AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 17 juin 2004) que par acte du 12 février 1991 la société Prodim Sud Gedial, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Prodim, a conclu avec la société Maury, un contrat de franchise concernant l'exploitation d'un fonds de commerce d'alimentation sous l'enseigne Codec pour une durée de cinq ans ; que ce contrat a été renouvelé ensuite pour une même période, le terme en étant fixé au 12 février 2001 ; que le 9 avril 1999, la société Maury a mis fin prématurément au contrat, puis, elle a déposé l'enseigne Codec et a commencé à distribuer des produits Casino ; que par sentence arbitrale du 26 septembre 2001, la société Maury a été condamnée à payer à la société Prodim une certaine somme à titre de réparation de la rupture anticipée du contrat ; que soutenant que la société Distribution Casino France (la société Casino) s'était rendue complice de la rupture anticipée de la société Maury et avait commis à ce titre une faute constitutive de concurrence déloyale la société Prodim, ainsi que la société CSF, laquelle avait entre temps acquis les activités d'approvisionnement et de logistique de la société Prodim, l'ont poursuivie en réparation de leur préjudice ; que la cour d'appel a accueilli cette demande et condamné la société Casino à verser des dommages-intérêts tant à la société Prodim qu'à la société CSF ;
Attendu que la société Casino fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer, d'une part, à la société Prodim 10 000 euros à titre de dommages-intérêts sur la perte de cotisations et 1 000 euros à titre de dommages-intérêts sur l'atteinte au réseau Codec, et d'autre part, à la société CSF 30 000 euros à titre de dommages-intérêts sur la perte de marge, alors, selon le moyen,
1 / que si le tiers à un contrat peut voir sa responsabilité engagée lorsqu'il aide un cocontractant à violer les dispositions de ce contrat, c'est à la condition que les parties soient toujours liées par le contrat à la date de l'intervention du tiers, c'est-à-dire que le contrat n'ait pas été résilié antérieurement ; que la cour d'appel a constaté que le contrat de franchise liant la société Maury à la société Prodim a été rompu par lettre du 9 avril 1999 ; qu'en jugeant néanmoins la société Casino responsable pour avoir aidé la société Maury à violer les dispositions du contrat la liant à la société Prodim, tout en admettant que la société Casino n'est entrée en contact avec la société Maury qu'après la résiliation du contrat de franchise, la cour d'appel a violé l'article
1382 du code civil ;
2 / que si le tiers à un contrat peut voir sa responsabilité engagée lorsqu'il aide un cocontractant à violer les dispositions dudit contrat, c'est à la condition que le tiers agisse en connaissance de cause ;
qu'il ne saurait peser sur le tiers une obligation générale de se renseigner sur la liberté contractuelle à l'égard d'autrui du partenaire qui le sollicite ou qu'il sollicite surtout lorsque cette sollicitation intervient après la rupture du contrat ; que la cour d'appel qui, pour la déclarer responsable, a jugé qu'il lui appartenait de se renseigner sur la liberté contractuelle de la société Maury et qui a retenu qu'elle s'est rendue complice de la violation par la société Maury de ses obligations d'enseigne et d'approvisionnement qui résultaient d'un contrat qu'elle ne pouvait ignorer et sur lequel elle avait l'obligation de se renseigner, et ce même si la rupture était déjà intervenue, a violé l'article
1382 du code civil ;
3 / qu'elle a fait valoir qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas s'être renseignée sur le contenu du contrat liant la société Maury à la société Prodim, ce contrat interdisant expressément à la société Maury de communiquer à des tiers des renseignements de quelque nature qu'ils soient concernant le fonctionnement du réseau Codec" ; que la cour d'appel qui a fait peser sur elle une obligation de se renseigner sur le contenu du contrat, sans répondre à ce moyen, a violé l'article
455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève seulement qu'à supposer même que la société Maury n'ait démarché la société Casino qu'après avoir déposé l'enseigne Codec, ce qui n'est guère vraisemblable, la société Casino s'est rendue complice de la violation des obligations d'enseigne et d'approvisionnement qui résultaient du contrat qu'elle ne pouvait ignorer ; qu'appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a pu en déduire que la société Casino avait participé en connaissance de cause à la violation par la société Maury de ses obligations contractuelles envers la société Prodim son concurrent, sans être tenue de procéder à la recherche inopérante invoquée par la première branche, ni de répondre au moyen inopérant invoqué par la troisième branche et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Casino aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer aux sociétés Prodim et CSF la somme globale de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille sept.