TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARI S JUGEMENT rendu le 07 Novembre 2014
3ème chambre 2ème section N° RG : 12/02816
Assignation du : 20 Février 2012
DEMANDERESSE Société CORA 40 me la Boétie 75008 PARIS représentée par Me Gaétan CORDIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0014
DEFENDERESSE Société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE Parc d'affaires de Chaponnay ZI du Chapotin 69970 CHAPONNAY représentée par Me Patrice DE CANDE, de la SELARL de Candé-Blanchard avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0265
COMPOSITION DU TRIBUNAL Eric H. Vice-Président, signataire de la décision Arnaud DESGRANGES, Vice-Président François T, Vice-Président assistés de Jeanine R, FF Greffier, signataire de la décision
DÉBATS A l'audience du 20 Juin 2014 tenue en audience publique devant Éric H, Arnaud DESGRANGES, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article
786 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT Prononcé publiquement par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort
FAITS. PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La société CORA, qui a pour activité la distribution de produits très variés dans près de soixante hypermarchés en Fiance, indique être notamment titulaire, outre sa dénomination sociale et son nom commercial CORA, des deux marques françaises suivantes : - marque verbale CORA, déposée le 5 décembre 1974 sous le n° 1 274 805 et régulièrement renouvelée le 4 juin 2004 pour désigner plusieurs produits et services des classes 1, 4, 8, 10 , 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 20, 21, 22, 23, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 34, 35, 36, 38, 39, 41, 42, 43, 44 et 45, en particulier les véhicules, appareils de locomotion par terre, par air ou pur eau en classe 12, et les installations d'éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, deventilation, de distribution d'eau et installations sanitaires, à l'exclusion des appareils à faire le café en classe 11. - marque semi-figurative CORA (mot en rouge dans une ellipse en bleu), déposée le 21 juillet 2003 sous le n°3 237 448 pour désigner plusieurs produits et services des classes 29, 33, 35, 38, 42 et 43, en particulier les Publicité, relations publiques, affichage, courrier publicitaire: diffusion d'annonces publicitaires, publication de textes publicitaires; diffusion (distribution) de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons); mise à jour de documentation publicitaire; publicité radiophonique, télévisée, par correspondance; démonstration de produits; organisation d'expositions, de foires, de braderies à buts commerciaux ou de publicité; décoration de vitrines; informations et conseils d'ordre administratif commercial et publicitaire permettant la gestion de commerces de vente au détail et de grands magasins; aide à l'organisation administrative et commerciale et consultations professionnelles dans ces domaines en matière de distribution (vente) en gros et au détail; conseils et assistance en matière de concession et d'installation d'emplacements de vente et de distribution dans des grands magasins en vue de l'exploitation de comptoirs de vente; travaux de bureau; services d'abonnement à des journaux pour des tiers; conseils, informations ou renseignements d'affaires; comptabilité; reproduction de documents; bureaux de placement; gestion de fichiers informatiques en classe 35.
Ayant constaté que la société COMMERCE RECHANGE SERVICE, spécialisée dans la distribution indépendante de pièces de carrosserie, utilisait de plus en plus au sein de sa communication soit seul soit en association avec les mots AUTO ou AUTOMOBILE, le signe CORA, au point de créer un risque de confusion avec elle- même, déposant notamment le 20 septembre 2006 la marque française CORA A sous le n°3 451 650, elle a, après l'envoi le 7 octobre 2009 d'une mise en demeure restée infructueuse, fait assigner cette dernière par acte du 20 février 2012 en contrefaçon de marques.
Dans ses conclusions n°6 signifiées le 18 mars 20014, la société CORA, après avoir réfuté les arguments présentés en défense, demande en ces termes au Tribunal de :
Sur l’absence de déchéance de ses droits sur les marques n° l 274 805 et 3 237 448 pour défaut d'exploitation, - juger que la déchéance des marques n° l 274 805 et 3 237 448, déposées par elle, n'est pas encourue, et ceci quelle que soit la période retenue pour calculer la déchéance.
En conséquence, - débouter Commerce Rechange Automobile de sa demande en déchéance.
Sur la renommée des marques n° l 274 805 et 3 237 448, -juger que les marques n° l 274 805 et 3 237 448 qu'elle a déposées sont des marques renommées au sens de l'article
L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle,
En conséquence, - débouter Commerce Rechange Automobile de sa demande en déchéance pour défaut d'exploitation des marques n° 1 274 805 en classes 11 et 12, et 3 237 448 en classe 35,- en tout état de cause, dire et juger que (i) la marque n°3 451 650 déposée le 20 septembre 2006 et (ii) l'exploitation par la défenderesse de la dénomination CORA sur le site Internet www.cora-auto.fr et dans ses catalogues constituent la contrefaçon des marques renommées CORA n° l 274 805 et n°3 237 448 au sens de l'article
L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle pour les produits et services des classes non contestées par la défenderesse (à l'exception des classes 11, 12 et 35), - prononcer la nullité de la marque n°3 451 650,
Sur l'absence de forclusion, -juger que l'action en nullité et en contrefaçon diligentée par elle, en application des articles
L.714-3 et
L.716-5 du Code de la propriété intellectuelle, n'est pas forclose, dans la mesure où celle-ci a été engagée moins de 5 ans après la date de la publication de l'enregistrement de la marque n°3 451 650 au BOPI, En conséquence, - débouter Commerce Rechange Automobile de sa demande en forclusion, - juger qu'elle est recevable à présenter des demandes en nullité et en contrefaçon. Sur le bien-fondé de ses prétentions au titre de l'atteinte à ses marques, -juger qu'elle dispose de droits antérieurs sur la dénomination invoquée par Commerce Rechange Automobile à compter du 9 novembre 1965, -juger qu'elle a exploité sérieusement ses marques n° l 274 805 et n°3 237 448,
En conséquence, - juger qu'elle est bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, Sur la contrefaçon de marque, -juger que les marques CORA n° l 274 805 et n°3 237 448 sont des marques notoires au sens de l'article
L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle, -juger que (i) la marque n°3 451 650 déposée le 20 septembre 2006 et (ii) l'exploitation par la défenderesse de la dénomination CORA sur le site Internet www.cora-auto.fr et dans ses catalogues constituent la contrefaçon de ses marques CORA n° l 274 805 et n°3 237 448, à titre principal, au sens de l'article
L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle, et à titre subsidiaire, au sens de l'article
L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle.
En conséquence, - prononcer la nullité de la marque n°3 451 650 pour l'ensemble des produits visés. - ordonner la communication du Jugement à intervenir par le Greffe du Tribunal en vue de son inscription au Registre National des Marques, aux frais exclusifs de Commerce Rechange Automobile, - interdire à Commerce Rechange Automobile d'utiliser, de quelle que façon et sur quelque support que ce soit, le signe et ce. sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ; - Interdire à Commerce Rechange Automobile d'utiliser, à titre de marque et sur quelque support que ce soit, la dénomination CORA seule, à savoir sans association directe avec le terme « auto » ou « automobile » et ce, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, - se réserver la compétence pour connaître de la liquidation de celte astreinte ; - condamner Commerce Rechange Automobile à lui régler 50.000 euros de dommages-intérêts au regard de l'atteinte portée à ses droits, - ordonner la publication du jugement à intervenir dans dix journaux de son choix et aux frais de la défenderesse, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 5.000 euros HT,- ordonner la publication du jugement à intervenir, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard à compter de sa signification, sur la page d'accueil du site vvww.cora- auto.fr et ce, pendant 30 jours ouvrés, - se réserver la compétence pour connaître de la liquidation de cette astreinte, - ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toutes voies de recours, et ce sans constitution de garantie, - débouter la société Commerce Rechange Automobile de sa demande pour procédure abusive ; - condamner la société Commerce Rechange Automobile à lui régler la somme de 25.000 euros au titre de l'article
700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières écritures signifiées le 25 mars 2014, la société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE entend voir le Tribunal :
Sur la demande principale, - constater que l'action fondée sur une prétendue atteinte non précisée à la renommée des marques n° l 274 805 et n°3 237 448 est forclose en application des articles L 714- 3 et
L 716-5 du Code de la propriété intellectuelle pour n'avoir été intentée que dans le cadre de conclusions régularisées le 5 septembre 2013, - en toute hypothèse dire et juger que cette demande est mal fondée. Sur la demande subsidiaire, - prononcer la déchéance des droits de la demanderesse : *sur la marque verbale française CORA n° l 274 805 avec effet au 28 décembre 1996, pour les services de « véhicules, appareils île locomotion par terre, par air ou par eau » pour les services de « installations d'éclairage de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d'eau et installations sanitaires, à l'exception des appareils à faire le café », *sur la marque semi-figurative française CORA n°3 237 448 avec effet au 29 août 2008, pour les services de « publicité, relations publiques, affichage, courrier publicitaire ; diffusion d'annonces publicitaires, publication de textes publicitaires ; diffusion (distribution) de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; mise à jour de documentation publicitaire ; publicité radiophonique, télévisée, par correspondance, travaux de bureau ; services d'abonnement de journaux pour des tiers, conseils, informations ou renseignements d'affaires ; comptabilité, reproduction de documents ; bureaux de placement ; gestion de fichiers informatiques », - constater que l'action fondée sur une prétendue atteinte non précisée à la renommée des marques n° l 274 805 et n°3 237 448, l'action en nullité comme l'action en contrefaçon diligentée par la société CORA sont forcloses en application des articles
L 714-3 et
L 716-5 du code de la propriété intellectuelle, - en conséquence dire et juger qu'elle est irrecevable à présenter de telles demandes et l'en débouter, - à titre subsidiaire, constater qu'elle dispose de droits antérieurs sur la dénomination sociale CORA à compter du 11 octobre 1967, date à laquelle elle a adopté cette dénomination, - dire et juger qu'il n'existe en toute hypothèse aucun risque de confusion entre les signes objets de l'une ou l'autre des marques n° 1 274 805 et n°3 237 448 d'une part et le signe objet de la marque n° 3451650 d'autre part,- à titre subsidiaire, dire et juger qu'en vertu de l'article
L 713-6 du Code de la propriété intellectuelle, la société CORA ne saurait faire obstacle à l'utilisation par elle de sa dénomination sociale adoptée antérieurement à l'enregistrement des marques invoquées par la demanderesse et utilisée de manière continue depuis son adoption.
En conséquence, - dire et juger mal fondée la société CORA en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, - à titre infiniment subsidiaire, constater l'absence de démonstration d'un quelconque préjudice subi par la société CORA, - en conséquence, la débouter de ses demandes d'indemnisation, d'interdiction et de publication à défaut d'un quelconque préjudice subi ou à venir.
En toute hypothèse, - condamner la société CORA à lui verser la somme de 30.000 € à titre de dommages- intérêts pour procédure abusive, - condamner la demanderesse à lui verser la somme de 25.000 € au titre de l'article
700 du Code de procédure civile. - condamner la société demanderesse aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil, conformément aux dispositions de l'article
699 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 201-4.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la forclusion
Selon l'article
L.714-3 du Code de la propriété intellectuelle, l'action en nullité prévue par l'article
L.711-4 du Code de la propriété intellectuelle « n'est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s'il en a été toléré l'usage pendant cinq ans ».
De même, l'article
L.716-5 dispose qu'est « irrecevable toute action en contrefaçon d'une marque postérieure enregistrée dont l'usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n'ait été effectué de mauvaise foi ».
Se fondant sur ces textes, la société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE soutient que les actions, soit en nullité, soit en contrefaçon, intentées par la société CORA contre sa marque CORA AUTOMOBILE n°3 451 650, sont atteintes par la forclusion par tolérance, et donc irrecevables.
Relevant que cette marque, déposée le 20 septembre 2006, a fait l'objet d'une publication au BOPI le 27 octobre 2006, elle soutient que c'est cette date qui fait courir le délai de cinq ans prévu par les textes sus-visés, de sorte que la société CORA avait jusqu'au 27 octobre 2011 pour agir.
Cette société, qui n'a formalisé ses demandes relatives à la marque de renommée que dans ses conclusions du 5 septembre 2013, et qui en tout état de cause n'a assigné que le 20 février 2012, est donc forclose selon elle, et ce d'autant qu'elle-même adéposé sa marque en toute bonne foi pour moderniser son logo et qu'elle l'a utilisée dès mai 2006, ainsi que cela résulte de la consultation de son catalogue.
Elle ajoute qu'il n'est pas douteux que la société CORA, qui la surveille « depuis de nombreuses années ». a nécessairement eu une connaissance immédiate du dépôt de la marque litigieuse et de son exploitation, d'autant qu'elle a intenté de nombreuses actions pour protéger ses marques, et ce alors que la publication par le BOPI ajustement pour objet d'informer les tiers.
La société CORA réfute cette forclusion.
Elle fait tout d'abord valoir que la date « la plus stricte » retenue comme point de départ du délai de cinq ans est la publication, non de la demande d'enregistrement comme le soutient la défenderesse, mais celle de l'enregistrement lui-même, lequel est intervenu en l'espèce le 23 février 2007 comme le montre la copie de cet enregistrement versée aux débats.
Elle souligne également que la défenderesse ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle a eu connaissance de cette marque dès 2006, et ce alors qu'elle-même n'est pas destinataire des catalogues de la société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE, lesquels n'ont d'ailleurs été diffusés qu'à 11.000 exemplaires, ce qui est minime au regard de l'étendue du territoire national.
Elle soutient enfin n'avoir été informée de l'existence de cette marque qu'en 2009, au moment de sa diffusion sur Internet, ce qui a déclenché l'envoi de sa part, le 7 octobre 2009, d'une première mise en demeure qui doit être considérée selon elle comme étant le point de départ du délai de forclusion
De fait, la forclusion par tolérance a comme corollaire le fait que le titulaire de la marque première a toléré l'existence de la marque seconde, et donc qu'il en a eu connaissance.
Cette connaissance ne peut résulter d'une simple publication, qu'il s'agisse de celle de la demande d'enregistrement ou de celle de l'enregistrement, mais d'éléments factuels précis tendant à démontrer que l'exploitation, et non le simple enregistrement, de la marque seconde était connue du titulaire de la marque première qui est pourtant resté inactif, étant précisé que la charge de la preuve de cette connaissance pèse sur celui qui invoque la forclusion.
En l'espèce, la société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE se borne à affirmer que la société CORA, de par son attention soutenue à tout ce qui la concerne, n'a pas manqué d'avoir connaissance, dès la publication du dépôt, de l'existence de la marque, sans procéder à la moindre démonstration concrète de cette connaissance.
Or se contentant ainsi de généralités, la défenderesse ne démontre nullement que la société CORA, laquelle n'est pas naturellement destinataire de la communication commerciale et en particulier des catalogues de la société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE, a pu malgré tout en être destinataire, tout comme elle n'indique pas comment la société CORA aurait pu malgré tout apprendre cette existence, ni n'allègue le moindre indice indiquant cette information.Dès lors, la forclusion par tolérance n'est pas acquise.
- Sur la déchéance des marques CORA n° l 274 805 et n°3 237 448
Selon l'article
L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle, «Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. (...)La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens. La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu ».
Se fondant sur ce texte, la société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE estime que les marques CORA n° l 274 805 et n°3 237 448 sont déchues, aucun usage de ces marques n'étant selon elle intervenu pour les produits et services qui lui ont été opposés, des classes 11 et 12 en ce qui concerne la première d'entre elles, de la classe 35 en ce qui concerne la seconde.
S'agissant des périodes de référence de cinq années, la société défenderesse estime qu'il s'agit, pour ce qui est de la marque n° l 274 805, du 28 décembre 1991, date d'entrée en application de la loi du 4 janvier 1991 modifiant les dispositions relatives à la déchéance, au 28 décembre 1996, ladite marque avant été déposée avant le 28 décembre 1986 et, pour ce qui est de la marque n°3 237 448, du 29 août 2003, date de la publication de la demande d'enregistrement au BOPI, au 29 août 2008.
Ces marques lui étant opposées au titre de la contrefaçon et comme fondement à une action en nullité, la société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE justifie d'un intérêt à agir qui n'est d'ailleurs pas contesté.
Il appartient donc à la société CORA de prouver un usage sérieux de ses marques, pour les produits et services concernés, pendant la période allant du 28 décembre 1991 au 28 décembre 1996 pour la marque verbale I 274 805, et pour la période du 29 août 2003 au 29 août 2008 pour la marque semi-figurative 3 237 448.
En premier lieu, cette société soutient que le débat relatif à cette déchéance serait inopérant, puisque les marques qu'elle invoque serait des marques de renommée.
Cependant, comme le fait remarquer à bon droit la défenderesse, le fait que des marques soient des marques de renommée, à supposer ce fait établi, n'a pas pour conséquence de les rendre inattaquables au titre de la déchéance, puisque n'importe quelle marque, qu'elle soit normale, notoire ou de renommée, peut être déchue si elle n'a pas fait l'objet d'une exploitation sérieuse pendant cinq années consécutives, étant précisé à ce sujet que la jurisprudence produite par la demanderesse ne traite absolument pas de ce problème de la déchéance.
Cela étant dit, il convient d'examiner les deux marques en cause.
*la marque 1274 805La société CORA conteste tout d'abord la période de référence telle que définie par la société défenderesse, en soutenant que l'avis rendu par la Cour de cassation le 27 juin 1994, qui indiquait comment il fallait procéder pour les marques déposées avant le 28 décembre 1986, ne donnait qu'un exemple d'une période de référence possible.
Elle souhaite donc que cette période de référence soit plutôt considérée comme étant la période de cinq années précédant la demande reconventionnelle en déchéance, qui a en l'espèce été formulée dans les écritures de décembre 2012, soit donc de décembre 2007 à décembre 2012, ou encore une période de cinq ans « à compter du dernier acte d'exploitation sérieux de la marque » ce qui en réalité ne veut pas dire grand-chose puisque sous-entendant qu'il n'y a pas eu d'usage sérieux durant cinq années.
En réalité, la société CORA revendique sans le dire l'application des dispositions de l'article
L.714-5 alinéa 4 du Code de la propriété intellectuelle selon lesquelles « l'usage sérieux commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans » fait obstacle à la déchéance s'il n'a pas été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance.
Dès lors, il convient en fin de compte d'observer si des preuves d'usage postérieures à 1996, pour les produits opposés, sont versées aux débats
A ce titre, la société CORA produit, s'agissant de la classe 11, des catalogues concernant les périodes suivantes : - du 20 février au 2 mars 2002, - du 24 novembre au 4 décembre 2004, - du 30 mai au 9 juin 2007, - du 28 mai au 7 juin 2008, - du 28 octobre au 7 novembre 2009, - du 1 er au 7 février 2012, - du 14 au 20 mars 2012, - -du 13 au 19juin 2012, - -jusqu'au 16juin 2012, - du 1er au 7 août 2012. et, s'agissant de la classe 12, des catalogues concernant les périodes suivantes, -du 6 au 18 mai 1996, - du 15 au 27 juillet 1996, - du 10 au 20 mars 2004, - -du 14 au 24 avril 2004, - du 5 au 15 novembre 2008. - -du 11 au 21 avril 2012, - -du 7 au 19 mai 2012, - du 15 au 21 août 2012, - du 27 octobre au 10 novembre 2012.
Ces catalogues, qui à part le dernier d'entre eux, sont tous antérieurs aux trois mois précédant la demande de déchéance de décembre 2012, montrent des exploitations de la marque verbale CORA pour les produits suivants sur lesquels elle est apposée, comme d'ailleurs la marque semi-figurative : - mèches désodorisantes, - mitigeur de douche,- cabine de douche, - ensemble de douche avec douchette. - douche. - robinetterie, ensemble de douche, - barre de douche. - abattant de toilettes, - transat de bain et siège de bain, - baignoire, anneau de bain, transat de bain.
Ces produits sont sans conteste identiques ou similaires aux installations sanitaires, à l'exclusion des appareils à faire le café que désigne en classe 11 la marque verbale opposée, étant précisé que, en vertu du principe selon lequel l'usage d'une autre marque sous une forme qui n'en altère pas la distinctivité, comme c'est le cas de la marque semi-figurative CORA pour la marque verbale CORA, vaut usage de cette dernière, les exploitations de l'une valent exploitations de l'autre.
La marque verbale CORA a également été exploitée pour les produits suivants apparaissant sur les catalogues : - ampoules et bougies d'allumage, - lampes et filtres à air. - ampoules, - lot de cuisson, - lustre, - filtre pour aspirateur, - appareils de cuisson, - projecteur halogène avec détecteur de mouvement. - pistolet d'arrosage, - lampe torche, - bouilloire, - chauffe-biberon, - tuyau d'arrosage, - absorbeur d'humidité, - filtre pour hotte, - lampe, - stérilisateur électrique. - glacière.
Le Tribunal constate avec la demanderesse que ces produits sont identiques ou similaires aux installations d'éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d'eau, autres produits que désigne la marque opposée en classe 11.
Dès lors, un usage sérieux pendant une dizaine d'années jusqu'à 2012 est ainsi constaté pour des produits identiques aux produits opposés en classe 11.
D'autre part, la marque a été également exploitée pour mettre en contact avec la clientèle les produits ou services suivants : - location de véhicules utilitaires. - tapis auto universels, - bougies de préchauffage, - balai d'essuie-glace,- housse nylon pour fauteuils de voiture, - rénovateur plastiques extérieurs pour carrosserie de voilure, - filtre à huile, - liquide de refroidissement biodégradable, - canot pneumatique. - bicyclette, - vélo mixte pour enfant.
Ces produits et services sont manifestement identiques ou similaires aux véhicules, appareils de locomotion par terre, par air ou par eau pour lesquels la marque a été déposée en classe 12.
La société défenderesse conteste cependant l'exploitation de la marque pour le canot, la bicyclette et le vélo mixte, au motif que le bateau supporte le signe EXPLORER, la bicyclette le signe OPTIM'ALP, et le vélo le signe KIDO.
Cependant, si ces mots figurent effectivement sur le produit lui-même, ou sur le catalogue, ils ne sont pas apposés à titre de marque, mais plutôt pour identifier, telle une référence, un produit par rapport à un autre En plus, ils sont bien offerts à la vente dans les magasins CORA et sur des catalogues publicitaires CORA, dans lesquels ils renvoient sans équivoque à la marque CORA, le consommateur leur attribuant indiscutablement cette origine.
D'autre part, pour répondre à un autre argument de la défenderesse selon lequel la mention Q Cora ou Produits Cora, accompagnant notamment l'offre à la vente des vélos et bicyclette, ne permettrait pas de déduire que le signe CORA exercerait une fonction de marque sur ces produits, force est de constater au contraire qu'elle rattache de plus belle les deux vélos à la marque en cause plutôt qu'elle ne les en éloigne.
Dès lors, il apparaît là encore un usage sérieux, ce qui est le cas aussi des produits qui ne figurent que sur quelques catalogues, et ce pendant une dizaine d'années, pour des produits identiques ou similaires aux produits opposés en classe 12.
La demande en déchéance de la marque verbale CORA n° l 27-4 805 présentée à ce titre sera donc rejetée.
"la marque 3 237 448
Là encore, la société CORA conteste la période de cinq ans telle que retenue par la société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE, en argumentant de la même façon que pour la marque verbale.
Pour la même raison, c'est-à-dire l'article
L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle, il sera tenu compte de la reprise de l'exploitation postérieurement à la période de cinq ans définie par la demanderesse en déchéance, soit août 2003-août 2008.
D'autre part, la société CORA soutient utiliser la classe 35 lorsqu'elle diffuse ses catalogues sur l'ensemble du territoire français, ce qui est le cas notamment des catalogues concernant les mois de janvier 2005, avril 2005, mai 2005, juillet 2005, avril 2006. juin 2006, janvier 2007, mars 2007, avril 2007, juin 2007, octobre 2007, juillet 2008, juin 2009, septembre 2009 et octobre 2009, sur lesquels apparaît la marque semi-figurative en cause.Même s'il ne s'agit là que du moyen par lequel sont diffusés les produits ou services et non des produits ou services eux-mêmes, il apparaît également que la société demanderesse a conclu des contrats de coopération commerciale avec des fournisseurs, comme le montre notamment le contrat avec CHARAL de février 2011, qui ont pour objet des prestations de publicité, par la société CORA, pour valoriser les produits de ses partenaires, avec utilisation de la marque CORA, que celle-ci soit semi- figurative ou pas, ainsi qu'il a été dit plus haut. Ainsi, elle a conclu des prestations publicitaires à diverses occasions, comme la Foire à la viande ou la Saint-Valentin.
De plus, la société demanderesse justifie par la production de factures, concernant les années 2008 à 2012, de l'existence de prestations de publicité fournies à différents partenaires, libellées « participation aux frais de structure marketing, assistance en matière de communication, facturation de votre participation aux frais techniques prospectus », et ce avec utilisation permanente de la marque semi-figurative en question, ainsi que de la production de services de gestion de fichiers informatiques à des tiers, pour les années 2006 à 2009, là encore avec utilisation permanente de ladite marque semi-figurative.
Sur ce point, la société défenderesse soutient que le signe CORA figurant sur les différentes factures est un logo qui identifie la dénomination sociale de la société demanderesse, ou encore son nom commercial, mais pas la marque comme indicateur des services facturés.
Cependant, dans la mesure où la société CORA effectue de telles prestations, le signe dont s'agit, certes utilisé comme dénomination sociale, vaut également exploitation du signe éponyme déposé à titre de marque, dans la mesure où il a vocation à identifier à l'attention de la clientèle l'origine du service qui lui est proposé.
Or. ces différents services sont indubitablement identiques ou similaires aux services Publicité, relations publiques, affichage, courrier publicitaire; diffusion d'annonces publicitaires, publication de textes publicitaires; diffusion (distribution) de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons): mise à jour de documentation publicitaire; publicité radiophonique, télévisée, par correspondance; démonstration de produits; organisation d'expositions, de foires, de braderies à buts commerciaux ou de publicité; décoration de vitrines; informations et conseils d'ordre administratif commercial et publicitaire permettant la gestion de commerces de vente au détail et de grands magasins; aide à l'organisation administrative et commerciale et consultations professionnelles dans ces domaines en matière de distribution (vente) en gros et au détail; conseils et assistance en matière de concession et d'installation d'emplacements de vente et de distribution dans des grands magasins en vue de l'exploitation de comptoirs de vente; travaux de bureau; services d'abonnement à des journaux pour des tiers; conseils, informations ou renseignements d'affaires; comptabilité; reproduction de documents; bureaux de placement; gestion de fichiers informatiques pour lesquels la marque a été déposée en classe 35.
Devant une telle exploitation sérieuse, durant de nombreuses années et jusqu'à 2012, de la marque pour des services similaires ou identiques à ceux pour lesquels la marque a été déposée, la demande en déchéance de la marque semi-figurative n°3 237 448 sera elle aussi rejetée.
- Sur les atteintes aux marques CORA numéros 1 274 805 et 3 237 448Selon l'article
L.711-4 du Code de la propriété intellectuelle, « ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment : a) à une marque antérieure enregistrée, b) à une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public, c) à un nom commercial ou à une enseigne connus sur l'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ».
Selon l'article
L.713-3 du même Code. « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public (...) b) l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ».
Enfin, selon l'article
L.713-5 du même Code, « la reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ».
Sur le fondement de ces trois textes, la société CORA soutient qu'il a été porté atteinte à ses deux marques CORA, ainsi que le cas échéant à ses dénomination sociale et nom commercial, par le dépôt et l'usage de la marque semi-figurative CORA AUTOMOBILE déposée le 20 septembre 2006 sous le n°3 451 650 par la société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE pour désigner en classe 11 les Appareils d'éclairage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d'eau, installations sanitaires, appareils d'éclairage pour véhicules, installations de chauffage ou de climatisation pour véhicules, en classe 12 les Véhicules, appareils île locomotion par terre, par air et par eau : moteurs pour véhicules terrestres, amortisseurs de suspensions pour véhicules ; carrosserie, chaînes antidérapantes, châssis, pare-chocs île véhicules ; stores (pare-soleil) pour automobiles ; ceintures de sécurité pour sièges de véhicules automobiles ; caravanes, tracteurs, vélomoteurs, cycles ; cadres, béquilles, freins, guidons, jantes, pédales, pneumatiques, roues, se/les de cycles, poussettes : chariots de manutention, et en classe 35 les services Publicité, gestion des affaires commerciales, administration commerciale ; travaux de bureau. Publicité en ligne sur un réseau informatique.
* l'antériorité des droits
La société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE prétend disposer de droits antérieurs à ceux de la demanderesse.
Elle produit en effet ses statuts, signés le 11 octobre 1967 et déposés le lendemain au Registre du commerce de LYON, qui mentionnent, en leur article 3 intitulé « dénomination sociale », que « la société prend la dénomination de ( 'ORA ».
Elle verse aussi aux débats un contrat de bail de ses locaux où elle apparaît sous cette même dénomination, tout comme dans des courriers émanant d'elles en 1975 et 1977, et précise que, contrairement à ce que soutient la société demanderesse, elle n'a pas changé de nom pour prendre celui de COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE, puisque le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 23 octobre 1998comporte l'en-tête « COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE SA - CORA. SA » et ne contient aucune délibération relative à un changement de dénomination.
Elle souligne en outre que, bien que revendiquant une dénomination sociale CORA depuis le 26 novembre 1965, la société demanderesse ne démontre pas la réalité de la chaîne des droits qui la ferait bénéficier de la dénomination qui était au départ celle d'une société située à RIEDISHEIM (Haut-Rhin) et qui a été radiée le 30 décembre 1968, la société CORA, actuelle demanderesse, ayant pour sa part été immatriculée le 29 avril 1981, pour un commencement d'activité le 12 mai 1969.
Elle en conclut que les conditions exigées par l'article
L.711-4 du Code de la propriété intellectuelle « ne sont pas réunies au bénéfice de la demanderesse ».
Pour sa part, cette dernière, qui se prévaut des statuts de la société CORA signés le 21 octobre 1965 qui portent un cachet d'enregistrement du 26 novembre suivant, explique qu'il existe bien un lien de droit entre cette société alsacienne et la société CORA située à PARIS, puisque l'extrait Kbis de radiation, le 30 décembre 1968, du tribunal d'instance de MULHOUSE de la société située à RIED1SHEIM, mentionne un transfert du siège social au [...] et montre que les deux sociétés CORA avaient alors le même président, Philippe B.
Cela étant, il importe peu en vérité que la société CORA demanderesse ait une antériorité remontant à 1965 ou à 1969, comme il importe peu que la société défenderesse ait, ou non, changé de dénomination pour adopter celle de COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE, dans la mesure où l'antériorité des droits, à la supposer établie, permet seulement de se réclamer des dispositions de l'article
L.711-4 du Code de la propriété intellectuelle pour demander l'annulation d'une marque adverse, ou de celles des articles
L.713-3 et suivants pour obtenir la réparation d'une atteinte éventuelle, mais en aucun cas de se défendre par rapport à une accusation d'atteinte ou de contrefaçon.
Autrement dit, même si la société défenderesse a des droits antérieurs à la société demanderesse sur la dénomination CORA, comme cela peut effectivement résulter des documents qui viennent d'être examinés, cette situation aurait pu l'autoriser à agir en contrefaçon contre les marques de la demanderesse, ce qu'elle n'a pas fait, mais ne légitime pas pour autant le dépôt par elle d'une marque postérieure aux deux marques de la demanderesse, celles-ci lui étant à présent opposables.
Il convient donc d'apprécier si ces deux marques peuvent être qualifiées de marques de renommée.
*la renommée
Même si cette qualification ne revêt pas une grande importance en l'espèce puisque les produits et services en présence sont identiques ou similaires comme il sera indiqué plus bas, il convient de rechercher, puisque la demanderesse nous en prie, si ses deux marques CORA sont des marques de renommée.
A cette fin, la société CORA verse aux débats : - une étude menée par OC&C en 2012 montrant qu'elle est la 61ème enseigne préférée des français,- des sondages sur sa notoriété, de juin et septembre 2012, montrant que 3,9 millions de consommateurs ont fréquenté ses hypermarchés en 2012, en moyenne 11,9 fois, - des écrans de recherche sur les moteurs Google et Yahoo, montrant qu'elle apparaît dans les cinq premiers résultats lorsque l'internaute tape le mot CORA, - un sujet du baccalauréat professionnel de la session 2010 qui est consacré à l'enseigne CORA, - un rapport d'étude effectué auprès de 1.000 personnes par l'agence MDTC en février 2014 montrant que l'enseigne CORA affiche 59% de notoriété spontanée et 94% de notoriété assistée, 92% des répondants pensant que CORA propose une offre d'accessoires auto au sein de ses hypermarchés.
Si cette dernière étude a trait plus à l'enseigne CORA qu'aux marques CORA, elle se réfère néanmoins à des produits et services qui sont désignés par ces marques, et le logo montré aux répondants est le même que celui de la marque semi-figurative invoquée, de sorte que la notoriété établie concerne autant les marques CORA que la dénomination sociale ou l'enseigne.
En outre, la société demanderesse justifie de ce qu'elle organise de nombreuses campagnes publicitaires pour asseoir la notoriété de ses marques.
Dès lors, les deux marques CORA numéros I 274 805 et 3 237 448 sont des marques de renommée au sens de l'article
L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle.
*les atteintes proprement dites
Tant sur le fondement de cet article
L.713-5 que sur celui des articles
L.711-4 et L.713- 3 du même Code, il y a lieu de comparer les deux marques CORA de la demanderesse avec la marque CORA AUTOMOBILE de la défenderesse.
11 y a lieu plus particulièrement de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les services désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné, et ce même si ce risque n'est pas un critère nécessaire selon l'article
L.713-5, qui fait prédominer le préjudice ou l'exploitation injustifiée
Quoi qu'il en soit, la société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE estime que les services et produits désignés par les marques en présence ne seraient pas identiques ou similaires, en faisant valoir que sa marque n°3 237 ne vise que les services Publicité, gestion des affaires commerciales, administration commerciale ; travaux de bureau. Publicité en ligne sur un réseau informatique, alors que la marque semi- figurative CORA n°3 237 448 en vise beaucoup d'autres.
Cependant, la marque CORA n°3 237 448 désigne notamment, ainsi qu'il a été dit plus haut, les services publicité, informations et conseils d'ordre administratif commercial et publicitaire permettant la gestion de commerces de vente au détail et de grands magasins, aide à l'organisation administrative et commerciale, travaux de bureaux et gestion de fichiers informatiques, soit des services identiques pour certains d'eux, similaires pour les autres, à ceux désignés par la marque attaquée.
En outre, il n'est pas contesté que celle-ci désigne en classes 11 et 12 des produits et services similaires à ceux désignés par la marque verbale CORA n° 1 274 805.Par ailleurs, l'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants.
D'un point de vue visuel, les signes sont composés du même mot CORA, lequel est placé en position d'attaque, et auquel s'ajoute dans le signe incriminé le mot AUTOMOBILE lequel, pour une société spécialisée dans la carrosserie automobile, est purement descriptif de l'activité exercée, de sorte que le terme dominant est le mot CORA, d'autant qu'il apparaît en première ligne et en lettres grasses sur la marque dont s'agit, alors que le mot AUTOMOBILE, apparaissant dans la ligne du dessous, en maigre, en lettres d'imprimerie beaucoup plus petites, passe presque inaperçu. De plus, alors que la marque CORA n° 1 274 805 est une marque verbale, la marque CORA n°3 237 448 comporte du bleu tout comme la marque CORA AUTOMOBILE.
Phonétiquement, la sonorité que retient le consommateur d'attention moyenne est l'attaque en CORA. et non le mot qui suit.
Sur le plan intellectuel, les signes évoquent tous deux, de manière arbitraire, une enseigne connue d'une grande majorité du public, ainsi qu'il vient d'être dit, ainsi éventuellement que le prénom féminin Coralie, ce signe CORA ayant un pouvoir attractif fort en raison de son caractère distinctif marqué.
Il résulte de ces éléments que l'identité ou la similarité des produits et services concernés alliée à la forte similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble entraîne un risque de confusion, le consommateur d'attention moyenne étant amené, comme il a été dit à attribuer aux services proposés une origine commune.
De surcroit, pour ce qui est de l'atteinte aux marques de renommée, le préjudice potentiel et l'exploitation injustifiée existent d'autant plus que l'étude présentée ci- dessus montre que certains clients croient que les services proposés par la défenderesse sous sa marque attaquée ont pour origine la société demanderesse.
Dès lors, tant l'atteinte à des droits antérieurs que la contrefaçon par imitation de marques de renommée sont constituées.
*l’exception de l'article
L. 713-6La société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE demande à bénéficier de l'exception de l'article
L.713-6 du Code de la propriété intellectuelle selon lequel « l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme : a) dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à l'enregistrement, soit le fait d'un tiers de bonne foi employant son nom patronymique ».
De fait, bien que la société demanderesse n'ait formulé aucune demande visant précisément la dénomination sociale de la défenderesse, et que l'interdiction qui sera prononcée ci-dessous ne concerne que le signe CORA, et non le signe COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE, il convient de préciser en tant que besoin que cette interdiction ne s'applique pas à la dénomination sociale de la défenderesse.- Sur les mesures réparatrices
Il sera fait droit à la mesure d'interdiction sollicitée dans les conditions énoncées au dispositif de la présente décision.
De plus, la marque CORA AUTOMOBILE de la défenderesse sera annulée, pour l'ensemble des produits et services qu'elle désigne.
D'autre part, la société CORA ne justifie ni le préjudice commercial, ni la dilution de ses droits qu'elle allègue.
11 lui sera donc alloué la somme de 10.000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses marques.
Enfin, la mesure de publication sollicitée sera autorisée, ainsi qu'il sera dit ci-dessous, mais pas sur le site Internet de la défenderesse.
- Sur les autres demandes
Il y a lieu de condamner la société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE, partie perdante, aux dépens.
En outre, elle doit être condamnée à verser à la société CORA, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article
700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 6.000 euros.
Par ailleurs, les circonstances de l'espèce justifient le prononcé de l'exécution provisoire, qui est également compatible avec la nature du litige
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
- DIT que la forclusion n'est pas acquise ;
- REJETTE les demandes tendant à la déchéance des marques CORA n° 1 274 805 et n°3 237 448 ;
- DIT que les marques CORA n° l 274 805 et n°3 237 448 sont des marques de renommée ;
- DIT qu'en déposant et exploitant la marque CORA AUTOMOBILE n°3 451 650, la société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE a porté atteinte aux droits antérieurs de la société CORA et commis des actes de contrefaçon des marques de renommée CORA n° l 274 805 et n°3 237 448 dont est titulaire la société CORA ;
- PRONONCE la nullité de la marque CORA AUTOMOBILE n°3 451 650, pour tous les produits et services qu'elle désigne en classes 11.12 et 35 ;
- DIT que la décision devenue définitive sera transmise par le greffe, sur réquisition de la partie la plus diligente, à l'Institut National de la Propriété Industrielle aux fins d'inscription au Registre National des Marques ;- INTERDIT à la société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE d'utiliser de quelque façon et sur quelque support que ce soit, sauf s'agissant de sa dénomination sociale, le signe CORA, et ce sous astreinte de 350 euros par infraction relevée passé un délai de I mois après la signification du présent jugement que le Tribunal se réserve de liquider le cas échéant ;
- CONDAMNE la société COMMERCE REÇU ANGE AUTOMOBILE à payer à la société CORA la somme de 10.000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses marques ;
- AUTORISE la publication du dispositif de la présente décision dans 3 magazines ou journaux du choix de la demanderesse et aux frais de la défenderesse, sans que le coût de chaque insertion excède la somme de 3.500 euros HT;
- REJETTE les demandes plus amples et contraires ;
-CONDAMNE la société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE à payer à la société CORA la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article
700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNE la société COMMERCE RECHANGE AUTOMOBILE aux dépens ;
- ORDONNE l'exécution provisoire.