Logo pappers Justice

Tribunal administratif de Versailles, 2ème Chambre, 10 février 2023, 2100203

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Versailles
  • Numéro d'affaire :
    2100203
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Satisfaction partielle
  • Référence abrégée :
    TA Versailles, 10 févr. 2023, n° 2100203
  • Rapporteur : Mme Ozenne
  • Nature : Décision
  • Avocat(s) : ROCHEFORT
Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Versailles
28 février 2025
Tribunal administratif de Versailles
10 février 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et trois mémoires enregistrés le 11 janvier 2021 et le 20 juin, le 7 septembre et le 11 octobre 2022, ainsi que des pièces complémentaires enregistrées le 13 octobre 2022, Mme B A, représentée par Me Rochefort, demande au tribunal : A titre principal : 1°) d'annuler les décisions des 22 mai 2020 et 17 juillet 2020 procédant à sa réaffectation ainsi que celle rejetant son recours gracieux ; 2°) de condamner la commune de Viroflay à lui verser une somme de 40 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande indemnitaire préalable et de l'anatocisme si plus d'une année d'intérêts de retard était due ; A titre accessoire : 3°) d'enjoindre à la ville de Viroflay de l'affecter sur son poste de directrice de crèche, sinon sur tout poste de son cadre d'emploi ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Viroflay une somme de 4 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la mutation d'office dont elle a fait l'objet est illégale : - elle constitue en réalité une mutation auprès d'un autre établissement, et émane d'une autorité incompétente puisqu'elle est signée du maire de la commune de Viroflay et non du président du centre communal d'action sociale ; et elle est entachée d'une erreur de droit puisqu'elle a été décidée sans son accord, en méconnaissance de l'article 51 de la loi du 26 janvier 1984 ; - elle est entachée d'un défaut de motivation ; - elle est également entachée d'un vice de procédure à défaut pour elle d'avoir pu consulter son dossier et émettre, préalablement, ses observations, d'une part, et en l'absence, d'autre part, de la consultation préalable de la commission administrative paritaire ; - elle est illégale à défaut d'avoir été précédée d'une publicité quant à la vacance de l'emploi sur lequel elle a été affectée ; - elle est illégale à défaut d'avoir été précédée d'une délibération créant l'emploi sur lequel elle a été affectée, en méconnaissance de l'article 34 de la loi du 26 janvier 1984 ; - elle est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où les missions de son nouveau poste ne correspondent pas aux tâches relevant de son cadre d'emploi ; - elle est entachée d'un détournement de pouvoir et constitue une sanction déguisée ; - cette illégalité est fautive et engage la responsabilité de la ville de Viroflay ; - la commune a également, par ses agissements, commis une faute en raison des dysfonctionnements du service et de l'exercice anormal du pouvoir hiérarchique, qualifiable de harcèlement, compte tenu des conditions d'exercice de ses fonctions puisqu'elle était dépourvue des moyens humains et matériels nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions au sein de la crèche ; - la commune a également commis une faute en la maintenant à temps partiel en dépit de ses nombreuses demandes de réintégration à temps plein ; - ces différentes fautes ont engendré des préjudices, notamment un préjudice moral évalué à 20 000 euros, un préjudice financier estimé forfaitairement à 20 000 euros, puisqu'il comprend le traitement de base perdu, le régime indemnitaire correspondant dont la nouvelle bonification indiciaire d'un montant de 13 302 euros ainsi que la prime de service de 75 euros. Par deux mémoires en défense enregistrés le 10 avril et le 16 septembre 2022, la commune de Viroflay, représentée par Me Gallo, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête est irrecevable dans la mesure où les décisions contestées des 22 mai et 17 juillet 2020 constituent des mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours ; - le cas échéant, les moyens tirés de l'insuffisante motivation et du vice de procédure sont inopérants ; - les conclusions indemnitaires fondées sur les troubles dans ses conditions d'existence sont irrecevables à défaut d'être chiffrées ; - les moyens ne sont pas fondés. La clôture de l'instruction a été fixée au 18 novembre 2022 par une ordonnance du même jour. Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 relative à la fonction publique territoriale ; - le décret n° 2012-1420 du 18 décembre 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des infirmiers territoriaux en soins généraux ; - le décret n° 2004-777 du 29 juillet 2004 relatif à la mise en œuvre du temps partiel dans la fonction publique territoriale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Geismar, première conseillère, - les conclusions de Mme Ozenne, rapporteure publique ; - les observations de Me Rochefort, avocate de Mme A ; - et les observations de Me Gallo, avocat de la commune de Viroflay. Connaissance prise des notes en délibérés enregistrées le 30 janvier 2023, produites par la commune de Viroflay d'une part, et Mme A d'autre part.

Considérant ce qui suit

: 1. Mme B A était infirmière titulaire et relevait de la fonction publique hospitalière depuis le 19 janvier 1990. Elle a été recrutée par la commune de Viroflay, par la voie du détachement, à compter du 22 janvier 2001 pour occuper le poste d'adjointe de direction au sein d'une crèche, à mi-temps. Ce détachement a été renouvelé à quatre reprises, et Mme A a alors été intégrée dans le cadre des infirmiers territoriaux, au grade d'infirmière de classe normale. En parallèle, son temps de travail a évolué, à hauteur de 60% d'un temps complet à compter du 1er septembre 2010 pour une durée d'un an, et à hauteur de 75% à compter du 1er septembre 2013 pour une durée initiale de six mois, renouvelée par la suite jusqu'au 1er mars 2018. En avril 2017, Mme A a assuré l'intérim de la direction de la crèche de Verdun et a demandé son passage à temps plein à plusieurs occasions. A compter du 4 juillet 2018, Mme A prend la direction de la crèche du Plateau. Par un arrêté du 9 juillet 2018, notifié le 11 octobre 2018 et avec effet rétroactif au 1er mars 2018, son temps de travail évolue vers un temps plein. De multiples échanges ont eu lieu entre Mme A et les services administratifs concernant l'organisation de la crèche, notamment au sujet de difficultés liées à l'encadrement compte tenu de nombreuses absences, aux repas et au linge, la requérante évoquant un manque de moyen et sollicitant de l'aide sur plusieurs aspects, humains et matériels. Finalement, par une lettre du 22 mai 2020, le maire de Viroflay lui a indiqué qu'elle serait affectée en qualité de chargée de projet en prévention santé et que la fiche de poste correspondante lui serait communiquée prochainement. Par un arrêté du 17 juillet 2020, Mme A a été affectée au sein du service des affaires sociales, en qualité de chargée de projet en prévention santé. Par un recours gracieux notifié le 11 septembre 2020, Mme A a invoqué l'illégalité de cette décision de réaffectation et a demandé l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis. En l'absence de réponse, Mme A demande par la présente requête l'annulation des décisions des 22 mai et 17 juillet 2020 procédant à sa réaffectation interne, ainsi que l'indemnisation des préjudices découlant tant de l'illégalité de ces décisions que des agissements de la commune, qu'elle évalue à 40 000 euros. Sur les conclusions en annulation : En ce qui concerne la fin de non-recevoir : 2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable, alors même que la mesure de changement d'affectation aurait été prise pour des motifs tenant au comportement de l'agent public concerné. 3. Mme A a exercé, depuis 2003, les fonctions de directrice adjointe de la crèche du Plateau composée d'une dizaine d'agents et comptant 37 berceaux avant d'être affectée, provisoirement, en tant que directrice de la crèche de Verdun. Il ressort des pièces du dossier que ses fonctions comprenaient alors, notamment, la gestion du projet d'établissement, incluant ainsi la définition des modalités pédagogiques de l'établissement et sa mise en pratique, la gestion éducative avec des missions d'accueil et d'interface avec le public composé de jeunes enfants et de leurs parents, la gestion logistique, administrative et financière de la structure ainsi que des missions d'encadrement parmi lesquelles figuraient l'élaboration des emplois du temps des agents de ces crèches et leur évaluation. Or, le changement d'affectation litigieux de l'intéressée en tant que chargée de projet en prévention santé n'emporte aucune mission d'encadrement ni de direction. Dès lors, la commune n'est pas fondée à soutenir que le changement d'affectation en cause constituerait une simple mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours. La fin de non-recevoir doit être écartée. En ce qui concerne la légalité du changement d'affectation : S'agissant d'une qualification en mutation vers le Centre communal d'action sociale : 4. Aux termes de l'article 51 de la loi relative à la fonction publique territoriale : " Les mutations sont prononcées par l'autorité territoriale d'accueil. Sauf accord entre cette autorité et l'autorité qui emploie le fonctionnaire, la mutation prend effet à l'expiration du délai de préavis mentionné à l'article 14 bis du titre Ier du statut général () ". Et selon l'article 52 de cette loi : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement. ". 5. Mme A soutient que la décision présentée comme un changement d'affectation constitue en réalité une mutation au sein d'une autre administration puisqu'alors agent de la ville, elle est devenue, du fait des décisions litigieuses, agent du centre communal d'action sociale (CCAS). Or, elle fait ainsi valoir que la décision émane d'une autorité incompétente au motif qu'elle est signée du maire de la commune de Viroflay, et non du président du centre communal d'actions sociales, disposant de sa propre personnalité morale. A cet égard, elle ajoute ne pas avoir donné son accord à une telle mutation, qui ne pouvait donc lui être imposée. 6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A a été nommée, par la voie du détachement, en tant qu'infirmière de classe normale par un arrêté du maire de Viroflay et que l'ensemble des actes la concernant, avant les décisions litigieuses tels que ceux relatifs à son temps de travail ou à ses affectations, émanaient du maire de la commune. Il n'est d'ailleurs pas contesté que la requérante exerçait ses fonctions pour le compte de la commune de Viroflay. Il ressort du dossier que le courrier du 22 mai 2020 précise qu'elle sera " affectée au sein des affaires sociales " en qualité de chargée de projet en prévention et que l'arrêté procédant à sa réaffectation à compter du 25 mai 2020 est également signé du maire et comporte l'en-tête de la commune. Ainsi, et nonobstant la circonstance que la requérante serait placée sous l'autorité hiérarchique de la directrice du CCAS compte tenu de la mutualisation de certains services, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait été formellement mutée au sein du CCAS. Dès lors, Mme A n'est pas fondée à soutenir que les décisions litigieuses émaneraient d'une autorité incompétente. De la même manière, pour les raisons précitées, le moyen tiré de l'erreur de droit, en l'absence d'accord de sa part, doit être écarté. S'agissant d'une sanction déguisée : 7. Par ailleurs, Mme A soutient que dans l'hypothèse où les décisions seraient considérées comme procédant à sa réaffectation interne au sein de la ville de Viroflay, elles seraient également illégales dans la mesure où cette décision constitue en réalité une sanction déguisée. 8. Il ressort des pièces du dossier que les relations entre la requérante et les services administratifs de la ville de Viroflay étaient difficiles. A cet égard, Mme A a sollicité son passage à temps plein à six reprises entre le 5 juin 2017 et le 28 mai 2018, avant d'obtenir une réponse favorable. Elle produit d'ailleurs un courriel du 24 juillet 2017 démontrant que le délai d'instruction de sa demande est lié, en partie, à l'appréciation de sa manière de servir. Ainsi, la coordinatrice petite enfance indiquait à ce sujet : " d'un point de vue management, je ne pense pas que cela soit bien de la passer à temps plein, elle occupe déjà beaucoup de place dans la crèche ", " je ne souhaite pas qu'elle prenne des missions supplémentaires, elle a tendance à gérer trop de choses ". De même, l'ancienne directrice de la crèche multi accueil a attesté le 30 septembre 2020 que : " En sa qualité d'adjointe, Mme A aurait dû être mise en copie des mails importants ce qui a rarement été le cas, la coordinatrice allant même jusqu'à me répondre aux mails envoyés par Mme A " ou encore, à la suite du départ du cuisinier de la crèche " nous nous sommes relayées sur son poste en plus de notre charge habituelle de travail. Nous faisions part de nos difficultés à la coordinatrice au travers de mails qui restaient souvent sans réponse ou qui ne donnaient pas de solution. ". Enfin, la requérante a adressé de nombreux courriels aux services administratifs les interpelant très régulièrement sur le manque de moyens humains et matériels, en particulier liés à l'absence de cuisinier et de lingère, et sollicitant de l'aide extérieure. Les réponses apportées par les services, l'invitant à adapter les emplois du temps et à exploiter les ressources internes, ne la satisfaisaient pas. 9. Il ressort également des pièces du dossier que la commune avait émis, le 22 juin 2018, un " rappel à l'ordre " à l'encontre de la requérante, au motif qu'elle avait inquiété une mère de famille en prodiguant des conseils stricts sur l'alimentation des jeunes enfants. De plus, un avis défavorable a été émis par les services vétérinaires s'agissant de l'hygiène de la cuisine de la crèche gérée par la requérante. Ainsi, dans le cadre d'une visite organisée les 1er et 2 juillet 2019, les services ont identifié plusieurs défaillances s'agissant de la cuisine de la crèche, telles que l'absence des feuilles de traçabilité et des protocoles applicables, ou encore la présence de denrées périmées et d'ustensiles, tels que des couteaux, incorrectement rangés. En outre, à la suite d'une difficulté entre Mme A et la cuisinière d'une crèche voisine se rendant sur la crèche du Plateau afin de former une nouvelle recrue exerçant les mêmes fonctions, la coordinatrice petite enfance a rendu un rapport le 27 août 2019 indiquant notamment que la requérante aurait refusé l'accès à la cuisine à cette collègue qui, par ailleurs, avait noté " qu'aucune transmission ou explication concernant les outils, les procédures et les équipements n'avait été faite auprès " de la nouvelle recrue. C'est ainsi que la coordinatrice petite enfance a conclu être " inquiète des conséquences de cette absence de mise en place des outils de traçabilités, et de respect des normes d'hygiène () qui met en péril l'ouverture de la structure mais engage également la responsabilité pénale de la municipalité et la santé des enfants. ". Par ailleurs, plusieurs témoignages concordants, en 2019, de l'ancienne cuisinière, d'une psychologue et de directrices de crèches voisines résument les difficultés rencontrées dans leur collaboration avec Mme A, qui, d'après les éléments concordants recueillis, s'opposait au changement, refusait une partie des consignes pourtant précisément délivrées, contestait les moyens mis à sa disposition et parfois outrepassait ses fonctions, souhaitant par exemple participer à la définition d'un marché public que passait la ville. Un bilan a alors été réalisé avec Mme A le 18 juillet 2019, dont le compte-rendu souligne les difficultés auxquelles faisait face l'intéressée dans la réalisation de ses missions, celle-ci admettant un " grand flou " et que " cela a été très compliqué ". Puis, à la question posée par la coordinatrice petite enfance, s'agissant des objectifs à fixer pour la rentrée, Mme A a indiqué que " c'est encore très flou " et n'a pu apporter de réponse aux questions posées quant à la manière de rassurer son équipe. Ensuite, les relations avec les parents ont été évoquées à travers les questions portant sur la nutrition des jeunes enfants, la coordinatrice notant alors que la requérante était formellement en désaccord avec certaines pratiques, comme remplacer le lait par des yaourts à partir d'un certain âge, ainsi qu'avec des recommandations officielles, en insistant par exemple pour ajouter du sucre aux yaourts. 10. Il résulte ainsi de l'ensemble des faits décrits que la réaffectation litigieuse procède de l'intérêt du service, compte tenu des difficultés auxquelles l'intéressée faisait face dans ses fonctions de directrice de crèche, et ne visait pas à sanctionner un comportement fautif. S'agissant de la légalité du changement d'affectation : 11. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. () 2° Infligent une sanction ". 12. Dans la mesure où le changement d'affectation ne peut être qualifié de sanction, le moyen tiré de son insuffisante motivation est inopérant et doit être écarté. 13. En l'espèce, il résulte de ce qui a été dit que le changement d'affectation litigieux, bien qu'il ne constitue pas une sanction, a été pris en considération de la personne de Mme A. Cependant, il ressort des pièces du dossier qu'elle a, ainsi que cela est formulé dans le courrier du 22 mai 2020, été informée du projet de réaffectation la concernant. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que cette décision est entachée d'un vice de procédure à défaut pour elle d'avoir pu prendre connaissance de son dossier. 14. Selon l'article 52 de la loi relative à la fonction publique territoriale, dans sa version initiale : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires ". Aux termes de l'article 10 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " III. - La sous-section I de la section IV du chapitre II de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi modifiée : () 3° L'article 52 est ainsi modifié : a) A la fin du premier alinéa, les mots : " ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires " sont supprimés " ; Et l'article 94 de cette loi précise : " IV. - L'article 10 s'applique en vue de l'élaboration des décisions individuelles prises au titre de l'année 2021. Par dérogation au premier alinéa du présent IV : 1° Les décisions individuelles relatives aux mutations et aux mobilités ne relèvent plus des attributions des commissions administratives paritaires à compter du 1er janvier 2020, au sein de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; ". 15. Il résulte de ces dispositions que les mouvements des fonctionnaires territoriaux au sein d'une collectivité n'étaient plus soumis, à compter du 1er janvier 2020, à l'avis préalable de la commission administrative paritaire, y compris dans l'hypothèse où ils modifient la situation des intéressés. Le moyen tiré de l'absence de saisine préalable de la commission administrative paritaire, qui est inopérant, doit donc être écarté. 16. L'article 41 de la loi du 26 janvier 1984 dispose : " lorsqu'un emploi permanent est créé ou devient vacant, l'autorité territoriale en informe le centre de gestion compétent qui assure la publicité de cette création ou de cette vacance, à l'exception des emplois susceptibles d'être pourvus exclusivement par voie d'avancement de grade. ". 17. En l'espèce, il est constant que la commune de Viroflay n'a pas effectué la publicité de la vacance du poste de chargée de mission prévention. Si Mme A est fondée à soutenir que, en s'abstenant de le faire, la commune a commis un vice de procédure, cette irrégularité ne peut être regardée, en l'espèce, comme ayant eu une influence sur le sens de la décision ni comme ayant privé la requérante d'une garantie. Le moyen doit donc être écarté. 18. Aux termes de l'article 34 de la loi du 26 janvier 1984 précitée : " Les emplois de chaque collectivité ou établissement sont créés par l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement. La délibération précise le grade ou, le cas échéant, les grades correspondant à l'emploi créé. Elle indique, le cas échéant, si l'emploi peut également être pourvu par un agent contractuel sur le fondement de l'article 3-3. Dans ce cas, le motif invoqué, la nature des fonctions, les niveaux de recrutement et de rémunération de l'emploi créé sont précisés. Aucune création d'emploi ne peut intervenir si les crédits disponibles au chapitre budgétaire correspondant ne le permettent. ". 19. Il ressort des dispositions précitées que la définition des emplois communaux et la fixation de leur nombre sont des éléments de l'organisation des services communaux entrant dans la compétence du conseil municipal. Or, la décision litigieuse, par laquelle le maire de Viroflay a procédé à la réaffectation de Mme A n'a pas été précédée d'une création de poste par le conseil municipal. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions susvisées de la loi du 26 janvier 1984 par la décision litigieuse de changement d'affectation est fondé. 20. L'article 2 du statut des infirmiers territoriaux précise que : " Les membres du cadre d'emplois exercent leurs fonctions dans les collectivités et établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Dans les conditions et les domaines prévus par l'article L. 4311-1 du code de la santé publique, ils accomplissent les actes professionnels et dispensent les soins infirmiers sur prescription ou conseil médical, ou dans le cadre du rôle propre qui leur est dévolu. ". Et l'article L. 4311-1 du code de la santé publique dispose notamment : " L'infirmière ou l'infirmier participe à différentes actions, notamment en matière de prévention, d'éducation de la santé et de formation ou d'encadrement ". 21. Il ressort de la fiche du poste de Mme A qu'elle a, en tant que chargée de projet, les missions principales de " création et promotion des actions de prévention générale de santé sur le territoire " ce qui inclut notamment la définition d'actions et d'intervention en santé générale, des actions de prévention de publics précaires et âgés, d'élaboration de supports pédagogiques. Ainsi, les missions confiées par cette nouvelle affectation ne sont pas étrangères à celles qui peuvent être confiées aux agents relevant du cadre des infirmiers territoriaux. 22. Enfin, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les décisions litigieuses soient entachées d'un détournement de pouvoir. 23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que les décisions des 22 mai et 17 juillet 2020 procédant à sa réaffectation interne sont illégales. 24. Toutefois, eu égard au motif d'annulation retenu, il y a seulement lieu d'enjoindre à la commune de Viroflay, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer la situation de Mme A dans un délai de trois mois. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne les fautes alléguées : S'agissant de l'illégalité fautive des décisions de changement d'affectation : 25. Il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que les décisions portant changement d'affectation sont illégales et qu'elles peuvent, dès lors, engager la responsabilité de la commune. S'agissant du harcèlement : 26. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel () ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe ensuite à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Par ailleurs pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé. 27. En l'espèce, Mme A soutient que, par ces agissements à son égard, la commune a commis une faute qualifiable de harcèlement, en raison de l'insuffisance des moyens humains et matériels, ce qui la contraignait à s'adapter constamment, créant un environnement hostile. Elle justifie avoir relancé à six reprises la commune au sujet de son passage à temps plein, et produit de nombreux courriels faisant état de manque de moyens alloués dans la gestion de la crèche. Toutefois, en dépit de la durée excessive, s'agissant de la réponse apportée à son passage à temps plein, il ressort des pièces du dossier que les services administratifs ont répondu à Mme A l'invitant à procéder à des réorganisations des équipes au sein de la crèche, qu'un recours à du personnel intérimaire a été organisé par les services administratifs et que des formations lui ont été proposées afin de remédier aux difficultés rencontrées. En outre, il résulte de l'instruction que la commune de Viroflay, en plus d'avoir sollicité un prestataire pour avoir recours à des personnels de remplacement en cas d'absence, a accompli plusieurs démarches en vue de recruter de manière pérenne un cuisinier. Enfin, Mme A n'établit pas que le personnel de la crèche était inférieur au taux d'encadrement requis. Dès lors, Mme A n'apporte pas les éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement. S'agissant de la faute résultant du délai de réponse de sa demande de passage à temps plein : 28. Selon l'article 60 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les modalités d'exercice du travail à temps partiel sont fixées par l'organe délibérant de chaque collectivité ou établissement public, dans les conditions définies par le présent article. () A l'issue de la période de travail à temps partiel, les fonctionnaires sont admis de plein droit à occuper à temps plein leur emploi ou, à défaut, un autre emploi correspondant à leur grade. ". Et l'article 18 du décret n°2004-777 indique : " L'autorisation d'assurer un service à temps partiel est accordée pour une période comprise entre six mois et un an, renouvelable, pour la même durée, par tacite reconduction dans la limite de trois ans. A l'issue de cette période de trois ans, le renouvellement de l'autorisation de travail à temps partiel doit faire l'objet d'une demande et d'une décision expresses. La réintégration à temps plein ou la modification des conditions d'exercice du temps partiel peut intervenir avant l'expiration de la période en cours, sur demande des intéressés présentée au moins deux mois avant la date souhaitée. Toutefois, la réintégration à temps plein peut intervenir sans délai en cas de motif grave, notamment en cas de diminution substantielle des revenus du ménage ou de changement dans la situation familiale ". 29. Mme A soutient que la commune a commis une faute en répondant tardivement à sa demande de passage à temps plein, et ce, en dépit des nombreuses relances qu'elle indique avoir effectuées. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 5 juin 2017, la requérante a évoqué l'utilité de son passage à temps plein au regard des missions induites par ses nouvelles fonctions, provisoires, de directrice de crèche. Elle a ainsi indiqué qu'elle " souhaiterait travailler à temps plein " au motif " qu'elle ne voit pas comment assumer cette fonction à temps partiel " tout en précisant avoir noté que l'affectation en cause était provisoire, et en ajoutant espérer " au plus vite réintégrer " son ancien poste, " même à temps plein ". Il est constant que Mme A ne précisait pas, alors, la date souhaitée de son passage à temps plein. En l'absence de réponse, elle a renouvelé sa demande par un courriel du 24 juillet 2017, au sein duquel elle précise vouloir s'organiser pour la rentrée de septembre et aimerait ainsi savoir " où elle travaille et à quelle durée hebdomadaire ". Puis, par un courrier du 28 février 2018, elle a réitéré son vœu de passer à temps plein, précisant néanmoins que " puisque sa demande de travail à temps plein semble impossible à satisfaire à la crèche du Plateau ", elle propose " de transformer son temps de travail de 75% à 80% ". Ensuite, Mme A a renouvelé sa demande de passage à temps plein en mars 2018, lors de son évaluation annuelle, ainsi qu'en avril 2018 lors d'un entretien avec le maire, et à nouveau par un courrier du 26 mai 2018. Finalement, Mme A été placée à temps plein par un arrêté du 9 juillet 2018 notifié en octobre, mais avec effet rétroactif au 1er mars 2018. 30. Il résulte ainsi que de l'instruction que la requérante a évoqué sa demande de passage à temps plein à six reprises avant d'obtenir un retour des services, par un arrêté du maire répondant favorablement à sa demande, seize mois après sa première demande. A cet égard, et en dépit du caractère parfois imprécis de certaines de ses demandes pouvant même apparaitre contradictoires, Mme A a signalé, par écrit, vouloir faire évoluer son temps de travail dès juin 2017 sans qu'une réponse lui soit officiellement apportée avant octobre 2018, et sans que des précisions lui soient demandées afin de clarifier son vœu. Ainsi, compte tenu du silence gardé par la ville, pendant seize mois, à la suite de ses nombreuses demandes, Mme A est fondée à soutenir que la commune a commis une faute dans la gestion de sa situation. En ce qui concerne les préjudices allégués : 31. D'une part, les préjudices moral et financier invoqués par la requérante ne sont pas en lien avec l'illégalité de la décision de changement d'affectation, uniquement fondée sur l'absence de délibération portant création du poste de chargée de prévention qui lui a été confié. 32. D'autre part, compte tenu de ce qui précède, en l'absence d'harcèlement de la part de la commune, Mme A n'est pas fondée à solliciter une indemnisation à ce titre. 33. Enfin, s'il résulte de ce qui précède que la commune a commis une faute en s'abstenant d'apporter une quelconque réponse à la demande de passage à temps plein de Mme A, il ne résulte pas de l'instruction que le préjudice financier invoqué soit directement imputable à cet agissement fautif, dans la mesure notamment où l'intéressée a été rémunérée pour les heures complémentaires effectuées. Toutefois, son préjudice moral pourra, en raison du délai excessif du traitement de sa demande, être évalué à 1 000 euros. Sur les autres conclusions : 34. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge d'une partie la somme que l'autre réclame en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La commune de Viroflay versera une somme de 1 000 euros à Mme A en raison de la faute constituée par un délai excessif de réponse à sa demande de passage à temps plein. Article 2 : Il est enjoint au maire de Viroflay de réexaminer la situation de Mme A dans un délai de trois mois. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A et à la commune de Viroflay. Délibéré après l'audience du 27 janvier 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Gosselin, président, - Mme Vincent, première conseillère, - Mme Geismar, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2023. La rapporteure, signé M. Geismar Le président, signé C. Gosselin La greffière, signé S. Burel La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. No 2100203