Cour de cassation, Chambre sociale, 21 janvier 1998, 95-44.657

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1998-01-21
Cour d'appel de Paris (22ème chambre, section C)
1995-02-23

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le pourvoi formé par la Compagnie Aérienne Yougoslave "J.A.T.", dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 23 février 1995 par la cour d'appel de Paris (22ème chambre, section C), au profit de M. Veselko X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ; LA COUR, en l'audience publique du 26 novembre 1997, où étaient présents : M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Girard-Thuilier, conseiller référendaire rapporteur, MM. Ransac, Bouret, conseillers, M. Lyon-Caen, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Girard-Thuilier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ryziger et Bouzidi, avocat de la Compagnie Aérienne Yougoslave "J.A.T.", les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen

unique : Attendu selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 23 février 1995) que M. X... engagé en qualité de directeur des ventes par la compagnie JAT en 1983, a été informé le 4 juin 1992 de la suspension de son contrat de travail et a été licencié pour motif économique le 22 septembre 1992 ; qu'il a réclamé à son employeur le paiement d'une indemnité compensatrice des salaires perdus et une indemnité de licenciement, outre diverses autres sommes ;

Attendu que la société JAT fait grief à

l'arrêt attaqué d'avoir décidé pour le contrat de travail n'avait pas été suspendu puis entièrement rompu du fait d'un cas de force majeure, alors, selon le moyen, d'une part, que la société dans la lettre de licenciement du 22 septembre 1992 motivait sa décision par "l'interruption de l'ensemble de l'activité de notre compagnie aérienne à la suite de la résolution prise par les Nations Unies le 30 mai 1992, ainsi que de la décision qui nous a été notifiée en ce sens par la Direction générale de l'Aviation civile" ; qu'elle invoquait par là-même la force majeure à l'origine du licenciement pour motif économique de M. Y... ; qu'en énonçant qu'il appartenait à l'employeur de tirer les conséquences du refus du salarié d'une modification substantielle de son contrat de travail et, en conséquence, soit de maintenir le salaire soit de le licencier ce qu'il a fait quelques mois plus tard sans invoquer la force majeure, la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement et violé l'article 1134 du Code civil ; alors d'autre part, que les contrats de travail sont interrompus par le cas de force majeure ou le fait du prince empêchant toute activité de l'employeur ; qu'il résulte de la décision n° 757 du conseil de sécurité de l'ONU, laquelle était applicable directement en France, sans qu'il soit besoin d'une mesure d'exécution du gouvernement français, que tous les membres de l'ONU, devaient, non seulement interdire le décollage et l'atterrissage sur leur territoire d'avions en provenance de Serbie et du Montenegro et le survol de leur territoire à de tels avions mais également la fourniture par leurs nationaux à partir de leur territoire de services de maintenance et d'ingénierie à des aéronefs enregistrés en République Fédérale de Yougoslavie Serbie et Montenegro ou utilisés par ou aux noms d'entités sises en République Fédérale de Yougoslavie, destinés à des composants de tels aéronefs ; que par sa généralité, ladite résolution empêchait toute activité de transport aérien à partir de la France ; que la décision attaquée a dès lors violé l'article L. 122-4 du Code du travail et les articles 1146, 1147 du Code civil, ensemble l'article 25 de la Charte des Nations Unies et l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; alors de troisième part, que le litige entre M. X... et la compagnie concernait la seule agence de Paris ; qu'en affirmant que la force majeure n'est pas établie dès lors qu'il résulte des pièces de la procédure que la JAT a pu maintenir une certaine activité commerciale et que d'autre part l'interdiction qui lui était faite était relative puisque ne concernant que les vols en provenance ou à destination de la Serbie et du Monténégro d'où il résulte que cette mesure ne présentait pas les caractères d'irrésistibilité et d'insurmontabilité justifiant la cessation de toute activité pour force majeure ou fait du prince, la décision attaquée qui ne précise pas quelle était l'activité de la compagnie en France avant la résolution n° 757 du Conseil de Sécurité et l'injonction du 2 juin 1992 de la Direction générale de l'Aviation civile n'est pas suffisamment motivée et donc entachée de violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

d'abord que la cour d'appel après avoir relevé que l'employeur n'avait pas choisi de rompre le contrat de travail de M. X... depuis juin 1992 mais de le suspendre pour ne licencier l'intéressé qu'au mois de septembre suivant, a exactement décidé qu'il appartenait à la société JAT de tirer les conséquences du refus de la modification du contrat de travail exprimé par le salarié et que, dans cette attente, celui-ci ne pouvait être privé de sa rémunération ; Attendu ensuite qu'ayant relevé que la société JAT avait conservé une activité commerciale la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation de la société, en a exactement déduit que la rupture du contrat de travail qui avait d'ailleurs pris la forme d'un licenciement lui était imputable ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la Compagnie Aérienne Yougoslave "J.A.T." aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 10 000 francs ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.