Cour de cassation, Chambre sociale, 3 juillet 2013, 12-15.474

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2013-07-03
Cour d'appel de Paris
2012-01-19
Cour d'appel de Paris
2012-01-19
Conseil de Prud'hommes de Paris
2009-05-19
Conseil de Prud'hommes de Paris
2007-05-19

Texte intégral

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que Mme X..., épouse Y..., a été engagée par la société Sogepi en qualité de directeur business développement à compter du 15 janvier 2006 ; qu'elle a démissionné le 1er juin 2007 et précisé le 4 juin suivant qu'elle prenait acte de la rupture de son contrat de travail ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation solidaire de la société Sogepi et de la société Réseaux publics et services (RPS) à lui payer un rappel de salaire et diverses indemnités ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que la société RPS fait grief à

l'arrêt de la condamner solidairement avec la société Sogepi au paiement des sommes allouées à la salariée, alors, selon le moyen, qu'en condamnant solidairement la société RPS avec la société Sogepi au paiement des sommes allouées à Mme Y..., tout en décidant dans son dispositif « n'y avoir lieu à mettre en cause la société RPS », la cour d'appel, qui a rendu deux chefs de dispositif contraires, à violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu

qu'une contradiction entre deux chefs du dispositif pouvant, en application de l'article 461 du code de procédure civile, donner lieu à une requête en interprétation, elle ne peut ouvrir la voie de la cassation ; que le moyen n'est pas recevable ;

Mais sur le second moyen

:

Vu

l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu que pour condamner la société RPS solidairement avec la société Sogepi, au paiement des sommes allouées à la salariée, l'arrêt retient

qu'il résulte d'un fax expédié par M. Z..., directeur technique de la société Sonatrach, que Mme Y... et son collègue étaient les représentants de la société RPS pour appréhender sur place, en Algérie, les besoins relatifs au projet de système de télésurveillance, de contrôle d'accès et de rondes de cette société cliente, que le nom de Mme Y... apparaissait également sur l'organigramme fonctionnel de la société RPS, que l'intéressée avait, dès son embauche, été affectée auprès de la société RPS à la mission Sonatrach, ce qui confortait son affirmation selon laquelle elle travaillait dans un lien de subordination à l'égard des deux sociétés ;

Qu'en statuant ainsi

, par des motifs impropres à caractériser un lien de subordination avec la société RPS, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Réseaux publics et services solidairement avec la société Sogepi au paiement des sommes allouées à Mme Y..., l'arrêt rendu le 19 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne Mme Y... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille treize

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour les sociétés Réseaux publics et services et Sogepi PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société RPS devait être condamnée solidairement avec la Société SOGEPI au paiement des sommes allouées à la salariée ; AUX MOTIFS QUE « c'est à la salariée qui prétend avoir travaillé dans le cadre d'un lien de subordination à l'égard de la société RPS de justifier de celui-ci ; qu'au regard des éléments communiqués, il apparaît que Mme Y... a conclu un contrat de travail avec la SARL SOGEPI, laquelle société lui a délivré les bulletins de paye et lui a réglé des salaires jusqu'à la fin de l'année 2006 ; que pour établir qu'elle a travaillé essentiellement pour la société RPS, Mme Y... expose que la SARL SOGEPI est une filiale de la société RPS dont l'activité est la maîtrise technique de tranchées en milieu urbain et suburbain, qu'elle a été embauchée en tant qu'expert en monétique et systèmes de sécurité dans le but de développer ces deux activités, que les deux entreprises appartiennent à M. A... et sont dirigées par lui ; qu'elle explique qu'elle a notamment été mandatée par M. A... pour effectuer un déplacement en Algérie s'agissant de la sécurisation des sites d'hydrocarbures de la société SONATRACH, que sa mission était consacrée à l'appel d'offres pour le compte de RPS dont le chiffre d'affaires avait jusqu'alors été de 10 millions d'euros, l'appel d'offres portant sur un enjeu de 10,5 millions d'euros ; qu'elle ajoute qu'une fois le marché obtenu, elle a dirigé l'ensemble du projet avec une équipe pluridisciplinaire en Algérie pour mener à bien ce projet ; qu'il résulte d'un fax expédié par M. Z..., directeur technique LQS de la société SONATRACH, que Mme Y... et son collègue M. B... étaient les représentants des établissements RPS pour appréhender sur place, en Algérie, les besoins relatifs au projet de système de télésurveillance, de contrôle d'accès et de rondes ; que le nom de Madame Y... apparaît également sur l'organigramme fonctionnel RPS du projet CCTV ; que l'employeur fait aussi écrire que Mme Y... a été immédiatement affectée à la mission SONATRACH, auprès de RPS dès son embauche, ce qui conforte l'affirmation de la salariée selon laquelle elle a été amenée à travailler dans le cadre d'un lien de subordination à l'égard des deux sociétés ; qu'il s'ensuit que Mme Y... est fondée à prétendre qu'elle exerçait son activité professionnelle dans le cadre d'un lien de subordination tant à l'égard de la société RPS qu'à l'égard de la SARL SOGEPI » ; ALORS QU'en condamnant solidairement la société RPS avec la Société SOGEPI au paiement des sommes allouées à Madame Y..., tout en décidant dans son dispositif « n'y avoir lieu à mettre en cause la Société RPS », la cour d'appel, qui a rendu deux chefs de dispositif contraires, à violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (a titre subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société RPS devait être condamnée solidairement avec la Société SOGEPI au paiement des sommes allouées à la salariée ; AUX MOTIFS QUE « c'est à la salariée qui prétend avoir travaillé dans le cadre d'un lien de subordination à l'égard de la société RPS de justifier de celui-ci ; qu'au regard des éléments communiqués, il apparaît que Mme Y... a conclu un contrat de travail avec la SARL SOGEPI, laquelle société lui a délivré les bulletins de paye et lui a réglé des salaires jusqu'à la fin de l'année 2006 ; que pour établir qu'elle a travaillé essentiellement pour la société RPS, Mme Y... expose que la SARL SOGEPI est une filiale de la société RPS dont l'activité est la maîtrise technique de tranchées en milieu urbain et suburbain, qu'elle a été embauchée en tant qu'expert en monétique et systèmes de sécurité dans le but de développer ces deux activités, que les deux entreprises appartiennent à M. A... et sont dirigées par lui ; qu'elle explique qu'elle a notamment été mandatée par M. A... pour effectuer un déplacement en Algérie s'agissant de la sécurisation des sites d'hydrocarbures de la société SONATRACH, que sa mission était consacrée à l'appel d'offres pour le compte de RPS dont le chiffre d'affaires avait jusqu'alors été de 10 millions d'euros, l'appel d'offres portant sur un enjeu de 10,5 millions d'euros ; qu'elle ajoute qu'une fois le marché obtenu, elle a dirigé l'ensemble du projet avec une équipe pluridisciplinaire en Algérie pour mener à bien ce projet ; qu'il résulte d'un fax expédié par M. Z..., directeur technique LQS de la société SONATRACH, que Mme Y... et son collègue M. B... étaient les représentants des établissements RPS pour appréhender sur place, en Algérie, les besoins relatifs au projet de système de télésurveillance, de contrôle d'accès et de rondes ; que le nom de Madame Y... apparaît également sur l'organigramme fonctionnel RPS du projet CCTV ; que l'employeur fait aussi écrire que Mme Y... a été immédiatement affectée à la mission SONATRACH, auprès de RPS dès son embauche, ce qui conforte l'affirmation de la salariée selon laquelle elle a été amenée à travailler dans le cadre d'un lien de subordination à l'égard des deux sociétés ; qu'il s'ensuit que Mme Y... est fondée à prétendre qu'elle exerçait son activité professionnelle dans le cadre d'un lien de subordination tant à l'égard de la société RPS qu'à l'égard de la SARL SOGEPI » ; ALORS, D'UNE PART, QUE l'existence d'une relation de travail salarié dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle et non de la volonté des parties ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en se bornant à relever, pour déduire l'existence d'un contrat de travail entre Madame Y... et la Société RPS, que, selon le fax d'un client, Madame Y... représentait la Société RPS en Algérie, qu'elle avait été immédiatement affectée à la mission SONATRACH auprès de la société RPS après son embauche, et que son nom figurait sur l'organigramme de la Société RPS, sans constater, ni rechercher si la Société RPS disposait du pouvoir de donner des ordres et des directives à Madame Y..., de contrôler l'exécution et le respect de ces directives et d'en sanctionner les manquements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ; ALORS, D'AUTRE PART, QUE la mise à disposition d'un salarié d'une société prestataire de services à l'un de ses clients ne saurait être requalifiée en contrat de travail lorsque le salarié détaché apporte une spécialisation ou un savoir-faire que ne possède pas l'entreprise utilisatrice, que la mission porte sur une tâche précise à accomplir et que le salarié détaché conserve, pendant l'exécution de sa mission, une autonomie par rapport à l'entreprise utilisatrice et reste sous l'autorité de la société prestataire de services ; qu'en requalifiant en contrat de travail la mission de consultante effectuée par Madame Y... pour le compte de son employeur, la Société SOGEPI, chez la Société RPS, entreprise cliente, sans vérifier si les éléments constitutifs d'une mission de prestation de service chez un client n'étaient pas caractérisés, c'est à dire si l'intervention de Madame Y... au sein de la Société RPS n'apportait pas une spécialisation ou un savoir-faire que ne possédait pas cette dernière, si sa mission ne portait pas sur une tâche précise à accomplir, et si la salariée n'avait pas conservé, pendant l'exécution de sa mission chez la cliente RPS, une autonomie par rapport à cette dernière et n'était pas restée sous la seule autorité de la Société SOGEPI, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ; ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la reconnaissance de la qualité de co-employeurs suppose une confusion d'intérêts, d'activité et de direction entre deux sociétés que ne saurait caractériser la simple existence de liens capitalistiques ou des dirigeants communs ; qu'en admettant que la cour d'appel ait implicitement déduit la qualité de co-employeur des sociétés SOGEPI et RPS de l'existence de liens capitalistiques et d'un dirigeant commun entre elles, en statuant de la sorte, par des motifs impropres à caractériser la qualité de co-employeur de la Société RPS, société juridiquement distincte de la Société SOGEPI, en l'absence de constat d'une confusion d'activités, d'intérêts et de direction entre les deux sociétés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société SOGEPI et la Société RPS à verser à Madame Y... les sommes de 32.000 ¿ à titre de rappel de salaire en deniers et quittances ; AUX MOTIFS QUE « Mme Y... réclame la confirmation du jugement déféré ayant condamné son employeur à lui verser la somme de 32 000 € ; que lors de l'audience, elle a précisé qu'en réalité elle évaluait à la somme de 34.575,96 € le montant de la rémunération demeurée impayée ; qu'il a été précédemment relevé que le salaire fixe brut pour l'année 2006 s'est élevé à la somme de 81.000,20 € alors qu'il était contractuellement stipulé que la rémunération fixe brute serait de 88.200 € ; qu'une somme de 7.199,80 euros reste donc due au titre de l'exercice 2006 ; que par ailleurs, l'employeur a subordonné le bénéfice de la partie variable de la rémunération à la réalisation d'objectifs dont il n'est pas établi qu'ils ont été portés à un moment ou un autre à la connaissance de la salariée et vérifiables par celle-ci ; qu'il convient en conséquence d'accorder à la salariée la partie variable prévue contractuellement à objectifs atteints soit 20 % de 88.200 € bruts ce qui correspond à la somme de 17.640 € ; qu'enfin, sur l'année 2007, un reliquat de salaire brut de 8179 € est dû ; qu'il s'ensuit que la somme restant due à la salarié s'élève à la somme de 33.018,80 € ; que toutefois, compte tenu des limites de la demande, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a accordé à la salariée un rappel de salaire à hauteur de 32 000 € ; qu'il sera simplement réformé sur un point ; qu'en effet, dès lors que la société RPS a la qualité de co-employeur, la condamnation sera également prononcée à son égard » ; ALORS, D'UNE PART, QUE lorsque l'objectif de résultats dont le contrat de travail fait dépendre la rémunération variable n'a pas été déterminé, il appartient au juge de le fixer par référence aux années antérieures ; que, pour accorder à Madame Y... la somme de 17.640 € à titre de rappel de rémunération variable pour l'année 2007, la cour d'appel a décidé qu'en l'absence de détermination et d'information sur les objectifs fixés, et de possibilité de vérifier leur teneur, la salariée était fondée à demander le paiement de l'intégralité de la partie variable prévue contractuellement à objectifs atteints ; qu'en statuant ainsi alors que dans cette circonstance il lui appartenait de fixer le montant de la rémunération variable par référence aux années antérieures, sans pouvoir accorder d'emblée à la salariée l'intégralité du salaire variable possible, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1221-3 du code du travail, ensemble les articles L. 3211-1 et suivants du code du travail ; ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se bornant à relever que « sur l'année 2007, un reliquat de salaire brut de 8.179 € est dû », sans nullement motiver sa décision sur ce point et sans expliquer sur quelles pièces elle se fondait pour aboutir à ce constat, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la démission de Madame Y... était équivoque, qu'elle valait prise d'acte de la rupture aux torts exclusifs de l'employeur et qu'elle devait avoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR condamné la société SOGEPI et la Société RPS à verser à Madame Y... les sommes de 24.000 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2.400 € à titre de congés payés afférents ; AUX MOTIFS QUE « Mme Y... réclame la confirmation du jugement déféré ayant condamné son employeur à lui verser la somme de 32 000 € ; que lors de l'audience, elle a précisé qu'en réalité elle évaluait à la somme de 34.575,96 € le montant de la rémunération demeurée impayée ; qu'il a été précédemment relevé que le salaire fixe brut pour l'année 2006 s'est élevé à la somme de 81.000,20 € alors qu'il était contractuellement stipulé que la rémunération fixe brute serait de 88.200 € ; qu'une somme de 7.199,80 euros reste donc due au titre de l'exercice 2006 ; que par ailleurs, l'employeur a subordonné le bénéfice de la partie variable de la rémunération à la réalisation d'objectifs dont il n'est pas établi qu'ils ont été portés à un moment ou un autre à la connaissance de la salariée et vérifiables par celle-ci ; qu'il convient en conséquence d'accorder à la salariée la partie variable prévue contractuellement à objectifs atteints soit 20 % de 88.200 € bruts ce qui correspond à la somme de 17.640 € ; qu'enfin, sur l'année 2007, un reliquat de salaire brut de 8179 € est dû ; qu'il s'ensuit que la somme restant due à la salarié s'élève à la somme de 33.018,80 € ; que toutefois, compte tenu des limites de la demande, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a accordé à la salariée un rappel de salaire à hauteur de 32 000 € ; qu'il sera simplement réformé sur un point ; qu'en effet, dès lors que la société RPS a la qualité de co-employeur, la condamnation sera également prononcée à son égard » ; ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que par application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant les sociétés SOGEPI et RPS au versement de rappels de salaire entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif retenant que la démission de Madame Y..., requalifiée en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.