Vu la procédure suivante
:
Par une requête, enregistrée le 15 avril 2022, Mme B A, représentée par Me Monpion, avocate, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2021 par lequel le président de la métropole Clermont Auvergne métropole lui a infligé la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions d'un an et le rejet de son recours gracieux ;
2°) de mettre la somme de 4 000 euros à la charge de la métropole Clermont Auvergne métropole en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la sanction disciplinaire attaquée est entachée d'incompétence ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;
- la sanction qui lui a été infligée est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2023, la métropole Clermont Auvergne métropole, représentée par l'AARPI oppidum avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme A en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A ne sont pas fondés.
Une ordonnance en date du 10 novembre 2023 a fixé la clôture d'instruction au 30 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jurie ;
- les conclusions de M. Panighel, rapporteur public ;
- et les observations de Me Roux, suppléant Me Monpion, représentant Mme A, et de Me Cado, représentant la métropole Clermont Auvergne métropole.
Considérant ce qui suit
:
1. Par un arrêté du 21 octobre 2021, le président de la métropole Clermont Auvergne métropole a infligé à Mme A la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions d'un an. Par un courrier daté du 17 décembre 2021, l'intéressée a formé un recours gracieux contre cette sanction disciplinaire qui a été rejeté par une décision en date du 17 février 2022. Par sa requête, Mme A demande l'annulation de la sanction disciplinaire prise à son encontre ainsi que l'annulation du rejet de son recours gracieux dirigé contre cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Pour édicter la sanction disciplinaire en litige, le président de la métropole Clermont Auvergne métropole a relevé que Mme A adoptait une attitude de contestation non constructive et de remise en cause injustifiée de sa hiérarchie ; qu'elle manquait de respect tant envers sa hiérarchie que ses collègues, les agents des autres collectivités, les partenaires extérieurs et les pétitionnaires ; que son manque de motivation l'avait conduite à être impertinente et qu'elle traitait les dossiers d'instruction en limite de délai ou laissait des décisions naître tacitement, qu'elle commettait de ce fait des erreurs et qu'elle n'informait pas les assistantes du service ni les communes sur les rejets pour défaut de pièces.
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. En premier lieu, les faits reprochés à Mme A tenant au traitement défaillant de ses dossiers d'instruction et aux défauts d'information des services des communes membres, s'ils sont éventuellement susceptibles de révéler une insuffisance professionnelle de l'intéressée, ne sont pas de nature à caractériser une faute disciplinaire de cette dernière et ne peuvent, dès lors, être sanctionnés comme tels.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, qui ne sont pas sérieusement contestées par Mme A, et notamment d'échanges de courriels du 2 février 2021 et du 11 mars 2021 que cette dernière a répondu à des sollicitations de sa supérieure hiérarchique de manière brutale et méprisante. Par ailleurs, selon le rapport précis et circonstancié, établi par sa supérieure hiérarchique le 22 avril 2021, l'intéressée avait pour habitude de monopoliser la parole lors des réunions et d'en perturber le bon déroulement par ses remarques. De même, il ressort des déclarations d'un consultant en urbanisme émises le 2 septembre 2021, que lors de formations qu'il a données au cours des mois de mars, avril et mai 2021, Mme A intervenait fréquemment, de manière intempestive et mal à propos, ce qui avait eu pour effet de nuire à la compréhension des sujets abordés par les stagiaires novices et qu'il avait été destinataire de plusieurs évaluations de cette formation mettant en cause le comportement perturbateur de l'intéressée. Ces constatations sont corroborées par une " déclaration d'agression " déposée par une collègue de travail à l'encontre de Mme A, relatant que, lors d'une formation effectuée le 18 juin 2021, et alors que cette collègue intervenait pour présenter l'utilisation d'un logiciel, l'intéressée l'a interrompue en permanence la forçant à abandonner sa présentation pour la laisser à une autre personne. En outre, par un courrier en date du 23 février 2021, une société de promotion immobilière a attiré l'attention du président de la métropole sur les débordements de Mme A à son égard ainsi que sur les difficultés qu'elle rencontrait dans ses relations avec cette dernière, en particulier son agressivité dans les échanges, au point de demander à sa supérieure hiérarchique de dessaisir l'intéressée des dossiers la concernant. Par un courrier du 26 février 2021, la fédération des promoteurs immobiliers a également informé l'autorité territoriale des difficultés à joindre Mme A et des conséquences préjudiciables pour les entreprises du secteur de ses méthodes de travail.
6. En troisième et dernier lieu, les agissements de Mme A énoncés au point 5 du présent jugement, dont la matérialité est établie, sont constitutifs de manquements au devoir d'obéissance hiérarchique auquel tout agent public est tenu en vertu des dispositions de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983, applicables à la date de la décision attaquée, auxquelles se sont désormais substituées celles de l'article
L. 121-10 du code général de la fonction publique. Ces agissements constituent également des atteintes aux personnes avec lesquelles l'intéressée entretenait des relations professionnelles, des entraves au fonctionnement normal du service et, enfin, des atteintes à la réputation et à l'image de la métropole Clermont Auvergne métropole vis-à-vis de ses interlocuteurs extérieurs. Toutefois, et en dépit d'une précédente sanction d'exclusion temporaire de deux jours infligée à l'intéressée pour des faits de même nature le 17 mai 2019, l'exclusion temporaire de fonctions de Mme A pour une durée d'un an en vue de sanctionner les agissements énoncés au point 5 du présent jugement, revêt un caractère disproportionné et, pour ce motif, est entaché d'une erreur d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 2021 par lequel le président de la métropole Clermont Auvergne métropole lui a infligé la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions d'un an, ainsi que l'annulation du rejet de son recours gracieux dirigé contre cette décision.
Sur les frais d'instance :
8. En application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de la métropole Clermont Auvergne métropole au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens. Ces mêmes dispositions s'opposent à ce que la somme de 1 000 euros demandée au même titre par la métropole soit mise à la charge de la requérante, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 21 octobre 2021 du président de la métropole Clermont Auvergne métropole infligeant à Mme A la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions d'un an ainsi que le rejet du recours gracieux dirigé contre cette décision sont annulés.
Article 2 : La métropole Clermont Auvergne métropole versera la somme de 1 500 euros à Mme A en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la métropole Clermont Auvergne métropole tendant à l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A et à la métropole Clermont Auvergne métropole.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme R. Caraës, présidente,
M. Jurie, premier conseiller,
Mme Bollon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2023.
Le rapporteur,
G. JURIE
La présidente,
R. CARAËS
La greffière,
F. LLORACH
La République mande et ordonne au préfet du Puy-de-Dôme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.