Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 10 décembre 2020, 19-23.133

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2020-12-10
Cour d'appel de Montpellier
2019-05-16

Texte intégral

CIV. 2 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 10 décembre 2020 Cassation M. PIREYRE, président Arrêt n° 1386 F-D Pourvoi n° N 19-23.133 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 DÉCEMBRE 2020 1°/ M. L... T..., 2°/ Mme G... X..., épouse T..., domiciliés tous deux [...], ont formé le pourvoi n° N 19-23.133 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre D), dans le litige les opposant à la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon (CEP), dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. et Mme T..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 mai 2019), M. et Mme T... ont, en leur qualité de débiteurs saisis, relevé appel d'un jugement d'adjudication du 14 septembre 2018 ayant déclaré M. R..., avocat adjudicataire pour le compte de la société Frapi 2, afin que ce jugement soit réformé en ce qu'il a fixé la créance de la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon (la banque) à la somme de 193 350,60 euros et ordonné la vente forcée et qu'il leur soit alloué un délai de paiement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. M. et Mme T... font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leurs demandes alors « que tenu en toutes circonstances de respecter le principe du contradictoire, le juge ne peut fonder sa décision sur une fin de non-recevoir qu'il a relevée d'office sans l'avoir préalablement soumise à la discussion des parties ; qu'en déclarant d'office irrecevables les demandes des époux T..., en ce qu'elles auraient porté sur des dispositions étrangères au jugement frappé d'appel, comme procédant d'un jugement d'orientation du 18 mai 2018, et non du jugement d'adjudication du 14 septembre 2018 contre lequel l'appel aurait été prétendument dirigé, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour

Vu

l'article 16 du code de procédure civile : 3. Selon ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. 4. Pour déclarer irrecevable, faute d'intérêt à agir, la demande de M. et Mme T... tendant à leur voir accorder un délai de paiement, l'arrêt relève que le jugement d'adjudication du 14 septembre 2018 dont ils ont relevé appel n'a pas, contrairement à ce qui est indiqué dans leur déclaration d'appel, fixé la créance de la banque et ordonné la vente forcée, de sorte qu'il a été interjeté appel de dispositions étrangères au jugement en cause.

5. En statuant ainsi

, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur la fin de non-recevoir, qu'elle relevait d'office, tirée du défaut d'intérêt de M. et Mme T... à agir pour demander un délai de paiement à la banque, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. et Mme T.... Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les époux T... irrecevables en leurs demandes ; AUX MOTIFS d'abord QUE, par jugement d'adjudication du 14 septembre 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Perpignan a constaté le montant de la dernière enchère qui rend Me Fita, avocat adjudicataire pour le compte de la SARL Frapi 2, immatriculée au RCS de Perpignan sous le numéro 388 148 348, ayant osn siège social [...] , et pour elle sa gérante en exercice Mme D... J... née N..., en qualité de marchand de biens, moyennant la somme de 37.000 € et aux clauses et conditions du cahier des conditions de la vente et, en conséquence, a enjoint à tous possesseurs et détenteurs d'en laisser la libre disposition et jouissance et a ordonné en tant que de besoin l'expulsion desdits détenteurs et possesseurs, au besoin avec l'appui de la force publique ainsi que par toutes voies et moyens de droit ; que les époux T... ont interjeté appel de ce jugement, intimant la SA Caisse d'Epargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon, dans les termes suivants : « portée de l'appel : total en ce que le juge de l'exécution a fixé la créance du poursuivant à la somme de 193.593,60 € et ordonné la vente forcée » ; AUX MOTIFS ensuite QUE les époux T... ont interjeté appel de ce jugement, intimant la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon, dans les termes suivants : « portée de l'appel : total en ce que le juge de l'exécution a fixé la créance du poursuivant à la somme de 193.593,60 € et ordonné la vente forcée » ; qu'il convient de relever que le jugement en cause n'a pas, contrairement à ce qu'indique la déclaration d'appel, fixé la créance de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon et ordonné la vente forcée, dispositions relevant en réalité du jugement d'orientation rendu le 18 mai 2018 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Perpignan ; qu'il ne peut d'ailleurs qu'être relevé qu'en vertu des dispositions de l'article R 322-60 du code des procédures civiles d'exécution, le jugement d'adjudication n'est pas susceptible d'appel quand celui-ci n'a statué sur aucune contestation et que les époux T... n'émettent aucune critique portant sur le jugement en cause ; que les époux T... qui ont interjeté appel de dispositions étrangères au jugement dont appel ne peuvent qu'être déclarés irrecevables en leurs demandes, faute d'intérêt ; que les appelants, eux-mêmes poursuivis en leur qualité de cautions solidaires, soutiennent cependant qu'à la suite d'un arrêt rendu par la cour de cassation, le débiteur principal, la SCI DCAG, est susceptible de retrouver une solvabilité lui permettant d'honorer la créance du créancier poursuivant ; qu'il est précisé par les appelants que la cour de renvoi a fixé son audience au 15 janvier 2019 à 8h45 ; que pour autant, à la date des plaidoiries devant cette cour, le 18 mars 2019, et pas davantage durant le cours du délibéré, les appelants n'ont estimé utile d'indiquer les suites réservées à l'affaire devant la cour d'appel de renvoi ou, le cas échéant, la nature de l'événement qui aurait reporté le prononcé de l'arrêt, étant observé que les époux T... et la SCI bénéficient des conseils du même avocat ; qu'il n'est pas davantage, autrement que par une affirmation de portée générale, précisé dans quelle mesure la SCI DCAG, qui réclame devant la cour de renvoi une somme de 150.000 € inférieure au montant de la créance de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon, serait susceptible de retrouver une solvabilité suffisante lui permettant de désintéresser rapidement la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon qui fait d'ailleurs observer, à juste titre, qu'elle ignore s'il existe d'autres créanciers susceptibles de la primer ; qu'en réalité, de fait, et comme le fait observer la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon, les époux T... ont bénéficié des délais sollicités ; 1/ ALORS QUE, tenu en toutes circonstances de respecter le principe du contradictoire, le juge ne peut fonder sa décision sur une fin de non-recevoir qu'il a relevée d'office sans l'avoir préalablement soumise à la discussion des parties ; qu'en déclarant d'office irrecevables les demandes des époux T..., en ce qu'elles auraient porté sur des dispositions étrangères au jugement frappé d'appel, comme procédant d'un jugement d'orientation du 18 mai 2018, et non du jugement d'adjudication du 14 septembre 2018 contre lequel l'appel aurait été prétendument dirigé, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2/ ALORS QU' il résulte des mentions claires de l'avis de déclaration d'appel et du jugement qui lui est annexé que les époux T..., représentés par Maître Fita, avocat, ont interjeté appel d'un jugement du 14 septembre 2018, constitutif d'un jugement d'orientation et non d'un jugement d'adjudication, qui a fixé la créance du poursuivant à la somme de 193.593,60 € et ordonné la vente forcée d'un bien leur appartenant ; qu'en considérant néanmoins que les époux T... avaient interjeté appel d'un jugement d'adjudication, certes rendu le même jour par le même juge, mais qui leur était manifestement étranger comme ayant été prononcé au profit d'une SARL Frapi 2, également représentée par Me Fita, avocat de l'adjudicataire, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.