Chronologie de l'affaire
Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre 19 janvier 2016
Cour d'appel de Basse-Terre 25 janvier 2016
Cour de cassation 18 mai 2017

Cour de cassation, Chambre sociale, 18 mai 2017, 16-13971

Mots clés réintégration · société · licenciement · référé · protection · procédure civile · travail · trouble · expiration · autorisation · mandat · provision · inspecteur · astreinte · délégué du personnel

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 16-13971
Dispositif : Annulation sans renvoi
Décision précédente : Cour d'appel de Basse-Terre, 25 janvier 2016
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:SO00876

Chronologie de l'affaire

Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre 19 janvier 2016
Cour d'appel de Basse-Terre 25 janvier 2016
Cour de cassation 18 mai 2017

Texte

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu l'article 488, alinéa 1, du code de procédure civile ;

Attendu que, par arrêt rendu en référé le 25 janvier 2016, la cour d'appel de Basse-Terre a ordonné sous astreinte la réintégration de M. X...au sein de la société Blandin concept automobiles et condamné cette société au paiement d'une provision sur dommages-intérêts ; que cependant, par jugement du 19 janvier 2016, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, statuant au fond, a rejeté la demande d'annulation du licenciement de M. X... et rejeté les demandes corrélatives d'indemnisation et de réintégration formées par ce dernier ;

Attendu qu'en raison de l'autorité de chose jugée attachée au jugement qui a statué sur le fond du litige, l'arrêt attaqué doit être annulé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Blandin concept automobiles

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR ordonné la réintégration de Monsieur X... à son poste de travail et au même salaire au sein de la société BLANDIN CONCEPT AUTOMOBILES, d'AVOIR dit que ladite obligation de faire sera assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard courant après expiration d'un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt et ceci pendant une durée de deux mois, et d'AVOIR condamné la société BLANDIN CONCEPT AUTOMOBILES à verser à Monsieur X... la somme de 3. 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « les pouvoirs de la formation de référé sont définis par les articles R. 1455-5 et suivants du code du travail, lesquels sont libellés comme suit : « Dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, elle peut accorder une provision au créancier ; ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. ». L'examen du bien-fondé d'un licenciement se heurte à une contestation sérieuse, dont l'appréciation relève de l'examen du juge du fond et échappe à la compétence du magistrat des référés. Cependant, même en présence d'une telle contestation sérieuse, le juge des référés, qui est le juge de l'évidence, peut statuer si le trouble qu'on lui demande de faire cesser est manifestement illicite et que la décision de l'employeur de licencier a un caractère illégal manifeste. M. X... fonde sa demande de réintégration sur l'existence d'un trouble manifestement illicite au sens du texte susvisé, résidant dans le fait que son licenciement est intervenu en violation du statut protecteur, en l'absence de toute autorisation de l'inspecteur du travail, prévue par l'article L. 2411-5 du Code du Travail alors que la période de protection attachée à son mandat de délégué du personnel dont il bénéficiait, n'expirait que le 5 mai 2014 et qu'il est donc nul et de nul effet. M. X... expose qu'il était protégé également en vertu des articles L. 2411-9 et L. 2411-6 du Code du Travail, en l'état de l'imminence de sa candidature aux prochaines élections des délégués du personnel et représentants du personnel, et du fait qu'il ait demandé à l'employeur dès le 18 décembre 2013, d'organiser des élections des délégués du personnel et du fait qu'il figurait sur la liste UGTG du 12 mai 2014, en vue des élections prévues le 2 juin 2014. La société BCA conteste toute protection particulière en matière de licenciement à M. X..., rétorquant que son mandat était expiré depuis le 5 novembre 2013 et qu'il n'a pas été prorogé, même tacitement en l'absence de nouvelles élections. Il est constant que le 5 novembre 2009, M. X... a été élu délégué du personnel au sein de la société BCA et que dès lors, il bénéficiait de la protection contre le licenciement prévue par les articles L. 2411-1 et suivants du Code du Travail, jusqu'à l'expiration de son mandat, soit le 5 novembre 2013. Son licenciement ne pouvait intervenir qu'après l'autorisation de l'inspecteur du travail jusqu'à cette date et cette autorisation était également requise durant les six premiers mois suivant l'expiration du mandat de délégué du personnel, en vertu de l'alinéa 2 de l'article 2411-5 du code du travail. En l'espèce, M. X... bénéficiait donc du statut protecteur jusqu'au 5 mai 2014. La société BCA a convoqué M. X... à un entretien préalable en vue de son licenciement, par courrier daté du 28 avril 2014, déposé le 29 avril 2014. Le respect de la procédure protectrice de licenciement d'un ancien élu s'impose lorsque le salarié bénéficie toujours de cette protection à la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement, peu important que le courrier prononçant le licenciement soit envoyé postérieurement à l'expiration de la période de protection, en l'occurrence licenciement notifié le 15 mai 2014. Lorsque l'employeur a engagé le 28 avril 2014 la procédure de licenciement de M. X..., ce dernier bénéficiait de la protection légale et la société BCA devait suivre la procédure particulière en demandant l'autorisation de licencier ledit salarié à l'inspecteur du travail. En outre, la lettre de licenciement du 15 mai 2015 repose sur des faits fautifs en date des 23 et 25 avril 2014 (absences injustifiées), 24 avril 2014 (utilisation de la langue créole) et 12 avril 2014 (délai de traitement excessif dans le traitement des ordres) et que lesdits faits ont donc été commis pendant la période de protection et auraient dû être soumis à l'inspecteur du travail. La société BCA aurait dû en l'espèce demander l'autorisation de licencier M. X... à l'inspecteur du travail. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner, à ce stade du référé, les autres protections ni leur durée dont se prévaut M. X... (en tant que demandeur à l'organisation d'élections, candidat à des élections à la délégation unique du personnel, après reconnaissance judiciaire d'une UES), il convient de constater que son licenciement, nul en l'absence d'autorisation de l'inspecteur du travail, caractérise un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser en ordonnant la réintégration de M. X... au sein de l'entreprise BCA. L'ordonnance déférée sera réformée et la réintégration de M. X... à son poste de travail au sein de BCA sera ordonnée sous astreinte de 500 € par jour de retard, passé le délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt et durant deux mois. En conséquence de ladite réintégration, l'obligation de l'employeur de payer le salaire de M. X... Lionel n'est pas sérieusement contestable à partir de la fin de son préavis, date de son éviction jusqu'à sa réintégration effective. A ce stade du référé, seule une provision à valoir sur lesdits salaires peut être accordée au salarié. Cependant, en l'absence de demande chiffrée précise formée par M. X... Lionel, la cour ne peut y faire droit en l'état et sa demande à ce titre ainsi que celle de délivrance des bulletins de salaire y afférents seront rejetées. Une provision sur dommages et intérêts de 3. 000 € lui sera allouée, compte tenu de son préjudice moral résultant de son licenciement illicite. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, au seul profit de M. Lionel X... » ;

1. ALORS QUE le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a dès son prononcé l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; que le juge des référés ne peut méconnaître l'autorité de chose jugée d'un jugement statuant sur le fond ; qu'en l'espèce, postérieurement à la clôture des débats de l'instance de référé, le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre, saisi au fond, a par un jugement du 19 janvier 2016, estimé que le licenciement de Monsieur X... n'était pas intervenu en violation du statut protecteur des représentants du personnel et a, en conséquence, rejeté la demande d'annulation du licenciement de Monsieur X... et les demandes corrélatives d'indemnisation et de réintégration formulées par Monsieur X... ; que, par arrêt du 25 janvier 2016, la cour d'appel de Basse-Terre, statuant en référé, a estimé que le licenciement de Monsieur X... constituait un trouble manifestement illicite pour avoir été prononcé sans autorisation de l'inspecteur du travail et a ordonné la réintégration de Monsieur X... à son poste ; que cet arrêt doit donc être annulé, pour violation des articles 480 et 488 du Code de procédure civile ;

2. ALORS, AU SURPLUS, QUE l'inspecteur du travail n'est plus compétent pour statuer sur une demande d'autorisation de licenciement si la période de protection a expiré avant qu'il se prononce ; qu'en conséquence, lorsque la période de protection expire avant la date de l'entretien préalable au licenciement, l'employeur retrouve le droit de licencier le salarié sans autorisation de l'inspecteur du travail, peu important que les faits reprochés au salarié aient été commis pendant la période de protection ; qu'en l'espèce, il est constant que la période de protection dont bénéficiait Monsieur X... expirait le 5 mai 2014 et qu'il a été convoqué, par lettre du 28 avril 2014, à un entretien préalable au licenciement fixé au 9 mai 2014 ; qu'en conséquence, à la date de l'entretien préalable, la période de protection ayant expiré, l'inspecteur du travail n'était plus compétent pour autoriser le licenciement et l'employeur avait retrouvé son droit de licencier sans autorisation, fût-ce en raison de faits commis pendant la période de protection ; qu'en affirmant cependant que la société BLANDIN CONCEPT AUTOMOBILES devait suivre la procédure particulière et demander l'autorisation de licencier Monsieur X... à l'inspecteur du travail dès lors que la procédure de licenciement a été engagée lorsque la période de protection était encore en cours et que le licenciement notifié à l'expiration de la période de protection pour des faits commis pendant la période de protection était nul, faute d'autorisation de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 2411-5 du Code du travail ;

3. ALORS QUE la lettre de licenciement précisait que le comportement d'insubordination de Monsieur X... avait perduré après l'entretien préalable, son supérieur hiérarchique ayant constaté les 6 et 12 mai 2014 que Monsieur X... continuait de faire usage de son téléphone portable personnel pendant ses heures de travail ; qu'il était également précisé que Monsieur X... avait persisté à prendre un temps exagérément long pour traiter les ordres de travaux qui lui sont confiés, notamment à l'occasion du contrôle du fonctionnement moteur d'un véhicule, le 14 mai 2014, qui avait pris plus de trois fois le temps prévu par le constructeur ; qu'en se bornant à relever que la lettre de licenciement invoquait des faits fautifs commis les 12, 23, 24 et 25 avril 2014, soit avant l'expiration de la période de protection le 5 mai 2014, pour retenir que ces faits auraient dû être soumis à l'inspecteur du travail, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si le comportement fautif du salarié ne s'était pas poursuivi après l'expiration de la période de protection, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de les articles L. 2411-5 et R. 1455-5 du Code du travail

4. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE les faits de violence physique commis par le salarié à l'encontre du chef d'entreprise ou de l'un de ses représentants, postérieurement au licenciement, rendent impossible sa réintégration dans son emploi ; qu'en l'espèce, la société BLANDIN CONCEPT AUTOMOBILES soutenait que la réintégration de Monsieur X... était en tout état de cause impossible, compte tenu des faits de violence commis par le salarié à l'encontre de Monsieur Y..., Directeur des Ressources Humaines de l'entreprise, postérieurement au licenciement, au cours d'une réunion des délégués du personnel du 20 janvier 2015 (conclusions d'appel, p. 13) ; qu'elle précisait qu'au cours de son audition à la gendarmerie, Monsieur X... avait reconnu les faits et été par la suite condamné à une amende de 5ème classe ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ces faits ne rendaient pas impossible la réintégration du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2411-5 et R. 1455-5 du Code du travail.