Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2013, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;
Le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 131066 du 18 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision en date du 15 février 2013 obligeant M. A...à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ en fixant le pays de destination et en le plaçant en rétention administrative et a mis à la charge de l'Etat une somme de 700 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande d'annulation de M. A...devant le tribunal administratif ;
Le préfet soutient que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal il n'était pas tenu de mettre en oeuvre la procédure de réadmission prévue par l'article
L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais pouvait prendre une obligation de quitter le territoire sur le fondement de l'article
L. 511-1 du même code ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2013 :
- le rapport de M. Riquin, président ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public :
1. Considérant qu'aux termes de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) " et qu'aux termes de l'article
L. 531-1 du même code : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne (...) " ;
2. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées, d'une part, que le 1° du I de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est applicable aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne qui ne peuvent justifier être entrés régulièrement en France, notamment en se conformant aux règles régissant la libre circulation au sein de l'espace " Schengen " et, d'autre part, que le recours à la procédure dérogatoire prévue à l'article
L. 531-1 du même code lorsque l'étranger provient directement d'un Etat membre, constitue pour le préfet une simple faculté et non une obligation ; qu'ainsi, s'il lui est loisible, lorsqu'il constate qu'un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne est entré irrégulièrement sur le territoire français en provenance directe d'un Etat membre, de recourir, à titre dérogatoire, à la procédure de remise prévue par l'article
L. 531-1 précité, si les conditions en sont remplies, le préfet n'y est pas expressément tenu et n'est pas, de ce seul fait, privé de la possibilité de prononcer à l'encontre de cet étranger une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsqu'il entre dans le champ d'application de ces dernières dispositions ; qu'en outre, le préfet n'est tenu, avant d'édicter une telle obligation de quitter le territoire français, ni de s'assurer que l'intéressé n'entrerait pas dans les prévisions de l'article
L. 531-1 du même code, ni d'attendre que les autorités de l'Etat membre, saisies d'une éventuelle demande de remise, se soient prononcées sur cette demande ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...de nationalité palestinienne, a été interpellé en Haute-Savoie, le 15 février 2013, par les services de la police aux frontières et n'a pas été en mesure de produire aux services de police un document l'autorisant à entrer en France ou à y séjourner ; qu'ainsi, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du I de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ; que si le préfet de la Haute-Savoie a formulé une demande de réadmission auprès des autorités espagnoles, le 15 février 2013, qui est resté sans réponse, il ressort des pièces du dossier que lorsque le préfet de la Haute-Savoie a statué sur la situation de M. A...en prenant à son encontre l'obligation de quitter le territoire français en litige, il ne disposait d'aucun document lui permettant d'entrer ou de séjourner en Italie ; que, dans ces conditions, et alors même que les autorités italiennes ont finalement accepté la réadmission de l'intéressé sur leur territoire, le 16 juillet 2012, le préfet de la Haute-Savoie, qui n'était pas tenu d'engager ni de mettre en oeuvre la procédure de réadmission, mais qui en avait simplement la possibilité, à titre dérogatoire, a pu, sans commettre d'erreur de droit, prendre à l'encontre de M. A...une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du 1° du I de l'article
L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le champ d'application desquelles l'intéressé entrait ; qu'en conséquence, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé, pour erreur de droit , la décision du 15 juillet 2013 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a fait obligation à M. A...de quitter le territoire français et a annulé, par voie de conséquence, les décisions du même jour refusant d'accorder à M. A...un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et le plaçant en rétention administrative ;
3. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Lyon ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté a été signé par M.B... D..., sous-préfet de Thonon-les-Bains, en tant que sous-préfet de permanence, qui a reçu délégation du préfet de la Haute-Savoie, par arrêté du 27 janvier 2012, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer notamment, dans le cadre de ses permanences, les " arrêtés, décisions, requêtes, recours ou tout autre acte de procédure pris en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...) " ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte en litige manque en fait ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que l'obligation de quitter le territoire français est régulièrement motivée en droit par le visa du 1° du I de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle est régulièrement motivée en fait par la mention que M. A...ne peut pas justifier être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il s'y maintient régulièrement ;
Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...)/ e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2.(...) " ;
7. Considérant en deuxième lieu qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré irrégulièrement sur le territoire français, n'a pas été en mesure, malgré les allégations, de justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et n'a pas sollicité de titre de séjour en France ; que, par suite, le préfet de la Haute-Savoie a pu légalement estimer qu'il existait un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite et lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire sur le fondement des dispositions du a), du e) et du f) du 3° du II de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'intéressé a affirmé ne pas souhaiter rester en France ;
8. Considérant, enfin, que la décision du préfet de la Haute-Savoie refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. A...est régulièrement motivée en droit par le visa des dispositions du a), du e) et du f) du 3° du II de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle est régulièrement motivée en fait par l'indication que l'intéressé, démuni de tout document d'identité et de voyage, est entré irrégulièrement en France, a été interpellé en possession d'un faux document de voyage et d'identité brésilien et ne dispose pas d'un domicile en France ;
Sur la décision de placement en rétention administrative :
9. Considérant que, pour les motifs ci-avant énoncés, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision manque en fait ;
10. Considérant que la décision du préfet de la Haute-Savoie décidant du placement en rétention administrative de M. A...est régulièrement motivée en droit par le visa des dispositions de l'article
L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle est régulièrement motivée en fait par la mention de l'obligation de quitter le territoire français sans délai prise, le même jour, à l'encontre de l'intéressé et l'indication que la mesure d'éloignement ne peut pas être exécutée immédiatement, en l'absence de disponibilité des transports aériens et que M.A..., qui est démuni de tout document d'identité et de voyage, ne dispose pas d'un domicile en France et, ne présente pas de garanties de représentation suffisantes ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article
L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article
L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article
L. 554-1 du même code : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet " et qu'aux termes de l'article
L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article
L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article
L. 551-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;
12. Considérant qu'en se bornant à affirmer qu'il ne souhaitait pas demeurer sur le territoire français mais voulait rejoindre l'Espagne, pays où il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il disposait d'un droit d'entrée et de séjour, M. A...n'est pas fondé à contester le caractère nécessaire de la mesure de placement en rétention administrative prise à son encontre, laquelle doit être regardée comme légalement justifiée par l'impossibilité, pour l'intéressé de justifier d'un document d'identité et de voyage en cours de validité et d'un domicile fixe en France ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 15 février 2013 faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, désignant le pays de destination et décidant de son placement en rétention administrative et a mis à sa charge la somme de sept cents euros à verser au conseil de M. A..., en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 février 2013 est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...E...A....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2013, à laquelle siégeaient :
M. Riquin, président,
M. Picard, président-assesseur,
M. Chenevey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2013.
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N° 13LY00699
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