Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Paris 18 mai 2018
Cour de cassation 10 octobre 2019

Cour de cassation, Première chambre civile, 10 octobre 2019, 18-21268

Mots clés vente · société · achèvement · condamnation · prêt · garantir · acte · remboursement · intérêts · acquéreur · taux · résidence · épargne · caisse · construction

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 18-21268
Dispositif : Cassation partielle
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 18 mai 2018
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:C100837

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris 18 mai 2018
Cour de cassation 10 octobre 2019

Texte

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen

:

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble l'article R. 261-2 du code de la construction ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte sous seing privé du 15 novembre 2010, Mme J... (l'acquéreur) a réservé un logement meublé en l'état futur d'achèvement ; que, suivant acte authentique reçu le 6 juillet 2011 par M. G..., notaire associé de la société civile professionnelle X...-V...-R...-F...-Z...-N...-G...- K..., devenue la SCP V...-R...-F...-Z...-N...-G...- K..., titulaire d'un office notarial (la SCP), la société foncière Beaulieu patrimoine, aux droits de laquelle se trouve la société B-Patrimoine Investment Management (le vendeur), a vendu à l'acquéreur un lot d'un ensemble immobilier à usage d'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, au prix de 187 733 euros, financé par un prêt d'un montant de 179 437 euros, souscrit par l'acquéreur auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe, devenue Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France, (la banque) ; que, les travaux n'étant pas achevés ni les loyers payés, l'acquéreur a assigné le vendeur, la SCP et la banque en nullité de l'acte de vente et en indemnisation ;

Attendu que, pour condamner la SCP à payer à l'acquéreur la somme de la 173 075 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2011, et à garantir celui-ci du paiement à la banque de la somme de 179 437 euros au titre du remboursement du prêt, ces deux sommes se compensant à hauteur de la plus faible d'entre elles, et pour condamner la SCP à garantir le vendeur de la condamnation prononcée à son encontre au paragraphe II-A, soit à rembourser à l'acquéreur la somme de 187 733 euros correspondant au montant de la vente, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2011, et à lui payer, à titre de dommages-intérêts, la somme de 1 367 euros pour les frais d'acte augmentés des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2011, en précisant que le montant total de cette garantie sera plafonné à 50 % des sommes, l'arrêt retient que l'acte authentique faisant référence à l'article R. 261-1 du code de la construction et de l'habitation, le notaire n'a pas assuré l'efficacité de son acte et a manqué à son obligation de conseil envers l'acquéreur en se limitant à inclure dans son acte une déclaration du maître d'oeuvre attestant de l'achèvement des travaux, sans que cet achèvement ait été constaté par une personne qualifiée, en application de l'article R. 261-2 du même code ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, dans le cas d'une vente en l'état futur d'achèvement, rien n'impose que l'achèvement soit constaté par une personne qualifiée, l'article R. 261-2 du code de la construction et de l'habitation n'étant applicable que dans l'hypothèse d'une vente à terme, de sorte que l'achèvement des travaux pouvait être constaté par tout professionnel de la construction comme le maître d'oeuvre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société civile professionnelle V...-R...-F...-Z...-N...-G...- K... à payer à Mme J... la somme de 173 075 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2011, et à garantir celui-ci du paiement à la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe de la somme de 179 437 euros au titre du remboursement du prêt, ces deux sommes se compensant à hauteur de la plus faible d'entre elles, et en ce qu'il la condamne à garantir la société B-Patrimoine Investment Management de la condamnation prononcée à son encontre à rembourser à Mme J... la somme de 187 733 euros correspondant au montant de la vente, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2011 et à lui payer, à titre de dommages-intérêts, la somme de 1 367 euros pour les frais d'acte, augmentés des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2011, en précisant que le montant total de cette garantie sera plafonné à 50 % des sommes, l'arrêt rendu le 18 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne Mme J... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société V...-R...-F...-Z...-N...-G...- K....


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré en ce qu'il avait débouté Mme J... de sa demande en paiement du prix par la SCP notariale et condamné celle-ci à garantir Mme J... de la condamnation prononcée contre elle au profit de la Caisse d'épargne en disant que le montant total de cette garantie serait plafonné à 50 % des sommes et, statuant à nouveau de ces chefs, d'AVOIR condamné la SCP notariale à payer à Mme J... la somme de 173 075 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2011 et à garantir cette dernière du paiement à la Caisse d'épargne et de prévoyance-Nord-France-Europe de la somme de 179 437 euros au titre du remboursement du prêt, ces deux sommes se compensant à hauteur de la plus faible d'entre elles, d'AVOIR condamné la SCP notariale à garantir la SA B-Patrimoine Investment Management de la condamnation prononcée à son encontre au paragraphe II-A, soit: à rembourser à Mme J... la somme de 187 733 euros correspondant au montant de la vente, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 20 Il et à payer à Mme J..., à titre de dommages et intérêts, la somme de 1 367 euros, pour les frais d'acte augmentés des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2011, en disant que le montant total de cette garantie serait plafonné à 50 % des sommes ;

AUX MOTIFS QUE s'agissant de la responsabilité du notaire retenue par le Tribunal, il convient de rappeler que, dans l'acte sous seing privé 15 novembre 2010 auquel Mme J..., infirmière, demeurant dans le Pas-de-Calais, a souscrit, intitulé "Contrat de réservation de logements meublés en état futur d'achèvement et à usage de résidence pour personnes âgées", le vendeur indiquait qu'il avait entrepris le réaménagement d'une résidence située à [...] (Haute-Corse), ainsi que son extension pour construire un ensemble immobilier à usage d'EHPAD de 90 lits, ayant obtenu le 13 novembre 2006 un permis de construire pour une surface hors oeuvre nette de 2 771 m2, la livraison étant prévue au 4e trimestre 2010; que l'acte authentique de vente du 6 juillet 2011 a été reçu en l'état d'une attestation d'achèvement des travaux du 30 décembre 2010 émanant de la SA Berim, maître d'oeuvre de la construction; mais qu'il ressort du rapport d'expertise du 25 mai 2015 confié en référé à M S... I... que cette attestation serait un faux, la signature qui y est apposée n'étant pas celle du représentant légal de la société Berim, que le bâtiment A dans lequel est situé le lot acquis par Mme J... n'était pas achevé à la date de l'expertise, de sorte que cette partie de la résidence n'était pas exploitable, mais que la société Eugénia-gestion aurait, cependant, payé les loyers aux acquéreurs pendant une durée de deux ans à l'issue de laquelle elle a cessé ses paiements, informant, alors, les copropriétaires de l'inachèvement du bâtiment A ; que dès lors que l'acte du 6 juillet 2001 fait référence à l'article R. 261-1 du code de la construction et de l'habitation, qui y est reproduit (p. 16) au chapitre "Achèvement des travaux", l'achèvement devait être constaté par une personne qualifiée en application de l'article R. 261-2 du même code; qu'au lieu de ce faire, M. G... s'est borné, de manière redondante, à inclure dans son acte la clause suivante : "Le vendeur déclare et l'acquéreur reconnaît que l'immeuble dont dépendent les biens vendus sont achevés ainsi qu'il résulte de la déclaration attestant de l'achèvement dont copie est demeurée ci-jointe ", laquelle est insuffisante à établir l'accord des parties; qu'or, la vérification d'une personne qualifiée, tiers à l'opération de construction, aurait révélé que le bâtiment A, qui n'était pas achevé à la date de la vente, n'était pas exploitable; que cette vérification était d'autant plus nécessaire que : - Mme J... était néophyte en matière de vente d'immeubles à construire, tandis que le vendeur en avait fait sa profession, - Mme J... était représentée lors de la signature de l'acte authentique, de sorte que le notaire n'a pu vérifier qu'elle avait une connaissance effective de l'achèvement des travaux, et ce, d'autant que l'attention de l'acquéreur d'un produit de défiscalisation ne s'attache généralement pas à l'état de l'immeuble, - le délai d'achèvement mentionné dans le contrat du 15 novembre 2010, fixé à la fin du quatrième trimestre 2010, était très bref et, de fait, n'a pu être tenu, le non-achèvement étant une cause fréquente de litige dans la vente d'immeubles à construire; qu'en conséquence, M. G... n'a pas assuré l'efficacité de son acte et a manqué à son obligation de conseil envers l'acquéreur; que sa responsabilité doit être retenue ;

1°) ALORS QUE les dispositions de l'article R. 261-2 du code de la construction et de l'habitation ne sont pas applicables aux ventes en l'état futur d'achèvement ; qu'en affirmant que l'achèvement de l'immeuble en cause qui faisait l'objet d'une vente en l'état futur d'achèvement devait être constatée suivant les modalités prévues à l'article R. 261-2 du code de la construction et de l'habitation parce que les parties avaient visé l'article R. 261-1 du même code quand elle pouvait avoir choisi de se placer sous le régime de la VEFA sans pour autant décider de se soumettre aux dispositions de l'article R. 261-2, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application;

2°) ALORS QUE le notaire est en droit de se fier aux déclarations effectuées par un professionnel dans un domaine technique ; qu'en reprochant à la SCP V... R... F... Z... N... G... K... de s'être contentée de l'attestation établie le 30 décembre 2010 par la société Berim, maître d'oeuvre de la construction, pour s'assurer de l'achèvement de l'immeuble vendu, au motif que l'achèvement aurait dû être constaté par une personne qualifiée conformément aux dispositions de l'article R. 261-2 du code de la construction et de l'habitation, quand, dans le cadre de la vente en état futur d'achèvement litigieuse, rien n'imposait que l'achèvement soit constaté par une personne qualifiée en application de l'article R. 261-2, qui n'est applicable que dans le cadre d'une vente à terme, de sorte que l'achèvement des travaux pouvait être constaté par tout professionnel de la construction comme la société Berim, la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, ensemble l'article R. 261-2 du code de la construction et de l'habitation.


SECOND MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré en ce qu'il avait condamné la SCP X...-V...-R...-F...-Z...-N...- G...-K... à garantir Mme J... de la condamnation prononcée contre elle au profit de la Caisse d'épargne en disant que le montant total de cette garantie serait plafonné à 50% des sommes et, statuant à nouveau de ce chef, d'AVOIR condamné la SCP notariale à garantir Mme J... du paiement à la Caisse d'épargne et de prévoyance-Nord-France-Europe de la somme de 179 437 euros au titre du remboursement du prêt ;

AUX MOTIFS, QUE le notaire doit garantir Mme J... de la condamnation prononcée contre elle à payer à la Caisse d'épargne la somme de 179 437 euros au titre du capital avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2011, sous déduction des sommes déjà versées, cette somme se compensant avec celle de 173 075 euros à concurrence de la plus faible d'entre elles ;

ALORS QUE le débiteur de la restitution consécutive à l'annulation d'un contrat, seul tenu au paiement, ne peut en être garanti par le rédacteur d'acte ; qu'en condamnant la SCP notariale à garantir Mme J... du paiement à la Caisse d'épargne et de prévoyance-Nord-France-Europe de la somme de 179 437 euros qu'elle devait au titre du remboursement du prêt, la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil.