Vu la procédure suivante
: Procédure contentieuse antérieure : La société
Eugelec a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'établissement public 13 Habitat, venant aux droits de l'Office public d'aménagement et de construction Sud, à lui verser la somme de 39 679,50 euros toutes taxes comprises (TTC) en règlement de travaux réalisés dans le cadre d'un projet de construction de trente et un logements collectifs à Marseille, à titre principal, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle ou, à titre subsidiaire, sur celui de l'enrichissement sans cause. Par un jugement n° 1300822 du 14 juin 2016, le Tribunal a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 1er août 2016, la société
Eugelec, représentée par Me D..., demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner l'établissement public 13 habitat à lui verser la somme de 39 679,50 euros TTC, augmentée des intérêts moratoires ; 3°) de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le respect de la procédure de demande de paiement direct n'est pas prescrit à peine d'irrecevabilité de sa demande de paiement ; - elle n'avait pas à mettre en oeuvre cette procédure à l'égard de la société attributaire du marché, qui faisait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ; - l'établissement 13 Habitat n'a informé les sous-traitants ni de la procédure applicable pour leur paiement direct ni de l'absence de demande de paiement au profit de la société
Eugelec ; - cet établissement public ne pouvait légalement subordonner le paiement des prestations réalisées à la conclusion d'un acte modificatif entre elle et le sous-traitant de premier rang et, ce faisant, a commis une faute qui est directement à l'origine de son préjudice ; - il n'a réglé la somme en litige ni au sous-traitant de premier rang ni à l'entreprise principale ; - il a reconnu lui devoir la somme en litige ; - l'établissement 13 Habitat s'est enrichi sans cause à son détriment, en bénéficiant gratuitement des prestations dont s'agit ; - elle ne dispose plus d'aucune action lui permettant de faire valoir sa créance auprès du sous-traitant de premier rang, placé en liquidation judiciaire. Par un mémoire en défense enregistré le 29 mai 2017, l'établissement public 13 Habitat, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société
Eugelec sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les sous-traitants indirects ne disposent plus d'un droit au paiement direct à l'encontre de la collectivité publique, en vertu de l'article
6 de la loi du 31 décembre 1975 dans leur rédaction issue de celle du 11 décembre 2001 ; - les sociétés
Eugelec et S2P ont commis des fautes de nature à l'exonérer de son éventuelle responsabilité ; - la société
Eugelec ne justifie pas du montant de son préjudice ; - les moyens qu'elle soulève ne sont pas fondés. Par ordonnance du 6 juillet 2017, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 juillet de la même année. Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ; - la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ; - la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A... Gautron, rappporteur, - les conclusions de M. C... Thiele, rapporteur public, - et les observations de MeB..., représentant l'établissement public 13 Habitat.
Considérant ce qui suit
:
1. Par acte d'engagement du 23 novembre 1999, l'Office public d'aménagement et de construction Sud, dit Opac Sud, devenu depuis lors l'établissement 13 Habitat, a, en tant que maître d'ouvrage, confié à la société Méridienne de construction plusieurs lots d'un marché public portant sur la construction de trente et un logements collectifs sociaux, sous le régime des prêts locatifs aidés, sur un terrain sis boulevard Ricard à Marseille. Par un contrat conclu le 9 juillet 2001, la société Méridienne de construction a sous-traité à la société S2P les lots n° 10 " plomberie ", n° 11 " chauffage " et n° 12 " ventilation mécanique contrôlée " de ce marché, pour un montant initial de 169 920 euros TTC, la société S2P ayant été acceptée comme sous-traitant et ses conditions de paiement direct agréées par l'Opac Sud, par acte spécial du 16 août 2001. Par un contrat du 2 novembre 2001, la société S2P a elle-même sous-traité à la société
Eugelec une partie des travaux qui lui avaient été sous-traités par la société Méridienne de construction au titre des trois lots dont elle était attributaire, pour un montant de 72 931,60 euros TTC. L'Opac Sud a accepté la société
Eugelec comme sous-traitant et agréé ses conditions de paiement direct par acte spécial du 29 novembre 2001. Les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 9 juillet 2002. Par un courrier du 30 mars 2014, l'établissement public 13 Habitat a notifié le décompte général du marché à l'administrateur judiciaire de la société Méridienne de construction, alors placée sous procédure collective, indiquant que le montant des prestations réalisées par la société S2P s'élevait à 87 887,39 euros TTC, sans faire mention des sommes correspondant aux prestations réalisées par la société
Eugelec, laquelle se plaint de n'en avoir jamais reçu le paiement. Sur la responsabilité quasi-délictuelle de l'établissement public 13 Habitat : 2. En premier lieu, aux termes de l'article
8 de la loi du 31 décembre 1975 : " L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. / Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées. / Les notifications prévues à l'alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception. " Selon l'article 116 du code des marchés publics en vigueur à la date du litige : " Le sous-traitant adresse sa demande de paiement libellée au nom du pouvoir adjudicateur au titulaire du marché, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé. / Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signature de l'accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée par lui dans le marché. / Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée dans le marché par le pouvoir adjudicateur, accompagnée des factures et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé. / Le pouvoir adjudicateur ou la personne désignée par lui dans le marché adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant. / Le pouvoir adjudicateur procède au paiement du sous-traitant conformément aux dispositions du titre IV de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 susmentionnée et de son décret d'application. / Le pouvoir adjudicateur informe le titulaire des paiements qu'il effectue au sous-traitant. ". 3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour obtenir le paiement direct, par le maître d'ouvrage, de tout ou partie des prestations qu'il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal, titulaire du marché. Il appartient ensuite au titulaire du marché de donner son accord à la demande de paiement direct ou de signifier son refus dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande. Le titulaire du marché est réputé avoir accepté cette demande s'il garde le silence pendant plus de quinze jours à compter de sa réception. A l'issue de cette procédure, le maître d'ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant régulièrement agréé si le titulaire du marché a donné son accord ou s'il est réputé avoir accepté la demande de paiement direct. Cette procédure a pour objet de permettre au titulaire du marché d'exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s'opposer, le cas échéant, au paiement direct. Sa méconnaissance par le sous-traitant fait ainsi obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement. 4. En l'espèce, il n'est ni établi ni même allégué par la société
Eugelec qu'elle aurait saisi le titulaire du marché puis l'établissement public 13 Habitat de demandes successives de paiement direct, dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article
8 de la loi du 31 décembre 1975 et de l'article 116 du code des marchés publics. Dès lors, et à supposer même qu'elle ait seulement dû adresser sa demande au maître d'ouvrage, en l'état de la procédure collective dont faisait alors déjà l'objet l'entreprise titulaire du marché, elle ne pouvait se prévaloir, à l'encontre du maître d'ouvrage, d'un droit au paiement direct de ses prestations. De plus, la circonstance que l'établissement 13 Habitat n'a réglé ni le titulaire du marché ni son sous-traitant direct du montant des prestations réalisées par la société
Eugelec et celle, à la supposer établie, qu'il aurait reconnu devoir la somme de 39 679,50 euros TTC à la société
Eugelec sont, dans ces conditions, indifférentes. Ainsi, la société
Eugelec n'est pas fondée, en tout état de cause, à soutenir qu'en refusant de lui régler directement le montant des prestations en cause, l'établissement 13 Habitat aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard sur un fondement quasi-délictuel. 5. En deuxième lieu, il ne résulte d'aucune disposition légale ou réglementaire et en l'absence, par ailleurs, de tout lien contractuel entre la société
Eugelec et 13 Habitat, que ce dernier aurait dû informer cette société ou, à défaut, la société S2P, sous-traitant direct du titulaire du marché, de la nécessité, pour elle, de mettre en oeuvre la procédure décrite au point 3, ainsi que de l'absence de demande de paiement présentée à son profit pour les prestations litigieuses. Par suite, la société
Eugelec n'est pas fondée à soutenir qu'en s'en abstenant, le maître d'ouvrage aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard sur un fondement quasi-délictuel. 6. En dernier lieu, s'il est vrai que l'établissement public 13 Habitat ne pouvait légalement subordonner le paiement des prestations réalisées par la société
Eugelec à la conclusion d'un acte modificatif entre elle et le sous-traitant de premier rang, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que l'impossibilité pour cette société d'obtenir le paiement direct de ces prestations auprès du maître d'ouvrage résulte non pas de la faute ainsi commise mais de sa propre carence à mettre en oeuvre la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article
8 de la loi du 31 décembre 1975 et de l'article 116 du code des marchés publics. Ainsi, elle n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'établissement 13 Habitat, sur un fondement quasi-délictuel, à raison de cette erreur de droit. 7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées sur ce fondement par la société
Eugelec doivent être rejetées. Sur la responsabilité quasi-contractuelle de 13 habitat : 8. A supposer même que l'établissement public 13 Habitat se soit enrichi du fait de la réalisation des prestations litigieuses et que la société
Eugelec s'en soit corrélativement trouvée appauvrie, la cause de ces enrichissement et appauvrissement réside dans le contrat conclu entre l'établissement 13 Habitat et la société Méridienne de construction, qui n'est pas écarté pour le règlement du présent litige relatif à son exécution. La société
Eugelec ne saurait donc rechercher la responsabilité quasi-contractuelle dudit établissement au titre d'un tel enrichissement. 9. Il résulte de tout ce qui précède que la société
Eugelec n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par leur jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement public 13 Habitat à lui verser la somme de 39 679,50 euros TTC. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par la société
Eugelec sur leur fondement soit mise à la charge de l'établissement public 13 habitat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par cet établissement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société
Eugelec est rejetée. Article 2 : La société
Eugelec versera à l'établissement public 13 Habitat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société
Eugelec et à l'établissement public 13 habitat. Délibéré après l'audience du 12 novembre 2018 où siégeaient : - M. David Zupan, président, - Mme Marie-Pierre Steinmetz Schies, président assesseur, - M. A... Gautron, premier conseiller. Lu en audience publique, le 26 novembre 2018.4N° 16MA03137