Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 mars 2021 et le 27 septembre 2022, M. F D, représenté par Me Leturcq, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 13 janvier 2021 par laquelle le directeur de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) l'a maintenu à demi-traitement à compter du 16 décembre 2020 jusqu'à notification de son inaptitude absolue et définitive ;
2°) à titre principal, d'enjoindre au directeur de l'AP-HM de le placer en congé de longue maladie ou en congé de longue durée à compter du 16 décembre 2019 ou à tout le moins en disponibilité d'office dans l'attente du jugement à intervenir et de lui verser les sommes afférentes à la reconstitution de son traitement depuis cette date ;
3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au directeur de l'AP-HM de réexaminer sa situation, de le placer dans une situation statutaire régulière et de lui verser les sommes afférentes à la reconstitution de son traitement ;
4°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision en litige a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le comité médical qui s'est prononcé sur son inaptitude absolue et définitive était en réalité saisi d'un autre motif ; le comité médical n'est pas l'instance compétente pour se prononcer sur un cas d'inaptitude définitive et absolue à tous postes dans la fonction publique qui relève de la commission de réforme ; en outre, ni le médecin agréé, ni le comité médical, ni la commission de réforme n'ont été consultés sur la fixation d'une éventuelle date de consolidation ;
- à l'issue de l'épuisement de ses congés maladie ordinaire le 15 décembre 2020, il aurait dû être placé en disponibilité d'office ; le maintien en demi-traitement prononcé par la décision du 13 janvier 2021 ne constitue pas une position statutaire régulière ;
- le droit à demi-traitement, prévu par les dispositions des articles 41 de la loi du 9 janvier 1986 et 17 du décret du 19 avril 1988, n'a pas été respecté par l'AP-HM ; il aurait dû percevoir à compter de mars 2020 un demi-traitement d'environ 825 euros, ce qui n'a pas été le cas ;
- en l'absence de date de consolidation médicalement constatée, toute décision de placement en retraite pour invalidité est prématurée ; la décision en litige, qui se base sur l'avis du comité médical constatant son inaptitude totale et définitive à tous postes dans la fonction publique sans possibilité de reclassement, est entachée d'une erreur de droit et d'appréciation ;
- son état dépressif, médicalement constaté par le médecin agréé à trois reprises tout au long de l'année 2020 mais également par le psychiatre qui le suit, ouvre droit au bénéfice d'un congé longue maladie ;
- son état anxio-dépressif chronique revêt le caractère d'une maladie mentale au sens des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, lui ouvrant ainsi le droit au bénéfice d'un congé longue durée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 juin et le 20 octobre 2022, l'AP-HM conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le décret n° 2011-1245 du 5 octobre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C,
- les conclusions de M. Ricard, rapporteur public,
- et les observations de Me Brockeart substituant Me Leturcq pour M. D.
Considérant ce qui suit
:
1. M. D, agent d'entretien titulaire exerçant à l'hôpital de la Timone à Marseille, établissement relevant de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), a fait l'objet d'arrêts de travail en raison de son état dépressif à compter du 16 décembre 2019. Trois expertises ont été réalisées au cours de l'année 2020 par un médecin psychiatre agréé qui a conclu que l'arrêt de travail de M. D était justifié. Par une décision du 30 septembre 2020, le directeur de l'AP-HM a placé l'intéressé en congé de maladie ordinaire de plus de six mois à compter du 16 décembre 2019. Après épuisement de ses droits statutaires, ce dernier n'a pas été en mesure de reprendre ses fonctions en raison de son état de santé. Le comité médical ayant conclu le 7 janvier 2021 à une inaptitude absolue et définitive au poste et à tout poste dans la fonction publique sans possibilité de reclassement professionnel, l'AP-HM, par une décision du 13 janvier 2021, a maintenu M. D en demi-traitement à compter du 16 décembre 2020 jusqu'à la notification de son inaptitude absolue et définitive. M. D demande au tribunal l'annulation de cette décision.
Sur la légalité externe :
2. En premier lieu, la décision attaquée a été signée par Mme A B, directrice adjointe des ressources humaines de l'AP-HM, laquelle disposait d'une délégation de signature établie le 15 décembre 2020, dont l'exemplaire régulièrement signé par
M. G E, directeur général, est accessible en ligne sur le site internet de
l'AP-HM où il peut être consulté librement. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article
L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / () 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ". Aux termes de l'article
L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. La décision du 13 janvier 2021 prononce le maintien à demi-traitement de M. D à la suite de l'épuisement, le 15 décembre 2020, de ses droits statutaires à bénéficier d'un plein traitement et de l'absence de reprise de ses fonctions à cette date. Elle mentionne les textes applicables, soit la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière. La décision, qui mentionne que le requérant n'a pas repris ses fonctions après épuisement de ses droits statutaires à congé de maladie ordinaire à plein traitement, énonce le motif qui permet au directeur de considérer que M. D ne peut plus disposer d'un congé de plein traitement. Par suite, quand bien même les avis du médecin agréé et du comité médical n'auraient pas été joints en annexe, l'arrêté est, en tout état de cause, suffisamment motivé en fait et en droit au sens des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté doit donc, en toute hypothèse, être écarté.
Sur la légalité interne :
5. En premier lieu, la décision en litige se borne, en l'absence de reprise de service, à maintenir le paiement de son demi-traitement à l'intéressé. Eu égard à sa portée, la circonstance qu'elle n'indique pas que M. D, qui a épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire le 15 décembre 2020, est placé en disponibilité d'office pour raison de santé n'est pas de nature à l'entacher d'illégalité.
6. En deuxième lieu, si le requérant conteste avoir perçu la totalité des sommes qui lui sont dues au titre de son demi-traitement depuis le mois de mars 2020, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée au regard de son objet.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique territoriale et hospitalière dans sa version applicable au litige : " () lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service qu'après l'avis favorable du comité médical./ Si l'avis du comité médical est défavorable, le fonctionnaire est soit mis en disponibilité, soit, s'il le demande, reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme des agents des collectivités locales. / Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. ".
8. Il est constant que M. D a été placé en congé de maladie ordinaire du 16 décembre 2019 au 15 décembre 2020, soit pendant une période de douze mois consécutifs et qu'il n'a pas été en mesure de reprendre ses fonctions ensuite. Le comité médical, dans son avis du 7 janvier 2020, a conclu à l'inaptitude absolue et définitive de M. D à reprendre toutes fonctions au sein de la fonction publique. Ainsi, celui-ci doit être regardé comme ayant émis un avis défavorable à la reprise du service de l'intéressé en application des dispositions précitées, quand bien même il aurait été saisi en vue de se prononcer sur sa mise à la retraite pour invalidité. A cet égard, les circonstances qu'il ait été incompétent pour se prononcer sur l'inaptitude définitive à tous postes dans la fonction publique, qu'il n'ait pas fixé une date de consolidation et que seule la commission de réforme était compétente sont sans incidence sur la légalité de la décision en litige qui se borne à maintenir l'agent en demi-traitement jusqu'à la notification de la décision prononçant son inaptitude.
9. En quatrième lieu, si le requérant conteste son inaptitude définitive à occuper tout poste dans la fonction publique ainsi que la consolidation de son état de santé, ce moyen, qui ne peut avoir d'incidence sur la décision en litige eu égard à la portée de cette dernière, ainsi qu'il a été dit au point précédent, doit être écarté comme inopérant.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dans sa version applicable au litige : " " Le fonctionnaire en activité a droit : () /3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. () ". Par ailleurs, aux termes de l'article 24 du même décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour obtenir un congé de longue maladie ou de longue durée, le fonctionnaire en activité, ou son représentant, doit adresser à l'autorité ayant le pouvoir de nomination une demande appuyée d'un certificat du médecin traitant spécifiant qu'il peut bénéficier des dispositions du 3° ou du 4° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. ".
11. Contrairement à ce que soutient le requérant, son placement en congé de longue maladie ou de longue durée ne pouvait intervenir d'office en application des dispositions précitées en l'absence de demande de l'agent tendant à son octroi. Or, il ressort des pièces du dossier que M. D a présenté une demande de placement en congé de longue maladie le 26 mars 2021, soit postérieurement à la décision en litige. Il ne ressort par ailleurs d'aucune pièce du dossier qu'il aurait introduit une demande de placement en congé de longue durée. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'établissement public de santé était tenu de placer M. D en congé de longue maladie ou de longue durée doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. D doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. F D et à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Menasseyre, présidente,
Mme Fabre, première conseillère,
Mme Journoud, conseillère,
Assistées de Mme Ibram, greffière.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2023.
La rapporteure,
signé
E. C La présidente,
signé
A. MENASSEYRE
La greffière,
signé
S. IBRAM
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
La greffière,
N°2102139