Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 octobre et 31 octobre 2023, Mme B A, représentée par Me Quentel, demande au juge des référés :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Rennes a refusé son placement en congé de longue maladie ;
2°) d'enjoindre au recteur de lui accorder, à titre provisoire et dans l'attente du jugement au fond, le bénéfice d'un congé de longue maladie ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision lui refusant le bénéfice d'un congé de longue maladie a conduit le recteur à la placer automatiquement - au constat de l'épuisement de ses droits à congé - et rétroactivement à compter du 4 janvier 2023, en disponibilité d'office pour raison de santé et elle perçoit désormais moins qu'un demi traitement réduisant son salaire de plus de la moitié ; cette décision de mise en disponibilité affecte le déroulement de sa carrière et ses droits à pension ; elle doit faire face à différentes charges en qualité de propriétaire de sa maison pour un montant mensuel de 764,77 euros et le recteur connaît la situation de son conjoint qui y travaille ; elle ne peut être regardée comme ayant tardé à présenter la requête en référé au regard de la chronologie du traitement de sa situation par le rectorat ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée :
- la décision n'est pas motivée en méconnaissance du 6° de l'article
L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le recteur s'est seulement fondé sur l'avis du conseil médical sans en préciser le sens ou s'en approprier les motifs et faire usage de son pouvoir d'appréciation ;
- la motivation de l'avis du conseil médical du 24 février 2023, qui a retenu que " les critères d'octroi du CLM ne sont pas réunis ", apparaît contradictoire avec l'article
L. 822-6 du code général de fonction publique dont le premier critère retient que " la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions " et qu'il a été décidé le placement en disponibilité d'office pour raisons de santé ;
- l'avis du 24 février 2023 n'a pas été rendu par des médecins spécialistes des troubles l'affectant alors qu'un médecin psychiatre proposait à compter du 4 janvier 2022 l'octroi d'un congé de longue maladie pour une durée de trois fois six mois et elle produit des certificats médicaux allant dans le même sens ;
- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2023, le recteur de l'académie de Renens conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la condition d'urgence n'est pas remplie alors que depuis son placement en disponibilité d'office par la décision du 3 mars 2023 sa situation et sa rémunération n'ont pas sensiblement évolué et elle n'a pas contesté l'avis du conseil médical départemental devant le comité médical supérieur bien qu'informée de cette possibilité par un courrier du 28 février 2023 ; son placement en disponibilité d'office est provisoire et conservatoire dans l'attente de l'avis du conseil médical départemental ainsi que cela résulte de la décision du 20 juillet 2023 et la requérante perçoit une rémunération mensuelle d'environ 1 200 euros entre les mois de janvier et septembre 2023 et sa situation n'aurait pas été différente si un congé de longue maladie lui avait été accordé alors même qu'elle ne pouvait y prétendre ; elle ne peut invoquer l'urgence concernant un retard dans un avancement d'échelon prévu dans deux ans ; sa situation financière ne justifie pas d'une urgence alors même qu'elle ne produit aucun élément se rapportant à celle de son époux ;
- la décision est fondée sur l'ensemble des éléments dont disposait le recteur l'arrêté du 3 mars 2023 était accompagné d'un courrier du 28 février 2023 faisant état des avis prononcés ;
- le recteur n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation alors qu'il disposait d'un certificat médical non étayé du médecin généraliste de la requérante et du procès-verbal du conseil médical départemental du Morbihan mentionnant que les critères d'un congé de longue maladie n'étaient pas réunis ; les attestations médicales produites par la requérante ne permettent pas de justifier de façon détaillée et précise l'existence de l'ensemble des critères prévus par l'article
L. 822-6 du code général de la fonction publique et l'épuisement professionnel ainsi que le burn-out invoqué dans ces certificats ne lui ont pas été communiqués avant la décision ou à l'occasion du recours gracieux date du 24 avril 2023 ;
Vu :
- la requête au fond n° 2303734 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Radureau, président, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 2 novembre 2023 :
- le rapport de M. Radureau,
- et les observations de Me Quentel, représentant Mme A, qui a rappelé la situation de la requérante et le contexte de ce contentieux qui a conduit le recteur à la placer d'office en congé de longue maladie et indiqué qu'il y avait bien urgence à statuer en reprenant les éléments produits dans la requête et en précisant que seule la situation de la requérante devait être prise en compte mais que le recteur n'ignorait pas celle de son conjoint qui travaille au rectorat ; il a enfin repris les moyens exposés dans la requête et ajouté un nouveau moyen tiré de l'absence de proposition de reclassement faite par le rectorat à Mme A avant son placement en disponibilité d'office et cité l'arrêt n° 21LY03020 de la cour administrative d'appel de Lyon,
- les observations de Mme C, représentant le recteur de l'académie de Rennes qui a repris ses écritures en soulignant l'absence d'urgence et de moyens de nature à faire naître un doute sérieux et précisé que le 3 novembre 2023 le conseil médical du Morbihan se réunissait pour statuer sur le renouvellement du placement en disponibilité d'office de Mme A.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Une note en délibéré présentée pour Mme A a été enregistrée le 6 novembre 2023.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme A, infirmière de l'éducation nationale hors classe affectée au lycée Colbert de Lorient a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 4 janvier 2022. Ne reprenant pas le travail, elle a sollicité son placement en congé de longue maladie. Après l'avis du conseil médical départemental du Morbihan du 24 février 2023 indiquant que les critères d'octroi du congé de longue maladie n'étaient pas réunis, que Mme A n'a pas contesté devant le comité médical supérieur, bien qu'informée de cette possibilité par un courrier du 28 février 2023, le recteur de l'académie de Rennes, par des arrêtés du 3 mars 2023, a placé Mme A en congé de maladie ordinaire du 4 juillet 2022 au 3 janvier 2023 et en disponibilité d'office du 4 janvier 2023 au 4 juillet 2023. L'intéressée a présenté un recours gracieux par courrier du 24 avril 2023 et par deux requêtes au fond, enregistrées le 12 juillet 2023, a sollicité l'annulation de ces arrêtés. Mme A demande au juge des référés, dans l'attente du jugement du tribunal, la suspension, sur le fondement de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution de la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Rennes a rejeté sa demande de placement en congé de longue maladie.
2. Aux termes de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ".
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
4. En l'espèce, il est constant que la rémunération de Mme A a diminué de moitié pour la faire passer d'une moyenne de 2 436 euros en 2021 à 1 200 euros, entre les mois de janvier et septembre 2023 et à 1 188 euros pour le mois d'octobre. L'intéressée justifie et produit des éléments se rapportant aux dépenses qu'elle doit supporter d'un montant de 761,77 euros et indique que sa fille doit assurer ses frais de déplacement pour aller voir ses petits-enfants établis en Suisse. Cependant par ces justifications elle ne peut être regardée comme établissant qu'elle ne serait pas en mesure de faire face aux charges de son foyer alors par ailleurs qu'elle ne conteste pas que son conjoint travaille et perçoit un salaire. Si elle invoque les conséquences de la décision attaquée sur le déroulement de sa carrière elle ne caractérise pas plus, pour autant l'existence d'une situation imposant une urgence à statuer.
5. Enfin il ressort du document communiqué le 6 novembre par Mme A, après l'audience, que le conseil médical du Morbihan, réuni le 3 novembre 2023, a émis un avis défavorable à la prolongation de sa disponibilité d'office à compter du 4 juillet 2023, un avis favorable à l'octroi d'un congé de longue maladie à compter du 4 janvier 202 pour une durée de deux fois six mois soit jusqu'au 3 janvier 2023 et enfin un avis favorable à un placement en congé de longue durée à compter du 4 janvier 2022. Ces éléments établissent que la situation de Mme A va devoir être réexaminée à bref délai par le recteur de l'académie de Rennes au regard de cet avis du conseil médical du Morbihan.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et en l'état de l'instruction, qu'il n'est pas établi l'existence d'une situation d'urgence susceptible de conduire le juge des référés à faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, il y a lieu de rejeter les conclusions de Mme A tendant à la suspension de l'exécution de la décision litigieuse.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
7. La présente ordonnance n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par Mme A ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du recteur de l'académie de Rennes qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B A et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie sera transmise, pour information, au recteur de l'académie de Rennes
Fait à Rennes le 13 novembre 2023.
Le juge des référés,
signé
C. RadureauLa greffière,
signé
P. Lecompte
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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