Sur le pourvoi formé par la société nouvelle d'exploitation des Etablissements AVOT-VALLEE, société à responsabilité limitée, dont le siège est à Blendecques (Pas-de-Calais), rue Jean-Jaurès,
en cassation d'un arrêt rendu le 29 mars 1985 par la cour d'appel de Douai (5ème chambre sociale, section A), au profit de Monsieur A... Patrick, demeurant à Helfaut (Pas-de-Calais), ...,
défendeur à la cassation ; LA COUR, en l'audience publique du 1er juin 1988, où étaient présents :
M. Scelle, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, MM. Goudet, Vigroux, conseillers, Mme Y..., M. X..., Mlle Z..., M. David, conseillers référendaires, M. Franck, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Scelle, les observations de la SCP Riché, Blondel et Thomas-Raquin, avocat de la société nouvelle d'exploitation des Etablissements Avot-Vallée, de la SCP Masse-Dessen et Georges, avocat de M. A..., les conclusions de M. Franck, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi
Sur le premier moyen
, pris en ses deux branches :
Attendu, selon la procédure, que M. A... a été engagé le 1er septembre 1973 par la société Avot Vallée en qualité d'électricien ; que le 17 janvier 1985 il a été désigné comme délégué syndical ; que le 28 janvier 1985 son employeur lui a notifié un avenant au contrat de travail aux termes duquel il devait travailler en travail posté à partir du 4 février 1985 ; qu'à la suite du refus du salarié, la société l'a licencié le 19 février ; que le 15 mars 1985, M. A... a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale pour voir constater que l'inspection du travail avait refusé d'autoriser le licenciement et qu'il acceptait désormais la modification proposée par l'employeur et obtenir en conséquence sa réintégration dans l'entreprise ; Attendu que la société fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Douai, 29 mars 1985) d'avoir ordonné la réintégration de M. A... au sein de la société dans les conditions du contrat de travail modifié, alors, selon le moyen, que, d'une part, la difficulté sérieuse qui portait sur l'interprétation qu'il convenait de donner à l'article 36 de la convention collective pour les ouvriers de la production des papiers, cartons et pâtes de la région du nord faisait que le licenciement ne pouvait être considéré comme étant manifestement illicite avec les conséquences qui s'ensuivent sur les pouvoirs du juge des référés s'agissant d'un salarié protégé ;
qu'en décidant
le contraire, la cour d'appel a violé les articles
L. 412-18,
R. 516-30 et
R. 516-31 du Code du travail ; et alors que, d'autre part, se fondant sur les dispositions de l'article
R. 436-4 du même Code, l'employeur faisait valoir que l'inspecteur du travail ayant gardé le silence pendant plus de quinze jours ne pouvait valablement, après l'expiration de ce délai prendre
une décision de refus d'autorisation de licenciement ; qu'il y avait là encore une difficulté extrêmement sérieuse qui interdisait au juge des référés de considérer que l'attitude de l'employeur à l'égard de son salarié était manifestement illicite ; qu'ainsi, ont été derechef violés les articles précités ; Mais attendu que statuant dans le cadre d'une instance en référé, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux critiques mettant en cause le bien-fondé de la décision de refus d'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail, qui n'était susceptible de recours que devant la juridiction administrative, a pu déduire que le licenciement du salarié protégé auquel l'employeur avait procédé sans autorisation causait à M. A... un trouble manifestement illicite qu'il appartenait au juge des référés de faire cesser en ordonnant sa réintégration ; qu'ainsi le moyen est inopérant en sa première branche et n'est pas fondé en la seconde
Sur le second moyen
, pris en ses trois branches :
Attendu que la société
reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. A... une indemnité compensatrice de salaire, et, jusqu'à la réintégration effective, le montant des rémunérations perdues depuis le licenciement sur la base de la moyenne mensuelle non discutée des mois de décembre 1984 à février 1985, alors, selon le moyen, que, d'une part, la cassation qui ne manquera pas d'être prononcée sur le fondement du premier moyen entraînera par voie de conséquence la cassation du chef ci-dessus querellé du dispositif ; alors que, d'autre part, et en tout état de cause, en l'absence de dispositions spéciales du Code du travail prévoyant le paiement au salarié protégé d'un véritable salaire pour la période s'étant écoulée de la date du licenciement à la date de sa réintégration, période pendant laquelle ledit salarié n'a pas travaillé, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles
L. 140-2,
L. 412-18 et
L. 412-9 du Code du travail ; et alors, enfin, qu'en ne recherchant pas quel avait été le préjudice réel subi au cours de la période qui s'est écoulée entre le licenciement et la réintégration ordonnée, la cour d'appel ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle au regard de l'article
1382 du Code civil ;
Mais attendu
, en premier lieu, que le premier moyen n'ayant pas été accueilli, le second moyen manque en fait en sa première branche ; qu'en second lieu, un salarié protégé, irrégulièrement licencié, doit recevoir une indemnité tenant compte en principe de la rémunération qu'il aurait reçue si l'employeur avait exécuté son obligation de lui fournir du travail pendant la période comprise entre le licenciement et la réintégration ; que, nonobstant la terminologie employée, la cour d'appel a donc pu estimer que dans cette limite la créance de M. A... n'était pas sérieusement contestable et fixer ainsi la provision ; que le moyen ne saurait être accueilli en ses deuxième et troisième branches ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;