical de 40 %,
- en tout état de cause, rejeter le recours formé par la société.
A l'appui de son recours, elle fait valoir que le taux de 40 % est conforme aux chapitres 1.2.5. et 4.2.5. du barème indicatif d'invalidité ; que concernant la valeur fonctionnelle de la main gauche, si l'on se base sur la prise inférieure à stylo impossible, la valeur à retenir pour les trois premières pinces est nulle et de 3,5 pour les quatre autres prises, ce qui donne une valeur fonctionnelle réduite de cette main gauche à 14/70 ; qu'il existait également une perte de la sensibilité de D2, D3, D4, et la persistance de douleurs ; que la paralysie du nerf radial est évalué à un taux d'au moins 35 %, auxquelles il convient d'ajouter 5 % au titre des douleurs et des troubles trophiques ; qu'enfin, l'assuré a été licencié pour inaptitude.
Dans ses conclusions reprises à l'audience, la société demande pour sa part à la cour de confirmer le jugement de première instance.
Elle fait valoir que le taux de 40 % fixé par la caisse est manifestement surévalué ; qu'en l'espèce, il n'existe pas de paralysie radiale complète ; que l'on peut estimer que l'assuré a perdu 50 % de la fonction de sa main ; qu'au regard de l'argumentaire de son médecin-conseil et de celui du médecin consultant désigné par le tribunal, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a réduit le taux d'IPP à une valeur maximale de 30 %.
Conformément aux dispositions de l'article
455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article
L. 434-2 du code de la sécurité sociale précise que le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
L'incapacité permanente est appréciée à la date de la consolidation de l'état de la victime.
Le chapitre 4.2.5. du barème indicatif évalue ainsi qu'il suit les séquelles portant sur le système nerveux périphérique :
« [...]
Lésions traumatiques :
Les taux d'incapacité indiqués s'appliquent à des paralysies totales et complètes.
En cas de paralysie incomplète, parésie ou simple affaiblissement musculaire, le taux d'incapacité subit naturellement une diminution proportionnelle.
On estime généralement six degrés de force musculaire :
0 : aucune contraction n'est possible ;
1 : ébauche de contraction visible, mais n'entraînant aucun déplacement ;
2 : mouvement actif possible, après élimination de la pesanteur ;
3 : mouvement actif possible, contre la pesanteur ;
4 : mouvement actif possible contre la pesanteur et résistance ;
5 : force normale.
Les atteintes correspondant aux degrés 0, 1, 2 et 3 entraîneront l'application du taux entier.
Pour le degré 4, le taux sera diminué de 25 à 50 % de sa valeur.
Les troubles névritiques, douleurs, troubles trophiques, accompagnant éventuellement les troubles moteurs, aggravent plus ou moins l'impotence et légitiment une majoration du taux proposé.
En cas d'atteinte simultanée de plusieurs nerfs d'un même membre, il y a lieu d'additionner les taux, le taux global ne pouvant en aucun cas dépasser le taux fixé pour la paralysie de ce membre.
droit
gauche
Paralysie du nerf radial
a. Au-dessus du coude (triceps brachial, anconé, long supinateur, premier et deuxième radial, court supinateur, extenseur commun et extenseur propre du pouce, index, auriculaire, cubital postérieur) (degré 0, 1, 2 et 3)
55
45
b. Au-dessous du coude, les mêmes muscles, sauf triceps et long supinateur (degré 0, 1, 2 et 3)
45
35
»
En l'espèce, il ressort de la notification de la décision d'attribution du taux d'IPP que le médecin conseil de la caisse a motivé ainsi qu'il suit le taux d'IPP attribué : « paralysie incomplète du nerf radial au-dessous du coude avec amyotrophie de l'avant-bras et de la main gauche chez un droitier ».
Dans le cadre d'un mémoire déposé en appel, le praticien du service médical de la caisse expose que l'examen du médecin conseil mentionnait les éléments suivants :
- douleurs au niveau de l'avant-bras à type de crampes, empêchant l'assuré de dormir la nuit,
- ne supporte plus le froid
- prise inférieure à un stylo impossible,
- perte importante de la préhension,
- amyotrophie de - 3 cm de l'avant-bras gauche,
- flexion dorsale et palmaire limitée à 1/3,
- diminution de la pronosupination limitée à 1/3,
- perte de la sensibilité D2, D3 et D4.
Il n'est pas contesté que les séquelles de l'assuré sont importantes, le médecin mandaté par la société indiquant lui-même dans son rapport médical que l'assuré « présente d'importantes séquelles suite à une plaie de l'avant-bras gauche ». Il est encore constant que la paralysie du nerf radial est, en l'espèce, incomplète.
Le litige porte précisément sur l'appréciation du degré de force musculaire qui détermine, en l'absence de paralysie complète, le taux d'IPP, le barème prévoyant l'application du taux entier en cas d'atteintes correspondant aux degrés 0, 1, 2 et 3 et une diminution de 25 à 50 % pour le degré 4.
Il ressort de la motivation des premiers juges que le médecin consultant à l'audience a retenu que les calculs développés à l'audience par la caisse n'étaient pas réalisés dans le rapport du médecin conseil, lequel ne s'était pas livré à un examen de la main permettant de déterminer l'ampleur du déficit fonctionnel. Le mémoire en appel du praticien du service médical n'apporte pas, sur ce point, d'éléments susceptibles de contredire l'appréciation faite par l'expert, le médecin conseil ne se prononçant pas directement sur le degré de force musculaire.
Aussi convient-il de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a fixé le taux d'IPP opposable à l'employeur à 30 %.
La caisse, partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel
PAR CES MOTIFS
La cour,
statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE