PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
Requête no 58821/09
Nikolaos LOULAKIS
contre la Grèce
La Cour européenne des droits de l'homme (première section), siégeant le 17 novembre 2015 en un comité composé de :
Päivi Hirvelä, présidente,
Kristina Pardalos,
Robert Spano, juges,
et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 22 octobre 2009,
Vu les observations soumises par les parties,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
1. Le requérant, M. Nikolaos Loulakis, est un ressortissant grec né en 1954 et résidant à Iraklio. Il a été représenté devant la Cour par Me V. Chirdaris, avocat au barreau d'Athènes.
2. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les déléguées de son agent, Mmes G. Papadaki, assesseure auprès du Conseil juridique de l'État, et Z. Hatzipavlou, auditrice auprès du Conseil juridique de l'État.
3. Le 6 janvier 2011, la Cour a reçu une demande d'intervenir en tant que tierce partie par le barreau de la Canée. Par décision du 17 février 2011, la présidente de la Section a écarté cette demande (articles 36 § 2 de la Convention et 44 § 3 du règlement de la Cour).
A. Les circonstances de l'espèce
4. Le requérant habite dans une commune située à la frontière des départements de Lasithi et d'Irakion.
5. Le 24 octobre 2001, le requérant comparut devant un officier de la gendarmerie maritime pour se défendre des accusations d'homicide involontaire et d'avoir provoqué un naufrage par négligence, infractions commises le 15 septembre 2001.
6. Le 13 mars 2006, le tribunal correctionnel d'Iraklion reconnut le requérant coupable des infractions susmentionnées et le condamna à une peine d'emprisonnement de deux ans et neuf mois (arrêt no 677/2006).
7. Le même jour, le requérant interjeta appel contre cet arrêt devant la cour d'appel de Crète, dont le siège se trouve à la Canée.
8. L'audience, initialement fixée au 17 janvier 2007, fut reportée au 26 octobre 2007, puis aux 2 avril, 14 octobre 2008 (où elle a commencé et continué le lendemain), et 28 janvier 2009.
9. Le 28 janvier 2009, la cour d'appel condamna le requérant à une peine de vingt-quatre mois d'emprisonnement (arrêt no 95/2009). Cet arrêt fut mis au net le 22 avril 2009.
10. Il ressort du dossier que le requérant ne se pourvut pas en cassation.
GRIEFS
A. Sur les griefs tirés des articles 6 § 1 et 13 de la Convention en ce qui concerne la durée de la procédure et l'absence de recours interne effectif à cet égard
11. Le requérant allègue que la durée de la procédure introduite par lui devant les juridictions pénales a été excessive. De plus, il se plaint de l'inexistence d'une quelconque juridiction interne compétente pour connaître des plaintes à ce sujet. Il invoque les articles 6 § 1 et 13 de la Convention, dont les parties pertinentes en l'espèce sont libellées comme suit :
Article 6 § 1
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
Article 13
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »
12. Le Gouvernement soutient notamment que, compte tenu de la complexité de l'affaire et du fait que certains retards dans le déroulement de la procédure sont imputables au requérant, la requête doit être rejetée comme mal fondée.
13. La Cour n'estime pas nécessaire de se prononcer sur les arguments invoqués par le Gouvernement, dans la mesure où ces griefs sont en tout état de cause irrecevables pour les raisons suivantes.
14. La Cour rappelle qu'en vertu de l'article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie d'une affaire que « dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive ». Par ailleurs, aux termes du paragraphe 4 du même article, elle peut rejeter toute requête qu'elle considère comme irrecevable par application dudit article « à tout stade de la procédure ».
15. La Cour note en effet que cette règle, qui reflète le souhait des Parties contractantes de ne pas voir remettre en cause des décisions anciennes après un délai indéfini, sert les intérêts non seulement du Gouvernement mais aussi de la sécurité juridique en tant que valeur intrinsèque (De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, 18 juin 1971, § 50, série A no 12), tout en répondant également au besoin de laisser à l'intéressé un délai de réflexion suffisant pour lui permettre d'apprécier l'opportunité de présenter une requête à la Cour et pour en définir le contenu (Iordache c. Roumanie (déc.), no 55092/00, 23 mars 2004). Elle marque ainsi la limite temporelle du contrôle effectué par la Cour et indique aux particuliers comme aux autorités la période au-delà de laquelle ce contrôle ne s'exerce plus (Kadiķis c. Lettonie (no 2) (déc.), no 62393/00, 25 septembre 2003).
16. En l'espèce, la Cour note que la procédure a pris fin le 28 janvier 2009, date à laquelle l'arrêt no 95/2009 de la cour d'appel a été publié. La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence, lorsque la signification n'est pas prévue en droit interne, comme en l'espèce, il convient de prendre en considération la date à partir de laquelle les parties peuvent réellement prendre connaissance du contenu de la décision interne définitive (voir parmi d'autres Papachelas c. Grèce [GC], no 31423/96, § 30, CEDH 1999-II ; Elmaliotis et Konstantinidis c. Grèce, no 28819/04, § 26, 25 janvier 2007). Elle note qu'il s'agit en l'espèce d'un procès pénal dans lequel la juridiction compétente se prononce, à l'issue de l'audience, sur la culpabilité de l'intéressé et, le cas échéant, sur la peine, de sorte que ce dernier est immédiatement informé de la décision le concernant. Elle observe que le 28 janvier 2009, date de l'audience devant la cour d'appel, le requérant a pris connaissance du fait qu'il avait été condamné à une peine de vingt-quatre mois d'emprisonnement. Cependant, il n'a saisi la Cour que le 22 octobre 2009, soit plus de six mois après la publication de cette décision.
17. Il s'ensuit que ces griefs sont tardifs et doivent être rejetées en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
B. Sur le grief tiré de l'article 6 § 1 de la Convention en ce qui concerne l'équité de la procédure
18. Invoquant l'article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint notamment d'une violation de son droit d'accès à un tribunal, en raison de l'omission de l'État grec, à l'époque des faits, de prendre des mesures positives et de créer une cour d'appel à la ville d'Iraklion.
19. Compte tenu de l'ensemble des éléments en sa possession, la Cour, dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, n'a relevé aucune apparence de violation de la disposition invoquée.
20. Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs
, la Cour, à l'unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 10 décembre 2015.
André Wampach Päivi Hirvelä
Greffier adjoint Présidente