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Cour d'appel de Paris, 15 novembre 2023, 21/02605

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
15 novembre 2023
Conseil de Prud'hommes de Paris
11 septembre 2020

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6 - Chambre 9

ARRET

DU 15 NOVEMBRE 2023 (n° , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02605 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDLJQ Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/01655 APPELANTE S.A. GROUPAMA ASSET MANAGEMENT [Adresse 1] [Localité 4] Représentée par Me Lionel PARAIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0171 INTIMEE Madame [T] [D] [Adresse 2] [Localité 3] Représentée par Me Laurence BOYER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1712 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président de chambre, et M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : M. Philippe MICHEL, président M. Fabrice MORILLO, conseiller Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE ARRET : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par M. Philippe MICHEL, Président de chambre - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 octobre 2008, Mme [T] [D] a été engagée en qualité d'économiste (statut cadre) par la société Groupama Asset Management, celle-ci employant habituellement au moins 11 salariés et appliquant la convention collective nationale de la banque. Après avoir été convoquée, suivant courrier recommandé du 13 février 2018, à un entretien préalable fixé au 1er mars 2018, Mme [D] a été licenciée pour insuffisance professionnelle suivant courrier recommandé du 3 octobre 2018. Contestant le bien-fondé de son licenciement et s'estimant insuffisamment remplie de ses droits, Mme [D] a saisi la juridiction prud'homale le 26 février 2019. Par jugement du 11 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Paris a : - dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, - condamné la société Groupama Asset Management à payer à Mme [D] les sommes suivantes : - 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, - 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - dit que Mme [D] est infondée sur le surplus de ses demandes, - débouté la société Groupama Asset Management de l'intégralité de ses demandes, - mis la totalité des dépens à la charge de la société Groupama Asset Management. Par déclaration du 10 mars 2021, Mme [D] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 15 février 2021. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 juin 2021, la société Groupama Asset Management demande à la cour de : - infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, - débouter Mme [D] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, - condamner Mme [D] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 août 2021, Mme [D] demande à la cour de : - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement, - condamner en conséquence la société Groupama Asset Management à lui payer, à titre de dommages-intérêts, la somme de 61 462, 50 euros, subsidiairement, la somme de 40 975 euros, - condamner la société Groupama Asset Management au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens. L'instruction a été clôturée le 6 juin 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 6 septembre 2023.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail La société appelante fait valoir que l'insuffisance professionnelle de l'intimée est caractérisée par une autonomie insuffisante dans la production des écrits, tant sur le fond que sur la forme, une production insuffisante en volume malgré la fixation d'objectifs revus à la baisse ainsi qu'une non-atteinte du niveau requis au regard de sa séniorité. L'intimée réplique qu'elle n'a pas été remplacée à son poste, que celui-ci a été supprimé et que le licenciement opéré est un licenciement économique déguisé. Elle ajoute que les motifs du licenciement ne reposent sur aucune cause réelle et sérieuse. Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instructions qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Si l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause légitime de licenciement, l'incompétence alléguée doit cependant reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur, étant rappelé qu'il suffit à l'employeur d'invoquer le grief d'insuffisance professionnelle, motif matériellement vérifiable, pour que la lettre soit dûment motivée, l'insuffisance de résultats pouvant constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsque le fait de ne pas avoir atteint les objectifs résulte d'une insuffisance professionnelle, lesdits objectifs devant présenter un caractère réaliste et correspondre à des normes sérieuses et raisonnables. La lettre de licenciement est rédigée de la manière suivante : « Lors de l'entretien préalable qui s'est tenu, comme prévu, le 1er mars 2018, en présence de Madame [G] [C], Directrice des Ressources Humaines, et de Monsieur [I] [Y], Chef Economiste, nous vous avons fait part des griefs que nous retenions à votre encontre. Nous vous rappelons tout d'abord que vous avez été recrutée le 10 octobre 2008 en qualité d'Economiste. Au sein de l'équipe des études économiques, vous avez en charge un scénario macroéconomique révisé chaque mois, qui sert de fondement aux prévisions des marchés de taux et d'actions. Vos fonctions consistent notamment à : · analyser et synthétiser les indicateurs conjoncturels et l'évolution de la politique monétaire et de concevoir le scénario économique sur le Royaume-Uni ; · effectuer un suivi approfondi du Brexit (conséquences, ...) ; · réaliser des présentations pour les Comités de Conjoncture, les scénarios économiques et produire des fiches pays UK ; · collaborer à des travaux sur toutes zones et sujets transversaux ; · préparer des documents mensuels pour la Direction des Investissements et le reporting des comités. Ces fonctions imposent d'être en contact régulier avec les Gérants de tous les pôles de Gestion qui utilisent vos analyses et vous sollicitent pour avoir votre point de vue. Pour mener à bien les missions qui vous sont confiées, outre l'expertise technique que vous devez mettre en oeuvre, grâce à des connaissances approfondies en macroéconomie, analyse conjoncturelle et marchés financiers, vous devez bien évidemment faire preuve d'une excellente communication tant écrite qu'orale. Or, il s'avère que malgré le soutien sans faille de votre responsable, pour vous faire progresser, vous n'avez toujours pas acquis l'autonomie suffisante dans la production de vos écrits, tant sur la forme que sur le fond. Depuis plus de quatre ans, votre supérieur hiérarchique s'est attaché à vous aider, vous encourager, vous consacrant énormément de temps, mais force est de constater que, malgré quelques progrès, il doit toujours relire, retravailler et reformuler votre travail (tels que les comptes-rendus de réunion des comités de conjoncture ou les emails d'analyse), afin que votre message soit plus clair et votre raisonnement plus construit. Chaque année, votre responsable a notamment pris soin de vous fixer des objectifs en deçà de ce que l'on peut légitimement attendre d'un Economiste de votre ancienneté, afin de vous encourager et de vous donner le temps de vous améliorer. Comme cela ne suffisait pas, il a été contraint de vous retirer l'un (suivi de l'économie japonaise) des trois objectifs annuels que vous deviez réaliser en 2017. Malgré cela, vous n'avez été en capacité de réaliser qu'un seul des deux objectifs restants, sachant que sur cet objectif (suivi de l'économie du Royaume-Uni), votre Responsable a très souvent dû vous informer lui-même des données publiées, alors que cela relevait naturellement de vos fonctions. Malgré quatre années de support de votre responsable, vous ne parvenez toujours pas à produire des écrits en ligne avec ce qui est attendu d'une Economiste de votre niveau d'expérience, tant en volume qu'en qualité (fond et forme). Ces carences affectent sérieusement votre crédibilité auprès des Gérants, qui n'osent plus vous interroger. Au cours de notre entretien, vous vous êtes librement exprimée, ainsi que Monsieur [X] [R] qui vous assistait. Néanmoins, les explications que vous nous avez présentées ne sont pas de nature à modifier notre appréciation. Compte tenu de votre ancienneté et de votre expérience dans le poste que vous occupez, cette incapacité à atteindre le niveau requis dans votre poste malgré les conseils, le temps et les encouragements de votre responsable nous contraint malheureusement à procéder à votre licenciement pour insuffisance professionnelle. [...] » S'agissant des différents griefs d'insuffisance professionnelle allégués à l'encontre de l'intimée dans le cadre de la lettre de licenciement, il sera tout d'abord relevé que les insuffisances invoquées ne reposent pas sur des éléments concrets et vérifiables mais au contraire sur une appréciation subjective de l'employeur, la société appelante s'abstenant notamment de produire, dans le cadre du présent litige, des éléments de nature à justifier de l'existence de manquements personnellement imputables à la salariée ayant effectivement perturbé le bon fonctionnement de l'entreprise, la simple production des comptes-rendus d'entretien annuel d'évaluation et de performance ainsi que des entretiens de point d'étape, lesquels ne font état que des seules affirmations et déclarations des supérieurs hiérarchiques de l'intimée et ne sont étayés ou corroborés par aucune autre pièce versée aux débats, ne permettant aucunement de caractériser les nombreuses carences dont il est fait état dans la lettre de licenciement. Concernant notamment les allégations de l'employeur relatives au fait que la salariée n'aurait toujours pas acquis l'autonomie suffisante dans la production de ses écrits, tant sur la forme que sur le fond, et que malgré l'aide, les encouragements et le temps consacré par son supérieur hiérarchique, ce dernier serait toujours dans l'obligation de relire, retravailler et reformuler son travail afin que le message soit plus clair et le raisonnement plus construit, la cour constate que l'employeur se limite à procéder par voie de simples affirmations de principe, et ce sans verser aux débats les comptes-rendus de réunion des comités de conjoncture ou les mails d'analyse qui sont pourtant expressément mentionnés dans la lettre de licenciement, aucun échange de mails entre les intéressés relativement aux multiples relectures, corrections et reformulations invoquées n'étant par ailleurs produit. Il en va de même s'agissant de l'affirmation de principe de l'employeur selon laquelle le responsable de l'intimée aurait été très souvent dans l'obligation de l'informer lui-même des données publiées concernant le suivi de l'économie du Royaume-Uni. Il sera de surcroît observé que l'accumulation de carences mentionnées dans la lettre de licenciement, portant sur l'ensemble des fonctions et missions confiées à l'intimée dans le cadre de son travail, apparaît pour le moins contradictoire et incompatible avec le parcours professionnel de l'intéressée au sein de l'entreprise, et ce alors que le compte-rendu d'évaluation 2014-2015 du 3 mars 2015 fait état d'une évaluation globale d'un niveau satisfaisant ainsi que d'une tenue de poste conforme aux attentes et mentionne notamment que « [T] s'est très bien intégrée à la recherche macroéconomique. En particulier, elle a bien assimilé les méthodes de travail. Elle est une collaboratrice toujours impliquée, motivée et très consciencieuse », que le compte-rendu d'évaluation 2015-2016 du 18 mars 2016 fait état d'une évaluation globale d'un niveau satisfaisant ainsi que d'une tenue de poste conforme aux attentes et mentionne notamment que «[T] est toujours curieuse, dynamique et consciencieuse. J'estime qu'elle a beaucoup progressé tant à l'oral qu'à l'écrit avec une communication concise et percutante. Et j'ai confiance dans son analyse : elle diagnostique de mieux en mieux les variables clés qui peuvent confirmer ou infléchir son scénario. Par ailleurs, ses contributions sur des sujets transversaux ont été déterminantes », l'intéressée devant poursuivre ses efforts dans deux axes (se rapprocher des gérants et gagner au maximum en efficacité sur ses zones de suivi pour pouvoir consacrer de plus en plus de temps à des sujets transversaux), le compte-rendu d'évaluation 2016-2017 du 31 janvier 2017 faisant à nouveau état d'une évaluation globale d'un niveau satisfaisant ainsi que d'une tenue de poste conforme aux attentes et mentionnant que « [T] a fait beaucoup de progrès, et ce grâce à son travail, à son implication et à sa réelle envie de toujours faire mieux. Ces progrès ont d'ailleurs été reconnus. Bien sûr, elle doit encore poursuivre, notamment dans sa rigueur et sa précision de langage. Mais elle a des intuitions économiques souvent pertinentes qui la rendent « complémentaire » dans l'équipe. Je lui fais confiance pour toujours progresser et s'investir », le point d'étape du 31 juillet 2017 mentionnant que « [T] a donné 2 grands motifs de satisfaction ce premier semestre : d'abord, elle a continué de progresser à la fois dans son expression écrite et orale ; ensuite, la méthodologie de suivi sur le Brexit pour laquelle elle s'est fortement engagée a été très appréciée. Clairement, le thème du Brexit a demandé plus de suivi que prévu. Et cela devrait même s'amplifier au fur et à mesure que les négociations démarrent. C'est pourquoi, nous avons convenu que [T] ne pourrait plus suivre l'économie japonaise et que cela serait désormais transféré à [Localité 5]. Sans doute, [T] doit-elle désormais s'améliorer sur 2 points : consolider et pérenniser ses progrès incontestables dans ses expressions écrite et orale et, surtout, gagner en rapidité dans son travail pour pouvoir dégager du temps sur les thèmes transversaux ». La cour relève que l'appréciation portée sur le travail fourni lors du compte-rendu d'évaluation 2017-2018 du 31 janvier 2018, faisant subitement état d'une évaluation globale d'un niveau insuffisant et d'une tenue de poste insuffisante, est soudainement extrêmement négative avec des qualificatifs très sévères appliqués à l'activité de la salariée (« [T] a progressé et je l'ai toujours encouragée dans ses progrès. Mais cela ne veut pas dire que [T] est « à niveau », et ce d'autant plus qu'au fur et à mesure des années, elle acquiert de l'ancienneté dans son poste. Aujourd'hui, sa hiérarchie relit et retravaille très souvent ses travaux (mails, production pour le comité de conjoncture ou pour le scénario économique. Les objectifs fixés pour 2017 étaient totalement cohérents avec son ancienneté et son temps partiel à 4/5ème. Les réalisations étaient insuffisantes avec ce qu'on est en droit d'attendre d'un économiste senior. [T] doit travailler plus rapidement, plus rigoureusement et de façon plus autonome. Les objectifs ont été déterminés dans cette perspective ») ne correspondant pas à son déroulement de carrière antérieur, l'employeur ne pouvant sérieusement prétendre avoir découvert, après plus de 9 années de collaboration, que l'intéressée serait incapable d'atteindre le niveau requis dans son poste, de produire des écrits en ligne avec ce qui est attendu d'une économiste de son niveau d'expérience, tant sur le fond que la forme, et que lesdites carences affecteraient sa crédibilité auprès des gérants à un point tel que ces derniers n'oseraient plus l'interroger, étant à nouveau noté qu'aucun élément n'est produit pour attester de la réalité de ces éléments, ledit compte-rendu d'évaluation apparaissant au surplus avoir été manifestement établi dans la perspective d'une future procédure de licenciement, celle-ci ayant été engagée dès le mois de février 2018. Il sera en toute hypothèse constaté que la société appelante s'abstient de produire, dans le cadre du présent litige, des éléments de nature à justifier du fait que l'intimée a pu bénéficier, au cours de la période plus que limitée de 13 jours s'étant écoulée entre le 31 janvier 2018, date de validation du compte-rendu d'évaluation précité, et l'engagement de la procédure de licenciement dès le 13 février 2018, d'un temps suffisant ainsi que des moyens et éventuelles actions de formation nécessaires pour s'adapter pleinement à ses fonctions, la simple production d'éléments justificatifs afférents au suivi par l'intéressée d'actions de formations au titre des années antérieures à la période litigieuse étant manifestement inopérante et sans incidence de ce chef, de même que le fait qu'une procédure de licenciement ait été envisagée en janvier 2012 (soit plus de 6 ans avant le licenciement litigieux) avant d'être abandonnée compte tenu de l'état de grossesse de l'intimée. Par ailleurs, étant rappelé que l'existence d'une insuffisance ne peut être retenue lorsque les résultats tenus pour insuffisants trouvent leur origine ou leur explication dans une conjoncture étrangère à l'activité personnelle du salarié ou dans les choix faits par l'employeur en matière de gestion de l'entreprise et d'organisation de l'activité, il résulte des pièces précitées que la société appelante ne peut sérieusement prétendre qu'elle aurait été dans l'obligation, compte tenu des insuffisances de la salariée, de lui retirer l'objectif lié au suivi de l'économie japonaise, alors qu'il résulte des termes des entretiens d'évaluation précités que c'est en raison de l'importance prise par le thème du Brexit ayant demandé plus de suivi que prévu et en prévision d'une amplification attendue de ce sujet, qu'il avait été convenu avec la salariée qu'elle ne pourrait plus suivre l'économie japonaise dont le suivi serait désormais confié à l'un de ses collègues. Il sera enfin relevé, ainsi que l'ont justement souligné les premiers juges, que le dernier compte-rendu d'évaluation du 31 janvier 2018 ainsi que la convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement du 13 février 2018 sont intervenus dans un contexte de dénonciation par la salariée d'un état de souffrance psychologique, notamment lié au comportement et au mode de management adoptés à son encontre par sa supérieure hiérarchique N+2, ainsi que cela résulte notamment des échanges de mails avec la direction des ressources humaines au cours des mois d'octobre, novembre et décembre 2017 ainsi que janvier 2018, l'intimée, qui avait à nouveau alerté la direction des ressources humaines suivant mail du 9 mars 2018 en faisant expressément état de l'existence d'agissements de harcèlement moral et avait fait l'objet d'une période d'arrêts de travail de février à octobre 2018, ayant finalement été licenciée le 3 octobre 2018 sans que l'employeur ne justifie avoir pris la moindre mesure pour prendre en compte et traiter la situation de souffrance morale ainsi que la dénonciation précitées, et ce alors que la salariée avait été convoquée suivant courrier du 2 octobre 2018 à une visite médicale de reprise auprès de la médecine du travail prévue le 5 octobre 2018. Dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour dit le licenciement pour insuffisance professionnelle litigieux dépourvu de cause réelle et sérieuse, et ce par confirmation du jugement. Sur les conséquences financières de la rupture S'agissant de l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, il sera rappelé que les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, son invocation ne pouvant dès lors conduire à écarter l'application desdites dispositions. Par ailleurs, les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations énumérées à l'article L.1235-3-1, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi. Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail. Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT. Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée. Dès lors, eu égard à l'ancienneté en année complète dans l'entreprise (10 ans), à l'âge de la salariée (50 ans) et à la rémunération de référence lors de la rupture du contrat de travail (4 097,50 euros) et compte tenu des éléments produits concernant sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à ladite rupture, l'intéressée justifiant avoir bénéficié de l'allocation d'aide au retour à l'emploi de février 2019 à tout le moins jusqu'au mois de juin 2020, la cour, à qui il appartient seulement d'apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par les dispositions précitées du code du travail (soit en l'espèce entre 3 mois et 10 mois de salaire brut), confirme le jugement en ce qu'il a accordé à l'intimée la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sur les autres demandes Selon l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, il y a lieu d'ordonner à l'employeur fautif de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à la salariée du jour de la rupture au jour de la décision, dans la limite de trois mois d'indemnités. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'employeur sera condamné à verser à la salariée, au titre des frais exposés en cause d'appel non compris dans les dépens, la somme supplémentaire de 2 500 euros, la somme accordée en première instance étant confirmée. L'employeur, qui succombe, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Ordonne à la société Groupama Asset Management de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme [D] du jour de la rupture au jour de la décision, dans la limite de trois mois d'indemnités ; Condamne la société Groupama Asset Management à payer à Mme [D] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ; Déboute Mme [D] du surplus de ses demandes ; Condamne la société Groupama Asset Management aux dépens d'appel. LE GREFFIER LE PRESIDENT