RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT
DU 26 Novembre 2015
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02519
Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 16 Janvier 2015 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 14/02797
APPELANTS
Monsieur [Z] [N]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne
SYNDICAT CGT DES PERSONNELS DU GROUPE AUDIENS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Mme [L] [B] (Délégué syndical)
INTIMEE
ASSOCIATION GROUPE AUDIENS
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Anne-charlotte PASSELAC, avocat au barreau de PARIS, toque : L0271
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Nicolas BONNAL, Président
Madame Martine CANTAT, Conseiller
Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier .
**********
Statuant sur l'appel interjeté par M. [Z] [N] et le syndicat CGT DES PERSONNELS DU GROUPE AUDIENS d'une ordonnance de référé rendue le 16 janvier 2015 par le conseil de prud'hommes de Paris en sa formation de départage qui, saisi par le premier nommé de demandes dirigées contre son employeur l'association Groupe AUDIENS tendant essentiellement au retrait à titre provisoire de la mise à pied disciplinaire du 03 au 07 novembre 2014 ainsi qu'au paiement d'une provision de 2 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, et par le second nommé, intervenu volontairement à l'instance, de demandes en dommages et intérêts et de publication sous astreinte de la décision à intervenir dans le journal d'entreprise, a dit n'y avoir lieu à référé sur ces demandes, laissé à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et condamné solidairement M. [Z] [N] et le syndicat CGT DES PERSONNELS DU GROUPE AUDIENS aux entiers dépens,
Vu les conclusions transmises et soutenues à l'audience du 08 octobre 2015 pour M. [Z] [N] et le syndicat CGT DES PERSONNELS DU GROUPE AUDIENS, appelants, qui demandent en définitive à la cour de':
- ordonner la suspension à titre provisoire de la mise à pied du 03 au 07 novembre 2014,
- en conséquence, condamner l'association Groupe AUDIENS à payer par provision à M. [Z] [N] la somme de 1 142,38 €, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction de l'instance,
- condamner l'association Groupe AUDIENS à la remise du bulletin de paie rectifié sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,
- condamner l'association Groupe AUDIENS à payer par provision à M. [Z] [N] la somme de 2 500 € à valoir sur le préjudice causé par cette mise à pied illicite, avec intérêts au taux légal «'à compter de la date de la notification de l'ordonnance à intervenir'»,
- ordonner la suspension à titre provisoire du blâme notifié le 25 août 2015,
- condamner l'association Groupe AUDIENS à payer par provision à M. [Z] [N] la somme de 2 500 € à valoir sur le préjudice causé par ce blâme illicite, avec intérêts au taux légal «'à compter de la date de la notification de l'ordonnance à intervenir'»,
- condamner l'association Groupe AUDIENS à payer par provision au syndicat CGT DES PERSONNELS DU GROUPE AUDIENS la somme de 5 000 € à valoir sur la réparation du préjudice, avec intérêts au taux légal «'à compter de la date de la notification de l'ordonnance à intervenir'»,
- ordonner à l'association Groupe AUDIENS de faire publier dans le prochain numéro à paraître de son journal d'entreprise le dispositif de «'l'ordonnance'» à intervenir, sous astreinte de 600 € «'par infraction constatée'»,
- se réserver la faculté de liquider lesdites astreintes,
- condamner l'association Groupe AUDIENS à payer à M. [Z] [N] la somme de 2 500 € et au syndicat CGT DES PERSONNELS DU GROUPE AUDIENS celle de 1 200 € sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile, pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel,
- condamner l'association Groupe AUDIENS aux entiers dépens,
étant précisé que l'unique jeu de conclusions transmis par les appelants à la cour se rattache tant à la présente instance qu'à deux autres procédures parallèles enregistrées sous les numéros de répertoire général 14/09928 et 14/13297 et audiencées le même jour,
Vu les conclusions transmises et soutenues à l'audience du 08 octobre 2015 pour l'association Groupe AUDIENS, intimée, qui demande à la cour de':
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les différentes demandes de M. [Z] [N] et en ce qu'elle a écarté les prétentions du syndicat CGT DES PERSONNELS DU GROUPE AUDIENS,
- déclarer irrecevable la demande nouvelle de M. [Z] [N] tendant à l'annulation du blâme du 25 août 2015,
- condamner in solidum M. [Z] [N] et le syndicat CGT DES PERSONNELS DU GROUPE AUDIENS à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,
SUR CE,
LA COUR
EXPOSE DU LITIGE
M. [Z] [N] a été engagé à compter du 02 novembre 1992 par la CAISSE NATIONALE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITES DE LA PRESSE ET DE LA COMMUNICATION sous contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité de responsable d'application, au statut cadre I et au coefficient hiérarchique 300.
A la suite de deux transferts légaux du contrat de travail, l'association Groupe AUDIENS est venue aux droits et obligations de la CAISSE NATIONALE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITES DE LA PRESSE ET DE LA COMMUNICATION.
La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale du travail du personnel des institutions de retraites complémentaires du 9 décembre 1993, étendue par arrêté du 19 septembre 1994 et élargie aux institutions de prévoyance par arrêté du 31 janvier 1995.
M. [Z] [N] est salarié protégé en tant que délégué syndical, représentant syndical au comité d'entreprise et conseiller du salarié.
Depuis plus de dix ans, de nombreux incidents ont opposé M. [Z] [N] à son employeur, dont certains se sont traduits par des sanctions disciplinaires, et la juridiction prud'homale a régulièrement eu à connaître de ces litiges.
Le 30 septembre 2014, il a été notifié à M. [Z] [N] une mise à pied disciplinaire de cinq jours du 03 au 07 novembre 2014, à la suite d'incidents survenus le 05 août 2014 l'ayant opposé aux collaborateurs du service «'paie et administration du personnel'» puis au directeur du pôle social M. [Y], alors que dans l'exercice de ses fonctions syndicales il réclamait avec insistance la délivrance du formulaire «'billet annuel SNCF'» au profit d'une salariée en arrêt maladie, Mme [U].
C'est dans ces conditions que contestant cette nouvelle sanction, M. [Z] [N] a saisi en référé le conseil de prud'hommes de Paris le 16 octobre 2014 de la procédure dans le cadre de laquelle a été rendue l'ordonnance entreprise.
Devant la cour, il a formé des demandes nouvelles tendant à la suspension à titre provisoire d'un blâme notifié le 25 août 2015 et à l'octroi de dommages et intérêts à ce
MOTIFS
S mise à pied notifiée le 30 septembre 2014 et exécutée du 03 au 07 novembre 2014 et ses conséquences':
En application de l'article
R 1455-6 du code du travail, la formation des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le prononcé par l'employeur d'une sanction encourant la nullité ou injustifiée est susceptible de constituer un trouble manifestement illicite.
Au cas présent, il ressort des productions qu'après convocation à un entretien préalable prévu le 12 septembre 2014 auquel le salarié ne s'est pas présenté, l'association Groupe AUDIENS a sanctionné M. [Z] [N] le 30 septembre 2014 d'une mise à pied disciplinaire exécutée du 03 au 07 novembre 2014 pour s'être montré agressif le 05 août 2014, d'abord avec l'adjoint «'paie et administration du personnel'» M. [K] puis avec le directeur du pôle social M. [Y], alors que dans l'exercice de ses fonctions syndicales il réclamait avec insistance la délivrance d'un formulaire «'billet annuel SNCF'» au profit d'une salariée en arrêt maladie, Mme [U] (pièces n° 6 et 8 des appelants).
Conformément aux dispositions conventionnelles applicables, la convocation à l'entretien préalable présentait de façon détaillée les motifs pour lesquels une sanction était envisagée.
Dans la lettre de notification de la sanction à laquelle la cour fait expressément référence, l'employeur relève que M. [Z] [N] a adopté le 05 août 2014 un comportement menaçant et agressif envers notamment M. [K], qui ne souhaitait pas lui délivrer l'attestation sollicitée sans vérifier qu'un salarié en arrêt maladie pouvait bénéficier d'un billet annuel SNCF à tarif réduit, qu'il a ensuite le même jour exposé dans un courriel que la réponse des services de la direction des relations humaines était à son sens constitutive d'une discrimination et qu'il a de suite interrompu une réunion de M. [Y] en intimant à celui-ci l'ordre de s'en occuper immédiatement, en hurlant qu'une grave discrimination était en train d'être commise, en l'accusant de discrimination, en l'intimidant physiquement et en l'empêchant de refermer la porte de la salle de réunion.
M. [Z] [N] soutient que la sanction est manifestement illicite pour :
- en premier lieu, avoir été sanctionné en tant que salarié relatant des agissements discriminatoires en violation des dispositions des articles
L 1132-3 et
L 1132-4 du code du travail, l'intéressé se prévalant des arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation des 10 mars 2009 (n° 07-44.092) et 25 septembre 2012 (n° 11-18352) pour en conclure que le seul fait que sa mauvaise foi ne soit pas alléguée emporterait à lui seul la nullité de la sanction';
- en deuxième lieu, avoir été sanctionné en tant que salarié dans l'exercice de ses fonctions syndicales en violation des dispositions de l'article
L 2141-5 du code du travail';
- en troisième lieu, avoir déjà été sanctionné pour les mêmes faits par une lettre du 12 septembre 2014 que l'employeur conclut en qualifiant les faits survenus le 05 août 2014 d'agression, une telle conclusion constituant une sanction disciplinaire.
- Sur la discrimination':
Aux termes de l'article L'1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L'3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
Selon l'article 1er de la loi du 27'mai'2008 susvisée':
- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation ou identité sexuelle, son sexe ou son lieu de résidence, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,
- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,
- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
S'agissant de la relation d'agissements discriminatoires, l'article
L 1132-3 du code du travail dispose qu' «'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux articles L 1132-1 et L 1132-2 ou pour les avoir relatés'».
S'agissant de l'exercice d'une activité syndicale, l'article L 2145 dispose qu' «'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail'».
Dans tous les cas, l'article L'1134-1 prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par les dispositions susvisées, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles, la procédure de référé excluant toutefois le recours à une telle possibilité.
Au cas présent, M. [Z] [N] produit le courriel qu'il a adressé le 05 août à 17h06 à M. [Y], dans lequel il fait état du refus d'établir en faveur de Mme [U] l'attestation lui permettant de bénéficier d'un billet de congé annuel SNCF au motif qu'elle n'est pas en congés payés mais en arrêt maladie, en qualifiant ce refus d'acte de discrimination fondé sur l'état de santé, le courriel qu'il lui a adressé dans le même sens peu après l'altercation survenue au niveau du seuil de la salle de réunion et la lettre en date du 30 septembre 2014 de notification de la mise à pied, dans laquelle l'employeur mentionne à trois reprises l'accusation de discrimination qu'il a proférée au cours de cette altercation (ses pièces n° 2, 3 et 8).
Il est par ailleurs constant que l'employeur avait parfaitement conscience que la démarche de M. [Z] [N] s'inscrivait dans le cadre de son activité syndicale de représentant du personnel.
Le salarié présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il appartient dès lors à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En ce qui concerne d'abord le sujet de discorde à l'origine des incidents, la cour relève que la délivrance de l'attestation sollicitée en faveur de Mme [U] nécessitait des vérifications sur la situation de cette salariée, dès lors que M. [Z] [N] ne justifiait pas de cette situation ainsi qu'il n'est pas contesté et n'en justifie pas davantage dans le cadre de la présente instance.
Il ressort ensuite clairement de la lettre de notification de la sanction que si l'employeur a entendu relater précisément le déroulement des incidents survenus le 05 août 2014, notamment en faisant état des accusations de discrimination proférées par M. [Z] [N], il n'a en revanche tiré aucun grief de ces accusations ni formulé à cet égard un quelconque reproche au salarié et a entendu le sanctionner exclusivement pour son attitude agressive et intimidante, tant verbale que physique.
Le caractère bien fondé de cet unique grief est amplement établi au regard des témoignages concordants de Mmes [E], [Q] et [A], qui contrairement à l'argumentaire des appelants ne sont nullement contradictoires (pièces n° 21 à 23 de l'intimée).
Il doit être ajouté que M. [K] a lui aussi dressé par courriel du 06 août 2014 un compte rendu de la venue à son bureau de M. [Z] [N], qui lui a intimé l'ordre de remplir l'attestation en faveur de Mme [U] et s'est montré à cette occasion très agressif sans aucune raison valable (pièce n° 20 de l'intimée).
L'association Groupe AUDIENS prouve dans ces conditions que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
- Sur l'allégation de l'existence d'une double sanction':
L'article
L 1331-1 du code du travail dispose que «'constitue une sanction, toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération'».
Il en résulte que toute observation écrite à l'encontre d'un salarié relative à ses agissements peut constituer une sanction disciplinaire.
M. [Z] [N] fait valoir que tel est le cas d'une lettre du 12 septembre 2014 (sa pièce n° 7) à la fin de laquelle l'employeur qualifie les faits survenus le 05 août 2014 d'agression'en écrivant : «'Je constate qu'une nouvelle fois après l'agression du 5 août vous entendez comme de nombreuses fois m'intimider et de fait, me nuire, en saisissant sur des accusations infondées, mon responsable hiérarchique'».
Toutefois, cette lettre de M. [Y] est adressée à M. [Z] [N] pris non pas en son nom personnel mais en sa qualité de secrétaire du syndicat CGT AUDIENS et a pour seule finalité de répondre à une lettre que celui-ci en cette même qualité a remise en main propre le 08 août 2014 à la direction générale (pièce n° 5 des appelants).
Cet échange épistolaire a trait à la situation d'une autre salariée Mme [B] et ce n'est donc qu'incidemment que M. [Y] qualifie dans la lettre considérée l'incident survenu le 05 août 2014 d' «'agression'» pour caractériser une intention de lui nuire.
Dans ces conditions, la lettre du 12 septembre 2014 ne saurait revêtir le caractère d'une sanction au sens des dispositions susvisées.
Il s'ensuit que la preuve de l'existence du trouble manifestement illicite allégué n'est pas rapportée.
Par voie de conséquence, les autres demandes en paiement et en remise de document présentées par M. [Z] [N], qui étaient précisément fondées sur l'existence dudit trouble, se heurtent à une contestation sérieuse au sens des dispositions de l'article
R 1455-7 du code du travail et ne peuvent prospérer.
Il en est de même des demandes du syndicat, l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ne reposant en l'espèce que sur l'existence du trouble allégué dont la preuve n'est pas rapportée.
Pour ces motifs et ceux non contraires du premier juge, l'ordonnance entreprise sera donc confirmée en toutes ses dispositions.
Sur le blâme notifié le 25 août 2015':
- Sur la recevabilité de la demande nouvelle':
C'est à tort que pour conclure à l'irrecevabilité de la demande, l'association Groupe AUDIENS soutient que la règle de la recevabilité des demandes nouvelles prévue par l'article
R 1452-7 du code du travail a pour contrepartie celle de l'unicité d'instance définie à l'article R 1452-6 et que celle-ci n'étant pas applicable en référé, celle-là ne l'est pas non plus.
Il doit en effet être rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article
R 1452-7 du code du travail, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, l'absence de tentative de conciliation ne pouvant être opposée.
L'article R'1452-6 du code du travail prévoit quant à lui que «'toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance'» et que «'cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes'».
Tout d'abord, si la règle de l'unicité de l'instance n'interdit pas de porter un litige à la fois devant le juge des référés et le juge du principal, il n'en reste pas moins que lorsqu'il a été statué au fond sur une première demande dérivant d'un contrat de travail, la règle de l'unicité de l'instance fait obstacle à la présentation en référé d'une seconde demande dérivant du même contrat et ayant un fondement né ou révélé antérieurement au dessaisissement du juge du fond, de sorte qu'il ne saurait être soutenu que cette règle est systématiquement écartée en matière de référé.'
Ensuite, il ne ressort pas des dispositions sus-rappelées que l'application de la règle de la recevabilité des demandes nouvelles en appel soit subordonnée à celle de la règle de l'unicité d'instance.
En l'espèce, l'action engagée au fond par M. [Z] [N] devant le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail, a fait l'objet le 31 mars 2014 d'un jugement de retrait du rôle.
Cette action devant le juge du principal, qui n'est pas éteinte mais qui n'a encore donné lieu à aucune décision sur le fond, ne constitue pas un obstacle à la saisine parallèle du juge des référés, ni à la formalisation devant la cour statuant en référé de demandes nouvelles.
Elle constitue d'autant moins un tel obstacle que le fondement de la demande nouvelle soumise par M. [Z] [N] à la cour tendant à la suspension du blâme notifié le 25 août 2015 est postérieur à la saisine du conseil de prud'hommes.
Il s'ensuit que la demande doit être déclarée recevable.
- Sur le trouble manifestement illicite allégué':
Après l'avoir régulièrement convoqué, par lettre du 20 juillet 2015, à un entretien préalable fixé le 31 juillet 2015, l'employeur a notifié le 25 août 2015 à M. [Z] [N] un blâme pour':
- avoir le 14 avril 2015 interrompu une session de formation en indiquant au formateur qu'il partait en délégation, alors même qu'il n'a déclaré aucune heure de délégation pour cette journée lorsqu'il a remis le 1er juin 2015 le détail de ses heures,
- avoir été absent sans motif légitime au cours de deux sessions de formation programmées les 16 et 17 avril 2015 (pièce n° 22 des appelants).
M. [Z] [N] soutient que ce blâme doit être suspendu aux motifs':
- qu'il sanctionne la dénonciation de faits de harcèlement et de discrimination,
- que les faits reprochés remontent à plus de deux mois et sont donc prescrits,
- que certains des faits reprochés ne sont pas mentionnés dans la lettre de convocation, en violation des dispositions de l'article 34 de la convention collective applicable.
a) Sur la dénonciation de faits de discrimination'et de harcèlement :
La cour se réfère aux dispositions sus-rappelées applicables en matière de discrimination.
En ce qui concerne la dénonciation de faits de harcèlement, l'article
L 1152-2 du code du travail dispose qu' «'aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionnée, licenciée ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire (') pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés'».
L'article L 1154-1 prévoit que lorsque survient un litige à ce titre, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Contrairement à l'argumentation de M. [Z] [N], la référence faite dans la lettre de notification de la sanction aux accusations de harcèlement ne signifie pas que celles-ci ont été prises en considération dès lors qu'au contraire, l'employeur y fait seulement allusion pour dire qu'il n'entend pas y répondre': «'Je n'entends pas argumenter sur vos accusations de harcèlement. Au-delà du fait que celles-ci sont sans lien avec les raisons concrètes et objectives pour lesquelles vous avez été convoqué à un entretien préalable, une enquête vous a été proposée et c'est dans cadre que cette question sera traitée'».
Il a été effectivement proposé le 20 août 2015 à M. [Z] [N] de bénéficier de la procédure applicable en la matière, prévue par l'article 10 de l'accord d'entreprise, étant observé que le 31 août, l'intéressé n'avait toujours pas donné sa réponse sur ce point (pièces n° 23 et 24 des appelants).
Enfin, il n'existe dans la lettre de notification de la sanction aucune référence à la dénonciation de faits de discrimination ni aucun terme pouvant laisser penser que l'employeur ait entendu sanctionner le salarié de ce chef.
Il s'ensuit que M. [Z] [N] ne présente pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ou d'une discrimination directe ou indirecte.
b) Sur la prescription':
Ainsi que le rappellent exactement les appelants, en application des dispositions de l'article
L 1332-4 du code du travail, «'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales'».
S'agissant de la matinée du 17 avril 2015 au cours de laquelle une session de formation était également programmée, il n'est pas contesté que M. [Z] [N] a d'abord adressé un courriel à 08h00 prévenant de son arrivée à 10h30, puis un autre courriel à 10h40 dans lequel il annonçait sa venue vers 11h45 et enfin un dernier courriel à 16h59 dans lequel il indiquait': «'Ce matin, j'ai été pris de crises d'angoisses dues à la discrimination dont je suis l'objet. Heureusement, cela s'est dissipé, et j'espère ne pas rechuter.'» (ses pièces n° 19 et 22), sans pour autant en justifier par un certificat médical.
En ce qui concerne l'absence du 14 avril 2015, il ressort des productions que l'employeur n'a pu avoir connaissance de son caractère éventuellement fautif que le 1er juin 2015 puisque c'est à cette date que le salarié, ainsi qu'il le reconnaît dans son courrier du 31 août 2015 (sa pièce n° 23), a remis à son employeur le justificatif détaillé de ses heures de délégation pour les six premiers mois de l'année.
Il doit en outre être relevé à cet égard que M. [Z] [N] a reconnu dans ses lettres des 31 juillet et 31 août 2015 (ses pièces n° 20 et 23) avoir oublié de déclarer ses heures de délégation du 14 avril 2015.
Les faits n'étaient donc pas prescrits lorsque l'employeur a engagé la procédure disciplinaire le 20 juillet 2015.
En ce qui concerne ses absences des 16 et 17 avril 2015 aux sessions de formation, M. [Z] [N] s'en est expliqué par courriel transmis le 17 avril 2015 à 16h59, faisant état pour l'après-midi du 16 avril d'un rendez-vous médical ayant duré beaucoup moins longtemps que prévu et pour la matinée du 17 avril de la survenance de crises d'angoisse dues à la discrimination dont il serait l'objet.
Or, dès cette date, l'employeur disposait des relevés du badge de l'intéressé pour la journée du 16 avril, démontrant que celui-ci était présent cet après-midi là dans les locaux de l'entreprise et que rien ne s'opposait à sa participation à la session de formation (pièces n° 19 et 22 des appelants).
Quant à la matinée du 17 avril 2015 au cours de laquelle une session de formation était également programmée, l'employeur disposait le jour même, ainsi qu'il n'est pas contesté, des courriels adressés par M. [Z] [N], le premier à 08h00 prévenant de son arrivée à 10h30, le deuxième à 10h40 dans lequel il annonçait sa venue vers 11h45 et enfin le troisième précité, transmis à 16h59 alors qu'il avait badgé à 12h14, dans lequel il fait état pour la première fois de crises d'angoisse sans pour autant en justifier par un certificat médical (pièces n° 19 et 22 des appelants).
L'employeur avait donc connaissance dès les 16 et 17 avril 2015 de l'insuffisance des explications fournies par le salarié pour justifier de ses absences au cours des deux jours considérés, de sorte que celles-ci étaient prescrites lorsque la procédure disciplinaire a été engagée.
Dans ces conditions et en cet état de référé, il convient de constater que l'absence du 14 avril 2015 n'était pas prescrite lorsque l'employeur a engagé la procédure disciplinaire le 20 juillet 2015 et que seules, les absences des 16 et 17 avril 2015 étaient prescrites, de sorte que le blâme repose sur un fait fautif non prescrit.
c) Sur la violation alléguée de l'article 34 de la convention collective applicable':
Il résulte des dispositions de l'article 34 de la convention collective applicable que l'employeur doit, antérieurement à l'entretien préalable à une éventuelle sanction, notifier au salarié par écrit les motifs de la mesure qu'il envisage.
L'association Groupe AUDIENS s'est conformée à ses obligations conventionnelles en adressant le 20 juillet 2015 à M. [Z] [N] une lettre de convocation à un entretien préalable exposant en détail les reproches faits au salarié quant à ses absences des 14, 16 et 17 avril 2015.
Il importe peu que les absences des 08 et 10 avril 2015 n'y soient pas mentionnées dans la mesure où elles ne figurent dans la lettre de notification du blâme qu'à titre de rappel fait au salarié qu'il n'a toujours pas justifié de ces deux absences.
La violation de l'article 34 de la convention collective applicable n'est donc pas caractérisée.
Considérant l'ensemble des développements ci-avant, la preuve de l'existence du trouble manifestement illicite allégué n'est pas rapportée.
Par voie de conséquence, les autres demandes en paiement et en remise de document présentées par M. [Z] [N], qui étaient précisément fondées sur l'existence dudit trouble, se heurtent à une contestation sérieuse au sens des dispositions de l'article
R 1455-7 du code du travail et ne peuvent prospérer.
Il en est de même des demandes du syndicat, l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ne reposant en l'espèce que sur l'existence du trouble allégué dont la preuve n'est pas rapportée.
Il sera dit en conséquence n'y avoir lieu à référé sur ces demandes nouvelles.
Sur l'application de l'article
700 du code de procédure civile et les dépens':
En application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile, il est équitable que M. [Z] [N] et le syndicat CGT DES PERSONNELS DU GROUPE AUDIENS contribuent in solidum à concurrence de 1 000 € aux frais irrépétibles que l'association Groupe AUDIENS a été contrainte d'engager devant la cour.
M. [Z] [N] et le syndicat CGT DES PERSONNELS DU GROUPE AUDIENS qui succombent supporteront in solidum la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions';
Y ajoutant,
Déclare recevables les demandes nouvelles présentées à la cour par M. [Z] [N] tendant à la suspension à titre provisoire du blâme notifié le 25 août 2015 et à l'octroi de dommages et intérêts à ce titre';
Constate que l'absence du 14 avril 2015 n'était pas prescrite lorsque l'employeur a engagé la procédure disciplinaire le 20 juillet 2015 et que seules, les absences des 16 et 17 avril 2015 étaient prescrites';
Dit en conséquence n'y avoir lieu à référé sur ces demandes nouvelles';
Condamne in solidum M. [Z] [N] et le syndicat CGT DES PERSONNELS DU GROUPE AUDIENS à payer à l'association Groupe AUDIENS la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles que l'association Groupe AUDIENS a été contrainte d'engager devant la cour';
Condamne in solidum M. [Z] [N] et le syndicat CGT DES PERSONNELS DU GROUPE AUDIENS aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT