Vu la procédure suivante
:
Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2023, et un mémoire, enregistré le 4
janvier 2024, M. A B, représenté par Me
Troude, demande au juge des référés, dans le dernier état
de ses écritures :
1°)
de tenir l'audience à huis clos et d'occulter son nom patronymique
de l'ordonnance à intervenir ;
2°)
de suspendre, à titre principal, en application
de l'article
L. 521-1 du code
de justice
administrative, l'exécution
de l'arrêté du 12 octobre 2023 portant interdiction temporaire d'exercer les fonctions visées à l'article
L. 212-13 du code du sport selon la procédure d'urgence ;
3°)
de suspendre, à titre subsidiaire, l'exécution
de l'arrêté du 12 octobre 2023 en tant qu'il lui interdit d'exercer, à titre rémunéré ou bénévole, les fonctions visées à l'article
L. 212-13 du code du sport, à l'égard d'un public majeur ;
4°)
de mettre à la charge
de l'État la somme
de 3 000 euros au titre
de l'article
L. 761-1 du code
de justice
administrative.
Il soutient, dans le dernier état
de ses écritures, que :
- la condition tenant à l'urgence est satisfaite, dès lors que, du fait
de l'arrêté attaqué, son unique employeur, un club
de football, a suspendu son contrat
de travail et ne lui verse plus
de rémunération depuis la fin du mois d'octobre 2023, qu'il a été mis fin à son contrat
de travail par une rupture conventionnelle, qu'il est, dès lors, dans une situation financière gravement difficile, ne percevant, en particulier, pas l'allocation
de retour à l'emploi, que cette situation financière délicate est
de nature à perdurer car, si la mesure attaquée présente un caractère temporaire, elle a vocation à être prorogée et qu'il n'existe pas d'intérêt public à ne pas suspendre ;
- il existe un doute sérieux sur la légalité
de l'arrêté attaqué, dès lors que celui-ci a été pris sans la consultation
de la commission prévue à l'article
L. 212-13 du code du sport alors que l'urgence, au sens
de cet article, n'est pas établie, qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, et que le requérant, dont la moralité et les compétences techniques ne sauraient être remises en cause, n'avait pas connaissance
de la minorité
de la personne à laquelle il a envoyé, par une application
de messagerie, la photographie dont il s'agit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2
janvier 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet
de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu :
- la requête au fond n° 2306714 enregistrée le 13 décembre 2023 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du sport ;
- le décret
n° 2019-797 du 26 juillet 2019 ;
- le code
de justice
administrative.
Le président du
tribunal a désigné M. Jouno, président, pour statuer sur les demandes
de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour
de l'audience.
Ont été entendus au cours
de l'audience du 5
janvier 2024 :
- le rapport
de M. Jouno,
- les observations
de Me
Troude, représentant M. B, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens,
- et les observations
de M. C, représentant le préfet d'Ille-et-Vilaine.
La clôture
de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit
:
1. Par un arrêté du 12 octobre 2023 (article 1er), le préfet d'Ille-et-Vilaine a interdit à M. B d'exercer les fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 ou L. 322-7 du code du sport ou d'intervenir auprès
de mineurs au sein des établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article
L. 322-1 du code du sport. Cette interdiction est applicable, selon l'article 2
de cet arrêté, durant une période
de six mois ou, si des poursuites pénales sont engagées, jusqu'à l'intervention d'une décision définitive du juge pénal. Par la présente requête, M. B demande au juge des référés
de suspendre, en application
de l'article
L. 521-1 du code
de justice administrative, l'exécution
de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin
de suspension :
2. Aux termes
de l'article
L. 521-1 du code
de justice
administrative : " Quand une décision
administrative, même
de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension
de l'exécution
de cette décision, ou
de certains
de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état
de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité
de la décision () ".
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte
administratif lorsque l'exécution
de celui-ci porte atteinte,
de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets
de l'acte litigieux sur la situation
de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont
de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement
de la requête au fond, l'exécution
de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu
de l'ensemble des circonstances
de l'espèce.
4. Pour justifier
de l'urgence attachée à la suspension
de l'exécution
de l'arrêté attaqué, le requérant soutient que, du fait
de celui-ci, son unique employeur, un club de football, a suspendu son contrat de travail et ne lui verse plus de rémunération depuis la fin du mois d'octobre 2023, qu'il a été mis fin à son contrat de travail par une rupture conventionnelle, qu'il est, dès lors, dans une situation financière gravement dégradée, d'autant qu'il ne perçoit pas l'allocation
de retour à l'emploi et que cette situation financière délicate est
de nature à perdurer car, si la mesure attaquée présente un caractère temporaire, elle a vocation à être prorogée, et qu'il n'existe pas d'intérêt public à ne pas suspendre.
5. Toutefois, en premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment d'une attestation établie le 3
janvier 2024 par le président du club
de football qui employait M. B, que la cessation
de son contrat
de travail a résulté d'une rupture conventionnelle. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. B, il a, en vertu
de l'article
2 du décret
n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage, droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi. Dans ces conditions, et eu égard au caractère temporaire
de l'interdiction que l'arrêté attaqué prévoit, celui-ci ne saurait être regardé comme plaçant M. B dans un état d'impécuniosité révélant, à lui seul, une situation d'urgence. Au surplus, contrairement à ce qui est allégué, cet arrêté n'est pas la seule cause
de la rupture du contrat
de travail
de M. B, dès lors qu'il ressort
de l'attestation précitée que celle-ci est justifiée également par la décision " du comité
de direction
de la Ligue
de Bretagne
de football du 31 octobre 2023
de suspendre toutes ses licences ".
6. En second lieu, il est constant que M. B a communiqué des photographies à un mineur âgé
de dix-sept ans et neuf mois, ancien pratiquant du club au sein duquel il travaillait, dont il ne pouvait d'ailleurs, compte tenu
de ses fonctions, ignorer l'âge effectif. Les parties s'accordent sur la nature et le caractère tant suggestif qu'inapproprié
de ces photographies. Dès lors, l'arrêté attaqué, qui se borne à prononcer une interdiction temporaire d'exercer, répond à un objectif
de préservation
de l'ordre et
de la sécurité publics.
7. Il résulte
de ce qui précède que la condition tenant à l'urgence, requise par l'article
L. 521-1 du code
de justice
administrative, n'est pas remplie. Les conclusions
de M. B tendant à la suspension
de l'exécution
de l'arrêté précité du 12 octobre 2023 ne peuvent, par conséquent, qu'être rejetées. Il en va
de même, par voie
de conséquence, des conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
8. Les dispositions
de l'article
L. 761-1 du code
de justice
administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge
de l'État au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête présentée par M. B est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B et à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques.
Copie en sera transmise pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Fait à
Rennes, le
11 janvier 2024.
Le juge des référés,
signé
T. JounoLa greffière,
signé
P. Lecompte
La République mande et ordonne à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques en ce qui la concerne et à tous huissiers
de justice à ce requis en ce qui concerne les voies
de droit commun contre les parties privées,
de pourvoir à l'exécution
de la présente décision.
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