PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITE
de la requête No 21721/93
présentée par I.K.
contre la Grèce
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La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première
Chambre), siégeant en chambre du conseil le 5 JUILLET 1993 en présence
de
MM. F. ERMACORA, Président en exercice de la
Première Chambre
E. BUSUTTIL
A.S. GÖZÜBÜYÜK
Sir Basil HALL
M. C.L. ROZAKIS
Mme J. LIDDY
MM. M.P. PELLONPÄÄ
B. MARXER
G.B. REFFI
B. CONFORTI
Mme. M.F. BUQUICCHIO, Secrétaire de la Première Chambre
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 26 novembre 1992 par I.K. contre la
Grèce et enregistrée le 26 avril 1993 sous le No de dossier
21721/93 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Les faits de la cause tels qu'ils ont été exposés par le
requérant peuvent être résumés comme suit.
Le requérant est un ressortissant turc, d'origine grecque, né en
1921. Il est représenté devant la Commission par Me Stelios Spetsakis,
avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation grecque.
Le requérant a travaillé a Istanbul depuis 1952 en tant que
commerçant. En 1978 il est arrivé en Grèce et s'est installé à Paleo
Faliro.
Le 8 juillet 1982, le requérant a déposé auprès de la Caisse
d'assurance des Commerçants (T.A.E. - Tameio Asfaliseos Emporon, ci-
après T.A.E.) demande tendant à ce qu'il soit reconnu titulaire d'un
droit à une pension de vieillesse, assortie d'une demande tendant à ce
que ses annuités d'assurance en Turquie soient reconnues en Grèce après
rachat. Le bureau compétent du T.A.E. a rejeté cette demande au motif
qu'elle était tardive. En effet, le T.A.E. a estimé que la demande
tendant à la reconnaissance des annuités d'assurance effectuée en
Turquie aurait dû être déposée dans un délai d'un an après l'arrivée
du requérant en Grèce.
Le 10 octobre 1983, le requérant a recouru contre cette décision
devant la Conseil d'administration du T.A.E., autorité administrative
de recours en la matière. Cette autorité a rejeté le recours en date
du 24 juillet 1984.
Le 4 septembre 1984, le requérant a saisi le tribunal
administratif d'Athènes d'un recours en annulation de la décision
susmentionnée. Par jugement N° 1615/1986 du 12 mars 1986, le tribunal
a rejeté ce recours.
Le 17 juillet 1986, le requérant a recouru (anairesi) contre ce
jugement devant le Conseil d'Etat (Symvoulio tis Epikrateias). Ce
recours a été rejeté par arrêt du 1er juin 1992 (N° 2015/1992).
GRIEFS
1. Le requérant se plaint d'abord qu'en rejetant sa demande de
pension les juridictions grecques l'ont injustement privé de ses droits
patrimoniaux et invoque l'article 1 du Protocole N° 1 à la
Convention.
2. Le requérant se plaint, en outre, que les juridictions saisies
de son affaire ont commis des erreurs de droit en rejetant son
argumentation tirée notamment de l'imprescriptibilité du droit à
pension. Il soutient qu'il n'a pas bénéficié d'un procès équitable dans
le cadre de la procédure relative à sa demande de pension de vieillesse
et invoque l'article 6 par. 1 de la Convention.
3. Il se plaint, enfin, de la durée de cette procédure.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint d'abord que le rejet de sa demande de
pension constitue une violation de son "droit au respect de ses biens"
garanti à l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1) à la Convention.
La Commission rappelle que l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1)
garantit à ceux qui ont versé des contributions à une institution
d'assurance sociale le droit de tirer un bénéfice de cette institution
(N° 5849/72, Müller c/ Autriche, Rapp. Comm. 1.10.75, D.R. 3 p. 25).
On ne saurait cependant déduire du droit de toute personne au respect
de ses biens un droit à une pension de vieillesse, lorsque la personne
sollicitant le bénéfice de cette prestation sociale n'a pas versé des
contributions à l'institution sollicitée. Cette disposition ne saurait,
en outre, être interprétée comme garantissant un droit à ce que des
annuités d'assurance effectuées dans un pays étranger soient reconnues,
ne serait ce qu'après rachat, par une institution d'assurance.
Il est vrai qu'en l'espèce le requérant soutient que l'IKA a à
tort refusé de lui permettre de racheter des annuités d'assurance en
Turquie et qu'elle invoque à l'appui de cette allégation des
dispositions du droit national.
Cependant, la Commission ne s'estime pas appelée à se prononcer
sur cette argumentation qui aurait pu être soumise aux juridictions
nationales auxquelles il appartient d'interpréter et d'appliquer le
droit interne.
Elle ne saurait, en effet, sur la base de cette argumentation,
non vérifiée par les autorités nationales, conclure que le
requérant avait en l'espèce un droit patrimonial acquis en droit grec
et protégé par l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1).
Dès lors, aucune apparence de violation de la disposition
invoquée ne saurait être décelée en l'espèce.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal
fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. Le requérant se plaint qu'il n'a pas bénéficié d'un procès
équitable devant les juridictions administratives. Il allègue que cette
juridiction a commis des erreurs de droit. Il invoque l'article 6 par.
1 (art. 6-1) de la Convention qui garantit à toute personne le droit
à un procès équitable devant un tribunal qui décidera soit des
contestations sur ses droits et obligations de caractère civil soit sur
le bien-fondé d'une accusation en matière pénale dirigée contre elle.
La Commission rappelle toutefois qu'elle n'est pas compétente
pour examiner une requête relative à des erreurs de droit ou de fait
prétendûment commises par les juridictions internes, sauf si et dans
la mesure où elles sont susceptibles d'avoir entraîné une violation
d'un droit garanti par la Convention. La Commission renvoie sur ce
point à sa jurisprudence constante (voir, par exemple N° 7987/77,
déc. 13.12.79, D.R. 18, pp. 31,61).
En l'espèce, à supposer même que la disposition invoquée
s'applique à la procédure en cause, la Commission constate que les
juridictions grecques ont rendu leur décisions après avoir entendu le
requérant et sur la base des éléments qui leur ont été soumis dans le
cadre des procédures contradictoires. Dans ces conditions aucune
apparence de violation du droit à un procès équitable ne saurait être
décelée.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal
fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
3. Le requérant se plaint, enfin, que sa cause n'a pas été
entendue "dans un délai raisonnable" comme l'exige l'article 6 par. 1
(art. 6-1) de la Convention.
La Commission estime qu'elle ne saurait se prononcer sur la
recevabilité de ce grief sans le bénéfice des observations
contradictoires des parties. Elle décide, dès lors, d'ajourner l'examen
de cette partie de la requête.
Par ces motifs
, la Commission, à l'unanimité
AJOURNE l'examen du grief tiré de la durée de la procédure
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus.
Le Secrétaire Le Président en exercice
de la Première Chambre de la Première Chambre
(M.F. BUQUICCHIO) (F. ERMACORA)