Chronologie de l'affaire
Cour d'appel d'Aix-en-Provence 11 février 2021
Cour de cassation 07 juillet 2022

Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 7 juillet 2022, 21-15036

Mots clés société · assurances · autorité · qualification · réparation · chose · pourvoi · correctionnel · assureur · préjudice · mutuelles · absolue · circulation · chaussée · tirée

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 21-15036
Dispositif : Cassation
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 février 2021
Président : M. Pireyre (président)
Rapporteur : Mme Chauve
Avocat général : M. Grignon Dumoulin
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Le Prado - Gilbert
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:C200777

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 11 février 2021
Cour de cassation 07 juillet 2022

Texte

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 juillet 2022

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 777 F-D

Pourvoi n° C 21-15.036

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUILLET 2022

La société Matmut assurances, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-15.036 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,

2°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

toutes deux ayant leur [Adresse 1] et venant aux droits de la société Covéa Fleet,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Matmut assurances, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure



1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 février 2021), [G] [I], conducteur d'une motocyclette, est décédé dans un accident de la circulation dans lequel étaient impliqués un véhicule conduit par M. [K], assuré auprès de la société Matmut assurances (l'assureur), et un camion assuré auprès de la société Covea Fleet aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles.

2. Poursuivi notamment des chefs d'homicide involontaire, de circulation éloignée du bord droit de la chaussée, et de circulation sur la partie gauche d'une chaussée à double sens de circulation, M. [K] a été renvoyé de tous les chefs de la poursuite mais condamné sur le plan civil, in solidum avec son assureur, à payer différentes sommes aux ayants droit de [G] [I].

3. L'assureur a assigné les assureurs du camion impliqué pour obtenir leur condamnation à supporter une partie de l'indemnisation mise à sa charge.


Examen du moyen


Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil ne pouvait être déduite de la relaxe prononcée le 11 février 2014 par le tribunal correctionnel de Marseille au bénéfice de M. [K], que ce dernier avait commis une faute de conduite, que M. [Y] et les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD ne seraient pas tenus à la contribution à la dette de réparation du préjudice corporel de [G] [I], alors « que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé ; que l'autorité absolue de la chose jugée au pénal s'attache tant au dispositif du jugement qu'aux motifs qui en sont le soutien nécessaire ; qu'en jugeant « qu'aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil ne peut être déduite de la relaxe prononcée le 11 février 2014 par le tribunal correctionnel de Marseille au bénéfice de M. [K] et que l'absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l'article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage sur le fondement de l'article 1241 du code civil si l'existence de la faute civile prévue par cet article est établie », la cour d'appel a violé l'article 4-1 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1351, devenu 1355 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil, et l'article 4-1 du code de procédure pénale :

5. Si le second de ces textes permet au juge civil en l'absence de faute pénale non intentionnelle de retenir une faute civile, l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil posé par le premier de ces textes, reste attachée à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé.

6. Pour rejeter la demande de l'assureur contre les assureurs du camion impliqué dans l'accident, l'arrêt rappelle d'abord qu'un tribunal correctionnel a renvoyé des fins de la poursuite M. [K] des chefs d'homicide involontaire avec cette circonstance qu'il avait omis délibérément de maintenir son véhicule près du bord droit de la chaussée, avant de se déporter et de circuler sur la partie gauche de la chaussée.

7. Il indique qu'en vertu de l'article 4-1 du code de procédure pénale, aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée ne peut être déduite de la relaxe prononcée par le jugement.

8. Il relève ensuite qu'il résulte des constatations des services de police corroborées par les déclarations concordantes du chauffeur du camion impliqué dans l'accident et d'un tiers témoin que le véhicule de M. [K] s'est déporté par inadvertance vers la voie de gauche de la chaussée, sur laquelle circulait [G] [I]. Il en déduit que M. [K] a commis une faute de conduite de circulation sur la voie de gauche.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une faute civile de conduite distincte de celles pour lesquelles la relaxe a été prononcée, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Matmut assurances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Matmut assurances et la condamne à payer aux sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Matmut assurances

La Matmut fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit qu'aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil ne pouvait être déduite de la relaxe prononcée le 11 février 2014 par le tribunal correctionnel de Marseille au bénéfice de M. [K], d'AVOIR dit que M. [K] avait commis une faute de conduite et d'AVOIR dit que M. [Y] et les sociétés MMA TARD Assurances Mutuelles et MMA TARD ne seraient pas tenus à la contribution à la dette de réparation du préjudice corporel de [G] [I] ;

1°) ALORS QUE les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé ; que l'autorité absolue de la chose jugée au pénal s'attache tant au dispositif du jugement qu'aux motifs qui en sont le soutien nécessaire ; qu'en jugeant « qu'aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil ne peut être déduite de la relaxe prononcée le 11 février 2014 par le tribunal correctionnel de Marseille au bénéfice de M. [K] [et que] l'absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l'article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage sur le fondement de l'article 1241 du code civil si l'existence de la faute civile prévue par cet article est établie » (arrêt p. 7 § 4), la cour d'appel a violé l'article 4-1 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1351, devenu 1355 du code civil ;

2°) ALORS QUE les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé ; que l'autorité absolue de la chose jugée au pénal s'attache tant au dispositif du jugement qu'aux motifs qui en sont le soutien nécessaire ; que par un jugement du 11 février 2014 le tribunal correctionnel a prononcé la relaxe de M. [K] aux motifs qu'« aucune faute ne peut être retenue à l'encontre du prévenu » (jugement du tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence du 11 février 2014, p. 4, dernier al.) et a ainsi définitivement jugé que les circonstances de l'accident étaient indéterminées et qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre de M. [K] ; qu'en jugeant, dès lors, « que M. [K] a[vait] bien commis une faute de conduite » (arrêt p. 7 § 4), la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à la décision de relaxe rendue par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence le 11 février 2014, au profit de M. [K] et a violé l'article 1351, devenu 1355 du code civil, ensemble l'article 1251 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 1382, devenu 1240, du code civil.