Vu la procédure suivante
:
Par une requête, des mémoires complémentaires et en production de pièces, enregistrés le 11 juillet 2022, le 29 juillet 2022, le 2 août 2022, le 24 janvier 2023, le 14 mars 2023, le 7 juin 2023 et le 18 juillet 2023, M. D A demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 17 mai 2022 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a rejeté le recours dirigé contre la décision du 21 janvier 2022 lui refusant l'attribution d'un complément indemnitaire annuel (CIA) au titre de l'année 2021 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de produire le rapport disciplinaire évoqué dans le courrier du 21 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de solliciter Mme C afin qu'elle produise son témoignage ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui attribuer un CIA dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.
M. A soutient que:
- la décision méconnaît les dispositions de l'article
34 du décret n° 2011-184 du 15 février 2011 dès lors que le comité technique n'a pas été saisi pour avis sur les modalités de répartition locale du CIA ;
- la décision a été adoptée à la suite d'une procédure irrégulière dès lors que le rapport exposant les motifs de non-attribution ne lui a pas été communiqué avant la notification du montant de son régime indemnitaire, en méconnaissance de la " fiche " du 18 octobre 2021, alors que les éléments communiqués le 21 janvier 2022 ont été élaborés postérieurement à la décision de refus d'attribution ;
- la personne ayant signé la décision du 21 janvier 2022 ne correspond pas à celle visée par les instructions du préfet de la Seine-Maritime ;
- il appartenait à la secrétaire générale de la préfecture de signer ;
- certains des documents ayant motivé l'adoption de la décision ne lui ont pas été communiqués ;
- la décision procède d'une erreur de droit et constitue un détournement de procédure dans la mesure où elle constitue une sanction déguisée ;
- la décision procède d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que son engagement professionnel et sa manière de servir n'ont pas été insuffisants et que ses objectifs n'ont pas été non atteints en raison de carence sa manière de servir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Le préfet soutient que :
- le requérant n'a contesté qu'un courrier de communication de motif et non pas la décision de refus d'attribution de CIA ;
- les moyens soulevés par M. A ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;
- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Deflinne, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Barray, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit
:
1. M. A, affecté au service des moyens généraux de la préfecture de la Seine-Maritime, s'est vu refuser le bénéfice du CIA au titre de l'année 2021. Un courrier mentionnant comme objet " Rapport sur la non-attribution du CIA 2021 ", daté du 21 janvier 2022, lui a été notifié le 29 janvier 2022. Par courrier du 22 mars 2022, M. A, par l'intermédiaire de son représentant syndical, a sollicité le retrait de la décision de non-attribution et l'octroi du bénéfice du complément indemnitaire. Par décision du 17 mai 2022, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté son recours.
Sur l'étendue du litige :
2. Il appartient au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.
3. D'une part, le courrier du 21 janvier 2022 ne constitue que l'exposé des motifs de la décision antérieurement adoptée par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a décidé de refuser l'octroi du CIA à M. A. Par suite, ce dernier n'est pas recevable à demander l'annulation de la décision du 17 mai 2022 en tant qu'elle rejette la demande tendant à la réformation d'un courrier d'exposé de motifs.
4. D'autre part, il résulte toutefois des termes du recours gracieux présenté par M. A que celui-ci sollicitait également la révision de la décision par laquelle le bénéfice du CIA lui avait été refusé. Par suite, il est recevable à solliciter l'annulation de la décision du 17 mai 2022 en tant qu'elle rejette implicitement mais nécessairement cette demande. Les conclusions recevables de la requête doivent ainsi être regardées comme dirigées contre la décision du 16 décembre 2021 par laquelle le bénéfice du CIA pour l'année 2021 lui a été refusé.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Aux termes de l'article 4 alors applicable du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'État : " Les fonctionnaires mentionnés à l'article 1er peuvent bénéficier d'un complément indemnitaire annuel qui tient compte de l'engagement professionnel et de la manière de servir, appréciée dans les conditions fixées en application de l'article
55 de la loi du 11 janvier 1984 () " Aux termes de l'article
55 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État alors en vigueur : " L'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct () "
6. Il ressort des pièces du dossier que si, par courrier du 21 janvier 2022, le préfet de la Seine-Maritime a justifié l'absence d'attribution de CIA au titre de l'année 2021 au profit du M. A aux motifs que celui-ci était parti en congé sans validation de sa hiérarchie, n'avait pas respecté ses horaires de travail, avait rencontré des difficultés récurrentes dans la communication de ses arrêts maladie ainsi que sur l'anticipation et la préparation des chantiers, n'avait pas renseigné l'outil de suivi des missions, n'avait pas effectué le suivi des chantiers confiés et avait abandonné des missions en cours, le compte rendu d'entretien d'évaluation pour 2021, qui ne se réfère à aucun de ces manquements, fait apparaître que la manière de servir a été regardée comme " à développer " en ce qui concerne la qualité du travail et l'esprit d'initiative et comme " satisfaisant " en ce qui concerne les qualités relationnelles, l'engagement professionnel et le sens des responsabilités. Le compte rendu, dont les constations relatives à la valeur professionnelle peuvent seules servir à apprécier l'engagement professionnel et la manière de servir, ne fait ainsi état d'aucun des manquements mentionnés dans le courrier du 21 janvier 2022. Par suite, c'est au prix d'un erreur de droit que le préfet de la Seine-Maritime a considéré que la manière de servir de M. A justifiait qu'aucun CIA ne lui fût attribué au titre de l'année 2021.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les demandes tendant à ce que soit mis en œuvre les pouvoirs d'instruction du tribunal ni d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a décidé de refuser de lui verser B au titre de l'année 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'annulation de la décision de refus d'octroi de CIA implique nécessairement, compte tenu du motif énoncé au point 6, que le préfet de la Seine-Maritime procède au réexamen de la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement.
D E C I D E :
Article 1er : La décision par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de verser à M. A B au titre de l'année 2021 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer la situation de M. A dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. D A et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Minne, président,
M. Deflinne, premier conseiller,
M. Le Vaillant, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.
Le rapporteur,
signé
T. DEFLINNE
Le président,
signé
P MINNE
Le greffier,
signé
N. BOULAY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
N. BOULAY
N°
2202823