Cour d'appel de Paris, Chambre 5-1, 25 janvier 2023, 21/05187

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    21/05187
  • Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :tribunal de commerce de Paris, 29 juin 2019
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/63e1fa4ba8956c05dec7128c
  • Président : Madame Isabelle DOUILLET
Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2023-01-25
Tribunal de Commerce de PARIS
2021-03-01
tribunal de commerce de Paris
2019-06-29

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT

DU 25 JANVIER 2023 (n° 012/2023, 12 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 21/05187 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDKC4 Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er Mars 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS - 9ème chambre - RG n° 2018000927 APPELANTE SAS ADONE CONSEIL Société au capital de 60 000 euros Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 499 887 123, Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège [Adresse 2] [Localité 4] Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125, Assistée de Me Laurent BARBOTIN, de la SCP FISCHER TANDEAU de MARSAC, SUR & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P147, INTIMÉS Monsieur [Y] [H] Né le 28 Février 1969 à [Localité 6] (TUNISIE) De nationalité française En sa qualité d'associé de la société ADONE CONSEIL Demeurant [Adresse 3] [Localité 5] S.A.S. INEADE, Société au capital de 44 000 euros, Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n°508 482 452, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège [Adresse 3] [Localité 5] S.A.S. CENOVA, Société au capital de 21 100 euros, Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n°818 388 266, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège [Adresse 1] [Localité 5] Représentés par Me Frédérique ETEVENARD, avocate au barreau de PARIS, toque : K0065 Assistés de Me Yann CHENET de la SELARL ARMAND Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : K0153, COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre, et Madame Brigitte CHOKRON, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre, Madame Françoise BARUTEL, conseillère. Madame Brigitte CHOKRON, magistrate honoraire, Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL ARRÊT : Contradictoire par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *** Vu le jugement contradictoire rendu le 1er mars 2021 par le tribunal de commerce de Paris qui a : -débouté la société Adone Conseil de la totalité de ses demandes, -débouté la société Cenova, la société Ineade et M. [Y] [H] de leur demande d'écarter la pièce adverse n°63, -débouté la société Cenova, la société Ineade et M. [Y] [H] de leur demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive, -débouté la société Cenova, la société Ineade et M. [Y] [H] de leur demande de dommages et intérêts pour dénigrement, -débouté la société Cenova, la société Ineade et M. [Y] [H] de leur demande de publication du jugement, -condamné la société Adone Conseil à payer à la société Cenova, à la société Ineade et à M. [Y] [H] chacun la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, -condamné la société Adone Conseil aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 67,98 euros dont 11,12 euros de TVA. Vu l'appel de ce jugement interjeté par la société Adone Conseil (SAS) suivant déclaration d'appel remise au greffe de la cour le 17 mars 2021. Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 10 mai 2022 par la société Adone Conseil (SAS), appelante, qui demande à la cour, au visa des articles 1240, 1104 et 1231-1 du code civil, de : -confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[H], la société Ineade et la société Cenova de leurs demandes à titre de procédure abusive, -confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[H], la société Ineade et la société Cenova au titre d'un prétendu dénigrement allégué à l'encontre de la société Adone Conseil au détriment des sociétés Ineade et Cenova, -confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[H], la société Ineade et la société Cenova de leur demande de publication de la décision à intervenir sous astreinte, -infirmer le jugement pour le surplus, -débouter la société Cenova, M.[H], ainsi que la société Ineade de l'intégralité de leurs demandes, Statuant à nouveau, -juger que la société Cenova, représentée par la société Ineade, elle-même représentée par M. [H], a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Adone Conseil, -juger que M.[H] a manqué à son obligation de loyauté à l'égard de la société Adone Conseil en sa qualité d'actionnaire de celle-ci, -juger que la société Ineade a manqué à son obligation de loyauté vis-à-vis de la société Adone Conseil en sa qualité d'ancien dirigeant de celle-ci, -condamner in solidum la société Cenova, M.[H] ainsi que la société Ineade à verser à la société Adone Conseil la somme de 1. 890. 365,15 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, -condamner in solidum la société Cenova, M.[H] ainsi que la société Ineade à verser à la société Adone Conseil la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'atteinte à son image commerciale, -condamner in solidum la société Cenova, M.[H] ainsi que la société Ineade à verser à la société Adone Conseil la somme de 15. 000 euros à titre de préjudice moral, -ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais avancés et solidaires de la société Cenova, la société Ineade et M.[H] dans trois journaux ou revues de dimension nationale, au choix et à l'initiative de la société Adone Conseil, sans que le coût global puisse excéder la somme de 20.000 euros HT, et sur la page d'accueil du site internet de la société Cenova, dans un encadré de couleur rouge sur fond blanc figurant sur le premier écran de la page d'accueil, en police de caractère de taille 13, pour une durée minimum de trois mois, -condamner in solidum la société Cenova, M. [H] ainsi que la société Ineade à verser à la société Adone Conseil la somme de 60.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, -condamner in solidum la société Cenova, M.[H] ainsi que la société Ineade aux entiers dépens. Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 13 juillet 2022 par M. [Y] [H] et les sociétés Cenova (SAS)et Ineade (SAS), intimés, qui demandent à la cour, au visa des articles 1240, 1104 et 1231-1 du code civil, de : -les recevoir en toutes leurs demandes, fins et conclusions, -écarter des débats la pièce adverse n°63, -confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Adone Conseil de l'ensemble de ses demandes, -confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Adone Conseil à verser à chacun des intimés la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles supportés en première instance, A titre incident, -infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [H], la société INEADE et la société Cenova de leurs demandes, -dire et juger abusive la procédure intentée par la société Adone Conseil à l'encontre de M. [H], la société Ineade et la société Cenova, -condamner la société Adone Conseil à verser à ce titre solidairement à M. [H] , la société Ineade et la société Cenova la somme de 200.000 euros, -dire et juger que la société Adone Conseil s'est rendue coupable de dénigrement à l'encontre des sociétés Ineade et Cenova, -condamner en conséquence la société Adone Conseil à verser à ce titre solidairement aux sociétés Ineade et Cenova la somme de 60.000 euros à titre de dommages- intérêts, -ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais avancés de la société Adone Conseil dans trois journaux ou revues de dimension nationale, au choix de la société Cenova, pour un montant total de 20.000 euros HT, et sur le premier écran de la page d'accueil du site Internet accessible à l'adresse www.adoneconseil.fr, en police 14, pour une durée d'un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à venir, -se réserver la liquidation de l'astreinte. Vu l'ordonnance de clôture rendue le 20 septembre 2022.

SUR CE,

LA COUR: Il est expressément référé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement entrepris et aux écritures, précédemment visées, des parties. Il suffit de rappeler que la société Adone Conseil, comptant aujourd'hui environ 260 salariés et exploitant une activité de conseil en organisation et systèmes d'information, a été créée en 2007 par MM. [Y] [H], [F] [S] et [Z] [M], tous trois associés dans la société à parts égales et nommés, respectivement, aux fonctions de président et directeur général. En 2012, s'est substituée à chacun des associés dans l'exercice de ses fonctions, une société unipersonnelle détenue par lui soit, respectivement, la société Ineade, la société FCM Solutions et la société D4 Finance. A compter de 2004 des conflits sont survenus, opposant M. [H] aux deux autres associés. Lors d'une assemblée générale du 15 décembre 2014, Ineade a été révoquée de son mandat et D4 Finance nommée en ses lieu et place à la présidence de la société, tandis que FCM Solutions a été rétablie dans ses fonctions de directrice générale dont elle avait été peu auparavant, le 20 novembre 2014, démise. M. [H] demeure néanmoins associé dans la société à hauteur de 1/3 du capital social. Le 24 avril 2015, M. [H] et la société Ineade ont fait assigner M. [S] et M. [M] en leur qualité d'associés de la société Adone Conseil aux fins de voir annuler l'ensemble des délibérations adoptées par l'assemblée générale du 15 décembre 2014 et obtenir des dommages et intérêts pour violation des dispositions statutaires, révocation abusive de mandat et abus de majorité. Par jugement du 29 juin 2019, le tribunal de commerce de Paris a débouté M. [H] et la société Ineade de leurs demandes. Ce jugement est frappé d'appel. En février 2016, M. [H] créait la société Cenova ayant pour associé unique la société Ineade. Reprochant à la société Cenova d'avoir recruté plusieurs de ses anciens collaborateurs grâce auxquels elle aurait obtenu des marchés auprès de ses clients, notamment les sociétés Accor, L'Oréal et LFP, la société Adone Conseil l'a fait assigner, ainsi que M. [H] et la société Ineade, devant le tribunal de commerce de Paris au fondement de concurrence déloyale et parasitisme, invoquant en outre, à l'encontre de M. [H] et de la société Ineade, un comportement d'associé et de dirigeant déloyal ainsi qu'un abus de minorité. Le tribunal de commerce de Paris, selon le jugement déféré, a débouté la demanderesse de toutes ses prétentions et rejeté également les demandes reconventionnelles des défenderesses en dommages-intérêts pour procédure abusive et dénigrement et aux fins de publication judiciaire. Devant la cour, chaque partie critique ce jugement en ses dispositions lui faisant grief et maintient, pour l'essentiel, ses demandes telles que soutenues devant les premiers juges. Il doit être cependant observé, étant rappelé que, selon les dispositions de l'article 954 du code civil, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions, que la société Adone Conseil ne forme plus de demande au titre de l'abus de minorité, se bornant à demander à la cour de retenir à l'encontre des intimés des actes de concurrence déloyale commis à son préjudice et, à l'encontre de M. [H] et de la société Ineade en particulier, des manquements à leurs obligations de loyauté en qualité, respectivement, d'associé de la société Adone Conseil et de dirigeant de celle-ci. Sur la demande de rejet de la pièce n°63, Cette demande n'est pas justifiée dès lors que la pièce en cause a été, ainsi qu'il a été justement observé par les premiers juges, régulièrement versée à la procédure et débattue contradictoirement. Le jugement déféré est confirmé sur ce point. Sur la concurrence déloyale, La société Adone Conseil soutient que la société Cenova, aidée de M. [H] et de la société Ineade, a commis à son préjudice des actes de concurrence déloyale caractérisés, n'ayant pu lancer et développer son activité que par l'apport de clientèle que lui ont procuré ses anciens salariés qu'elle a débauchés, faisant ainsi, dans le même temps, l'économie des efforts humains et financiers qu'un comportement loyal lui aurait normalement coûté. Elle précise que ses anciens salariés, qui ont représenté jusqu'à 75% du personnel de la société Cenova, ont poursuivi pour le compte de celle-ci des missions qu'ils avaient initialement entreprises alors qu'ils étaient au service de la société Adone Conseil. Concernant en particulier le client Accor, il a été détourné de la société Adone Conseil par M. [H] et la société Ineade qui ont donc participé de concert avec la société Cenova à la commission des actes qui lui ont été préjudiciables. Elle souligne que la jurisprudence constante considère que la manoeuvre déloyale est établie lorsque le nouvel employeur réalise ses affaires avec les clients de l'ancien employeur détournés par les salariés débauchés. Tel est le cas selon l'appelante des marchés qui ont été traités par la société Cenova immédiatement après sa constitution. Pour mettre en évidence le caractère illicite du comportement des intimés, la société Adone Conseil relève à leur charge: -les initiatives déployées pour entrer en contact avec ses salariés alors qu'ils étaient en poste au sein de la société dont ils n'ont démissionné que sur l'assurance d'un emploi auprès de la société Cenova, -l'utilisation, en amont de l'embauche par la société Cenova, d'une adresse électronique ' cenova' au moyen de laquelle des salariés en poste au sein de la société Adone travaillaient et correspondaient avec des clients et prospects pour le compte de la société Cenova, -l'absence de toute annonce sérieuse en vue du recrutement aux postes aujourd'hui occupés par des anciens salariés de la société Adone Conseil ainsi que l'absence de recours aux services d'un cabinet de recrutement, ce qui montre que la société Cenova a recruté ses salariés par démarchage direct auprès de la société Adone Conseil, -l'octroi aux salariés de conditions non conformes aux usages pour les convaincre de quitter leurs fonctions au sein de la société Adone, telles des augmentations de salaire importantes, -le refus de M. [H], alors qu'il était associé dans la société Adone Conseil et dirigeant de cette société, de mettre en place un plan de fidélisation des salariés, tandis qu'il promeut, à l'inverse, à la tête de la société Cenova, le fait que les salariés peuvent accéder à son capital. Quant au préjudice qui en est résulté, la société Adone Conseil se prévaut d'une désorganisation de ses services car certains des salariés débauchés occupaient des postes clés, tels Mme [J] responsable comptable et M. [X] responsable des systèmes d'informations. En outre, nombre de salariés débauchés étaient des collaborateurs seniors en charge des grands comptes clients et entretenaient une relation directe et privilégiée avec cette clientèle, dont le départ a généré une baisse substantielle de son chiffre d'affaires. Les intimés contestent les griefs qui leur sont opposés et concluent à la confirmation du jugement, dont ils s'approprient les motifs, en ce qu'il a débouté la société Adone Conseil de toutes ses prétentions. Pour l'essentiel, ils observent que 'la vaste opération de débauchage systématique' des plus précieux collaborateurs de la société Adone Conseil n'est aucunement avérée, cette dernière n'étant pas en mesure de citer plus de 9 salariés qui l'auraient quittée pour rejoindre la société Cenova sur les 200 salariés qu'elle comptait à l'époque. Ils soulignent, en outre, que le développement de la société Adone Conseil ne parait pas avoir été compromis puisque le nombre de ses salariés n'a fait que croître, comptant 284 salariés en 2020, 367 en décembre 2021 et 412 en juillet 2022. Ils ajoutent que l'appelante ne produit aucun élément de nature à montrer que les départs de ses salariés auraient été provoqués par leurs manoeuvres déloyales et précisent qu'aucun des salariés embauchés par la société Cenova n'était lié par un contrat de travail ou par une clause de non concurrence. Ils rétorquent, enfin, que le fait de n'avoir pas eu recours à un cabinet de recrutement ne saurait être retenu contre eux comme un indice de leurs manoeuvres de débauchage, ayant fait le choix, pour limiter les frais, de recourir au réseau LinkedIn et à un recruteur interne. Sur le détournement de la clientèle, ils expliquent que les sociétés LFP, L'Oréal et Accor étaient des clients historiques de la société Ineade avec lesquels M. [H] avait noué des relations de confiance avant même la création de la société Adone Conseil. Ils estiment qu'il ne saurait être reproché à M. [H] de justifier d'une compétence reconnue, ayant conduit certains clients à le suivre et à continuer de lui confier, à travers la société Cenova, de nouvelles missions. Sur les actes de parasitisme plus précisément, les intimés soutiennent avoir développé une spécialité propre, que n'exerce pas la société Adone Conseil, dans les 'Data', 'Big Data' et 'Data Sciences' ainsi qu'en justifie l'attestation du commissaire aux comptes de la société Cenova (pièce n°35). A ce titre, elle emploie cinq personnes dédiées à temps complet à la recherche et au développement et bénéficie du statut de 'Jeune entreprise innovante' octroyé par l'Etat (pièce n°35). Dès lors, la société Cenova ne saurait se voir reprocher de s'immiscer dans le sillage de la société Adone Conseil. Ceci ayant été posé, il importe de rappeler en liminaire, que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie implique pour les opérateurs économiques intervenant sur un même secteur d'activité de se mettre en concurrence pour conquérir et retenir la clientèle ; ainsi, le fait pour un opérateur d'attirer vers lui un client et de le détourner d'un concurrent ne constitue pas, en soi, un comportement fautif dès lors qu'il procède d'une saine concurrence exempte de tout comportement contraire à un exercice paisible de la liberté du commerce et de l'industrie ; le détournement de la clientèle d'un concurrent sera en revanche répréhensible s'il résulte de l'emploi, au préjudice de ce concurrent, de manoeuvres déloyales et frauduleuses et, plus généralement, de tous moyens illicites caractérisant une faute délictuelle. Il importe de rappeler encore que l'embauche d'un ancien salarié d'une entreprise concurrente n'est pas en elle-même fautive ; que, de même, le salarié, à moins d'être engagé à l'égard de son ancien employeur par une clause de non-concurrence, ne commet aucun acte condamnable en entrant au service, après la rupture du contrat de travail, d'un employeur concurrent et en entraînant, en l'absence de toute manoeuvre frauduleuse, le déplacement d'une partie de la clientèle du premier employeur vers le second . Enfin, il incombe à la partie qui prétend avoir souffert d'actes de concurrence déloyale d'en rapporter la preuve. En l'espèce, sur les actes de débauchage fautif, il n'est pas contesté que les salariés de la société Adone Conseil ayant rejoint la société Cenova n'étaient pas liés par une clause de non-concurrence. Par ailleurs, selon les propres écritures de la société Adone Conseil, trois de ses anciens salariés, 'en charge de clients stratégiques', ayant rejoint la société Cenova, avaient démissionné et quitté la société avant même que la société Cenova ne se constitue le 1er février 2016. Tel était la cas de M. [T] [U], manager, qui avait quitté la société Adone Conseil le 29 mai 2015, de M. [K] [X], consultant senior, le 16 octobre 2015, de M. [W] [C], consultant confirmé, le 14 décembre 2015. Ce dernier a été embauché par la société Cenova en avril 2016 ainsi qu'il ressort des pièces du débat. Ainsi, ces trois salariés se trouvaient de longue date déliés de leur contrat de travail avec la société Adone Conseil lorsqu'ils ont pris leurs poste au sein de la société Cenova. La cour observe de même, s'agissant de M. [V] [E], manager, qu'il a quitté les effectifs de la société Adone Conseil le 16 février 2016, par suite de démission, et a été embauché par la société Cenova le 23 mai 2016, alors qu'il était délié de son contrat de travail avec son précédent employeur. Concernant M. [A] [N], force est de constater qu'il a quitté les effectifs de la société Adone Conseil le 22 mai 2016, par suite de démission, mais qu'il n'est pas justifié de son embauche par la société Cenova. Il résulte des pièces de la procédure que ce salarié assurait en parallèle à son emploi salarié la gérance d'une société N'PLEX sans opposition de son employeur. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la société Cenova d'avoir débauché M. [N], pas plus qu'il ne saurait lui être imputé à faute d'avoir entretenu en juin 2016, avec la société N'PLEX, qui est tierce aux parties, une relation commerciale pour des prestations externes. Quant à Mme [G] [J], comptable de la société Adone Conseil, la cour relève que celle-ci a démissionné le 3 août 2015 de la société Adone Conseil pour créer son entreprise personnelle immatriculée le 1er mars 2016 selon le Kbis versé aux débats. De même que M. [N], Mme [J] n'a pas été employée par la société Cenova à laquelle il ne peut donc être reproché de l'avoir débauchée. Par ailleurs, il n'est aucunement démontré que le départ de Mme [J] de la société Adone Conseil aurait été provoqué par des manoeuvres de la société Cenova, lesquelles ne sauraient être établies du seul fait que cette dernière compterait parmi les clients de l'entreprise créée par l'ancienne salariée. S'agissant de Mme [L] [B], directrice des ressources humaines de la société Adone Conseil, force est de constater qu'elle a été recrutée par la société Cenova en octobre 2018 après avoir quitté les effectifs de la société Adone Conseil le 18 décembre 2017 par suite d'une rupture conventionnelle. Il importe en outre de relever qu'elle se trouvait en congé de maternité entre juin 2016 et janvier 2017 puis en congé parental jusqu'à son départ de la société et qu'elle atteste (pièce n°47) avoir découvert, avant de reprendre son poste, son remplacement par un nouveau responsable des ressources humaines ce qui aurait motivé son départ définitif de la société. Son recrutement par la société Cenova près d'un an après sa rupture avec la société Adone Conseil et près de deux ans et demi d'absence au sein de cette société, ne présente pas, en l'état de ces éléments, un caractère fautif. Concernant enfin MM. [O] et [R], le premier a été embauché par la société Cenova en janvier 2017 plusieurs mois après sa démission de la société Adone Conseil intervenue le 29 août 2016, le second a été embauché par la société Cenova en janvier 2017 également, après avoir démissionné de la société Adone Conseil en octobre 2016. Contrairement à ce que soutient la société appelante, qui procède par affirmations, il n'est pas justifié de ce que la société Cenova serait entrée en contact avec ces derniers en vue de leur embauche alors qu'ils étaient encore liés à leur ancien employeur. Il ressort à l'inverse des messages électroniques produits aux débats que M. [R] a pris l'initiative de démarcher la société Cenova le 25 août 2016 en s'adressant à M. [C] dans les termes suivants : 'je suis à l'écoute du marché en ce moment et je rencontre beaucoup de cabinets. Est-ce que tu penses que tu pourrais transmettre mon CV aux RH pour un éventuel entretien''. Quant à M. [O], il résulte du mail produit aux débats par la société Adone Conseil (pièce n°37) qu'il a 'gardé le contact avec certains collègues qui y sont partis (chez Cenova). Ceci dit je n'échange ni avec eux, ni avec d'autres personnes étrangères au cabinet (..) d'informations confidentielles relatives à mon activité actuelle pour Adone Conseil', ce dont il ne résulte aucune faute à la charge de la société Cenova. Force est pour la cour de constater, à l'instar du tribunal, qu'il ne ressort pas de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, la preuve des manoeuvres répréhensibles que la société Cenova se voit reprocher. Il doit être à cet égard précisé que, contrairement à ce que prétend la société Adone Conseil, le seul fait pour un salarié, alors qu'il est lié par un contrat de travail, d'entamer des pourparlers en vue d'un changement d'emploi, ne constitue pas un acte fautif, de même, le seul fait pour un salarié de ne présenter sa démission qu'après avoir été assuré d'une prochaine embauche chez un autre employeur ne caractérise pas, en l'absence de clause de non-concurrence, un comportement incompatible avec ses obligations. Par ailleurs, le seul fait que le nouveau contrat de travail contienne des clauses plus avantageuses que l'ancien, telles une meilleure rémunération, ou une dispense de période d'essai, résulte de la libre concurrence et ne saurait suffire à établir l'existence de manoeuvres frauduleuses de débauchage. En l'espèce, les augmentations de salaires, de l'ordre de 10% octroyées par la société Cenova à ses salariés anciennement employés par la société Adone Conseil ne sont pas contraires, ainsi que le soutient l'appelante, aux usages du marché du travail, et ne constituent pas la preuve d'un procédé illicite à l'égard de l'ancien employeur. Il s'ensuit que les premiers juges seront approuvés en ce qu'ils ont écarté comme mal fondé le grief de débauchage fautif. Sur le détournement de clientèle, la cour observe d'emblée, à l'instar du tribunal, que la société Adone Conseil se garde d'invoquer une clause d'exclusivité dont lui seraient redevables ses clients et, en particulier, les sociétés L'Oréal, Accor et LFP dont elle prétend que la société Cenova les aurait détournées. En conséquence, le client demeure libre, en l'absence de lien d'exclusivité, du choix de son prestataire et ne saurait donc caractériser une faute le fait pour la société Cenova d'avoir obtenu des marchés auprès des sociétés précitées. En l'espèce, la preuve des manoeuvres de détournement prétendues n'est pas rapportée par la société appelante qui procède par affirmations, en outre, force est de constater que le préjudice qui en serait résulté n'est pas davantage établi dès lors qu'il est indiqué sur le site internet de la société Adone Conseil, (capture d'écran du 6 novembre 2018 pièce n° 29 et capture d'écran du 19 avril 2019 pièce n°44) que les sociétés L'Oréal, Accor et LFP sont citées au nombre des clients de la société, ce dont il suit que le détournement invoqué n'est pas avéré. En conséquence, le grief de détournement de clientèle n'est pas davantage fondé. Enfin, la désorganisation de la société Adone Conseil par suite des manoeuvres répréhensibles imputées à la société Cenova n'est pas justifiée. Force est à cet égard que relever que la société Adone Conseil ne conteste pas les tableaux de variations présentés par la société Cenova dans ses conclusions (pages 55, 56 57) d'où il ressort que : -la société Adone Conseil a embauché 27 salariés en 2015 et a connu le départ de 16 salariés parmi lesquels 2 seulement ont été embauchés par la société Cenova ( MM. [U] et [X]) , -en 2016, la société Adone Conseil a enregistré 25 départs de salariés dont deux ont rejoint la société Cenova (MM. [C] et [E]), -en 2017, la société Adone Conseil a encore enregistré 25 départs de salariés dont deux ont rejoint la société Cenova (MM. [O] et [R]), -en 2018, la société Adone Conseil a connu 30 départs de salariés dont une seule (Mme [B]) a été recrutée par la société Cenova. Il en résulte que la société Cenova ne saurait se voir reprocher des départs massifs de salariés ni se voir imputer la responsabilité de la désorganisation qui en serait résultée pour la société Adone Conseil. En outre, force est de constater que la prétendue désorganisation de la société Adone Conseil n'est pas établie au regard de l'augmentation constante de son chiffre d'affaires entre 2014 et 2018 : -9.434.442 euros en 2014 -12.116.448 euros en 2015 -13.415.891 euros en 2016 -18.027.725 euros en 2017 -27.067.513 euros en 2018. Quant à l'allégation de parasitisme elle n'est pas davantage corroborée, la société Adone Conseil se gardant d'identifier la valeur économique individualisée que la société Cenova aurait captée à son préjudice et de justifier des économies prétendument réalisées par sa concurrente par suite de la captation alléguée. Il découle de l'ensemble des observations qui précèdent, que la concurrence déloyale n'est pas établie et que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société Adone Conseil de l'ensemble de ses demandes formées de ce chef. Sur les manquements aux obligations de loyauté de l'associé et du dirigeant, Ces manquements sont reprochés à M. [H] en sa qualité d'associé de la société Adone Conseil et à la société Ineade en sa qualité d'ancienne présidente de la société Adone Conseil. Il doit être à cet égard souligné que M. [H], associé minoritaire, n'est pas soumis à une obligation de non-concurrence à l'égard de la société Adone Conseil pas plus que n'est liée à une telle obligation la société Ineade, révoquée de la présidence de la société Adone Conseil le 14 décembre 2014. Il s'infère en outre des développements ci-dessus énoncés, que la preuve n'est aucunement rapportée d'un quelconque comportement illicite préjudiciable à la société Adone Conseil par suite de la création de la société Cenova, ce dont il suit que le grief de déloyauté invoqué à l'encontre de M. [H] et de la société Ineade, n'est pas caractérisé. Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en ce qu'il l'a écarté comme mal fondé et rejeté l'ensemble des demandes fondées sur ce chef. Sur les demandes reconventionnelles, Les intimés se plaignent d'actes de dénigrement dont aurait été victime la société Cenova. Ils reprochent à cet égard à la société Adone Conseil d'avoir adressé à la société Accor le message suivant : ' je vous confirme qu'il n'y a aucun lien entre notre société et les sociétés Cenova et Ineade (..) Nous déplorons que ces sociétés vous sollicitent en proposant l'intervention de collaborateurs ayant terminé récemment leurs missions chez Accor pour le compte d'Adone Conseil'. Et de l'avoir par ailleurs invitée à lui fournir des informations 's'il s'avère que les sociétés que vous m'avez citées tendent à faire croire qu'elles ont un lien avec Adone Conseil'. De tels propos jettent le discrédit, selon les intimés, sur la société Cenova ouvertement soupçonnée de pratiques déloyales à l'encontre de la société Adone Conseil. Cependant, si ces propos mettent en évidence et font connaître au client la situation conflictuelle opposant les deux sociétés, ils sont exclusifs de dénigrement à l'égard de la société Cenova . En outre, le préjudice qui en serait résulté pour cette dernière n'est pas établi dès lors qu'il est constant qu'elle a obtenu des missions de la société Accor, ce que la société Adone Conseil lui reproche au demeurant dans le cadre de la présente procédure. Le caractère abusif du procès initié par la société Adone Conseil n'est pas davantage établi, la preuve n'étant pas rapportée qu'elle ait agi par intention malveillante et dans le but de nuire aux intimés. Les demandes de dommages-intérêts présentées par les intimés sont en conséquence, par confirmation du jugement, rejetées. L'équité commande en revanche d'allouer aux intimés une indemnité globale de 30.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, au paiement de laquelle sera condamnée la société Adone Conseil dont la demande formée à ce même titre sera rejetée. Succombant à l'appel, la société Adone Conseil en supportera les entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

, LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions le jugement dont appel, Y ajoutant, Condamne la société Adone Conseil à payer aux intimés une indemnité globale de 30.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, Déboute la société Adone Conseil de sa demande en paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel, Condamne la société Adone Conseil aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE