Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Chambéry (chambre civile) 06 novembre 1992
Cour de cassation 03 mai 1995

Cour de cassation, Chambre commerciale, 3 mai 1995, 93-17829

Mots clés société · contrat · pourvoi · résiliation · franchisé · nullité · principal · torts · roi · incident · dol · préjudice · preuve · procédure civile · recours

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 93-17829
Dispositif : Cassation
Décision précédente : Cour d'appel de Chambéry (chambre civile), 06 novembre 1992
Président : Président : M. BEZARD
Rapporteur : M. Gomez
Avocat général : M. Raynaud

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Chambéry (chambre civile) 06 novembre 1992
Cour de cassation 03 mai 1995

Texte

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société anonyme Patisalpes, dont le siège social est ... à Saint-Martin-d'Heres (Isère), en cassation de deux arrêts rendus le 6 novembre 1992 et le 4 juin 1993 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile), au profit de la société à responsabilité limitée Le Roi Arsento, dont le siège social est ... (14e) (Bouches-du-Rhône), défenderesse à la cassation ;

La société Le Roi Arsento, défenderesse au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 février 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Gomez, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Gomez, les observations de la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat de la société Patisalpes, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Le Roi Arsento, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant sur les pourvois principal et incident :

Attendu, selon les énonciations des arrêts attaqués, rendus sur renvoi après cassation, que la société Patisalpes (le franchiseur) a conclu, le 11 octobre 1983, avec la société Le Roi Arsento (le franchisé) un contrat de franchise ;

qu'au cours des mois suivants, des difficultés sont apparues ;

que le franchisé a assigné, en nullité du contrat, le franchiseur qui a, reconventionnellement, demandé que soit prononcée la résiliation aux torts du franchisé ;

Sur le premier moyen

du pourvoi incident :

Attendu que la société Le Roi Arsento fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en nullité du contrat alors, selon le pourvoi, que le contrat de franchise précisait que le franchisé s'interdisait désormais de proposer à sa clientèle tout autre produit concurrent ;

que la société Patisalpes reconnaissait dans ses conclusions que compte tenu du délai nécessaire au démarrage de la production, elle ne pouvait faire autrement que de s'approvisionner auprès de la société franchiseur durant cette période de transition ;

qu'en énonçant néanmoins que les mouvements de marchandises effectués pour permettre le démarrage des nouvelles activités du franchisé l'avaient été en dehors du champ d'application du contrat, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève, d'un côté, que le contrat ne comportait aucune obligation de fourniture de marchandises ou produits par le franchiseur, l'article 3 ne prévoyant que la mise en place d'une structure de conseil et de personnel, et d'un autre côté, que s'il y avait eu des mouvements de marchandises, ainsi que l'invoque le franchisé, pour lui permettre le démarrage de ses nouvelles activités, ils l'avaient été en dehors du champ d'application du contrat ;

qu'à partir de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a retenu, par l'appréciation souveraine des preuves, que le contrat ne pouvait pas être nul par suite de l'indétermination du prix des marchandises livrées ;

d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen

du pourvoi incident :

Attendu que la société Le Roi Arsento fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en nullité du contrat alors, selon le pourvoi, que le dol peut résulter d'un simple mensonge ou d'une réticence ;

que la cour d'appel, qui a constaté que le franchiseur avait fait état d'un réseau de franchisés qui n'existait pas, mais a néanmoins débouté la société franchisée de sa demande en nullité pour la seule raison qu'elle n'établissait pas l'existence de manoeuvres, a violé l'article 1116 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel retient que la société Le Roi Arsento, qui invoque le dol en faisant valoir que le réseau de franchisés, annoncé par le franchiseur, n'existait pas, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que ce dernier s'est rendu responsable de manoeuvres ayant déterminé son cocontractant à conclure la convention ;

que la cour d'appel a pu en déduire que le contrat n'était pas nul par vice du consentement ;

d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la société Patisalpes fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation du contrat à compter du 13 novembre 1984 et de n'avoir accordé qu'une indemnité de soixante dix mille francs alors, selon le pourvoi, que la résiliation, qui n'a point d'effet rétroactif et ne produit ses effets que pour l'avenir, laisse subsister la convention jusqu'à la date de sa fixation, et ensuite que la résiliation fautive engage la responsabilité de la partie à qui la rupture est imputable ;

qu'ainsi la cour d'appel, qui prononçait à compter d'une date déterminée (13 novembre 1984), la résiliation d'un contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé parce que celui-ci n'avait pas réglé les redevances contractuelles devait condamner le franchisé au paiement de ces redevances jusqu'à cette date outre des dommages-intérêts pour réparer le préjudice subi du fait de cette rupture ;

qu'en accordant une indemnité "toutes causes confondues" sans tenir compte des termes du contrat qui fixait à une somme supérieure le montant des redevances, la cour d'appel a, ensemble, violé les articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt rendu le 4 juin 1993, interprétant à la demande de la société Patisalpes celui rendu le 6 novembre 1992 précise que la cour d'appel a eu connaissance du chiffre d'affaires de la société Le Roi Arsento ;

qu'ainsi par une appréciation souveraine des éléments de preuve la cour d'appel a fixé le montant du préjudice subi par la société Patisalpes du fait de la résiliation du contrat en tenant compte notamment du chiffre d'affaires réalisé par le franchisé jusqu'à la date de résiliation ;d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais

sur le troisième moyen

, pris en sa première branche du pourvoi incident :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que pour prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchisé, l'arrêt énonce que "s'agissant des griefs formulés par le franchisé contre le franchiseur, celui tenant à la non-communication de "points de comparaison significatifs de gestion annuels de différents franchisés" est constant et indiscutable puisque ainsi qu'il a été dit plus haut le réseau de franchisés est inexistant" ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait l'inexécution de l'une de ses obligations contractuelles par le franchiseur, sans préciser les motifs qui justifiait qu'il soit exonéré de cette faute, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que les sociétés Patisalpes et Le Roi Arsento demandent l'allocation, la première, d'une somme de dix mille francs, la seconde, d'une somme de douze mille francs, par application de ce texte ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu de d'accueillir ces demandes ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du troisième moyen du pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société Patisalpes aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Chambéry, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du trois mai mil neuf cent quatre-vingt-quinze.