Cour d'appel de Paris, Chambre 1-3, 20 décembre 2017, 17/09839

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    17/09839
  • Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :Tribunal de commerce de Paris, 4 mai 2017
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/60329c9cc4a4b61105ad2c20
  • Président : Mme Martine ROY-ZENATI
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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2019-01-31
Cour d'appel de Paris
2017-12-20
Tribunal de commerce de Paris
2017-05-04

Texte intégral

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 1 - Chambre 3

ARRET

DU 20 DECEMBRE 2017 (n° 848 , 7 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 17/09839 Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Mai 2017 -Président du Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2017004886 APPELANTE SAS SRT GROUP agissant en la personne de son président [Adresse 1] [Localité 1] N° SIRET : 808 .233.399 Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 assistée de Me Jean-daniel BRETZNER de l'AARPI BREDIN PRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : T12 INTIME SYNDICAT NATIONAL DES TRANSPORTS LÉGERS (SNTL) pris en la personne de son président Monsieur [N] [B] [Adresse 2] [Localité 1] Représenté et assisté de Me Eric GAFTARNIK de la SELARL GAFTARNIK - LE DOUARIN & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L0118 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Novembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne-Marie GRIVEL, Conseillère et Mme Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Martine ROY-ZENATI, Premier Président de chambre Mme Anne-Marie GRIVEL, Conseillère Mme Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère Greffier, lors des débats : Mme Véronique COUVET ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Martine ROY-ZENATI, président et par Mme Véronique COUVET, greffier. La société SRT Group a conçu et exploite une plate-forme technologique qui met en relation des entreprises désireuses de bénéficier d'une prestation de service de livraison de marchandises à domicile sur de courtes distances avec des coursiers, qui opèrent de façon indépendante d'elle. Le Syndicat national des transports légers (SNTL), association professionnelle réunissant la Chambre syndicale des services rapides de France et activités annexes et le Syndicat national des entreprises de transports légers et de services rapides, qui a pour objet la défenses des intérêts de la profession, a présenté, le 7 décembre 2016, au président du tribunal de commerce de Paris une requête, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, à laquelle il a été partiellement fait droit par ordonnance du 14 décembre 2016 désignant un huissier de justice aux fins de réaliser une mesure d'instruction au siège de trois sociétés, Stuart, Deliver.ee, et Colisweb, en se faisant remettre ou rechercher les contrats commerciaux signés entre ces sociétés et leurs clients donneurs d'ordres, les factures correspondantes et tous éléments se rapportant à la connaissance et le contrôle par ces sociétés des moyens matériels utilisés par les 'coursiers' pour assurer la prestation de livraison de marchandises à domicile depuis le 1er janvier 2016. L'ordonnance a été exécutée le 6 janvier 2017. Le 24 janvier 2017, la SAS SRT Group, nouvelle dénomination de la société Stuart, a assigné le SNTL devant le juge des référés aux fins d'obtenir la rétractation de l'ordonnance sur requête du 14 décembre 2016. Par ordonnance du 4 mai 2017, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a : - confirmé l'ordonnance du 14 décembre 2016, - rétracté l'ordonnance du 14 décembre 2016 en son chef de mission autorisant la SCP Carole Duparc et Olivier Flament, prise en la personne de I'un de ses associés, à prendre copie en totalité des contrats commerciaux avec les clients donneurs d'ordre, - confirmé l'autorisation donnée à la SCP d'huissiers à prendre copie des seules conditions générales des contrats commerciaux avec les clients donneurs d'ordre à l'exclusion du nom desdits clients et des conditions particulières, - rétracté l'ordonnance du 14 décembre 2016 en son chef de mission autorisant la SCP d'huissiers à prendre copie de toutes factures, - rétracté l'ordonnance du 14 décembre 2016 en son chef de mission autorisant la SCP d'huissiers à prendre copie de tous éléments se rapportant à la connaissance et le contrôle des moyens matériels utilisés par les 'coursiers' pour assurer la prestation de livraison de marchandises à domicile, - confirmé l'autorisation donnée à la SCP Carole Duparc et Olivier Flament, prise en la personne de l'un de ses associés, à prendre copie de tous éléments se rapportant à la connaissance et le contrôle des moyens matériels utilisés par les « coursiers » pour assurer la prestation de livraison de marchandises à domicile, à l'exclusion de l'identité de ces prestataires, - ordonné à la SCP Carole Duparc et Olivier Flament de mettre à la disposition de la société SRT Group ou de détruire les éléments recueillis au cours des mesures d'instructions réalisées en exécution de l'ordonnance du 14 décembre 2016 et dont les chefs de mission ont fait l'objet d'une rétractation dans la présente ordonnance et la mise à disposition ou la destruction des copies éventuellement réalisées, - condamné la société SRT Group à payer au SNTL la somme de 5000 €, - condamné en outre la société SRT Group aux dépens de l'instance. Par déclaration du 15 mai 2017, la société SRT Group a interjeté appel de cette ordonnance. Par ses conclusions transmises le 7 novembre 2017, elle demande à la cour de : - réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a refusé de rétracter intégralement l'ordonnance sur requête rendue à son encontre le 14 décembre 2016 et l'a condamnée à s'acquitter entre les mains du SNTL d'une somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Statuant à nouveau : - dire et juger que la requête présentée par le SNTL le 7 décembre 2016 n'expose et ne démontre a fortiori aucune circonstance précise et concrète de nature à justifier qu'il soit dérogé en l'espèce au principe de la contradiction ; - rétracter en conséquence l'ordonnance sur requête du 14 décembre 2016 ; Subsidiairement, - dire et juger que la requête présentée par le SNTL ne démontrait pas qu'il pouvait revendiquer un « motif légitime » de nature à justifier le recours à une mesure d'instruction in futurum ; - rétracter en conséquence l'ordonnance sur requête rendue à son encontre le 14 décembre 2016 ; Très subsidiairement, - dire et juger que la mesure sollicitée par le SNTL et ordonnée en l'espèce offrait à l'huissier désigné pour instrumenter un pouvoir d'investigation large, caractérisé par une absence de limite précise, qui ne constituait pas une mesure « légalement admissible » au sens de l'article 145 du code de procédure civile ; - rétracter en conséquence l'ordonnance sur requête rendue à son encontre le 14 décembre 2016 ; En tout état de cause, - annuler le procès-verbal de constat dressé par la SCP Carole Duparc et Olivier Flament en date du 18 janvier 2017; - ordonner à la SCP Carole Duparc et Olivier Flament de lui restituer ou de détruire les pièces appréhendées dans le cadre de l'exécution de l'ordonnance ; - condamner le SNTL à s'acquitter d'une somme totale de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles encourus dans le cadre des procédures de première instance et d'appel ; - condamner le SNTL aux entiers dépens. Elle fait valoir : - que la requête présentée par le SNTL ne démontrait pas l'existence de circonstances précises et concrètes de nature à lui permettre de déroger au principe de la contradiction conformément aux exigences de l'article 145 du code de procédure civile, puisqu'elle se contentait d'invoquer la nécessité de conserver les preuves et que l'existence de soupçons de concurrence déloyale ne suffit pas ipso facto à justifier le recours à une procédure non-contradictoire ; - que le SNTL n'a pas rapporté la preuve d'un motif légitime justifiant une mesure d'instruction in futurum puisqu'il s'est contenté d'alléguer qu'elle assumait une mission de « transporteur » sans observer les dispositions qui gouvernent cette activité en plaçant en situation de précarité les coursiers qu'elle met en relation avec des entreprises, sans invoquer aucun élément concret et objectif légitimant cette thèse ; - que la mesure prescrite ne constitue pas une mesure légalement admissible au sens de l'article 145 du code de procédure civile du fait de son caractère excessivement large puisqu'elle offre à l'huissier le pouvoir de mener souverainement des investigations très intrusives et un pouvoir d'enquête quasi illimité, sans utilisation d'une liste de mots-clés. Par ses conclusions transmises le 19 juin 2017, le SNTL demande à la cour de : - dire et juger la société SRT Group mal fondée en ses demandes et, en conséquence, la débouter en toutes fins qu'elles comportent, - confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, - condamner la société SRT Group à lui payer la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Il fait valoir : - qu'il existait des circonstances de nature à lui permettre de déroger au principe de la contradiction dès lors que sa requête exposait bien de manière circonstanciée un ensemble de faits précis et concordants de nature à permettre l'appréhension de la situation de concurrence déloyale résultant des pratiques des plateformes dites « collaboratives » de la société SRT Group, mais également un très fort risque de disparition des preuves ; que seule une procédure non contradictoire était de nature à permettre l'appréhension d'éléments de preuve dont l'existence même était dissimulée, d'autant plus que le juge de la rétractation a la faculté et l'obligation d'apprécier la dérogation au principe du contradictoire à la lumière de l'ensemble des éléments de preuve versés aux débats par le requérant, en ce compris ceux postérieurs à l'ordonnance dont la rétractation est sollicitée de sorte que le déni opéré par la société SRT Group qui se réfugie derrière un prétendu statut d'intermédiaire pour tenter d'échapper à toute réglementation s'accompagne d'une volonté manifeste de dissimulation des éléments contractuels qui permettraient de rétablir la réalité de la qualification juridique de son activité au regard du droit positif et d'agir en conséquence pour faire cesser ses actes de concurrence déloyale ; - qu'il apporte bien la preuve d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile qui est justifié par la nécessité de conserver la preuve des faits dont peut dépendre la solution du procès en concurrence déloyale liée à l'exercice même de l'activité de la société SRT Group au mépris de la législation du transport et de la législation sociale, d'autant plus que cette dernière prend soin de dissimuler la matérialité de ces éléments ; - que les mesures ordonnées ont bien un caractère « légalement admissible » dès lors que la mission du mandataire de justice a été considérablement circonscrite au regard de la demande initiale, qu'elle a donc été définie de manière très prudente, que rien ne permet d'affirmer que les pouvoirs conférés au mandataire de justice dépasseraient le cadre des mesures légalement admissibles d'autant plus que la mesure a été assortie d'une mesure de séquestre dans l'intérêt de la société SRT Group s'opposant ainsi à toute divulgation des éléments mis sous séquestre avant tout débat contradictoire et que le juge des référés a circonscrit davantage la mission du mandataire de justice. Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions transmises et développées lors de l'audience des dé

MOTIFS

Cérant qu'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ; Considérant qu'il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, est investie des attributions du juge qui l'a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli ; que cette voie de contestation n'étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s'y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci ; qu'il doit ainsi apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui ; que l'ordonnance sur requête étant, aux termes de l'article 493 du code de procédure civile, une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse, le juge doit également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire ; que les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit ; Considérant que s'agissant des circonstances susceptibles de justifier qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, il convient de relever que la requête présentée le 7 décembre 2016 indique sur ce point : 'Sur le plan procédural, la mesure d'instruction in futurum prévue par l'article 145 du code de procédure civile présente une alternative laissée au choix du demandeur : la voie du référé ou celle de la requête. Toutefois, la voie du référé est en l'espèce inconciliable avec les objectifs poursuivis de conservation des preuves, si bien que le recours à la procédure sur requête s'impose.' ; que pour sa part, l'ordonnance rendue le 14 décembre 2016 se contente de motiver ainsi sur ce point : 'Constatons, au vu des justifications produites, que le requérant est fondé à ne pas appeler les parties visées par la mesure.' ; que cependant, ainsi qu'il vient d'être vu, la procédure sur requête n'est pas purement laissée au choix du requérant, lequel ne peut se contenter de viser l'objectif de conservation des preuves qui, pour constituer le motif de la mesure d'instruction sollicitée comme l'indique l'article 145, ne constitue pas un motif de non-respect du principe de la contradiction ; qu'ainsi, faute de caractérisation dans la requête ou l'ordonnance de circonstances précises et concrètes propres à l'espèce et, bien sûr étayées, de nature à justifier que la mesure soit ordonnée en dérogeant au principe fondamental de la contradiction, l'ordonnance sur requête doit être rétractée ; qu'il convient par voie de conséquence d'annuler le procès-verbal de constat dressé par la SCP Carole Duparc et Olivier Flament en date du 18 janvier 2017 et d'ordonner à celle-ci de restituer à l'appelante ou de détruire les pièces appréhendées dans le cadre de l'exécution de l'ordonnance de référé, qui doit être en conséquence infirmée ; Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelante ses frais de représentation et qu'une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile lui sera allouée ;

PAR CES MOTIFS

, LA COUR, Infirme l'ordonnance de référé du 4 mai 2017 en toutes ses dispositions ; Rétracte l'ordonnance sur requête du 14 décembre 2016 ; Annule le procès-verbal de constat dressé par la SCP Carole Duparc et Olivier Flament en date du 18 janvier 2017 et ordonne à celle-ci de restituer à l'appelante ou de détruire les pièces appréhendées dans le cadre de l'exécution de l'ordonnance ; Condamne le Syndicat national des transports légers à payer à la SAS srt Group la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Le condamne aux dépens de première instance et d'appel. LE GREFFIER LE PRESIDENT