TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 02 novembre 2012
3ème chambre 3ème section N° RG : 10/17500 Assignation du 02 décembre 2010
DEMANDERESSE Société THIERRY MUGLER, SAS 49 avenue de l'Opéra 75002 PARIS représentée par Me Michel NEVOT de la SELARL LUCILIUS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0042.
DÉFENDERESSE Société M DIFFUSION, SA 101 A rue Bara Anderlecht 1070 BRUXELLES BELGIQUE représentée par Me Catherine BOULANGER de la SELARL PARDO BOULANGER ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire K170
COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie SALORD, Vice-Président, signataire de la décision Mélanie BESSAUD, Juge Nelly CHRETIENNOT. Juge assistée de Marie-Aline P, Greffier, signataire de la décision
DEBATS À l'audience du 17 septembre 2012 tenue en audience publique
JUGEMENT Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort
La société THIERRY MUGLER SAS a pour activité la création, la fabrication et la commercialisation d'articles vestimentaires.
Elle est titulaire :
-de la marque semi-figurative française MUGLER MEN déposée et enregistrée à l'INPI sous le n°06 3 438 731, le 4 juillet 2006 et publiée au BOPI le 8 décembre 2006, pour les produits de classe 3, 18 et 25, notamment pour les vêtements pour homme et femmes, les chaussures et la chapellerie,
-de la marque semi-figurative française MUGLER MEN THIERRY MUGLER déposée et enregistrée à l'INPI sous le n°08 3 570 887 le
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI21 avril 2008 et publiée au BOPI le 26 septembre 2008, pour les produits de classe 3, 18 et 25, notamment pour les vêtements pour homme et femmes, les chaussures et la chapellerie.
La société THIERRY MUGLER a concédé la fabrication et la distribution de vêtements et d'accessoires sous ses marques à des licenciés spécialisés dans le secteur de la mode.
La .fabrication et la distribution de pièces de prêt-à-porter masculin « 1 ere ligne Thierry Mugler » vendues sous la marque THIERRY MUGLER ont ainsi été concédées à la société de droit italien IN.PRO.DI SpA.
Par ailleurs, la société THIERRY MUGLER a conclu avec la société M DIFFUSION un premier contrat de licence le 19 juin 2006, puis un contrat de licence exclusive le 17 mars 2008 portant sur la fabrication et la distribution d'articles de prêt à porter pour homme « 2 eme ligne » vendus sous les marques MUGLER MEN et MUGLER MEN THIERRY MUGLER, pour une durée de huit saisons commençant à courir à compter de la collection automne/hiver 2008-2009, pour un certain nombre de pays dont la France.
L'article 3.1 du contrat stipule que : « les produits dont l'exploitation est concédée sont les articles pour homme suivants : vestiaire de prêt- à-porter casual/décontracté pour la ville et sportwear à savoir vêtements de dessus )haut et bas( en chaîne et trame, tissus innovants et techniques, cuir, fourrure et maille comprenant des vestes, pantalons, shorts, bermudas, chemises, chemisettes, manteaux, cabans, imperméables, blousons, parkas, doudounes, anoraks, ainsi que des articles de maille suivants : pulls, sous-pulls, gilets, cardigans, débardeurs, polos et t-shirt. Par ailleurs, les ceintures, cravates, écharpes, foulards, bretelles, chapeaux, casquettes et autres couvre-chefs seront développés par les parties dans le cadre des collections ».
Aux termes de l'article 3.2 du contrat : « afin de compléter le vestiaire de produits susvisés, la licenciée est autorisée à développer et commercialiser un nombre de modèles de costumes de ville qui ne pourra pas être supérieur à 3 par saison et qui seront approuvés par la propriétaire dans le cadre des dispositions de l'article 9 du présent contrat. Cette limite en nombre de modèles est susceptible d'évoluer par voie d'avenant écrit signé par les parties. Par modèle, les parties entendent une forme de vêtement complète avant attribution des matières et coloris ».
La société THIERRY MUGLER indique avoir découvert que la société M DIFFUSION commercialisait dans les corners des magasins "Les Galeries Lafayette" et "Le Bazar de l'Hôtel de Ville", sous la marque MUGLER MEN Thierry Mugler plusieurs types de costumes de ville
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIpour homme, alors qu'elle prétend n'avoir jamais donné son accord pour la fabrication et la commercialisation de ces vêtements.
Par ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance de Paris du 25 octobre 2010, la société THIERRY MUGLER a été autorisée à procéder à une saisie-contrefaçon au magasin Galeries Lafayette, 38 rue de la chaussée d'Antin à Paris 9ème, et au magasin Bazar de l'Hôtel de Ville, 52 rue de Rivoli à Paris 4ème. Les opérations ont eu lieu le 9 novembre 2010 aux Galeries Lafayette, et le 10 novembre 2010 au BHV.
Par courrier du 1 er décembre 2010, la société THIERRY MUGLER a fait savoir à la société M DIFFUSION qu'elle résiliait le contrat de licence du 17 mars 2008. Par courrier en réponse du 6 décembre 2010, cette dernière lui a indiqué qu'elle considérait cette résiliation nulle et non avenue.
La société THIERRY MUGLER soutient par ailleurs avoir découvert fin avril 2011 qu'une société SATL DISTRIBUTION commercialisait dans sa boutique sise 3 rue Guersant à Paris 17 eme des vêtements et notamment des costumes sous la marque MUGLER MEN, avec une mention sur la vitrine « MUGLER STOCK ».
Par ordonnance du 27 avril 2011 rendue sur requête de la société THIERRY MUGLER, le président du tribunal de commerce de Paris a commis un huissier afin de se rendre dans la boutique de la société SATL DISTRIBUTION et notamment de rechercher tous documents en lien avec la vente de vêtements sous les marques appartenant à la société requérante.
Les opérations de constat ont eu lieu le 5 mai 2011, et ont selon la demanderesse, mis en évidence que la société SATL DISTRIBUTION avait deux fournisseurs : la société de droit belge M DIFFUSION et la société de droit belge GMT COMMERCIAL SA.
Par ordonnance de référé du 25 août 2011, le président du tribunal de commerce a rejeté la demande en rétractation de l'ordonnance du 27 avril 2011 formée par les sociétés M DIFFUSION et GMT COMMERCIAL SA, et a ordonné la remise par l'huissier ayant réalisé le constat du 5 mai 2011 des documents qui lui ont été remis en exécution de l'ordonnance.
Par acte du 2 décembre 2010, la société THIERRY MUGLER a assigné la société M DIFFUSION devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon et concurrence déloyale.
Par acte du 15 juillet 2011 les sociétés M DIFFUSION. M DIFFUSION FRANCE. GMT COMMERCIAL, GM HOLDING ont assigné la société
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPITHIERRY MUGLER devant le tribunal de commerce de Paris en résiliation abusive du contrat de licence conclu entre la société THIERRY MUGLER et M DIFFUSION.
Dans ses dernières écritures signifiées le 22 août 2012, la société THIERRY MUGLER sollicite du tribunal de :
Vu les articles L713-2, L713-3, L716-1, L716-7 et suivants, L716-10 et suivants et
R716-7 du code de la propriété intellectuelle,
dire et juger que la société M Diffusion a commis des actes de contrefaçon de la marque Mugler Men et de la marque Mugler Men Thierry Mugler, dire et juger que la société M Diffusion a commis des actes de concurrence déloyale.
En conséquence,
faire interdiction à la société M Diffusion d'utiliser à quelque titre que ce soit les marques Mugler Men et Mugler Men Thierry Mugler pour la fabrication et la commercialisation de costumes de ville, de costumes de cérémonie, de gilets, de manteaux de ville, et ce sous astreinte de 1000 euros par infraction constatée. ordonner la confiscation et la remise à la société Thierry Mugler, en présence d'un huissier et aux frais exclusifs de la société M Diffusion, de tous les documents commerciaux, prospectus, catalogues ou étiquettes faisant état ou référence aux costumes portant la marque contrefaite,
condamner la société M Diffusion à payer à la société Thierry Mugler en réparation des préjudices causés tant du fait de la contrefaçon que des actes de concurrence déloyale, et à titre provisionnel, une indemnité de 600 000 euros sauf à parfaire ou compléter,
ordonner l'insertion du jugement à intervenir dans cinq publications aux frais de M Diffusion et au choix de la société Thierry Mugler, et ce au besoin à titre de supplément de dommages-intérêts.
dire que les condamnations porteront sur tous les faits de contrefaçon commis jusqu'à la date du jugement à intervenir,
vu l'urgence, et pour empêcher la continuation du préjudice et la perpétuation de l'atteinte à des droits privatifs, ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution,
condamner la société M Diffusion au paiement d'une indemnité de 10 000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile.
La société THIERRY MUGLER fait valoir à l'appui de ses demandes que la société M DIFFUSION a commercialisé 5 modèles de costumes de ville et costumes de soirée (CALAIS, CAPRI, VULMACO, CLASS. C YRIAC et COPACO) sous ses marques sans son autorisation,
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIpuisque le contrat de licence prévoyait qu'elle pourrait vendre des costumes mais uniquement dans la limite de 3 modèles par saison, après que la demanderesse ait donné son approbation sur lesdits modèles, ce qui n'a nullement été le cas.
S'agissant du costume CALAIS, elle expose que le croquis produit par la défenderesse portant la mention « OK » comporte également des demandes de modifications, ce qui rend pour le moins ambigu un éventuel accord de la titulaire de la marque sur ce modèle. Elle ajoute que ce dessin était un projet réalisé en septembre 2007, sous l'égide du contrat de 2006 et avant la signature du contrat de licence du 17 mars 2008.
S'agissant des costumes CAPRI, VULMACO, CLASS, CYRIAC et COPACO, elle argue que les croquis produits par la défenderesse ne portent aucune annotation ni aucune trace d'approbation.
En ce qui concerne le modèle COPACO, elle réplique à la défenderesse qui fait valoir que la veste et le pantalon étaient vendus séparément qu’ils avaient les mêmes couleurs et tissus, portaient la même référence sur l'étiquette et étaient exposés ensemble.
S'agissant du modèle CYRJAK, elle indique qu'il s'agit d'un costume de soirée qui n'avait pas sa place dans une ligne décontractée, et que les défenderesses ne peuvent nullement interpréter le contrat dans le sens qu'elles pourraient commercialiser des costumes de soirée en sus des trois costumes de ville éventuellement prévus par le contrat.
Elle conteste que son approbation ait pu être tacite dans la mesure où le contrat prévoyait explicitement un accord écrit, et que les modèles litigieux ne lui ont même pas été soumis.
La demanderesse expose en outre que la comparaison entre les croquis prétendument approuvés dont se prévaut la défenderesse et les costumes saisis fait apparaître d'importantes différence entre ceux- ci, si bien qu'en tous les cas, elle ne peut prétendre qu'il existerait un accord du titulaire de la marque pour leur commercialisation.
Elle conteste l'argument de la défenderesse selon lequel elle aurait été autorisée selon le contrat à fabriquer un nombre de costumes de ville supérieur à trois dans la mesure où le terme modèle s'entendrait d'une forme de vêtement, à savoir une forme « confort » et une forme « slim fit ». La société THIERRY MUGLER indique que le contrat donne une définition précise du terme modèle, à savoir « une forme de vêtement complète avant attribution des matières et des coloris », c'est-à-dire un modèle doté de toutes ses spécificités et pour lequel il n'y a plus qu'à choisir le tissu et les couleurs.
Elle ajoute que l'essence du contrat de licence conclu avec la société M DIFFUSION était de développer une deuxième ligne jeune et
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIdécontractée, qui ne devait pas faire concurrence à la première ligne plus classique.
La société THIERRY MUGLER fait valoir que la société M DIFFUSION a donc vendu des produits pour lesquels aucune licence ne lui avait été octroyée, ce qui rentre dans les hypothèses prévues par l'article 8 § 2 de la directive n° 89/104/CE du 21 décembre 1988 où le titulaire de la marque peut agir en contrefaçon contre son licencié.
Elle indique en outre qu'elle est fondée à poursuivre son ex-licenciée en contrefaçon pour les faits de commercialisation de produits sous ses marques postérieurement à la résiliation du contrat de licence, ce qui n'est en rien contraire à l'article 8 § 2 de la directive. Elle expose que l'article 26 du contrat prévoyait une possibilité de vente du stock après résiliation de façon « dégriffée », mais que les conditions n'étaient pas réunies en l'espèce à défaut pour la société M DIFFUSION d'avoir adressé à la demanderesse un inventaire détaillé de son stock lors de la résiliation.
La société THIERRY MUGLER invoque également la commercialisation de produits sous ses marques par la société M DIFFUSION par l'intermédiaire d'une solderie, la société SATL, contraire aux modalités de diffusions définies à l'article 13 du contrat, qui porte atteinte à l'image de luxe et d'exclusivité qui y est attachée, si bien qu'elle est fondée à agir en contrefaçon relativement à ces faits conformément à l'interprétation que fait la Cour de Justice de l'Union européenne de l'article 8 § 2 dans l'arrêt DIOR du 23 avril 2009.
La demanderesse considère que la théorie de l'épuisement de droits telle qu'elle résulte de l'article 7 § 1 de la directive n° 89/104/CE qui est invoquée par la défenderesse n'est pas applicable en l'espèce puisque les produits n'ont pas été diffusés de façon licite, c'est-à-dire avec son consentement, sur le territoire de l'Espace Économique Européen.
S'agissant de la concurrence déloyale qu'elle invoque, la demanderesse fait valoir qu'il était expressément prévu par le contrat de licence que la société M DIFFUSION ne devait en aucune façon concurrencer la 1 ere ligne, et qu'il n'est pas contestable que la commercialisation par la défenderesse de costumes dont des modèles de cérémonies, de manteaux en cashmere, le tout à bas prix, affectait nécessairement la vente des produits de la 1 ere ligne.
Elle ajoute que la vente par l'intermédiaire de soldeurs tels que la société SATL porte à l'évidence atteinte à l'image de la marque THIERRY MUGLER. Pour la demanderesse, la société M DIFFUSION a en effet manifestement méconnu l'obligation mise à sa charge par l'article 3.3 du contrat de licence relative à la nature des produits commercialisâmes et à l'absence de concurrence intra-marque.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIDans ses dernières écritures signifiées le 4 septembre 2012, la société M DIFFUSION sollicite du tribunal de :
Vu les articles 7 et 8 de la directive n°89/104/CEE du 21 décembre 1988,
Vu l'article
L713-4 du code la propriété intellectuelle,
Vu l'article
32-1 du code de procédure civile,
déclarer la société M Diffusion recevable et bien fondée en son exception d'épuisement des droits, dire et juger que la requérante n'est pas fondée à intenter une action en contrefaçon à l'égard de sa licenciée au regard de l'article 8 de la directive n°89/104/CEE.
dire et juger qu'en tout état de cause, la commercialisation sur le territoire français de costumes sous les marques Mugler Men et Mugler Men Thierry Mugler par la société M Diffusion est intervenue conformément au contrat de licence du 17 mars 2008 et que les droits de la société Thierry Mugler sur lesdites marques sont épuisés en application de l'article
L713-4 de code de la propriété intellectuelle.
En conséquence, débouter la société Thierry Mugler de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions du chef de contrefaçon de marques, déclarer la société Thierry Mugler irrecevable en son action en concurrence déloyale faute de qualité et/ou d'intérêt à agir sur ce fondement,
En tout état de cause, dire et juger que la société Thierry Mugler n'est pas en situation de concurrence avec la société M Diffusion, dire et juger que la société Thierry Mugler ne justifie pas de faits distincts de ceux argués au soutien de son action en contrefaçon,
dire et juger que la société Thierry Mugler ne justifie d'aucun préjudice.
En conséquence, débouter la société Thierry Mugler de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions fondées sur une prétendue concurrence déloyale de la part de la société M Diffusion, déclarer la société M Diffusion recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles,
dire et juger que l'action de la société Thierry Mugler procède d'un abus manifeste du droit d'ester en justice,
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIcondamner la requérante à verser à la société M Diffusion une amende civile en application des dispositions de l'article
32-1 du code de procédure civile,
condamner la requérante à verser à la société M Diffusion une somme de 300 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de l'action et de l'atteinte portée à son image et à sa réputation,
dire et juger qu'il serait parfaitement inéquitable de laisser à la charge de la défenderesse les frais irrépétibles de justice qu'elle a été contrainte d'exposer pour assurer sa défense,
condamner en conséquence la demanderesse à verser à la société M Diffusion la somme de 30 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile. condamner la société Thierry Mugler aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Boulanger conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.
La société M DIFFUSION fait valoir pour sa défense que du fait du nouveau positionnement de la marque THIERRY MUGLER décidé par le Groupe CLARINS, actionnaire de la société THIERRY MUGLER, qui s'est traduit par la résiliation .du contrat de licence qui existait depuis plusieurs années pour la « 1 ere ligne », par le remplacement de la responsable du style de la griffe et le choix d'un nouveau styliste, la demanderesse avait pour projet de mettre, fin au contrat de licence existant avec elle pour les produits de la « 2 eme ligne ». Elle considère donc qu'elle a cherché à fabriquer de faux griefs afin de justifier une rupture anticipée du contrat de licence la liant avec la société M DIFFUSION.
La défenderesse expose que l'action en contrefaçon est infondée au regard de l'article 8 § 2 de la directive n° 89/104/CEE du 21 décembre 1988, dans la mesure où dès lors que la société M DIFFUSION était autorisée par le contrat de licence à commercialiser des costumes de ville, la demanderesse ne peut se prévaloir de l'un des cas d'ouverture prévus par ce texte, le litige portant sur la quantité et non sur la nature des produits couverts par la licence.
La société M DIFFUSION fait également valoir que l'action en contrefaçon est infondée au regard de l'article 7 § 1 de la directive n° 89/104/CEE du 21 décembre 1988 relative à l'épuisement des droits. Elle fait valoir que dès lors que le manquement invoqué par la société THIERRY MUGLER ne portait pas sur les clauses mentionnées à l'article 8 de la directive, le contrat de licence valait autorisation de mise sur le marché, et qu'à supposer établie un quelconque manquement de la défenderesse, il appartenait à la demanderesse d'agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle et non pas sur celui de la contrefaçon.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPILa défenderesse considère qu'en tout état de cause, l'action en contrefaçon est infondée car elle était autorisée à commercialiser des costumes de ville par l'article 3.2 du contrat de licence.
Elle fait valoir que les parties avaient de fait renoncé au formalisme de l'article 9 du contrat relatif aux modalités d'approbation par le titulaire des marques des modèles proposés par la licenciée, celles-ci étant beaucoup trop rigides pour son bureau de style, et que l'autorisation se manifestait donc verbalement, lors de réunions entre le bureau de style de la société THIERRY MUGLER et les stylises de la société M DIFFUSION. Elle expose qu'au cours de toutes les saisons, chaque modèle a fait l'objet d'une approbation sans que celle-ci ne revête la forme écrite prévue au contrat, et que cela n'a jamais donné lieu à aucune contestation de la part de la demanderesse.
La défenderesse explique que le consentement de la société THIERRY MUGLER relativement aux costumes de ville commercialisés est établi par les annotations du responsable du bureau de style porté directement sur les dessins de costumes, ainsi que par les divers échanges intervenus entre les parties.
La société M DIFFUSION indique avoir toujours limité le nombre de ses modèles de costume de ville à deux ou trois formes par saison, lesquelles ont à chaque fois été approuvées, et qu'il s'agit des modèles CALAIS, CAPRI et VULMACO.
Elle explique que seules deux formes étaient ainsi commercialisées : la forme « confort » (modèles CALAIS et CAPRI) et la forme « slim » (modèle VULMACO), car la notion de « forme » telle qu'entendue dans le milieu de la mode s'entend d'une coupe de costume adoptant la même configuration et le même barème de mensurations, et qu'une légère modification sur une forme ne peut pas être assimilée à la création d'une nouvelle forme.
La défenderesse conteste commercialiser un ensemble de costume COPACO comme le prétend la demanderesse, et réplique qu'il s'agit en réalité d'un ensemble séparable composé d'une veste COPA et d'un pantalon POPAK, qui peuvent être vendus séparément, et que les spécificités de la veste COPA ne peuvent conduire à l'assimiler à une modèle de « ville ».
S'agissant de la tenue de soirée CYRIAK, la défenderesse explique qu'elle a été réalisée à la demande de la société THIERRY MUGLER à partir du costume VULMACO dont elle n'est qu'une variante à laquelle il a été rajouté une simple surpiqûre au col, la forme demeurant strictement identique.
La défenderesse considère que les déclarations de Monsieur M par lesquelles il indiquait avoir dépassé le nombre de costumes autorisés et s'engageait à en retirer deux de la vente, recueillies par l'huissier
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIlors de la saisie de novembre 2010, n'ont pas de force probante car elles ont été recueillies sous la contrainte, celui-ci ayant eu peur et ayant voulu calmer l'agitation ambiante sur le corner, alors qu'âgé de 67 ans, il était confronté pour la première fois de sa carrière à la visite d'un huissier.
En ce qui concerne la commercialisation de produits par la société SATL, la défenderesse expose que celle-ci fait partie depuis plusieurs saisons de ses clients, ce qui n'a jamais engendré la moindre objection de la part de la société THIERRY MUGLER qui en était parfaitement avisée. Elle ajoute que contrairement à ce qu'affirme la demanderesse, la société SATL n'est pas un soldeur mais un détaillant traditionnel de centre ville.
La défenderesse estime irrecevable l'action en concurrence déloyale formée par la demanderesse à son encontre, dans la mesure où celle- ci est fondée sur des faits strictement identiques à ceux invoqués au titre de la contrefaçon.
Elle soulève en outre l'irrecevabilité et le mal fondé de l'action en contrefaçon de la société THIERRY MUGLER s'agissant des préjudices prétendument subis par l'exploitant de la « 1 ere ligne » THIERRY MUGLER, dans la mesure où elle n'exploite pas elle-même cette ligne pour laquelle elle a concédé une licence exclusive au groupe italien TOMBOLINI, qui serait seul recevable à agir. Elle ajoute qu'au moment de la résiliation de son contrat de licence à la fin de l'année 2010, la « 1 ere ligne » THIERRY MUGLER n'était plus exploitée de sorte qu'elle ne pouvait se trouver en situation de concurrence avec qui que ce soit.
La société M DIFFUSION forme une demande reconventionnelle en dommages et intérêts fondée sur le caractère abusif de la procédure engagée à son encontre. Elle estime avoir subi un préjudice lié à l'énergie qu'elle a dû mobiliser pour se défendre, et à l'atteinte portée à sa réputation et à son image dans le milieu de la mode.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 septembre 2012.
MOTIFS
I - Sur la contrefaçon des marques françaises MUGLER MEN n° 06 3 438 731 et MUGLER MEN THIERRY MUGLER n°08 3 570 887
Sur la commercialisation par la licenciée de modèles non approuvés par le titulaire de la marque en nombre supérieur à la limite contractuelle
Aux termes de l'article 8 § 2 de la directive n° 89/104/CEE du 21 décembre 1988, le titulaire de la marque peut invoquer les droits
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIconférés par cette marque à l'encontre d'un licencié qui enfreint l'une des clauses du contrat de licence, en ce qui concerne sa durée, la forme couverte par l'enregistrement sous laquelle la marque peut être utilisée, la nature des produits ou des services pour lesquels la licence est octroyée, le territoire sur lequel la marque peut être apposée ou la qualité des produits fabriqués ou des services fournis par le licencié.
Ce texte a été transposé en droit français par l'article
L714-1 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que les droits conférés par la demande d'enregistrement de marque ou par la marque peuvent être invoqués à l'encontre d'un licencié qui enfreint l'une des limites de sa licence en ce qui concerne sa durée, la forme couverte par l'enregistrement sous laquelle la marque peut être utilisée, la nature des produits ou des services pour lesquels la licence est octroyée, le territoire sur lequel la marque peut être apposée ou la qualité des produits fabriqués ou des services fournis par le licencié.
Tout autre manquement du licencié ne peut donner lieu qu'à une action en responsabilité contractuelle.
En l'espèce, la société M DIFFUSION fait valoir que la demanderesse n'excipant que du dépassement du nombre de costumes autorisé, elle ne peut fonder son action sur la contrefaçon mais sur la responsabilité contractuelle, alors que selon la société THIERRY MUGLER, le manquement au contrat porte non seulement sur le nombre de costumes commercialisé qui est supérieur à la limite contractuelle, mais surtout sur la nature des produits, s'agissant de costumes mis en vente sans qu'elle en ait validé la forme.
Le dépassement du nombre de costumes autorisé par saison n'entre pas dans les cas de manquements contractuels susceptibles de servir de fondement à une action en contrefaçon contre le licencié au regard des dispositions de l'article 8 § 1 de la directive et
L714-1 du code de la propriété intellectuelle, et relève d'une action en responsabilité contractuelle.
En revanche, l'absence de validation par la demanderesse des modèles de costumes vendus par la défenderesse, si elle est avérée, constitue un manquement contractuel relatif à la nature des produits pour lesquels la licence est octroyée.
En effet, l'article 3.2 du contrat stipule que les modèles de costume de ville devront être approuvés par le titulaire de la marque selon les conditions prévues à l'article 9 du même contrat, qui prévoit s'agissant de l'ensemble des produits vendus par la licenciée, que seuls les croquis et prototypes préalablement approuvés par la propriétaire de la marque pourront être pris en considération par la licenciée pour la réalisation définitive des modèles.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIIl ressort des termes du contrat de licence du 17 mars 2008 que cette approbation préalable en est un élément essentiel, puisqu'il s'agit pour le titulaire des marques MUGLER MEN et MUGLER MEN THIERRY MUGLER de contrôler les produits vendus par la licenciée qui seront associés à celles-ci, et auront nécessairement un impact sur leur image. Ce contrôle du vêtement proposé par la licenciée apparaît d'autant plus important qu'un processus défini par l'article 9 permet l'intervention du propriétaire de la marque en amont de la création jusqu'à la finalisation du modèle : le plan de la nouvelle collection est arrêté au cours de la réunion d'un comité de pilotage composé de deux représentants du titulaire et de deux représentants du licencié, qui déterminent le calendrier de travail ; les tendances créatives sont données par le studio de création de la propriétaire au licencié ; l'ensemble des prototypes des modèles doivent recevoir l'approbation préalable écrite de la propriétaire avant la fabrication des collections de vente, le propriétaire disposant d'un délai de trois jours ouvrés à compter de la date de présentation finale des prototypes pour faire connaître son avis, étant précisé qu'à défaut de réponse dans ce délai, les prototypes sont réputés approuvés dans les strictes conditions de leur présentation.
La question de l'approbation des modèles concerne les costumes qui ont fait l'objet d'une saisie-contrefaçon les 9 et 10 novembre 2010, à savoir les modèles CALAIS, CAPRI, VULMACO, CLASS, CYRIAK et COPACO, dont la présence a été constatée sur les corners des Galeries Lafayette et du B.H.V, les modèles CYRIAK, COPACO. CAPRI et CALAIS ayant fait l'objet d'une saisie réelle.
La société M DIFFUSION soutient que les parties au contrat s'étaient dans leur pratique affranchies du formalisme instauré par son article 9.
Elle verse notamment à l'appui de ses dires un courrier qu'elle a rédigé le 1 er décembre 2010 à l'attention de la demanderesse, dans lequel elle lui indique que « la confiance qui présidait jusqu'à présente à nos relations n'étant plus de mise, suite aux mesures de saisie contrefaçon auxquelles vous avez cru devoir procéder, nous tenons à obtenir de votre part un accord formel sur cette collection ». Cependant, en vertu du principe selon lequel on ne peut se constituer de preuve à soi- même, la défenderesse ne peut se prévaloir de cette lettre qu'elle a elle-même rédigée postérieurement à la naissance du litige.
S'agissant des échanges de courriers électroniques versés au débat, ils n'établissent pas une renonciation de la demanderesse au formalisme prévu par le contrat.
Par ailleurs, dans un courrier du 12 juin 2009, la société THIERRY MUGLER rappelait à la société M DIFFUSION par l'intermédiaire de son conseil qu'elle était attachée au respect du contrat de licence conclu en 2008, et qu'en ce qui concernait les costumes, la licenciée n'était autorisée à en développer que trois au maximum qui devaient
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIêtre approuvés. Elle précisait également qu'elle souhaitait examiner ce qui était présenté par la licenciée comme des ensembles séparables. Les termes de ce courrier viennent contredire le moyen de la défenderesse selon lequel le formalisme prévu au contrat aurait été abandonné ou allégé.
La société M DIFFUSION fait également valoir que s'il n'existe pas d'approbation écrite en bonne et due forme, il ressort d'un faisceau d'indices que la demanderesse avait validé les modèles de costumes litigieux.
Elle soutient ainsi que les annotations figurant sur les dessins du book de la collection printemps-été 2008 démontrent la validation des modèles de costume. Toutefois, ces annotations ne concernent que le modèle CALAIS, et elles n'expriment pas clairement une approbation dans la mesure où s'il y est noté « ok », il y figure également certaines modifications à réaliser. Or, l'article 9 prévoit la validation des prototypes, c'est-à-dire des projets de modèles entièrement finalisés. Au surplus, le book « été 2008 » comportant des annotations ne concerne pas les saisons litigieuses, le contrat de licence du 17 mars 2008 ne valant qu'à compter de la collection automne-hiver 2008-2009, et l'éventuelle validation d'un modèle lors d'une saison précédente ne valant pas validation pour les saisons suivantes, ceci d'autant plus que peut être commercialisé sous un même nom un modèle qui a évolué d'une saison à l'autre.
Selon la défenderesse, les échanges entre les parties et les pièces versées au débat mettent en évidence l'accord intervenu sur les modèles litigieux.
Ces derniers, au regard de leur date de présence sur les corners lors de la saisie, à savoir les 9 et 10 novembre 2010, doivent avoir été approuvés au titre de la saison automne-hiver 2010-2011. Or, la défenderesse produit plusieurs courriers électroniques datant du dernier trimestre 2008 et du premier semestre 2009 qui sont relatifs à la saison automne-hiver 2009-2010, ainsi que des books allant de l'été 2008 à l'été 2010, mais aucune de ces pièces n'est susceptible de démontrer un quelconque accord du titulaire de la marque pour des vêtements vendus durant la saison automne-hiver 2010-2011.
Elle produit également un book hiver 2010, qui comporte les costumes CALAIS, CAPRI VULMACO et CYRIAK, mais elle ne prouve pas que celui-ci a été validé par la société THIERRY MUGLER, ni qu'il lui ait été envoyé et à quelle date, ce qui aurait pu permettre de faire application de l'article 9 du contrat de licence qui stipule qu'en cas de silence de la titulaire des marques trois jours ouvrés à compter de la date de présentation finale des prototypes pour faire connaître son avis, ceux-ci sont réputés approuvés dans les strictes conditions de leur présentation. Au surplus, le comparatif réalisé par la demanderesse entre ce book hiver 2010 et les costumes saisis laisse
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIapparaître des différences si bien qu'en tout état de cause, la défenderesse ne pourrait établir par production de celui-ci que les costumes vendus étaient des modèles validés.
S'agissant de la pièce intitulée « board de présentation automne-hiver 2010 », il s'agit de photographies représentant des croquis et dessins qui n'ont pas date certaine, et qui en tout état de cause ne représentent aucun costume dans son ensemble et ne comportent aucun élément permettant de dire qu'ils ont été approuvés par la société THIERRY MUGLER.
Au regard de ces éléments, la société M DIFFUSION échoue à prouver que les costumes CALAIS. CAPRI. VULMACO, CLASS, CYR1AK et COPACO, dont la présence a été constatée sur les corners des Galeries Lafayette et du B.H.V, ont été approuvés par la société THIERRY MUGLER pour la saison automne-hiver 2010-2011. En conséquence, leur commercialisation sans le consentement de la demanderesse constitue un acte de contrefaçon des marques MUGLER MEN et MUGLER MEN THIERRY MUGLER qui engage la responsabilité civile de la défenderesse, qui a enfreint les articles 3 et 9 du contrat de licence relatifs à la nature des produits pour lesquels la licence est octroyée.
Sur la commercialisation de produits sous les marques MUGLER MEN et MUGLER MEN THIERRY MUGLER postérieurement à la résiliation du contrat de licence
Par courrier daté du 1 er décembre 2010, la société THIERRY MUGLER a informé la société M DIFFUSION qu'elle résiliait le contrat de licence du 17 mars 2008 en raison des manquements contractuels que constituent le défaut de paiement de redevances aux dates contractuelles et la commercialisation sans autorisation de costumes de ville.
Elle rappelait à la défenderesse qu'en vertu de l'article 26 du contrat, elle devait lui communiquer dans les huit jours un inventaire détaillé et valorisé du stock, de façon à ce que dans les trente jours, la titulaire des marques lui fasse savoir si elle procédait au rachat du stock ou si elle était autorisée à vendre les produits dégriffés pendant un délai de douze mois.
Par courrier en date du 6 décembre 2010, la société M DIFFUSION a indiqué qu'elle contestait cette résiliation qu'elle jugeait brutale et abusive, qu'elle considérait cette décision nulle et non avenue, et qu'elle entendait saisir le tribunal compétent afin de voir invalider cette résiliation. Elle contestait les manquements qui lui étaient opposés. Elle exposait que la collection automne-hiver 2010 se trouvait dans tous les points de vente, que la collection validée du printemps-été 2011 était déjà fabriquée et se trouvait en cours de transport, et que
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIn'ayant pour seule activité que l'exploitation de la licence, elle se trouvait dans un état de dépendance économique.
Par acte du 15 juillet 2011 non versé au débat mais dont la réalité n'est pas contestée par les parties, les sociétés M DIFFUSION, M DIFFUSION FRANCE, GMT COMMERCIAL, GM HOLDING ont assigné la société THIERRY MUGLER devant le tribunal de commerce de Paris en résiliation abusive du contrat de licence conclu entre la société THIERRY MUGLER et M DIFFUSION.
La société THIERRY MUGLER produit le grand livre comptable de la défenderesse pour la période du 1 "janvier 2011 au 30 septembre 2011, duquel il ressort qu'elle n'a pas cessé son activité suite à la notification de la résiliation par la demanderesse.
Toutefois, l'instance devant le tribunal de commerce relative à la résiliation, dont la défenderesse remet en cause la validité, est toujours en cours, de sorte que la présente juridiction ne peut statuer sur des faits de contrefaçon qui seraient constitués par une commercialisation sans consentement du titulaire de la marque postérieurement à cette résiliation dont la date reste encore incertaine.
En conséquence, il convient d'office de sursoir à statuer sur l'examen de ce grief, jusqu'à la décision définitive du tribunal du commerce.
Sur la commercialisation de produits par l'intermédiaire d'une solderie
La société M DIFFUSION invoque pour sa défense la théorie de l'épuisement des droits telle que définie à l'article 7 de la directive n° 89104/CEE et à l'article
L713-4 du code de la propriété intellectuelle, selon laquelle le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté économique européenne ou dans l'Espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement, sauf motifs légitimes, tenant notamment à la modification ou à l'altération, ultérieurement intervenue, de l'état des produits.
Toutefois, ce principe d'épuisement des droits du titulaire de la marque n'est pas applicable en l'espèce, les faits reprochés à la société M DIFFUSION relevant d'une première commercialisation des produits lors de la vente à la société SATL.
L'article 8 § 2 de la directive n° 89104/CEE et l'article L
L714-1 du code de la propriété intellectuelle doivent être interprétés en ce sens que le titulaire de la marque peut invoquer les droits conférés par cette dernière à rencontre d'un licencié qui enfreint une clause du contrat de licence interdisant, pour des raisons de prestige de la marque, la vente à des soldeurs de produits porteur de celle-ci, pour autant qu'il soit établi que cette violation, en raison des circonstances propres à
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIl'affaire, porte atteinte à l'image de prestige qui confère auxdits produits une sensation de luxe.
En l'espèce, l'article 13 du contrat de licence stipule que la licenciée s'engage à distribuer les produits dans un réseau sélectif défini, à l'exclusion de toute autre forme de commerce et en particulier auprès des soldeurs et discounters.
Lors des opérations de constat réalisées le 5 mai 2011 au sein de la société SATL DISTRIBUTION, l'huissier n'a relevé la présence d'aucun vêtement porteur des marques MUGLER MEN ou MUGLER MEN THIERRY MUGLER. Il s'est en revanche fait remettre notamment des factures des 5 mars 2009 et 18 septembre 2009, desquelles il résulte que la société M DIFFUSION a vendu à la société SATL des produits portant les références CALAIS, ILYUS, VALMIN et VAPRI.
S'il est ainsi établi que la défenderesse a, avant la résiliation du contrat par la demanderesse en décembre 2010, vendu des vêtements à la société SATL, il ne ressort d'aucune pièce versée au débat que celle- ci exerce une activité de soldeur ou discounter, contrairement à ce qu'affirme la société THIERRY MUGLER. La société SATL a au contraire écrit au président du tribunal de commerce et à la société M DIFFUSION au mois de juin 2011 afin de leur indiquer qu'elle gérait un commerce de détail de centre ville et non une solderie.
Au regard de ces éléments, la société THIERRY MUGLER n'établit pas que sa licenciée a contrevenu au contrat du 17 mars 2008, et échoue en conséquence à démontrer des actes de contrefaçon de celle-ci relativement à la revente de marchandises à la société SATL et sera déboutée de sa demande de ce chef.
II - Sur la concurrence déloyale
Il convient de rappeler que le principe est celui de la liberté du commerce et que ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale que des comportements fautifs tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, ou qui tirent profit d'une valeur économique d'autrui lui procurant un avantage concurrentiel.
L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.
La demanderesse invoque à l'appui de ses prétentions que la commercialisation par la défenderesse de costumes dont des modèles de cérémonies, de manteaux en cashmere, le tout à bas prix, affectait nécessairement la vente des produits de la 1 ere ligne plus haut de
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIgamme vendue sous la marque THIERRY MUGLER et portait atteinte à l'image de la marque THIERRY MUGLER, ceci d'autant plus si qu'elle a aussi eu lieu chez des soldeurs.
La demanderesse n'établit pas l'existence de la vente de manteaux de cashmere, l'huissier ayant réalisé les saisies-contrefaçon des 9 et 10 novembre 2011 n'ayant pas constaté la présence de vêtements de ce type sur les stands visités.
Concernant le grief de commercialisation des produits dans une solderie, il n'est pas établi ainsi qu'il a été jugé que la société SATL exerce une activité de soldeur.
S'agissant de la vente de costumes n'ayant pas été validés par la société THIERRY MUGLER, celle-ci fait valoir qu'elle aurait affecté les ventes des produits de la 1 ere ligne, mais elle ne l'exploite pas elle- même, celle-ci ayant été concédée à une licenciée. Elle ne prouve donc pas avoir subi un préjudice de ce fait.
En ce qui concerne l'atteinte à l'image de la marque THIERRY MUGLER, le tribunal relève qu'aucun titre de propriété de celle-ci n'est versé au débat. Par ailleurs, si tant est qu'il soit reconnu que la société THIERRY MUGLER est titulaire de cette marque, elle ne démontre pas en quoi la commercialisation contrefaisante de six modèles de costumes sous les marques MUGLER MEN et MUGLER MEN THIERRY MUGLER aurait porté atteinte à l'image de celle-ci, dans la mesure où ces marques de « 1 ere ligne » et de « 2 eme ligne » devaient en tout état de cause coexister car elles s'adressaient à des clientèles différentes au regard de leur âge et de leurs moyens financiers, et qu'il était prévu que la société M DIFFUSION puisse sous certaines conditions distribuer des costumes.
La société THIERRY MUGLER invoque une violation de l'article 3.3 du contrat de licence, qui déprit les conditions de coexistence des marques « 1 ere ligne » et « 2 eme ligne », et les clientèles visées par chacune d'elles, à savoir pour la « 2 eme Jigne » une clientèle active n'ayant pas les moyens d'accéder à la « 1 er ligne » et plus jeune que les acheteurs habituels de cette dernière.
Mais la demanderesse ne peut tout à la fois fonder ses demandes sur la concurrence déloyale, qui relève de la responsabilité délictuelle, et sur le manquement à une obligation définie au contrat, qui relève de la responsabilité contractuelle, un même fait ne pouvant revêtir deux qualifications juridiques distinctes.
En conséquence, la société THIERRY MUGLER, qui échoue à démontrer l'existence d'actes de concurrence déloyale commis par la société M DIFFUSION, sera déboutée de ses demandes à ce titre.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIIII - Sur les mesures réparatrices
En vertu de l'article
L716-14 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte.
Dans la mesure où le tribunal a sursis à statuer sur l'examen du grief relatif à la commercialisation de produits postérieurement à la résiliation du contrat de licence, il ne sera pas statué à titre définitif sur la demande globale d'indemnisation formée par la société THIERRY MUGLER au titre des préjudices subis du fait de l'ensemble des actes contrefaisants. Il lui sera néanmoins alloué une provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, au vu des faits d'ores et déjà établis.
Il ressort des saisies-contrefaçon des 9 et 10 novembre 2010 que la société M DIFFUSION a fait fabriquer et vendu 6 modèles de costumes contrefaisants : le modèle CALAIS en 4 tissus différents, le modèle CAPRI en 3 tissus différents, le modèle VULMACO en 3 tissus différents, le modèle CLASS, les modèles CYRIAK et COPACO en un seul tissu chacun.
S'agissant de la masse contrefaisante, 14 costumes contrefaisants se trouvaient aux Galeries Lafayette et 11 au B.H.V. Le prix moyen d'un costume au vu des achats réalisés par l'huissier est de 487 euros.
Le préjudice de la société THIERRY MUGLER consécutif à la commercialisation par la licenciée de modèles n'ayant pas reçu son approbation s'analyse en une atteinte à ses droits de propriété sur ses marques MUGLER MEN et THIERRY MUGLER et à l'image de celle- ci, dans la mesure où seuls doivent être commercialisés des modèles correspondant au stylisme associé à celles-ci. Il sera évalué à la somme de 8.000 euros, que la société M DIFFUSION sera condamnée à lui verser à titre de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice global consécutif aux actes contrefaisants.
Il y a lieu de faire droit à la demande de confiscation, dans les conditions précisées au dispositif.
Il sera sursis à statuer sur les demandes d'interdiction et de publication, dans l'attente de la décision définitive du tribunal de commerce relative à la résiliation du contrat de licence.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIIV - Sur les demandes reconventionnelles de la société M DIFFUSION
La société M DIFFUSION forme une demande reconventionnelle en dommages et intérêts fondée sur le caractère abusif de la procédure engagée à son encontre, mais succombant à l'instance, elle est mal fondée à soutenir que la présente procédure est abusive et elle sera déboutée de sa demande à ce titre.
La défenderesse sollicite également le prononcé d'une amende civile à rencontre de la demanderesse sur le fondement de l'article
32-1 du code de procédure civile. Cependant, un plaideur ne peut être condamné au paiement d'une telle amende qu'à l'initiative du tribunal et non à celle d'une partie, dont elle ne peut constituer une prétention.
Il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette demande.
V - Sur les autres demandes
Dans la mesure où il est sursis à statuer sur la demande de dommages et intérêts formée par la société THIERRY MUGLER au titre de la contrefaçon, il y a lieu de réserver les dépens et de sursoir à statuer sur sa demande au titre de l'article 700 code de procédure civile.
Compte tenu de la nature du litige et de l'ancienneté des faits, les conditions de l'article
515 du code de procédure civile sont réunies pour ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, par jugement contradictoire, en premier ressort, rendu publiquement par mise à disposition au greffe,
Dit qu'en commercialisant pour la saison automne-hiver 2010-2011 sous les marques semi-figuratives françaises n°06 3 438 731 « MUGLER MEN » et n° 08 3 570 887 « MUGLER MEN THIERRY MUGLER » des modèles de costumes référencés CALAIS, CAPRI, VULMACO, CLASS, CYRIAK et COPACO, n'ayant pas été approuvés par la société THIERRY MUGLER, la société M DIFFUSION a commis une contrefaçon de ces marques au préjudice de leur titulaire,
Sursoit à statuer sur l'examen du grief de commercialisation par la société M DIFFUSION de produits porteurs des marques « MUGLER MEN » et « MUGLER MEN THIERRY MUGLER » postérieurement à la résiliation du contrat de licence du 17 mars 2008, jusqu'à la décision définitive du tribunal de commerce statuant dans l'instance initiée par l'assignation délivrée à la société THIERRY MUGLER le 15 juillet 2011 par les sociétés M DIFFUSION, M DIFFUSION FRANCE, GMT COMMERCIAL, GM HOLDING,
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIDit que la vente de produits porteurs des marques « MUGLER MEN » et « MUGLER MEN THIERRY MUGLER » à la société SATL aux fins de revente par celle-ci ne constitue pas une contrefaçon de celles-ci,
En conséquence,
Sursoit à statuer sur la demande de dommages et intérêts formée au titre de la contrefaçon jusqu'à la décision définitive du tribunal de commerce,
Condamne la société M DIFFUSION à verser à la société THIERRY MUGLER la somme de 8.000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice au titre de la contrefaçon de ses marques « MUGLER MEN » et « MUGLER MEN THIERRY MUGLER »,
Ordonne la confiscation et la remise à la société THIERRY MUGLER, en présence d'un huissier et aux frais exclusifs de la société M DIFFUSION, de tous les documents commerciaux, prospectus, catalogues ou étiquettes faisant état ou référence aux costumes contrefaisants,
Sursoit à statuer sur les demandes de publication et d'interdiction formées par les demanderesses jusqu'à la décision définitive du tribunal de commerce,
Déboute la société THIERRY MUGLER de ses demandes au titre de la concurrence déloyale,
Déboute la société M DIFFUSION de sa demande au titre de la procédure abusive,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la société M DIFFUSION au titre de l'amende civile fondée sur l'article
32-1 du code de procédure civile,
Réserve les dépens,
Sursoit à statuer sur les demandes au titre de l'article
700 du code de procédure civile jusqu'à la décision définitive du tribunal de commerce.
Ordonne le retrait du rôle et dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de solliciter la réinscription au rôle à compter de la décision définitive du tribunal de commerce statuant dans l'instance initiée par l'assignation délivrée à la société THIERRY MUGLER le 15 juillet 2011 par les sociétés M DIFFUSION, M DIFFUSION FRANCE, GMT COMMERCIAL, GM HOLDING,
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI