Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Versailles 21 janvier 2021
Cour de cassation 15 juin 2022

Cour de cassation, Première chambre civile, 15 juin 2022, 21-12.790

Mots clés prêt · promesse · vente · société · immobilier · perte de chance · réparation · notaire · droit des contrats · principal · acquéreur · taux · pourvoi · procédure civile · référendaire

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 21-12.790
Dispositif : Rejet
Publication : Inédit au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 21 janvier 2021, N° 18/07553
Président : M. CHAUVIN
Rapporteur : Mme Champ
Avocat général : M. Lavigne
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:C110448

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles 21 janvier 2021
Cour de cassation 15 juin 2022

Texte

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 juin 2022

Rejet non spécialement motivé

M. CHAUVIN, président

Décision n° 10448 F

Pourvoi n° M 21-12.790

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022

Mme [B] [P], épouse [R], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-12.790 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Y] [L],

2°/ à Mme [S] [G], épouse [L],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

3°/ à la société [D] [T], [A] [V] et [U] [W], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Boullez, avocat de Mme [P] épouse [R], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. et Mme [L], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [D] [T], [A] [V] et [U] [W], et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :



REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [P] épouse [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [P] et celle de la SCP [D] [T], [A] [V] et [U] [X], notaire et condamne Mme [P] à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme [L] ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES

à la présente décision

Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour Mme [P] épouse [R]


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Mme [R] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR écarté la demande qu'elle avait formée contre M. et Mme [L] afin qu'ils soient condamnés à lui payer la somme de 92.000 €, ainsi que celle qu'elle avait formée afin que M. et Mme [L] ainsi que la société [D] [T] – [A] [V] – [U] [X] soient condamnés à lui payer la somme de 195.005,98 € et que Mme [E] [F], clerc de l'office notarial précitée, soit condamnée à lui verser la somme de 20.000 € séquestrée entre ses mains ;

1. ALORS QUE la condition suspensive d'obtention d'un prêt est stipulée dans l'intérêt exclusif de l'acquéreur qui peut ne pas s'en prévaloir et donc renoncer à la défaillance de la condition ; qu'il s'ensuit que la partie, bénéficiaire exclusive d'une condition, est toujours libre d'y renoncer, peu important que le notaire ne l'ait pas informée que l'offre de prêt n'était pas conforme aux termes de la promesse de vente conclue sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que M. et Mme [L] ont informé leur notaire, par courrier du 3 janvier 2014, que les offres de prêt reçus des établissements de crédit correspondaient à l'accord de financement qu'ils devaient obtenir, de sorte qu'ils tenaient la condition suspensive pour réalisée ; qu'en affirmant, pour décider que la condition suspensive n'était pas accomplie, que le notaire aurait dû les informer que les offres de prêt n'étaient pas conformes aux prévisions de la promesse de vente, quand le manquement du notaire à son devoir d'information et de conseil ne privait pas d'effet la renonciation de l'acquéreur au bénéfice de la condition suspensive, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats ;

2. ALORS QU'il appartient à l'acquéreur d'un bien immobilier de démontrer qu'il a bien sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente et que faute d'avoir demandé l'octroi d'un tel prêt, la condition suspensive doit être réputée accomplie ; que Mme [R] a soutenu, en particulier, que les époux [L] avaient transmis au notaire, une demande de prêt sur formulaire de la SOCIETE GENERALE joint à leur courriel au notaire du 3 janvier 2014, que cette demande n'était pas signée et qu'il n'était pas justifié qu'elle ait été adressée à la banque (conclusions, p. 16) ; qu'en s'abstenant de vérifier que la demande de prêt avait bien été adresssée à la SOCIETE GENERALE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1178 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats ;

3. ALORS QU'il appartient à l'acquéreur d'un bien immobilier de démontrer qu'il a bien sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente et que faute d'avoir demandé l'octroi d'un tel prêt, la condition suspensive doit être réputée accomplie ; que Mme [R] a également rappelé que les taux d'intérêts visés dans cette demande étaient largement inférieurs au taux prévu à la promesse, de sorte que M. et Mme [L] avaient également méconnu les termes de la promesse de vente : « Les taux d'intérêts visés dans cette demande (2,80 %, 3,80 % et 3,24 %) sont en effet largement inférieurs au taux prévu à la promesse (4% pour le prêt principal et 4,2 % pour le prêt relais). / La promesse vise en outre un prêt relais de 2 ans à hauteur de 575 000 € et un prêt principal de 25 ans à hauteur de 525 000 € (page 7 de la promesse, pièce n° 1). / Or, le formulaire de demande de prêt de la SOCIETE GENERALE porte sur : / - un crédit relais de 506 000 € sur 12 mois ; / - un prêt immobilier à taux fixe de 375 644 € et un prêt immobilier à taux révisable de 199 000 € (574 644 € au total, la promesse prévoyant cependant un montant de prêt principal de 525 000 € maximum). / Cette demande n'est donc pas non plus conforme au regard du montant des prêts demandés » (conclusions, p. 16) ; qu'en s'abstenant de rechercher si de telles contrariétés aux caractéristiques définies dans la promesse de vente ne justifiaient pas de tenir la condition suspensive pour réputée accomplie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1178 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats ;

4. ALORS QU'il appartient à l'acquéreur d'un bien immobilier de démontrer qu'il a bien sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente et que faute d'avoir demandé l'octroi d'un tel prêt, la condition suspensive doit être réputée accomplie ; qu'en retenant que la proposition du CREDIT DU NORD transmise par la société MEILLEURTAUX portait sur un financement de 1.080.000 € sur 240 mois au taux de 3,25 %, conforme aux stipulations contractuelles, sans rechercher, ainsi que le soutenait Mme [R], si « la demande ayant abouti à cette offre du CREDIT DU NORD est différente des conditions stipulées à la promesse dès lors que cette offre porte sur la somme globale de 1 080 000 € empruntée sur 20 ans (240 mois), et non, comme cela est stipulé à la promesse, sur la somme 525 000 € sur 25 ans outre sur la somme de 575 000 € sur 2 ans (prêt relais) » (conclusions, p. 16), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1178 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.


SECOND MOYEN DE CASSATION


Mme [B] [R] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR uniquement condamné la société notariale [D] [T] – [A] [V] – [U] [X] à lui payer la somme de 16.649,02 € seulement, outre les intérêts légaux à compter du 11 septembre 2018, et DE L'AVOIR déboutée de ses plus amples demandes indemnitaires

1. ALORS QUE toute perte de chance ouvre droit à réparation ; que la seule disparition d'une éventualité défavorable est constitutive d'une perte de chance indemnisable, même si le dommage final ne l'est pas ; qu'en affirmant que Mme [R] ne démontrait pas avec la certitude requise qu'elle aurait trouvé dès janvier 2014 un acquéreur au même prix que celui accepté par M. et Mme [L], sans rechercher si elle n'avait pas été privée d'une chance de trouver un acquéreur au même prix dont la perte lui ouvrait droit à réparation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2. ALORS QUE les obligations du notaire relèvent de sa responsabilité délictuelle lorsqu'elles ne tendent qu'à assurer l'efficacité d'un acte instrumenté par lui ou lorsqu'il a dispensé un conseil aux parties et qu'elles ne constituent que le prolongement de sa mission de rédacteur d'acte ; qu'en affirmant que le notaire a commis une faute contractuelle, après avoir constaté qu'il n'avait pas vérifié que la condition suspensive, qu'il avait lui-même rédigée, était effectivement réalisée à la date convenue, soit le 9 janvier 2014, et que rien ne s'opposait à la réitération prévue au plus tard le 31 octobre suivant, la cour d'appel a violé l'ancien article 1382 devenu l'article 1240 du code civil par refus d'application ;

3. ALORS QU'en cas de doute, le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en déboutant Mme [R] de sa demande tendant à obtenir réparation des surcoûts liés au 69.556 € de frais de notaire et au 40.000 € de commissions d'agence, soit un total de 1.349.566 € du moment qu'elle ne produisait aucune pièce justifiant de ces coûts, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil ;

4. ALORS QUE toute perte de chance ouvre droit à réparation ; que la seule disparition d'une éventualité défavorable est constitutive d'une perte de chance indemnisable, même si le dommage final ne l'est pas ; qu'en affirmant que le préjudice dont se plaint Mme [R] est consécutif à une baisse du prix de vente qui n'est pas directement imputable à la faute du notaire, sans rechercher si Mme [R] n'a pas été privée d'une chance de trouver un autre acquéreur au prix que lui proposaient M. et Mme [L], la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil.