CJUE, 13 juillet 1995, C-156/93

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Texte intégral

Avis juridique important | 61993J0156 Arrêt de la Cour du 13 juillet 1995. - Parlement européen contre Commission des Communautés européennes. - Réglementation du mode de production biologique de produits agricoles - Compétences respectives du Conseil et de la Commission - Prérogatives du Parlement. - Affaire C-156/93. Recueil de jurisprudence 1995 page I-02019 Sommaire Parties Motifs de l'arrêt Décisions sur les dépenses Dispositif Mots clés ++++ 1. Recours en annulation ° Droit de recours du Parlement ° Conditions de recevabilité ° Défense de ses prérogatives ° Participation au processus législatif ° Recours fondé sur l' insuffisance de motivation de l' acte attaqué ° Irrecevabilité ° Atteinte portée à travers la modification par la Commission d' un acte pris par le Conseil sur le fondement d' une disposition du traité prévoyant l' obligation de consulter le Parlement ° Recevabilité (Traité CEE, art. 173 et 190) 2. Agriculture ° Politique agricole commune ° Règlements ° Procédure d' élaboration ° Distinction entre règlements de base et règlements d' exécution ° Règlement d' exécution adopté sans consultation du Parlement ° Impératifs à respecter dans le cas d' un règlement arrêté sans consultation du Parlement pour assurer l' existence d' un règlement de base ayant donné lieu à cette consultation ° Règlement de la Commission n 207/93 ° Dépassement du cadre de l' exécution des principes définis par le règlement du Conseil n 2092/91 ° Absence (Traité CEE, art. 43, § 2, alinéa 3; règlement du Conseil n 2092/91; règlement de la Commission n 207/93; directives du Conseil 90/219 et 90/220) 3. Recours en annulation ° Moyens ° Détournement de pouvoir ° Notion ° Règlement de la Commission n 207/93 ° Légalité (Règlement du Conseil n 2092/91; règlement de la Commission n 207/93; directive du Conseil 90/220) Sommaire 1. Le Parlement est admis à saisir la Cour d' un recours en annulation dirigé contre un acte du Conseil ou de la Commission, à la condition que ce recours ne tende qu' à la sauvegarde de ses prérogatives et qu' il ne se fonde que sur des moyens tirés de la violation de celles-ci. Il est satisfait à cette condition dès lors que le Parlement indique de façon pertinente l' objet de sa prérogative à sauvegarder et la violation prétendue de cette prérogative. En application de ces critères, un recours est irrecevable dans la mesure où il est fondé sur la violation de l' article 190 du traité. En effet, en alléguant que les dispositions attaquées sont insuffisamment motivées au regard des prévisions de cet article, le Parlement n' indique pas de façon pertinente en quoi une telle violation serait de nature à porter atteinte à ses propres prérogatives. En revanche, le droit d' être consulté en vertu d' une disposition du traité constituant une prérogative du Parlement, le fait, pour la Commission, de régler, par des dispositions d' exécution d' un règlement de base du Conseil, en outrepassant ses pouvoirs, une question qui relève du domaine dudit règlement de base, fondé sur un article du traité prévoyant l' obligation de consulter le Parlement, est susceptible de porter atteinte à cette prérogative, car il a pour effet d' exclure le Parlement de la procédure suivant laquelle cette question devrait normalement être réglée. 2. On ne saurait exiger que tous les détails des règlements concernant la politique agricole commune soient établis par le Conseil selon la procédure de l' article 43 du traité. Il est satisfait à cette disposition dès lors que les éléments essentiels de la matière à régler ont été arrêtés conformément à cette procédure; en revanche, les dispositions d' exécution des règlements de base peuvent être arrêtées suivant une procédure différente de celle de l' article 43. Néanmoins, un règlement d' exécution adopté sans consultation du Parlement doit respecter les éléments essentiels de la matière qui ont été fixés dans le règlement de base après une telle consultation. Le règlement de la Commission n 207/93, établissant, entre autres, le contenu de l' annexe VI du règlement du Conseil n 2092/91, concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur ces produits et les denrées alimentaires, ne dépasse pas le cadre de l' exécution des principes définis par ce dernier en faisant figurer, parmi les préparations utilisées dans la transformation des produits alimentaires, pour autant qu' ils aient été retenus conformément à la procédure du comité de gestion, les micro-organismes modifiés génétiquement au sens de la directive 90/220 relative à la dissémination volontaire d' organismes génétiquement modifiés dans l' environnement. En effet, la seule mention desdits micro-organismes, dont l' inclusion effective dans l' annexe ne pourra avoir lieu qu' en observant la procédure prévue à cet effet, n' a pas eu pour effet de fixer des règles nouvelles permettant l' utilisation de ces substances dans l' agriculture biologique. Cette utilisation suppose, en effet, à la fois le respect des procédures prévues par les directives 90/219 relative à l' utilisation confinée des micro-organismes en cause et 90/220, précitée, d' une part, et l' inclusion effective des substances dans les listes limitatives de l' annexe VI, d' autre part. 3. Un acte d' une institution communautaire est entaché de détournement de pouvoir s' il a été adopté dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant d' atteindre des fins autres que celles excipées ou d' éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l' espèce. Tel n' est pas le cas du règlement de la Commission n 207/93, établissant, entre autres, le contenu de l' annexe VI du règlement du Conseil n 2092/91, concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur ces produits et les denrées alimentaires, en ce qu' il fait figurer, dans cette annexe, les micro-organismes modifiés génétiquement au sens de la directive 90/220. D' une part, en effet, rien ne permet d' affirmer qu' en adoptant les dispositions en cause la Commission a poursuivi un but autre que celui avancé dans les considérants du règlement qui comporte ces dispositions, et, d' autre part, la Commission, n' ayant pas modifié la législation telle qu' elle résulte du règlement de base, n' était pas tenue de recourir à la procédure spéciale prévue à cet effet. Parties Dans l' affaire C-156/93, Parlement européen, initialement représenté par M. Jorge Campinos, jurisconsulte, assisté de MM. François Vainker et Kieran Bradley, membres du service juridique, en qualité d' agents, et ensuite par MM. François Vainker et Kieran Bradley, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg, partie requérante, contre Commission des Communautés européennes, représentée par M. Christiaan Timmermans, directeur général adjoint, et MM. David Gilmour et José Luis Iglesias Buhigues, conseillers juridiques, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg, partie défenderesse, soutenue par Conseil de l' Union européenne, représenté par M. Jean-Claude Piris, directeur général du service juridique, et M. Michael Bishop, membre dudit service, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Bruno Eynard, directeur de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d' investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer, partie intervenante, ayant pour objet un recours en annulation du règlement (CEE) nº 207/93 de la Commission, du 29 janvier 1993, établissant le contenu de l' annexe VI du règlement (CEE) nº 2092/91 concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires et fixant les modalités d' application des dispositions de l' article 5 paragraphe 4 de ce règlement (JO L 25, p. 5), ou, à titre subsidiaire, en annulation des parties contestées de ce règlement, LA COUR, composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, F. A. Schockweiler, P. J. G. Kapteyn (rapporteur) et P. Jann, présidents de chambre, G. F. Mancini, C. N. Kakouris, J. C. Moitinho de Almeida, J. L. Murray, G. Hirsch, H. Ragnemalm et L. Sevón, juges, avocat général: M. F. G. Jacobs, greffier: Mme L. Hewlett, administrateur, vu le rapport d' audience, ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l' audience du 7 mars 1995, ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 18 mai 1995, rend le présent Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 16 avril 1993, le Parlement européen a, en vertu de l' article 173 du traité CEE, demandé l' annulation du règlement (CEE) nº 207/93 de la Commission, du 29 janvier 1993, établissant le contenu de l' annexe VI du règlement (CEE) nº 2092/91 concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires et fixant les modalités d' application des dispositions de l' article 5 paragraphe 4 de ce règlement (JO L 25, p. 5, ci-après le "règlement litigieux"), ou, à titre subsidiaire, l' annulation des parties contestées de ce règlement. 2 Le règlement (CEE) nº 2092/91 du Conseil, du 24 juin 1991, concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires (JO L 198, p. 1, ci-après le "règlement de base"), pris sur le fondement de l' article 43 du traité, vise notamment à fixer des règles de production, d' étiquetage et de contrôle permettant de protéger l' agriculture biologique. 3 L' article 5 de ce règlement de base prévoit, dans ses paragraphes 1 à 6, les exigences requises pour faire référence, dans l' étiquetage et dans la publicité d' un produit, au mode de production biologique, et précise, dans son paragraphe 7, que les règles détaillées de mise en oeuvre de cet article peuvent être fixées selon la procédure prévue à l' article 14, lequel permet à la Commission d' arrêter des mesures conformes à l' avis d' un comité composé de représentants des États membres. En vertu du paragraphe 8, des listes limitatives des substances et produits visés dans certaines dispositions de l' article 5 doivent être établies selon la même procédure pour figurer à l' annexe VI du règlement. Enfin, le paragraphe 9 prévoit le réexamen des dispositions de cet article avant le 1er juillet 1993 par la Commission, qui doit présenter toute proposition appropriée en vue de sa révision éventuelle. 4 Le règlement litigieux de la Commission établit notamment les listes limitatives de substances prévues à l' article 5, paragraphe 8, du règlement de base du Conseil pour figurer à l' annexe VI. 5 Ainsi établie, cette annexe vise en particulier, dans sa partie A, point 4, sous i), les préparations à base de micro-organismes utilisées normalement dans la transformation des produits alimentaires, à l' exception des micro-organismes modifiés génétiquement (ci-après les "MOGM") au sens de l' article 2, paragraphe 2, de la directive 90/220/CEE du Conseil, du 23 avril 1990, relative à la dissémination volontaire d' organismes génétiquement modifiés (ci-après les "OGM") dans l' environnement (JO L 117, p. 15). De même, dans sa partie B, sous i), elle vise toute préparation à base de micro-organismes et toute préparation enzymatique utilisées comme auxiliaires technologiques dans la transformation des produits alimentaires, à l' exception des MOGM au sens de la directive 90/220. Toutefois, ces MOGM figurent dans ces mêmes parties A, point 4, sous ii), et B, sous ii), pour autant qu' ils ont été retenus conformément à la procédure de décision de l' article 14 du règlement de base. 6 Enfin, l' article 2 du règlement litigieux prévoit que certaines parties de l' annexe VI ne peuvent être modifiées que si des conditions minimales sont remplies. Ainsi, en ce qui concerne les auxiliaires technologiques couverts par la partie B, seules peuvent être incluses les substances qui sont généralement acceptées dans la transformation des produits alimentaires et pour lesquelles il est prouvé qu' il est impossible de produire ces denrées alimentaires sans avoir recours à de telles substances. 7 Invoquant une atteinte à ses prérogatives, le Parlement conteste la validité de cette inscription des MOGM à l' annexe VI du règlement de base et soulève, à l' appui de son recours, trois moyens tirés respectivement de l' incompétence de la Commission pour modifier le règlement de base, du détournement de pouvoir commis par cette institution et enfin de l' insuffisance de motivation des dispositions litigieuses. 8 La Commission, qui émet quelques doutes sur la recevabilité du recours, estime que l' argumentation développée par le Parlement doit être rejetée. 9 Le Conseil est intervenu au soutien des conclusions de la Commission. Le Parlement conteste à la fois la recevabilité et le bien-fondé de cette intervention. Sur la recevabilité du recours 10 Selon une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêt du 28 juin 1994, Parlement/Conseil, C-187/93, Rec. p. I-2857, point 14), le Parlement est admis à saisir la Cour d' un recours en annulation dirigé contre un acte du Conseil ou de la Commission, à condition que ce recours ne tende qu' à la sauvegarde de ses prérogatives et qu' il ne se fonde que sur des moyens tirés de la violation de celles-ci. Il est satisfait à cette condition dès lors que le Parlement indique de façon pertinente l' objet de sa prérogative à sauvegarder et la violation prétendue de cette prérogative (voir arrêt du 2 mars 1994, Parlement/Conseil, C-316/91, Rec. p. I-625, point 13). 11 En application de ces critères, le recours doit être déclaré irrecevable dans la mesure où il est fondé sur la violation de l' article 190 du traité. En effet, en alléguant que les dispositions litigieuses sont insuffisamment motivées au regard des prévisions de cet article, le Parlement n' indique pas de façon pertinente en quoi une telle violation, à la supposer exacte, serait de nature à porter atteinte à ses propres prérogatives. 12 En revanche, le droit d' être consulté en vertu d' une disposition du traité constitue une prérogative du Parlement (voir arrêt du 2 mars 1994, Parlement/Conseil, précité, point 16). Or, ce dernier soutient que le règlement litigieux, en tant qu' il règle la question de savoir si les MOGM peuvent être autorisés dans la production biologique de produits agricoles, a pour effet d' exclure le Parlement de la procédure suivant laquelle cette question devrait normalement être réglée. Selon lui, une telle question relève du domaine du règlement de base du Conseil fondé sur l' article 43 du traité, lequel prévoit l' obligation de consulter le Parlement. 13 Ainsi, dans la mesure où il critique le fait qu' en adoptant le règlement attaqué la Commission a outrepassé les pouvoirs qu' elle tenait du règlement de base, le recours tend à démontrer une atteinte aux prérogatives du Parlement découlant de l' incompétence de la Commission pour modifier ce règlement de base ou du détournement de pouvoir commis par celle-ci. Sur la recevabilité de l' intervention du Conseil 14 Selon l' article 37, dernier alinéa, du statut de la Cour, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d' autre objet que le soutien des conclusions de l' une des parties au litige (voir arrêt du 17 mars 1993, Commission/Conseil, C-155/91, Rec. p. I-939, point 24). 15 En demandant le rejet du moyen tiré du détournement de pouvoir commis par la Commission, le Conseil intervient au soutien des conclusions de celle-ci aux fins de rejet du recours, en se fondant sur un moyen qui n' est pas étranger à ceux invoqués par la Commission. Le fait que le Conseil ne discute qu' une partie seulement de l' argumentation du recours ne saurait entacher d' irrecevabilité son intervention. Sur le fond En ce qui concerne l' incompétence 16 Le Parlement soutient que le règlement litigieux, en élargissant le cadre des produits alimentaires biologiques aux produits contenant des MOGM, compromet les objectifs du règlement de base concernant l' attente des consommateurs, les conditions d' une concurrence équitable, la libre circulation des produits biologiques et l' équilibre entre la production agricole et la protection de l' environnement. Selon lui, la Commission a ainsi outrepassé les pouvoirs qu' elle tenait du règlement de base et modifié ce dernier sans respecter la procédure de l' article 43 du traité CEE, qui prévoit l' adoption des actes législatifs par le Conseil après consultation du Parlement. 17 La Commission fait valoir que les dispositions litigieuses, qui prévoient la possibilité d' ajouter à l' avenir les MOGM à certaines conditions sur les listes de substances établies à l' annexe VI du règlement de base, visent simplement à sauvegarder la situation future, sans porter atteinte ni aux intérêts actuels du consommateur ni aux autres préoccupations invoquées par le Parlement. Faisant notamment observer que le règlement de base n' a pas interdit, contrairement à ce que proposait un amendement voté par le Parlement, l' utilisation d' OGM ou de MOGM dans l' agriculture biologique et n' a pas exclu ces substances de la liste de celles pouvant être utilisées comme ingrédients ou comme auxiliaires technologiques, la Commission estime que ce règlement l' a pleinement habilitée à prendre les mesures qu' elle a arrêtées. 18 Ainsi que l' a déjà jugé la Cour (voir, notamment, arrêts du 16 juin 1987, Romkes, 46/86, Rec. p. 2671, point 16, et du 10 mai 1995, Parlement/Conseil, C-417/93, non encore publié au Recueil, point 30), on ne saurait exiger que tous les détails des règlements concernant la politique agricole commune soient établis par le Conseil selon la procédure de l' article 43 du traité. Il est satisfait à cette disposition dès lors que les éléments essentiels de la matière à régler ont été arrêtés conformément à la procédure qu' il prévoit, et les dispositions d' exécution des règlements de base peuvent être arrêtées suivant une procédure différente, ainsi que l' a prévu l' article 5, paragraphes 7 et 8, du règlement de base. Néanmoins, un règlement d' exécution tel que le règlement litigieux, adopté sans consultation du Parlement, doit respecter les éléments essentiels de la matière qui ont été fixés dans le règlement de base après consultation du même Parlement. 19 En l' occurrence, comme l' indique son cinquième considérant, le règlement de base a notamment eu pour objet de définir un cadre de règles communautaires de production, d' étiquetage et de contrôle permettant de protéger l' agriculture biologique. Ce cadre doit garantir les conditions de concurrence loyale entre les producteurs, empêcher l' anonymat dans le marché des produits biologiques et conduire à une plus grande crédibilité de ces produits aux yeux des consommateurs. 20 En ce qui concerne plus particulièrement l' étiquetage et la publicité des produits biologiques destinés à l' alimentation humaine, l' article 5, paragraphe 3, de ce règlement de base définit les conditions dans lesquelles il peut être fait référence au mode de production biologique dans la dénomination de vente du produit. Cette référence n' est en principe possible que si tous les ingrédients d' origine agricole de ces produits sont conformes aux règles de production énoncées aux articles 6 et 7, si les produits contiennent uniquement en tant qu' ingrédients d' origine non agricole des substances figurant à l' annexe VI, s' ils n' ont pas été soumis à des traitements au moyen de rayons ionisants ou de substances ne figurant pas à la même annexe VI, et enfin s' ils ont été préparés par un opérateur soumis aux mesures de contrôle prévues aux articles 8 et 9. 21 Les listes limitatives de substances devant figurer à l' annexe VI du règlement de base sont établies, en vertu de l' article 5, paragraphe 8, en suivant la procédure prévue à l' article 14, qui permet à la Commission d' arrêter des mesures conformes à l' avis d' un comité composé de représentants des États membres. C' est ainsi qu' a été arrêté par la Commission le règlement litigieux qui fait mention des MOGM dans les termes relevés au point 5 du présent arrêt. 22 Contrairement à ce que soutient le Parlement, les dispositions litigieuses ne dépassent pas le cadre de l' exécution des principes définis par le règlement de base adopté après consultation dudit Parlement. 23 Dans la partie A, point 4, sous i), de l' annexe VI, comme dans la partie B, sous i), de la même annexe, les MOGM sont expressément exclus des préparations à base de micro-organismes utilisées normalement dans la transformation des produits alimentaires. Ils ne figurent dans chacune de ces parties, sous ii), que pour autant qu' ils ont été retenus conformément à la procédure de décision de l' article 14 du règlement de base. Ainsi, aucun MOGM n' est précisément inclus dans les listes limitatives de substances établies à l' annexe VI du règlement de base et il ne pourra en être autrement, le cas échéant, que si la procédure prévue pour l' établissement de ces listes et les conditions fixées par l' article 2 du règlement litigieux pour leur modification sont respectées. C' est la raison pour laquelle l' avocat général a, au point 44 de ses conclusions, estimé que les dispositions litigieuses étaient dépourvues d' effets juridiques au regard des prétentions du Parlement. 24 Quelle que soit la portée exacte de ces dispositions, l' inclusion effective de MOGM dans les listes limitatives de l' annexe VI ne peut pas, en tout état de cause, être regardée comme contraire aux prévisions du règlement de base. En effet, les produits biologiques peuvent contenir des ingrédients d' origine non agricole et d' autres substances dans les limites fixées par les dispositions précitées de ce règlement, qui renvoient le soin d' en arrêter les listes à la Commission. Ainsi que le fait remarquer celle-ci, le Conseil n' a pas, en adoptant le règlement de base et contrairement à ce que proposait un amendement voté par le Parlement, entendu interdire l' utilisation d' OGM ou de MOGM dans l' agriculture biologique et il n' a pas exclu ces substances de celles susceptibles de figurer sur les listes limitatives. 25 Par ailleurs, les règles générales visant à contrôler l' utilisation des OGM ou des MOGM en vue de la protection de la santé humaine et de l' environnement ne relèvent pas du règlement de base concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires. Elles sont fixées par la directive 90/219/CEE du Conseil, du 23 avril 1990, relative à l' utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés (JO L 117, p. 1), et par la directive 90/220, précitée. Ces directives prévoient notamment pour l' utilisation de ces produits un système de notification préalable aux autorités compétentes des États membres par le fabricant ou l' importateur et d' autorisation par ces autorités ou, dans certaines circonstances, par la Commission. 26 Il ressort de ces observations que la mention des MOGM à l' annexe VI du règlement de base, dont le contenu a été établi par le règlement litigieux, n' a pas eu pour effet de fixer des règles nouvelles permettant l' utilisation de ces substances dans l' agriculture biologique. Cette utilisation suppose, en effet, à la fois le respect des procédures prévues par les directives précitées et l' inclusion effective de ces substances dans les listes limitatives de l' annexe VI. 27 Ainsi, les dispositions litigieuses prises par la Commission n' ont pas modifié la législation communautaire adoptée par le Conseil après avis du Parlement. Il y a lieu, dès lors, de rejeter le moyen tiré de l' incompétence. En ce qui concerne le détournement de pouvoir 28 Le Parlement fait valoir, à titre subsidiaire, que la Commission a commis un détournement des pouvoirs que lui confère l' article 5, paragraphe 8, du règlement de base. Selon lui, en conclusion du débat au Parlement sur le règlement de base, la Commission avait déclaré partager les préoccupations exprimées dans les amendements visant l' interdiction des MOGM dans la culture biologique et assuré que des études techniques seraient engagées pour qu' une décision appropriée puisse être envisagée à ce sujet. Elle aurait donc dû recourir à la procédure prévue à l' article 5, paragraphe 9, du règlement de base, qui l' invite à présenter toute proposition appropriée en vue de la révision éventuelle de ce règlement, laquelle ne peut intervenir, en application de l' article 43 du traité, qu' après consultation du Parlement. 29 La Commission conteste l' interprétation de ses déclarations donnée par le Parlement. Elle soutient qu' elle n' a pas cherché à utiliser l' habilitation prévue à l' article 5, paragraphe 8, du règlement de base afin de se soustraire à la consultation nécessaire du Parlement en matière d' utilisation des MOGM dans la production alimentaire. Cette question est en effet réglée par d' autres dispositions du droit communautaire et, si l' utilisation des MOGM est autorisée en vertu de ces dernières dispositions, il s' agira seulement de savoir dans quelle mesure d' autres éléments imposent des règles spéciales pour le secteur des denrées alimentaires biologiques. 30 Le Conseil soutient la position de la Commission, en faisant notamment valoir que celle-ci ne pouvait se lier juridiquement par une quelconque déclaration d' intention et, en tous cas, ne le pouvait certainement pas avant qu' il n' ait lui-même statué sur sa proposition et qu' il ne lui ait conféré des compétences d' exécution. La déclaration de la Commission ne saurait donc avoir l' effet juridique que lui prête le Parlement. 31 La jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêt du 20 juin 1991, Cargill/Commission, C-248/89, Rec. p. I-2987, point 26) définit le détournement de pouvoir comme l' adoption, par une institution communautaire, d' un acte dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant d' atteindre des fins autres que celles excipées ou d' éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l' espèce. 32 En ce qui concerne l' identité entre le but poursuivi et le but excipé, il convient de souligner qu' aucun élément du dossier ne permet d' affirmer qu' en adoptant les dispositions litigieuses la Commission a poursuivi un but autre que celui avancé dans les considérants du règlement qui comporte ces dispositions. En particulier, la mention des MOGM figurant dans ce règlement n' est en rien contraire à l' objectif défini au sixième considérant, selon lequel la question de savoir si des produits obtenus de MOGM peuvent être utilisés dans des denrées alimentaires dont l' étiquette indique un mode de production biologique devra être étudiée en détail lorsque l' utilisation de ces produits dans des denrées alimentaires aura été agréée conformément à la législation communautaire pertinente. 33 Quant à l' exigence de ne pas éluder une procédure spécialement prévue, le Parlement n' est pas fondé à soutenir que la Commission aurait dû recourir à la procédure prévue à l' article 5, paragraphe 9, du règlement de base. En effet, ainsi que cela a été relevé au point 27 du présent arrêt, les dispositions litigieuses prises par la Commission n' ont pas modifié la législation communautaire adoptée par le Conseil après avis du Parlement. 34 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le moyen tiré du détournement de pouvoir. 35 Il résulte de toutes les considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son ensemble. Décisions sur les dépenses Sur les dépens 36 En vertu de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Le Parlement ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens. Conformément à l' article 69, paragraphe 4, du même règlement, le Conseil, partie intervenante, supportera ses propres dépens. Dispositif

Par ces motifs

, LA COUR déclare et arrête: 1) Le recours est rejeté. 2) Le Parlement européen est condamné aux dépens. Le Conseil supportera ses propres dépens.