COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2022
Rejet non spécialement motivé
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10335 F
Pourvoi n° J 20-23.686
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MAI 2022
M. [C] [H], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Les Composants précontraints, a formé le pourvoi n° J 20-23.686 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Banque Tarneaud, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [H], ès qualités, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Banque Tarneaud, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [H], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Les Composants précontraints, aux dépens ;
En application de l'article
700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES
à la présente décision
Moyens produits par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. [H], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Les Composants précontraints.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Me [H], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société CPC, fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la banque Tarneaud ;
1) ALORS QU' en énonçant qu'il n'était pas établi que la banque aurait fait preuve d'une résistance abusive dans le cadre des procédures menées devant le juge des référés du tribunal de commerce de Brive la Gaillarde comme devant le juge de l'exécution de sorte que son droit de se défendre en justice aurait dégénéré en abus (arrêt p. 13 § 1), quand il résultait de ses propres constatations que la banque Tarneaud ne s'était pas bornée à exercer les voies de recours qui lui étaient ouvertes mais avait refusé, pendant trois ans, d'exécuter spontanément les injonctions de régularisation d'incidents de paiement ordonnées en référé à son encontre, ce qui avait contraint la société CPC à saisir plusieurs fois le juge de l'exécution et entraîné la condamnation de la banque à lui payer une astreinte provisoire de 50.000 € et une astreinte définitive de 7.950 € (arrêt p. 3-4), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article
1382 devenu
1240 du code civil ;
2) ALORS QUE la cour d'appel ayant elle-même énoncé que « les 12 incidents survenus entre le 11 décembre 2009 et le 15 décembre 2009 pour un montant total de 112 311,23 euros [
] ne sont pas justifiés par la société Banque Tarneaud alors même qu'elle admet qu'entre le 20 novembre 2009 et le 16 décembre 2009 elle avait accordé à la société CPC un découvert autorisé d'un montant de 250 000 euros garanti par une cession de créance Dailly pour un montant de 265 741,88 euros » (arrêt p. 11 dernier §) et déduit que ces 12 incidents constituaient une faute de la part de la banque Tarneaud (arrêt p. 13 § 2), il s'en évinçait que la position débitrice du compte de la société CPC dans les livres de la banque Tarneaud au 14 décembre 2009 d'un montant de 105.735,68 euros - soit d'un montant légèrement inférieur à celui des 12 incidents imputables à la banque survenus à cette période - résultait d'une faute imputable à la banque ; qu'en affirmant le contraire (arrêt p. 12 § 5), pour juger qu'aucune faute n'était imputable à la banque au titre du retrait de la garantie de la SFAC, la cour d'appel n'a, de nouveau, pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article
1382 devenu
1240 du code civil ;
3) ALORS QUE l'auteur d'une faute qui a directement causé un préjudice doit être condamné à le réparer, nonobstant le fait que cette faute ne soit pas la cause exclusive du dommage considéré ; qu'en écartant la responsabilité de la banque Tarnaud dans le retrait de la garantie de la SFAC au motif qu'il n'était pas établi que la position débitrice du compte de la société CPC ouvert dans les livres de la banque Tarneaud au 14 décembre 2009 était la cause « exclusive » du retrait de la garantie de la SFAC (arrêt p. 12 § 5), la cour d'appel a violé l'article
1382 devenu
1240 du code civil ;
4) ALORS QU' il ressort des motifs propres et adoptés de l'arrêt attaqué que c'est le rejet injustifié par la banque Tarneaud de deux chèques de la société CPC des 11 et 14 décembre 2009 ayant fait l'objet d'un signalement injustifié à la Banque de France qui ont conduit la SFAC à interroger la société CPC le 14 décembre 2009 en lui demandant de lui communiquer le solde de l'ensemble de ses comptes bancaires, alors que le 27 novembre 2009, soit moins de trois semaines auparavant, elle lui avait confirmé sa garantie (arrêt p. 12 § 3 et jugement p. 8 §§ 1-2) ; que la cour d'appel a elle-même constaté, par motifs propres, qu'au jour de la demande d'informations adressée par la SFAC à la société CPC le 14 décembre 2009, seul son compte ouvert dans les livres de la banque Tarneaud présentait une position débitrice et, par motifs adoptés, que la SFAC a retiré sa garantie à la société CPC alors même que le dirigeant de cette dernière lui avait précisé que la position débitrice du compte était couverte par la cession à la banque Tarneaud d'une créance d'un montant supérieur (arrêt p. 12 § 4 et jugement p. 8 § 4), ce dont il résultait que bien que le dirigeant de la société CPC ait tenté de rassurer la SFAC, le signalement injustifié à la Banque de France fait par la banque Tarneaud et la position débitrice du compte non conforme à la réalité ont irrémédiablement fait perdre à la société CPC la confiance que lui accordait la SFAC ; qu'en énonçant que Me [H] ne démontrait pas que le retrait de la garantie de la SFAC était imputable à la banque Tarneaud, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article
1382 devenu
1240 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Me [H], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société CPC, fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la banque Tarneaud ;
1) ALORS QUE la cour d'appel a retenu le caractère injustifié et donc constitutif d'une faute de la part de la banque Tarneaud des 34 incidents portant sur la période allant du 22 juillet 2009 au 6 juillet 2011, de l'incident tenant à l'annulation du prélèvement du 29 janvier 2010 pour un montant de 1.614,60 € et des 7 incidents intervenus entre le 25 novembre et le 4 décembre 2009 portant sur le décaissement du prêt d'un montant de 700.000 € mais a écarté la responsabilité de la banque Tarneaud au titre de ces incidents au prétexte qu'ils avaient été régularisés rapidement par la banque et qu'il n'était donc pas établi qu'ils aient eu un impact sur le fonctionnement du compte de la société CPC, autrement dit en raison de l'absence de preuve d'un préjudice comptable (arrêt p. 10 § 7, p. 11 §§ 3 et 5 et p. 12 § 7) ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (conclusions p. 5 § 7, p. 15-16 et 21), si nonobstant leur régularisation et au-delà d'un simple préjudice comptable, ces incidents répétés sur une période de deux ans n'avaient pas déstabilisé la société CPC et ne lui avaient pas causé, compte tenu de ses spécificités, une grave perte d'image de solvabilité aux yeux de ses partenaires commerciaux et financiers l'ayant conduite à la liquidation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1382, devenu
1240, du code civil ;
2) ALORS QU' à supposer même que seuls les 12 incidents survenus entre le 11 et le 15 décembre 2009 pour un montant total de 112.311,23 € doivent être pris en compte pour apprécier l'existence d'un lien de causalité entre les fautes commises par la banque Tarneaud et la liquidation judiciaire de la société CPC, la cour d'appel s'est bornée à comparer le montant de ces incidents avec celui des préjudices dont la réparation était demandée pour en déduire, au regard de l'écart de montants, que les premiers ne pouvaient pas avoir causé les seconds (arrêt p. 13-14), sans répondre aux conclusions de l'exposant (p. 5-6, 17-18) qui faisaient valoir que les incidents précités avaient déclenché un processus de réactions en chaîne (notamment la perte de la garantie de la SFAC, la réduction des délais fournisseurs et un discrédit irrémédiable auprès des clients) qui avait abouti à la liquidation judiciaire de la société CPC, de sorte que les fautes commises par la banque Tarneaud en étaient bien la cause ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article
455 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE la responsabilité d'une banque pour rupture abusive de crédit est engagée dès lors que sa faute a contribué, même seulement pour partie, à la liquidation judiciaire de son client ; que pour juger qu'il n'était pas établi de lien de causalité entre les fautes retenues à l'encontre de la banque Tarneaud et les préjudices dont Me [H] demandait la réparation, la cour d'appel a relevé que les difficultés financières de la société CPC ayant conduit à sa liquidation financières tenaient « principalement » à des difficultés antérieures aux fautes reprochées à la banque et à des difficultés liées à la crise de son secteur d'activité (arrêt p. 13 §§ 6-7 et p. 14 §§ 1-2) ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à exclure que les fautes commises par la banque Tarneaud aient contribué aux difficultés financières de la société CPC ayant conduit à sa liquidation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1382, devenu
1240, du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Me [H], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société CPC, fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande subsidiaire tendant à voir condamner la banque Tarneaud à lui verser la somme de 2.265.000 € représentant le manque à gagner en trésorerie de la société Les composants précontraints du fait des ruptures abusives de crédit ;
ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que la réparation du manque à gagner de trésorerie, qui est un préjudice propre à la société CPC, subi alors qu'elle était in bonis et résultant de manquements de la banque s'inscrivant dans un cadre contractuel, ne saurait être réclamée par le liquidateur (arrêt p. 14 § 8), sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article
16 du code de procédure civile.