Vu la procédure suivante
:
Par une requête enregistrée le 25 janvier 2021, M. D F, représenté par Me Petitgirard, doit être regardé comme demandant au tribunal :
1°) d'annuler la décision ministérielle du 30 janvier 2020 lui refusant la révision de sa pension pour aggravation de l'infirmité " acouphènes permanents de l'oreille gauche " aux taux d'invalidité de 25% et pour l'infirmité nouvelle au titre des " séquelles d'entorse grave du genou droit " au taux d'invalidité de 20 % ;
2°) de réévaluer son infirmité pensionnée au taux d'invalidité de 25% et d'ouvrir ses droits à pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles d'entorse grave du genou droit " au taux d'invalidité de 20%, à compter du 9 janvier 2018, date de sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- son infirmité " acouphènes permanents de l'oreille gauche ", au titre de laquelle lui a été concédée une pension militaire d'invalidité à titre définitif au taux d'invalidité de 10% à compter du 13 août 2010 s'est aggravée, et doit être évaluée au taux d'invalidité de 25% ;
- sa demande de pension au titre de son infirmité " dureté des deux oreilles " est recevable et doit être évaluée à un taux d'invalidité de 10% ;
- son infirmité " séquelles d'entorse grave du genou droit " avec rupture du ligament croisé antérieur externe, traitée chirurgicalement, imputable à un accident de service survenu le 13 août 2001, doit être fixée à un taux d'invalidité de 20 %, sans qu'aucun état antérieur ne puisse être retenu.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 mars 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête doit être requalifiée en tant qu'elle porte sur l'annulation de la décision de la commission de recours de l'invalidité du 18 novembre 2020 prise sur le recours administratif préalable obligatoire formé par M. F contre la décision de la ministre des armées du 30 janvier 2020, qui s'y est substituée
- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une décision du 23 avril 2021, M. F a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 28 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 août 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Soddu;
- les conclusions de Mme Nègre-Le Guillou, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Petitgirard, représentant M. F.
Considérant ce qui suit
:
1. M. D F s'est engagé dans l'armée de terre à compter du 2 octobre 2001 et a été radié des contrôles le 4 juillet 2012. Par un arrêté du 6 septembre 2010, il lui a été concédé, à compter du 13 août 2010, une pension militaire d'invalidité à titre définitif au taux d'invalidité de 10 %, au titre de l'infirmité " acouphènes gauches permanents " qui a été reconnue imputable au service suite à un accident de tir le 22 novembre 2005. Par quatre demandes enregistrées le 9 janvier 2018, il a sollicité, d'une part, la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de son infirmité pensionnée au taux de 25 %, et d'autre part, la concession d'une pension militaire d'invalidité au titre d'infirmités nouvelles " traumatisme du genou gauche ", " entorse et ligamentoplastie et méniscectomie du genou droit " et " discopathie protusive, rachialgies lombaires et gonalgies ". Par une décision du 30 janvier 2020, la ministre des armées a rejeté ses demandes. M. F a formé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours de l'invalidité (CRI), concernant la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de son infirmité pensionnée et l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre d'infirmité nouvelle " séquelles de l'entorse du genou droit ", lequel a été rejeté par une décision du 18 novembre 2020. Par la présente requête, M. F doit être regardé comme demandant au tribunal d'annuler cette dernière décision qui s'est substituée à la décision initiale du 30 janvier 2020, de réévaluer son infirmité pensionnée au taux d'invalidité de 25% et d'ouvrir ses droits à pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles d'entorse grave du genou droit " au taux d'invalidité de 20%, à compter du 9 janvier 2018, date de sa demande.
Sur le cadre du litige :
2. En premier lieu, lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article
L.151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle. () ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'il convient de rechercher le degré d'invalidité à la date de la demande et de ne pas tenir compte d'aggravations survenues après cette date, soit en l'espèce au 9 janvier 2018.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'aggravation de l'infirmité " acouphènes gauches permanents ":
5. Aux termes de l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ".
6. Il résulte de ces dispositions que la pension d'invalidité concédée à titre définitif dont la révision est demandée pour aggravation n'est susceptible d'être révisée que lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités se trouve augmenté d'au moins dix points.
7. D'une part, il n'est pas établi, ni même allégué, que les acouphènes seraient la cause directe et déterminante de l'hypoacousie. Cette infirmité ne peut donc être regardée comme une aggravation par complication médicale de l'infirmité pensionnée.
8. D'autre part, il est constant que la demande de révision présentée par M. F le 9 janvier 2018, porte sur l'infirmité " acouphènes gauches permanents ". Alors que l'infirmité " dureté de l'oreille " n'a pas été indemnisée au titre de la pension militaire d'invalidité concédée par arrêté du 6 septembre 2010 et que M. F n'a pas saisi la direction des pensions d'une demande tendant à cette fin, la commission de recours de l'invalidité, dans sa décision du 18 novembre 2020, relevant qu'elle ne pouvait se prononcer que sur des droits que le demandeur avait préalablement fait valoir devant l'administration, a estimé que les conclusions du recours tendant à la concession d'une pension pour séquelles de " dureté de l'oreille " étaient irrecevables. A supposer que le requérant ait entendu formuler une telle demande, l'évaluation à 2% du taux d'invalidité de cette infirmité est en tout état de cause inférieure au minimum indemnisable de 10 %. Dans ces conditions, la demande au titre de l'infirmité nouvelle " dureté de l'oreille " ne peut s'analyser comme une demande de révision pour aggravation d'une infirmité pensionnée au sens de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, mais doit être regardée comme une nouvelle demande de pension militaire d'invalidité. Par suite, M. F n'est pas fondé à demander la révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité nouvelle " dureté de l'oreille ".
9. Enfin, M. F, suite à un accident de tir le 22 septembre 2005, s'est vu octroyer une pension militaire d'invalidité à titre définitif à compter du 13 août 2010 au taux d'invalidité de 10 %, au titre de l'infirmité " acouphènes gauches permanents ". Il résulte de l'instruction que pour refuser la révision de sa pension militaire pour aggravation au titre de cette infirmité, la ministre des armées dans le cadre des expertises réglementaires s'est fondée sur l'expertise réalisée par le Dr B, le 27 août 2019, qui relève que M. F a eu un traumatisme sonore, responsable d'acouphènes, infirmité déjà reconnue et présente une baisse asymétrique de l'acuité auditive qui s'est accentuée avec le temps. Selon cet expert, le taux de 10 % accordé au titre de la pension correspond aux acouphènes ressentis par le requérant et l'infirmité de surdité est évaluée à un taux d'invalidité de 2 % selon le barème des pensions militaires d'invalidité, inférieur au taux de 10 % dans le cadre d'une demande de pension pour infirmité nouvelle. La commission de recours de l'invalidité s'est quant à elle fondée, pour rejeter la demande de pension de M. F, sur l'avis rendu par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité le 16 janvier 2020, confirmant l'expertise du Dr B, qui retient un état séquellaire stable et l'absence d'évolution des conséquences séquellaires du traumatisme sonore survenu le 2 novembre 2005, justifiant le maintien d'un taux d'invalidité de 10 %. Pour contester ces conclusions, M. F se prévaut d'une expertise médicale réalisée, à sa demande, le 22 juillet 2020 par le Dr. A, médecin-conseil des victimes, selon lequel, au terme de l'examen clinique et à la date du 20 juillet 2020, M. F présente une aggravation des acouphènes persistants, s'intensifiant au fil des années, gênant l'endormissement et pouvant le réveiller la nuit et décrit également une sensation de fatigue nerveuse, et conclut à l'évaluation d'un taux d'invalidité à 15 % pour cette infirmité, soit une aggravation de 5 % par rapport au taux d'invalidité pensionnée. Ainsi, l'évaluation de l'aggravation de l'infimité pensionnée par le docteur A est inférieure à 10 points s'agissant des acouphènes. Dans ces conditions, cette dernière expertise confirme que l'aggravation de l'infirmité est inférieure au minimum indemnisable de 10 %. Par suite, la décision de la commission de recours de l'invalidité du 18 novembre 2020 en tant qu'elle rejette la révision de la demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " acouphènes gauches permanents " n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne l'ouverture des droits à pension militaire d'invalidité pour l'infirmité nouvelle " séquelles d'entorse grave du genou droit " :
10. Aux termes de l'article de L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par la suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service () ". Aux termes de l'article
L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. ". Aux termes de l'article L. 121-5 du même code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; () ". Enfin, aux termes de l'article L. 125-1 du même code : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. "
11. Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service
12. Il résulte de l'instruction que M. F souffre de " séquelles d'entorse grave du genou droit " avec rupture du ligament croisé antérieur externe, suite à un accident survenu en service à l'occasion d'un parcours d'évaluation physique, traitées chirurgicalement le 24 juillet 2002. Il expose qu'il a des douleurs avec sensation de blocage des deux genoux avec une intensité supérieure sur le genou droit, des douleurs mécaniques lors de la marche et de la station debout prolongée, des douleurs parfois insomniantes, une incapacité de pratiquer des activités sportives nécessitant un appui sur les membres inférieurs, notamment droits et une gêne occasionnelle dans sa vie professionnelle. Il produit à l'appui de ses allégations, une expertise médicale du Dr E en date du 13 novembre 2019 qui relève, qu'à la date de l'expertise, il est possible de constater une aggravation de l'articulation du genou droit, que l'accroupissement est incomplet, douloureux et nécessite l'aide des bras pour se relever, qu'il peut s'agenouiller mais ne peut prendre appui sur ses talons et que les souffrances endurées pour la période d'évaluation sont évaluées à un sur sept du fait de l'astreinte aux soins et des douleurs. Il produit également une expertise médicale du Dr A du 22 juillet 2020, soit postérieure à la demande de pension militaire du requérant, qui relève l'absence d'état antérieur évident et conclut à un taux d'invalidité de 20 %. Toutefois, il ressort tant de l'expertise réalisée le 28 novembre 2019 par le médecin missionné par le ministère des armées, que de l'avis du médecin en charge des pensions militaires d'invalidité, que l'état séquellaire de M. F se limite à une légère amyotrophie du quadriceps droit, des gonalgies fémoro-tibiale interne sans limitation réelle de flexion, ni instabilité avec une chondropathie patellaire, que la marche sur talons et pointes des pieds de façon bilatérale est possible, que l'accroupissement est réalisé de façon complète avec douleur du genoux bilatérale, qu'il n'existe aucune laxité frontale rotulienne bilatérale, ni syndrome rotulien bilatéral, et justifie, en conséquence, un taux d'invalidité inférieur à 15 %, dont la moitié est en rapport avec un état antérieur de dysplasie trochléenne haute, anomalie constatée par imagerie magnétique par résonnance du 2 novembre 2016, et d'un morphotype en varus. La circonstance que le requérant ne présentait pas cette anomalie genu varum avant l'entrée en service ne suffit pas à démontrer que celle-ci résulte de l'accident de service survenu du 13 août 2001. Par suite, eu égard au caractère modéré de la symptomatologie de M. F et, en accord avec les mentions indicatives du guide-barème des pensions militaires d'invalidité, l'administration n'a pas commis d'erreur d'appréciation en retenant un taux d'invalidité inférieur à 10 % pour l'infirmité " séquelles d'entorse grave du genou droit ", à la date du 9 janvier 2018, inférieur au taux indemnisable.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. F tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2020, à la réévaluation de ses droits à pension, et à l'ouverture de ses droits à pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles d'entorse grave du genou droit " sont rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. F est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. D F, à Me Petitgirard et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Molina-Andréo, présidente,
Mme Soddu, première conseillère,
Mme Biscarel, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023.
La rapporteure,
N. SODDU
La présidente,
B. MOLINA-ANDRÉO La greffière,
M. C
La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme :
La greffière en chef,
2100372