Cour d'appel de Lyon, 24 juin 2015, 14/03500

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
21 juin 2017
Cour d'appel de Lyon
24 juin 2015

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Lyon
  • Numéro de déclaration d'appel :
    14/03500
  • Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Nature : Arrêt
  • Identifiant Judilibre :603705d5fae4fba09dfa1f3e
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Résumé

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Texte intégral

AFFAIRE PRUD'HOMALE RAPPORTEUR R.G : 14/03500 [O] C/ SAS DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON du 15 Avril 2014 RG : F 13/00586 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT

DU 24 JUIN 2015 APPELANT : [U] [O] né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 4] [Adresse 1] [Adresse 1] comparant en personne, assisté de Me Stéphanie BARADEL de la SCP ANTIGONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON INTIMÉE : SAS DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE [Adresse 2] [Adresse 2] représentée par Me Jean-Sébastien CAPISANO de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de PARIS DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Juin 2015 Présidée par Marie-Claude REVOL, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Christophe BOUCHET, Greffier placé. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : - Jean-Charles GOUILHERS, président - Didier JOLY, conseiller - Marie-Claude REVOL, conseiller ARRÊT : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 24 Juin 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ; Signé par Marie-Claude REVOL, Conseiller, le Président étant empêché, et par Christophe BOUCHET, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. ******************** EXPOSE DU LITIGE [U] [O] a été mis à la disposition de la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE par contrats de travail temporaire du 11 février 2010 au 15 août 2011. Le 16 août 2011, il a été embauché par la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE selon contrat à durée indéterminée. Le 9 août 2012, il a été victime d'un accident du travail. A l'issue des visites de reprise, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste. Le 21 décembre 2012, [U] [O] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. [U] [O] a saisi le conseil des prud'hommes de LYON. Il a contesté son licenciement et a demandé sa réintégration ou subsidiairement des dommages et intérêts. Il a également réclamé un solde d'indemnité de licenciement et une indemnité au titre des frais irrépétibles. Par jugement du 15 avril 2014, le conseil des prud'hommes a débouté [U] [O] de ses demandes, a débouté l'employeur de sa demande fondée sur les frais irrépétibles et a condamné [U] [O] aux dépens. Le jugement a été notifié le 17 avril 2014 à [U] [O] qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 25 avril 2014. Par conclusions visées au greffe le 4 juin 2015 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [U] [O] : - fait valoir qu'il a contesté l'avis du médecin du travail devant l'inspecteur du travail lequel ne s'est pas prononcé, qu'il était mobile géographiquement et fonctionnellement, qu'il a un bon niveau d'études et que l'employeur ne s'est pas livré à des recherches de reclassement sérieuses et loyales et s'est contenté de recherches purement formelles, - estime que le licenciement est privé de cause et réclame la somme de 35.000 euros nets à titre de dommages et intérêts, - fait débuter son ancienneté au 10 février 2010 et demande un solde d'indemnité de licenciement de 1.327,42 euros et la remise d'un certificat de travail rectifié, - sollicite la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'employeur aux dépens. Par conclusions visées au greffe le 4 juin 2015 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE : - objecte qu'elle a effectué des recherches de reclassement en son sein et au sein de son groupe lesquelles se sont avérées vaines, que le médecin du travail s'est rendu dans l'entreprise et a limité le reclassement à un poste administratif, qu'elle a consulté les délégués du personnel et le comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail et que les recours formés par le salarié contre l'avis du médecin du travail ont été rejetés, - considère que le licenciement est bien fondé, - réplique qu'elle a légitimement fait débuter l'ancienneté au 16 mai 2011 et que le salarié a été rempli de ses droits s'agissant de l'indemnité de licenciement, - demande le rejet des prétentions du salarié et la confirmation du jugement entrepris, - subsidiairement, est à la minoration du montant des dommages et intérêts réclamés, - reconventionnellement, sollicite la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation du salarié aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement : La lettre de licenciement du 21 décembre 2012 se fonde sur l'inaptitude et l'impossibilité de reclassement. L'article L. 1226-10 du code du travail subordonne la validité du licenciement d'un salarié déclaré inapte par suite d'un accident du travail à l'impossibilité de le reclasser. Il pèse sur l'employeur l'obligation de procéder à des recherches de reclassement sérieuses, loyales et personnalisées. A l'issue de la seconde visite de reprise du 19 novembre 2012, le médecin du travail a déclaré [U] [O] : 'Inapte définitif au poste. Inapte à tout effort de manutention répété, à tout geste répétitif avec le bras droit, à des contraintes posturales de la tête. Apte à un poste administratif'. [U] [O] a contesté l'avis du médecin du travail. L'inspecteur du travail a rejeté sa demande au motif qu'il n'avait pas été destinataire de l'avis du médecin inspecteur régional du travail. Le Ministre a débouté [U] [O] de son recours. L'employeur a indiqué au comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail et aux délégués du personnel que le médecin du travail avait déclaré [U] [O] inapte à tous les postes en chambre froide. Le médecin du travail ne s'est pas prononcé sur l'aptitude d'[U] [O] à travailler en chambre froide. L'employeur justifie des réponses négatives faites par DANONE Direction lait, DANONE direction ressources humaines, BLEDINA, usine DANONE [Localité 9], usine DANONE [Localité 11], DANONE [Localité 7], usine DANONE [Localité 5], usine BADOIT [Localité 2], EVIAN [Localité 3], VOLVIC [Localité 1], DANONE [Localité 12], DANONE [Localité 8]. Le groupe DANONE emploie 101.995 salariés dans le monde et possède 186 usines dans le monde. La bourse de l'emploi de DANONE FRANCE au 21 décembre 2012, jour de la lettre de licenciement, mentionne un poste d'agent d'accueil (accueil chauffeurs, gestion standard et accueil visiteurs) à [Localité 6]. La responsable du site logistique, [Z] [R], atteste qu'[U] [O] lui a dit à plusieurs reprises que seuls les sites de la région [Localité 10] l'intéressaient. Lors de la réunion du comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail, [Z] [R] a indiqué que, lors d'une discussion, [U] [O] lui a dit qu'il était disponible pour la région [Localité 10] et était d'accord pour étudier les éventuelles propositions plus éloignées. Ainsi, l'employeur ne justifie pas qu'il a étendu ses recherches à l'ensemble de son groupe et notamment à l'étranger. Il ne prouve pas qu'il a interrogé le site de LA SALVETAT. Il n'explique pas pourquoi il n'a pas proposé au salarié le poste d'agent d'accueil à LA SALVETAT qui figurait sur la bourse de l'emploi au jour de la lettre de licenciement. Il s'évince de ces éléments que l'employeur a failli à son obligation de reclassement. En conséquence, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse. En application de l'article L. 1226-15 du code du travail, [U] [O] a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire. Il justifie qu'il a été au chômage jusqu'en avril 2015. Les éléments de la cause conduisent à chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 25.000 euros. En conséquence, la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE doit être condamnée à verser à [U] [O] la somme de 25.000 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause. [U] [O] bénéficiait d'une ancienneté supérieure à deux ans et la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE emploie plus de onze personnes. En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE doit être condamnée d'office à rembourser aux organismes concernés les allocations chômage versées à [U] [O] du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnités. Le jugement entrepris doit être infirmé. Sur l'indemnité de licenciement : L'article L. 1226-14 du code du travail accorde au salarié licencié par suite d'une inaptitude consécutive à un accident du travail une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité légale. L'article L. 1251-38 du code du travail dispose en son premier alinéa : 'Lorsque l'entreprise utilisatrice embauche, après une mission, un salarié mis à sa disposition par une entreprise de travail temporaire, la durée des missions accomplies au sein de cette entreprise au cours des trois mois précédant le recrutement est prise en compte pour le calcul de l'ancienneté du salarié'. Aux termes de l'article 5-5 de la convention collective nationale des industries laitières applicable à la cause, l'ancienneté dans l'entreprise est déterminée en tenant compte 'de la durée des contrats antérieurs dans l'entreprise'. [U] [O] se prévaut de ce texte pour que le point de départ de l'ancienneté soit la date du premier contrat de mission. La société objecte que ce texte ne s'applique pas aux contrats de mission car il ne s'agit pas de contrats de travail conclus par elle. Les termes de la convention collective précitée, à savoir 'les contrats antérieurs dans l'entreprise', sont trop généraux pour qu'ils puissent être interprétés comme renvoyant aux seuls contrats conclus par l'entreprise et excluant les contrats conclus par un autre employeur mais exécutés au sein de l'entreprise. Dans ces conditions, les contrats de mission doivent être intégrés dans le calcul de l'ancienneté. [U] [O] a été mis à la disposition de la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE par contrats de travail temporaire du 11 février 2010 au 15 août 2011. Le 16 août 2011, il a été embauché par la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE selon contrat à durée indéterminée. Le point de départ de l'ancienneté d'[U] [O] doit donc être fixé au 11 février 2010. Le certificat de travail mentionne une fin d'embauche au 31 décembre 2012. Il s'ensuit une ancienneté de 2 ans, 10 mois et 17 jours, soit 2,87 années. L'attestation POLE EMPLOI permet de chiffrer le salaire moyen des 12 derniers mois à la somme de 1.780,11 euros et le salaire moyen des 3 derniers mois à la somme de 1.888,51 euros. L'indemnité légale de licenciement s'établit à la somme de 1.084 euros et l'indemnité spéciale qui est du double à la somme de 2.168 euros. [U] [O] a touché une indemnité de 1.142,60 euros. Le solde en sa faveur s'élève à 1.025,40 euros. En conséquence, la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE doit être condamnée à verser à [U] [O] la somme de 1.025,40 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement. Le jugement entrepris doit être infirmé. Sur la remise des documents sociaux : Il doit être enjoint à la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE de remettre à [U] [O] un certificat de travail conforme au présent arrêt. Le jugement entrepris doit être infirmé. Sur les frais irrépétibles et les dépens : L'équité commande de condamner la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE à verser à [U] [O] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel. La S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel. Le jugement entrepris doit être infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Infirme le jugement entrepris, Statuant à nouveau, Juge le licenciement privé de cause réelle et sérieuse, Condamne la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE à verser à [U] [O] la somme de 25.000 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause, Condamne d'office la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE à rembourser aux organismes concernés les allocations chômage versées à [U] [O] du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnités, Invite le greffe à notifier le présent arrêt à POLE EMPLOI, Condamne la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE à verser à [U] [O] la somme de 1.025,40 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement, Enjoint à la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE de remettre à [U] [O] un certificat de travail conforme au présent arrêt, Condamne la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE à verser à [U] [O] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, Condamne la S.A.S. DANONE PRODUITS FRAIS FRANCE aux dépens de première instance et d'appel. Le Greffier, Christophe BOUCHET Pour le Président empêché, Marie-Claude REVOL
Note...

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