Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 22 juin 2017, 15BX01697

Mots clés commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique · projet · commercial · aménagement · surface · commission · vente · agglomération · mètres · recours · offre · maire · rapport · requête · transports

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro affaire : 15BX01697
Type de recours : Excès de pouvoir
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur : M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public : M. NORMAND
Avocat(s) : SCP COURRECH & ASSOCIES

Texte

Vu la procédure suivant :

Procédure contentieuse antérieure :

La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de la Haute-Garonne, par une décision du 22 septembre 2014, a refusé d'autoriser la société par actions simplifiée (SAS) Mursud à procéder à l'extension à 3 000 m² du supermarché à l'enseigne " Intermarché ", d'une surface de vente actuelle de 1 793 m², situé sur le territoire de la commune de Muret.

Par un recours enregistré sous le n° 2428-D, la SAS Mursud a demandé à la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) d'annuler ce refus.

Par une décision en date du 28 janvier 2015, la commission nationale d'aménagement commercial a admis ce recours et autorisé le projet.

Procédure devant la cour :

Par une requête conjointe, enregistrée au greffe de la cour le 28 mai 2015 et un mémoire enregistré le 22 septembre 2015, la commune de Muret et la communauté d'agglomération du Muretain, prises respectivement en les personnes de son maire et de son président, représentées par MeA..., demandent à la cour d'annuler la décision du 28 janvier 2015 de la Commission nationale d'aménagement commercial ayant autorisé le projet d'extension de la SAS Mursud.

Elles soutiennent que :

- leur requête est recevable. Elles produisent les délibérations des assemblées autorisant le maire et le président de la communauté d'agglomération à les représenter devant la cour ;

- la commission nationale, en ignorant délibérément les éléments qu'elles ont produits concernant la desserte du projet par le réseau routier, a entaché sa décision de plusieurs erreurs de faits flagrantes. L'estimation des flux générés par le projet apparaît notoirement sous-évaluée dès lors que ces derniers connaissent une augmentation comprise entre 11 et 24 % quand la surface de vente est étendue, elle, de 70 %. Aucune étude de circulation précise n'a été produite par le pétitionnaire. Il est manifeste que le renforcement de l'activité, située a proximité d'un important giratoire, générera des difficultés importantes en termes d'engorgement de trafic et de sécurité au niveau du " tourne à gauche " prévu. Les appréciations favorables au projet de la DDTM sont entachées des mêmes erreurs. Si la surface de vente et la capacité de stationnement sont augmentées de 65 à 70 %, il est parfaitement incohérent d'indiquer que la fréquentation de l'établissement n'augmentera que de 18 %. L'impact réel sur le flux de circulation n'a donc pas été véritablement analysé ;

- la CNAC ne pouvait sérieusement retenir que le projet est desservi par des transports en commun disposant d'une " bonne fréquence " alors que selon le pétitionnaire, deux lignes de bus assurent une desserte du site deux fois par jour dans un sens et une fois dans l'autre pour la ligne 80 et quatre fois par jour du lundi au vendredi dans un sens et une fois dans l'autre pour la ligne 59, dont les arrêts sont situés à près de 400 mètres du site. L'arrêt de bus situé à une centaine de mètres ne peut être pris en compte dès lors que la ligne qu'il dessert ne fonctionne ni le samedi ni entre 9 heures et 16 heures en semaine. L'utilisation du service de transport à la demande se limite à cinq par jour sur toute la commune et montre qu'un tel service est inadapté à la desserte d'un établissement commercial. Les avis favorables des ministres reprennent les mêmes arguments, celui en charge du commerce ajoute que le projet permettra de limiter les déplacements des consommateurs vers les pôles commerciaux de l'agglomération de Toulouse. On comprend mal pourquoi et comment un petit hypermarché de 3 000 mètres carrés empêcherait l'évasion commerciale sur Toulouse et retiendrait la clientèle sur Muret, alors que la même enseigne dispose déjà sur la commune d'une surface de vente identique ;

- si la CNAC fait valoir que le projet serait accessible en vélo et par le biais de cheminement piéton sécurisé, le projet se situe en fait à près de 30 minutes à pied du centre-ville, ce qui permet d'apprécier les flux de clients susceptibles de venir à pied. A cet égard, le pétitionnaire évalue à l'identique le nombre de passages en caisse et le nombre de véhicules attendus, auquel s'ajouteraient 22 véhicules utilisant le " drive ". Ainsi, aux termes même de l'analyse du porteur de projet, il apparaît évident que la clientèle ne viendra qu'en voiture, les transports en commun et modes doux étant inexistants ;

- le motif retenu par la commission selon lequel la construction sera réalisée conformément aux exigences de la réglementation thermique 2012 est sans intérêt, s'agissant d'une obligation légale. L'insertion paysagère prévue au dossier laisse planer quelques incertitudes sur sa grande qualité architecturale et le volume des espaces verts, représentant 12% de l'unité foncière, est extrêmement limité ;

- la CNAC se borne à une motivation totalement stéréotypée concernant la diversification de l'offre de proximité et l'amélioration de l'offre et du confort d'achat des consommateurs locaux alors que le groupe Intermarché est aujourd'hui en position de quasi monopole sur le territoire de la communauté d'agglomération en détenant au moins 60 % des surfaces alimentaires, pour lesquels des extensions sont d'ailleurs envisagées. L'autorisation contribuera à asseoir le monopole d'une enseigne, sans rien apporter à l'animation de la vie urbaine et rurale ;

- la décision attaquée ne se prononce pas sur le grief tenant à l'incompatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale de la Grande agglomération toulousaine. Or, ce schéma prévoit qu'" en dehors du pôle majeur d'agglomération et hors initiative publique d'opération d'aménagement à vocation mixte, l'offre commerciale communale sera régie par des règles de niveau 2 dans les centres urbains et de niveau 1 ailleurs. " Le projet ne se situe pas dans le pôle majeur constitué par la ZAC Portes des Pyrénées et n'intervient pas dans le cadre d'une procédure d'aménagement à vocation mixte. S'agissant par ailleurs d'une offre de niveau 2, le SCOT limite l'offre maximum en grandes surfaces pour la commune à 20 000 mètres carrés de surface commerciale et à 5 000 mètres carrés par unité. Or, le plan de masse du projet fait apparaître que la surface commerciale, qui ne comprend pas que la surface de vente, sera supérieure à 5 000 mètres carrés dès lors que la surface de plancher atteint 5340 m² . Par ailleurs, la commune de Muret a déjà atteint et dépassé les 20 000 mètres carrés de surfaces commerciales autorisées et atteint aujourd'hui 26.964 mètres carrés. L'argument selon lequel le projet peut être considéré comme l'amorce d'un pôle majeur d'agglomération au sens du SCOT, pôle aujourd'hui inexistant, ne peut être retenu. Au contraire, la centralisation sectorielle revendiquée par le pétitionnaire ne peut se réaliser qu'au sein de la future ZAC " Portes des Pyrénées ". Le projet en litige, prévu en dehors de cette ZAC, laquelle a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique en 2003, induira de surcroît la réalisation de deux hypermarchés de taille semblable à un km l'un de l'autre, ce qui n'apparaît pas cohérent en matière d'aménagement du territoire. La caducité de la DUP invoquée par l'intimée n'a pas de conséquence majeure dès lors que l'ensemble des terrains nécessaires au projet de ZAC a déjà été maîtrisé depuis plusieurs années.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 21 juillet et 26 octobre 2015, la société par actions simplifiée (SAS) Mursud, représentée par Me Jauffret, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de chacune des requérantes d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- ni le maire de la commune, ni le président de la communauté d'agglomération ne disposent d'une habilitation des assemblées délibérantes les autorisant à ester en justice au nom de ces collectivités. La requête est par suite irrecevable ;

- l'autorisation en litige, qui a fait l'objet d'un avis favorable des services de l'Etat, bénéficie d'une présomption de légalité et il appartient aux requérantes de démontrer l'atteinte portée par le projet à l'aménagement du territoire ou au développement durable ;

- le bâtiment actuel a été édifié en 1987 et a fait l'objet d'une autorisation d'extension en 2008. Les travaux correspondant n'ont cependant pas été réalisés à la demande du maire qui souhaitait déplacer le magasin dans la ZAC Portes des Pyrénées située à proximité. Le projet de ZAC a connu plusieurs péripéties et la déclaration d'utilité publique délivrée en 2003 est même devenue caduque. C'est uniquement du fait de ce projet non abouti que le maire et le président de la communauté d'agglomération ont fait ce recours en estimant que l'opération de rénovation et d'extension en litige portait économiquement atteinte à la future ZAC, alors que sa propre survie dépend de la réalisation de cette opération. Celle-ci consistera en la démolition du bâtiment actuel et sa reconstruction, avec création d'un parking souterrain au niveau de l'actuel point permanent de retrait ;

- la zone de chalandise connaît une forte progression démographique, supérieure aux progressions départementales et nationales (plus du tiers entre 1999 et 2012). Le bâtiment actuel atteint un niveau de saturation et nécessite impérativement un agrandissement, cette saturation se ressentant tant au niveau du confort de la clientèle qu'au niveau des conditions de travail des salariés. Le projet s'intègre parfaitement dans l'environnement commercial existant dans le périmètre proche du terrain d'assiette, à proximité duquel sont également implantés des équipements publics ou encore de l'habitat individuel. Des relations suivies existent avec des producteurs et prestataires locaux ou encore de nombreuses associations locales. Le projet concerne la seule extension du magasin existant, soit une offre de proximité conservée sans création de petites boutiques ;

- l'évasion commerciale vers Toulouse sera réduite, au contraire de l'attractivité de la commune. Dix emplois nouveaux seront créés. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il existe seulement trois magasins à l'enseigne Intermarché sur la zone de chalandise sur les dix supermarchés répertoriés. La CNAC a ainsi estimé à juste titre que ce projet permettra de développer une offre de proximité diversifiée et participera donc à l'animation de la vie urbaine et rurale de la zone de chalandise ;

- si les requérantes affirment que le projet ne serait pas accessible par les modes de déplacements dits " doux ", la commune, outre un service de transport à la demande, s'est dotée de cinq lignes régulières desservant l'ensemble de son territoire depuis la gare en proposant des cadences toutes les quinze minutes le matin et le soir, avec deux arrêts situés l'un à 400 mètres à l'ouest du site et l'autre à 100 mètres. Les habitants des zones pavillonnaires voisines peuvent se rendre au supermarché à pied ou en deux roues en empruntant les trottoirs, passages piétons et pistes cyclables existants. Quatre parkings seront aménagés pour les deux roues ainsi qu'un cheminement piéton sécurisé vers l'entrée du magasin ;

- les accès existants ne nécessitent pas de modification. Les flux supplémentaires générés par le projet ont été estimés à 164 véhicules par jour dont 4 pour le point permanent de retrait. Le flux total est évalué à 1 083 véhicules par jour, soit une augmentation de 1,6 % sur les flux de l'avenue des Pyrénées. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes pour qui le flux induit par le projet serait sous évalué car la surface de vente est étendue de 70 %, l'augmentation du nombre de clients n'est pas proportionnelle à l'augmentation de la surface de vente. Le flux de livraison journalier induit par le projet est de deux semi-remorques et cinq porteurs. L'appréciation de la commission sur cette question est parfaitement fondée ;

- le critère du développement durable est également parfaitement respecté. Le projet n'entraînera aucune imperméabilisation supplémentaire du site et la démolition / reconstruction du bâtiment permettra de respecter la règlementation thermique 2012 sur l'ensemble du magasin. Des mesures sont prévues pour limiter la consommation énergétique et pour réutiliser les eaux pluviales en vue d'arroser les espaces verts et d'alimenter en eau les sanitaires et la station de lavage. L'architecture du bâtiment est particulièrement soignée et la part d'espace vert sera notablement augmentée ;

- le projet est situé à moins de 500 mètres du périmètre de la ZAC Portes de Pyrénées. Cette ZAC constituant " un pôle majeur " aux termes du SCOT, la surface commerciale du projet est donc comprise dans ce pôle majeur et doit être appréciée non par rapport aux règles de niveau 2 mais, par rapport aux règles de niveau 3, soit une surface commerciale limitée à 50 000 mètres carrés avec une taille maximale de 5 000 mètres carrés par unité. La circonstance que la ZAC ne soit pas réalisée ne remet pas en cause l'application de ces principes. C'est au demeurant le calcul retenu par la DDTM pour estimer que le projet, prévu dans une zone classée " centralité sectorielle " dans le SCOT, était bien compatible avec ce document. A supposer même que les règles de niveau 2 en matière de surface commerciales soient applicables sur la commune de Muret, le projet est compatible avec celles-ci dans la mesure où d'une part, la limite de 20 000 mètres carrés de surface commerciale dans la commune de Muret ayant été dépassée en 2013, cette limite ne peut être prise en compte puisque l'offre de la commune n'a pas été actualisée et où, d'autre part, la surface commerciale du projet en litige, hors locaux de froid, de bureaux, électriques ainsi que les surfaces de sprinklage, est bien inférieure à 5 000 mètres carrés. Le projet est par ailleurs compatible avec les autres préconisations du document d'orientations générales du SCOT en termes d'insertion dans un espace urbanisé existant et de respect des enjeux identifiés pour l'aménagement et le développement durable de la grande agglomération toulousaine.

Par ordonnance du 10 octobre 2016, rectifiée le 12 octobre suivant, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 novembre 2016 à 12 heures.

Un mémoire présenté pour la SAS Mursud a été enregistré le 17 mars 2017, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- les observations de Me Alzieu-Birgini, avocat de commune de Muret et de la communauté d'agglomération du Muretain et celles de Me Jauffret, avocat de la SAS Mursud ;

Vu la note en délibéré, enregistrée à la cour le 29 mai 2017, présentée pour la commune de Muret par MeA... ;


Considérant ce qui suit

:

1. Par une décision du 22 septembre 2014, la commission départementale d'aménagement commercial de la Haute-Garonne a rejeté la demande de la société par actions simplifiée Mursud tendant à l'extension du supermarché à l'enseigne Intermarché qu'elle exploite sur la commune de Muret pour porter la surface de vente de ce magasin de 1 793 à 3 000 mètres carrés. La commune de Muret et la communauté d'agglomération du Muretain, qui ont élaboré depuis 2002 un projet de zone d'aménagement concerté (ZAC) dite " Porte des Pyrénées " à moins de 500 mètres et avaient demandé à différer l'exécution d'une précédente autorisation d'extension accordée en 2008 pour permettre le transfert du projet dans cette ZAC, sollicitent l'annulation de la décision du 28 janvier 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a admis le recours présenté par la SAS Mursud contre ce refus et autorisé le projet.

2. Pour annuler le refus opposé par la commission départementale d'aménagement commercial de la Haute-Garonne, la commission nationale, après avoir recueilli les avis favorables des ministres en charge de l'environnement et du développement durable ainsi que du commerce, a estimé que le projet était conforme aux objectifs énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce en considérant que la reconstruction d'un bâtiment neuf en lieu et place du magasin existant, situé en entrée d'agglomération et en bordure d'un axe routier important, et l'aménagement d'un parc de stationnement partiellement souterrain et végétalisé n'entraînera aucune nouvelle imperméabilisation de sols, que le projet sera accessible par les modes doux, que cette construction d'une grande qualité architecturale sera réalisée conformément aux exigences de la réglementation thermique 2012, que la part des espaces verts représentera 12 % de l'emprise foncière au lieu de 5 % précédemment et enfin que cet hypermarché, comportant un point permanent de retrait disposant d'une autorisation d'urbanisme, permettra de développer une offre de proximité diversifiée et contribuera à améliorer l'offre et le confort d'achat des consommateurs locaux, en participant ainsi à l'animation de la vie urbaine et rurale de la zone de chalandise.

Sur la légalité de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 28 janvier 2015 :

En ce qui concerne la motivation de la décision :

3. Si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la commission nationale, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect par le projet qui lui est soumis de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. Dès lors, la circonstance que la Commission nationale d'aménagement commercial n'ait pas explicitement pris parti sur la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale de la grande agglomération toulousaine ne saurait révéler un défaut de motivation. En l'espèce, en énonçant les éléments mentionnés au point 2, la commission nationale a satisfait à son obligation de motivation.

En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation :

4. Contrairement à ce que soutiennent les collectivités requérantes, le dossier de demande d'autorisation d'exploiter comporte une étude de trafic. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande, lequel a été complété devant la Commission nationale d'aménagement commercial, contenait des informations suffisantes pour permettre à la commission nationale d'apprécier, ainsi que le prévoit l'article R. 752-7 du code du commerce dans sa rédaction alors en vigueur, la conformité du projet aux objectifs fixés par le législateur.

En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale de la grande agglomération toulousaine :

5. En vertu de l'article L. 122-1-15 du code de l'urbanisme, les autorisations délivrées par la Commission nationale d'aménagement commercial doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale (SCOT). A l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels ces schémas peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs. En matière d'aménagement commercial, s'il ne leur appartient pas, sous réserve des dispositions applicables aux zones d'aménagement commercial, d'interdire par des dispositions impératives certaines opérations de création ou d'extension relevant des qualifications et procédures prévues au titre V du livre VII du code de commerce, ces schémas peuvent fixer des orientations générales et des objectifs d'implantations préférentielles des activités commerciales, définis en considération des exigences d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement ou de qualité de l'urbanisme. Si de tels objectifs peuvent être pour partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux commissions d'aménagement commercial, non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des SCOT, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.

6. Les collectivités requérantes invoquent la prescription P94 du SCOT, explicitant les caractéristiques de l'offre de niveau 3, qui indique " Compte tenu de son rayonnement, dépassant les limites communales, cette offre sera appréhendée au titre de chaque pôle majeur. En dehors du pôle majeur d'agglomération et hors initiative publique d'opération d'aménagement à vocation mixte, l'offre commerciale communale sera régie par des règles de niveau 2 ". Les règles de niveau 2 limitent, selon la prescription P92, l'offre maximum en grandes surfaces (soit plus de 300 m² de vente) à 20 000 mètres carrés de surface commerciale par commune et 5 000 mètres carrés par unité. Les requérantes font valoir que, selon l'état actualisé de l'offre commerciale en grandes surfaces au 1er janvier 2013 annexé au SCOT de la grande agglomération toulousaine, qui bien que non actualisé chaque année depuis doit être regardé comme reflétant la situation faute de démonstration de fermetures depuis lors, l'offre commerciale en grandes surfaces occupe une surface de 26 244 mètres carrés sur le territoire de la commune de Muret et le projet en cause portera la surface de vente de l'unité à 3 000 mètres carrés et la surface commerciale à plus de 5000 m², en intégrant divers locaux annexes. Toutefois, sur ce dernier point, il n'est pas sérieusement contesté que la surface commerciale du nouvel Intermarché ne dépasse pas 4985 m². Par ailleurs, alors que les prescriptions précitées ne sauraient être regardées comme impératives, et admettent d'ailleurs certaines dérogations à la prescription P93, et qu'à la date à laquelle la CNAC s'est prononcée, le projet de ZAC, qui porte au demeurant sur 38 000 m² de surface commerciale seulement alors que les nouveaux pôles majeurs en centralités sectorielles peuvent développer entre 25 000 et 50 000 m², n'avait pas encore fait l'objet de l'enquête publique nécessaire à une nouvelle déclaration d'utilité publique du fait de la caducité de la précédente, le projet, qui répond par ailleurs aux objectifs de " privilégier un développement commercial proche de l'habitat " (prescription P75) et de promouvoir un développement commercial durable (orientation du document d'orientations générales), ne pouvait être regardé comme incompatible avec le SCOT de la grande agglomération toulousaine.

En ce qui concerne l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial :

7. Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ". Selon l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / (...) 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; /2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. ". Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

8. Si les collectivités requérantes soutiennent que la décision attaquée méconnaît l'objectif d'aménagement du territoire et d'animation de la vie locale, il ressort notamment du rapport de la direction départementale des territoires devant la commission départementale et de celui de la direction générale des entreprises devant la commission nationale que le terrain d'assiette du projet, classé en zone UC du plan local d'urbanisme, a vocation à être urbanisé et est situé dans la partie sud de l'agglomération de Muret, à proximité immédiate de plusieurs commerces, d'équipements publics et de plusieurs zones d'habitats pavillonnaires. Le projet permettra de renforcer l'offre commerciale locale et d'éviter l'évasion commerciale vers les autres centres commerciaux de l'agglomération toulousaine dans un contexte de forte progression démographique de la zone de chalandise. Si les collectivités requérantes soutiennent que le dimensionnement du parking atteste la sous-évaluation des flux, et qu'il existe un risque d'engorgement de la route départementale 12 débouchant sur l'avenue des Pyrénées, qui constitue la seule voie d'accès au projet, elles ne produisent aucune étude au soutien de ces allégations, alors que l'extension de la surface commerciale réduit la fréquence de rotation sur le parking et que selon l'étude de trafic jointe au dossier de demande, l'augmentation du trafic serait de l'ordre de 1,6% sur l'avenue des Pyrénées pour les voitures et de deux camions de livraison par jour, et que tant le rapport de la direction départementale des territoires de la Haute-Garonne que l'avis du ministre chargé du commerce ont estimé que le projet aurait un impact limité au regard des infrastructures routières existantes, qui ont une capacité adaptée et sont suffisamment sécurisées, de même que l'accès au site. Enfin, le site est desservi par les transports en commun, dont plusieurs lignes régulières et un service à la demande, et des voies cyclables le relient au centre-ville. La seule circonstance que la fréquence des lignes régulières desservant le site soit insuffisante n'est pas à elle seule de nature à justifier le refus de l'autorisation sollicitée. Ce moyen doit par suite être écarté.

9. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le projet autorisé prévoit notamment la mise en place de dispositifs permettant l'isolation du bâtiment, la réduction des consommations d'énergie et le respect de la réglementation thermique 2012, le recyclage des déchets et la récupération des eaux pluviales, et n'impliquera aucune augmentation de surface imperméabilisée. En outre, l'insertion paysagère du projet est suffisamment assurée par les caractéristiques architecturales du bâtiment envisagé ainsi que par la place accordée aux espaces verts, qui représenteront environ 12 % de la superficie totale du terrain d'implantation. Dans ces conditions, les collectivités requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la commission nationale aurait inexactement apprécié les caractéristiques du projet au regard de l'objectif de développement durable.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées, que les collectivités appelantes ne sont pas fondées a soutenir que c'est à tort que la commission nationale a admis le recours de la société Mursud et a autorisé son projet d'extension.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Muret et de la communauté d'agglomération du Muretain la somme réclamée par la société Mursud en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :



Article 1er : La requête de la commune de Muret et de la communauté d'agglomération du Muretain est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SAS Mursud tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Muret, à la communauté d'agglomération du Muretain, à la société par actions simplifiée Mursud et au ministre de l'économie. Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2017.

Le rapporteur,

Paul-André BRAUDLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Vanessa BEUZELIN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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No 15BX01697