DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 40472/11
Gülşen DUTÇU
contre la Turquie
La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant le 15 octobre 2013 en un comité composé de :
Dragoljub Popović, président,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Helen Keller, juges,
et de Seçkin Erel, greffier adjoint de section f.f.,
Vu la requête susmentionnée introduite le 1er juillet 2010 ;
Vu la déclaration unilatérale déposée par le gouvernement défendeur le 17 janvier 2013 et invitant la Cour à rayer la requête du rôle, ainsi que la réponse de la partie requérante à cette déclaration ;
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
FAITS ET PROCÉDURE
La requérante, Mme Gülşen Dutçu, est une ressortissante turque, née en 1959, et résidant à Antalya. Elle a été représentée devant la Cour par Me N. Aksarı, avocat à Antalya.
Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.
Sans invoquer aucune disposition de la Convention ou de ses Protocoles, la partie requérante se plaignait, avant tout, de la durée de sa détention provisoire, imposée du fait pour elle d'avoir blessé par balles S.C., à savoir le concierge de son local commercial.
Elle soumettait en outre des allégations concernant une série de conflits entre elle et S.C. qui, après l'incident, aurait pris possession dudit local.
A l'issue de l'audience tenue le 6 juillet 2010, dans le cadre de son procès, la requérante fut mise en liberté par la cour d'assises. A ce jour, la procédure est toujours pendante devant cette juridiction.
La requête a été communiquée au Gouvernement le 25 janvier 2012.
EN DROIT
A. Durée de la détention provisoire
La partie requérante se plaignait de la durée de la détention provisoire subie par elle.
Après l'échec des tentatives de règlement amiable, par une lettre du 17 janvier 2013, le Gouvernement a informé la Cour qu'il envisageait de formuler une déclaration unilatérale afin de résoudre la question soulevée à ce titre. Il a en outre invité la Cour à rayer celle-ci du rôle en application de l'article 37 de la Convention.
La déclaration était ainsi libellée :
« I declare that the Government of the Republic of Turkey offers to pay to the applicant, Ms Gülşen Dutçu, the amount of 3 260 (three thousand and two hundred and sixty) Euros in respect of the application registered under no. 40472/11. This sum, appropriate in the light of the jurisprudence of the Court, covers any pecuniary and non-pecuniary damage as well as costs, and shall be paid in Turkish Liras, free of any tax that may be applicable. The sum shall be payable within three monts from the date of delivery of the decision by the Court pursuant to Article 37 § 1 of the European Convention on Human Rights. This payement will constitute the final resolution of the case.
The Gouvernement considers that in the present case, the length of the applicant's detention was not in accordance with the requirements established by the case-law of the Court, failed to meet the standards enshrined in Article 5 § 3 of the European Convention on Human Rights (Cahit Demirel v. Turkey, no 18623/03, 7 July 2009). The Government respectfully invites the Court to declare that it is not justified anymore to continue the examination of the application and to strike the case out of its lists in accordance with Article 37 of the Convention. »
Le 11 février 2013, la requérante a été invitée à présenter ses commentaires sur la déclaration unilatérale envoyée par le Gouvernement. Par une lettre du 10 mars 2013, la partie requérante a indiqué qu'elle n'était pas satisfaite des termes de cette déclaration.
La Cour rappelle qu'en vertu de l'article 37 de la Convention, à tout moment de la procédure, elle peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances l'amènent à l'une des conclusions énoncées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cet article. L'article 37 § 1 c) lui permet en particulier de rayer une affaire du rôle si :
« pour tout autre motif dont la Cour constate l'existence, il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête ».
La Cour rappelle aussi que, dans certaines circonstances, il peut être indiqué de rayer une requête du rôle en vertu de l'article 37 § 1 c) sur la base d'une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l'examen de l'affaire se poursuive.
A cette fin, la Cour doit examiner de près la déclaration à la lumière des principes que consacre sa jurisprudence, en particulier l'arrêt Tahsin Acar (Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], no 26307/95, §§ 75-77, CEDH 2003-VI, WAZA Spółka z o.o. c. Pologne (déc.) no 11602/02, 26 juin 2007, et Sulwińska c. Pologne (déc.) no 28953/03, 18 septembre 2007).
La Cour a établi dans un certain nombre d'affaires, dont celles dirigées contre la Turquie, sa pratique en ce qui concerne les griefs similaires tirés de la durée d'une détention provisoire (voir, par exemple, Cahit Demirel c. Turquie, no 18623/03,7 juillet 2009).
Eu égard à la nature des concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, ainsi qu'au montant de l'indemnisation proposée - qui est au demeurant conforme aux montants alloués dans des affaires similaires -, la Cour estime qu'il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête (article 37 § 1 c)). A cet égard, il convient de souligner que la Cour attache une importance particulière au fait que la détention provisoire de la requérante au sens de l'article 5 § 3 de la Convention a pris fin le 6 juillet 2010 avec sa mise en liberté par la cour d'assises (Zdziarski c. Pologne, no 14239/09, §§ 22-24, 25 janvier 2011, et Bieniek c. Pologne, no 46117/07, § 22, 1er juin 2010).
En outre, à la lumière des considérations qui précèdent et eu égard, en particulier, à sa jurisprudence claire et abondante à ce sujet, la Cour estime que le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses Protocoles n'exige pas qu'elle poursuive l'examen de la requête (article 37 § 1 in fine).
Enfin, la Cour souligne que, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l'article 37 § 2 de la Convention (Josipović c. Serbie (déc.), no 18369/07, 4 mars 2008).
Dans ces circonstances, il y a lieu de rayer l'affaire du rôle pour autant qu'elle concerne ce grief précis.
B. Le restant de la requête
La partie requérante faisait également valoir certains griefs relativement aux conflits patrimoniaux qu'elle aurait eus, après l'incident, avec S.C.
Ayant examiné avec soin ces doléances à la lumière de l'ensemble des éléments en sa possession, et pour autant que les questions litigieuses relèvent de sa compétence, la Cour estime qu'ils ne révèlent aucune apparence de violation des droits et libertés énoncés par la Convention ou ses Protocoles.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 35 §§ 3 (a) et 4 de la Convention.
Par ces motifs
, la Cour, à l'unanimité,
Prend acte des termes de la déclaration du gouvernement défendeur concernant l'article 5 § 3 de la Convention et des modalités prévues pour assurer le respect des engagements ainsi pris ;
Décide de rayer la requête du rôle en application de l'article 37 § 1 c) de la Convention pour autant qu'elle concerne la durée de la détention provisoire ;
Déclare le restant de la requête irrecevable.
Seçkin Erel Dragoljub Popović
Greffier adjoint f.f. Président