Vu la procédure suivante
:
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 4 octobre 2018 par laquelle l'inspecteur d'académie, directeur académique des services de l'éducation nationale du Rhône, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé, ensemble la décision du 11 décembre 2018 rejetant son recours gracieux, d'enjoindre à cette autorité de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé et de condamner l'État à lui verser une somme de 60 000 euros en réparation du préjudice subi.
Par un jugement n° 1809202 lu le 25 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions de l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale du Rhône, des 4 octobre et 11 décembre 2018, enjoint au recteur de l'académie de Lyon d'accorder à M. B... le bénéfice de la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'aggravation de sa maladie et de lui verser les sommes qu'il aurait dû percevoir en conséquence, et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 27 novembre 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement n° 1809202 lu le 25 septembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il existait un lien de causalité entre l'aggravation de la pathologie de M. B... et ses conditions de travail, alors qu'aucun des éléments versés au dossier ne permet d'établir un lien entre cette aggravation et l'exercice par l'intéressé de ses fonctions ou des conditions de travail particulières ;
- les premiers juges ne pouvaient enjoindre au recteur de placer M. B... en congé de longue maladie imputable au service à compter du 19 octobre 2014 dès lors qu'il ne ressortait pas des éléments du dossier que les conditions d'octroi d'un tel congé étaient remplies.
Par mémoire enregistré le 17 février 2020, M. B... conclut au rejet de la requête.
Par courrier du 20 février 2020, la cour a demandé à M. B... de régulariser son mémoire en le présentant par l'un des mandataires mentionnés à l'article
R. 431-2 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit
:
1. M. B..., né en 1979, reconnu travailleur handicapé en 2004, qui souffre notamment d'une sclérose en plaques diagnostiquée en 1995 et de troubles psychiatriques, diagnostiqués en 2003, a été recruté en qualité de professeur des écoles contractuel à compter du 1er septembre 2009 par la filière réservée aux personnes handicapées dans la fonction publique, puis titularisé, après un renouvellement de stage, comme professeur des écoles à compter du 1er septembre 2011 et affecté dans un établissement scolaire où il exerçait auparavant un " emploi vie scolaire " entre 2007 et 2009. Il a bénéficié d'un allègement de service d'un quart de temps d'enseignement dès la rentrée scolaire 2011, renouvelé les deux années suivantes, et il a enseigné jusqu'au 15 mai 2014, date à laquelle il a été placé en congé de maladie. Il a ensuite été successivement placé en congé de longue maladie du 1er septembre 2014 au 31 août 2017, au titre de sa pathologie de sclérose en plaques, puis en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 1er septembre 2017 et jusqu'au 30 novembre 2018. Alors que le comité médical départemental avait émis, le 3 mai 2018, un avis d'inaptitude permanente et définitive à l'exercice de toute fonction même en reclassement, il été reconnu en invalidité temporaire avec un taux de 66 %, par un arrêté du 21 juin 2018, pour une durée de six mois à compter du 1er juin 2018. M. B... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'aggravation de son état de santé, en raison de troubles psychiatriques, à compter de septembre 2014, en transmettant, le 5 juin 2018, une déclaration de maladie professionnelle à laquelle était joint un certificat médical mais, par une décision du 4 octobre 2018, l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale du Rhône, sur avis défavorable émis par la commission de réforme le 20 septembre 2018 après examen de M. B... par un médecin psychiatre agréé, a rejeté sa demande. Le recours gracieux formé par ce dernier a été explicitement rejeté par une décision du 11 décembre 2018. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 septembre 2019 en tant qu'il a annulé les décisions de l'inspecteur d'académie des 4 octobre et 11 décembre 2018 et enjoint au recteur de l'académie de Lyon d'accorder à M. B... le bénéfice de la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'aggravation de sa maladie et de lui verser les sommes qu'il aurait dû percevoir en conséquence.
Sur la recevabilité du mémoire en défense de M. B... :
2. Les écritures de M. B..., qui n'ont pas été présentées par l'un des mandataires mentionnés à l'article
R. 431-2 du code de justice administrative, comme l'impose l'article
R. 811-7 du même code, bien que l'intéressé ait été informé de l'obligation de recourir à l'un de ces mandataires et invité à régulariser ses écritures, doivent, dès lors, être écartées des débats.
Sur la requête du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
3. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, applicables à la date à laquelle la pathologie dont M. B... a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service a été constatée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dument constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de prendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entrainés par la maladie ou l'accident ".
4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il en résulte qu'à défaut de démonstration de circonstances particulières tenant aux conditions de travail de travail de l'agent, qui seraient de nature à conduire tout agent exposé à ces conditions à développer la pathologie dont il souffre, cette pathologie ne peut être regardée comme imputable au service.
5. Il ressort des pièces du dossier que, comme l'ont relevé les premiers juges, par la remise d'un formulaire daté du 30 mai 2018, accompagné d'un certificat médical de son médecin généraliste du 5 juin 2018 portant la mention " trouble affectif bipolaire ayant débuté en 2003 puis stabilisé sous traitement - aggravation sous l'effet de la situation professionnelle ", M. B... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'aggravation de sa maladie psychiatrique, diagnostiquée en 2003. Il ressort du rapport médical établi par le Dr E..., médecin psychiatre agréé, le 12 juin 2018, à la demande de l'administration et versé au dossier du tribunal, que ce praticien, pour affirmer que ne pouvait être rapportée de façon certaine et directe la pathologie dont se prévalait l'intéressé à une cause environnementale professionnelle, a relevé que, contrairement aux affirmations de M. B... sur une aggravation d'un trouble par les conditions de travail, au demeurant non démontrée selon ce praticien, " l'administration a tenu compte de ses handicaps dans l'aménagement du temps de travail, dans le fait que l'école où il était affecté n'était pas particulièrement difficile, et surtout dans le fait qu'il a bénéficié d'un accompagnement professionnel constant durant toute son activité", le praticien ayant également relevé que le choix opéré par M. B... de rester sur son lieu de travail sur une amplitude horaire large relevait d'un choix personnel. Il résulte de cet avis médical, comme de l'avis émis 15 septembre 2018 par le Dr C..., médecin psychiatre agréé, soumis à la commission de réforme, qui considère que la fragilité psychique de M. B... n'est pas compatible avec l'exercice du métier de professeur des écoles, que la pathologie psychiatrique de l'intéressé, si elle a pu être favorisée par la nature même d'une activité professionnelle d'enseignement que son état psychique ne lui permettait pas d'assumer, s'était déjà manifestée précédemment, dès avant son recrutement comme professeur des écoles, et trouvait son origine dans sa personnalité. Il ne ressort pas des pièces du dossier et, en particulier, de ces avis médicaux, que des circonstances particulières tenant à ses conditions de travail, qui auraient été de nature à conduire tout agent exposé à ces conditions à développer une telle pathologie, auraient été susceptibles d'avoir occasionné l'aggravation de la pathologie qu'il affirme avoir subie, alors, au contraire, qu'ainsi que l'avait relevé le Dr E..., l'administration avait procédé à des aménagements pour faciliter l'exercice par M. B... de ses fonctions d'enseignement. Dès lors, c'est à tort que, pour annuler les décisions en litige, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce qu'en refusant de reconnaître comme imputable au service l'aggravation de la maladie mentale de M. B..., l'inspecteur d'académie avait méconnu les dispositions précitées de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... en première instance.
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 1er juin 2018, publié au recueil des actes administratifs spécial 84-2018-065 de la préfecture de région le 1er juin 2018, M. D..., signataire des décisions en litige, a reçu délégation à l'effet de signer les actes de gestion à l'égard des professeurs des écoles et le moyen tiré de son incompétence ne peut donc qu'être écarté comme manquant en fait.
8. En deuxième lieu, la seule circonstance que, par une lettre adressée aux membres de la commission de réforme, le 8 juin 2018, l'inspecteur d'académie, directeur académique des services de l'éducation nationale du Rhône, a fait part de ses réserves sur la question de l'imputabilité au service de la pathologie de M. B... en estimant que le cadre de travail ne pouvait être considéré comme la cause de la maladie de M. B..., voire de son aggravation, en présentant ainsi le point de vue de l'administration sur la question, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie, dès lors que la commission de réforme, consultée conformément aux dispositions applicables du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 susvisé, a pu émettre son avis sans être liée par ladite lettre. Si M. B... soutient qu'aucun médecin neurologue n'aurait été consulté, il ressort des pièces du dossier que la commission a eu accès au rapport du Dr F..., neurologue, qui avait examiné M. B... le 18 avril 2018.
9. En dernier lieu, si M. B... invoque une méconnaissance des dispositions de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 en ce que le médecin de prévention n'aurait pas été consulté sur les conditions de travail et les modalités concrètes d'adaptation de son poste à son handicap, lesdites dispositions, qui se bornent à définir les cas de consultation de la commission de réforme, en particulier sur " 1. L'octroi du congé de maladie ou de longue maladie susceptible d'être accordé en application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée " ne comportent aucune obligation de consultation du médecin de prévention et le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit, dès lors, être écarté comme inopérant.
10. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a, aux articles 1er et 2 dudit jugement, annulé les décisions de l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale du Rhône, des 4 octobre et 11 décembre 2018, et enjoint au recteur de l'académie de Lyon d'accorder à M. B... le bénéfice de la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'aggravation de sa maladie et de lui verser les sommes qu'il aurait dû percevoir en conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1809202 lu le 25 septembre 2019 du tribunal administratif de Lyon sont annulés et les conclusions de la demande de M. B... devant ledit tribunal d'annulation des décisions de l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale du Rhône, des 4 octobre et 11 décembre 2018, et à fins d'injonction sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 8 juillet 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 août 2021.
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N° 19LY04363