AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société civile immobilière Beaufleury, dont le siège est à Fougères d'Agris, La Rochefoucauld (Charente), en cassation d'un arrêt rendu le 14 avril 1992 par la cour d'appel de Bordeaux (5e chambre civile), au profit :
1 / de M. Z..., Marcel X..., demeurant ...,
2 / de M. Gilbert X..., demeurant ...,
3 / de Mme Jeanne X... née A..., demeurant ..., tous les trois pris en qualité d'héritier de M. Gil X..., décédé, défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 mai 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, Mme Di Marino, conseiller rapporteur, MM. Douvreleur, Peyre, Mme Giannotti, MM. Aydalot, Boscheron, Toitot, Mme Borra, M. Bourrelly, conseillers, MM. Chollet, Pronier, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Di Marino, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de la SCI Beaufleury, de Me Hennuyer, avocat des consorts X..., les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les trois moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 avril 1992), que Mme Y..., locataire d'un appartement dont M. X... était propriétaire, a, à la suite d'un orage ayant provoqué des dommages dans les lieux, assigné son bailleur en paiement des travaux de réfection ;
que M. X... ayant vendu l'appartement à la société civile immobilière Beaufleury (la SCI), Mme Y... a assigné cette dernière afin qu'elle soit condamnée solidairement avec son précédent bailleur ;
que la société Beaufleury a formé contre M. X... une demande en garantie à concurrence du montant des travaux de réparation extérieurs à l'appartement ;
que M. X... étant décédé, l'instance a été poursuivie contre ses héritiers ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la débouter de son action en garantie, alors, selon le moyen, "1 ) que constitue un vice caché diminuant l'usage de l'immeuble vendu, de telle sorte que l'acheteur ne l'eût pas acquis s'il en avait eu connaissance, l'existence d'un litige, opposant le vendeur de cet immeuble à la personne qui l'occupe en vertu d'un bail, et tendant à sa condamnation à l'exécution de grosses réparations ;
qu'en déboutant les acheteurs de leur action en garantie de ce vice, qui leur avait été dissimulé, au motif que l'état matériel de l'immeuble leur était connu, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1641 du Code civil ;
2 ) que l'existence d'un litige opposant le vendeur au locataire de l'immeuble vendu, et tendant à sa condamnation, à titre de bailleur, à l'exécution de grosses réparations constitue un vice caché que le vendeur de bonne foi a l'obligation de révéler spontanément à l'acheteur ;
qu'en déclarant non établie la mauvaise foi de M. X... dont elle constatait pourtant qu'il n'avait pas tenu la SCI au courant de la procédure l'apposant à Mme Y..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article
1645 du Code civil ;
3 ) qu'en déduisant l'absence de mauvaise foi du vendeur du seul fait que les notaires rédacteurs de l'acte, eux-mêmes au courant de la procédure opposant le vendeur à sa locataire, ne l'avaient pas révélée à l'acheteur, manquant ainsi à leur obligation de conseil, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1645 du Code civil ;
4 ) que la connaissance, par l'acheteur, de la procédure de grosses réparations dissimulée par son vendeur l'eût conduit, à tout le moins, à des investigations approfondies permettant de découvrir l'ensemble des défauts de l'immeuble, y compris ceux de la charpente, de sorte que la mauvaise foi du vendeur, qui a dissimulé l'existence de cette procédure, ne peut que le priver intégralement du bénéfice de la clause de non-garantie stipulée à l'acte de vente ;
que les dispositions de l'arrêt attaqué étant ainsi indivisibles, une cassation totale s'impose en application des articles
623 et
624 du nouveau Code de procédure civile ;
5 ) qu'en se déterminant par voie de pure affirmation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1642 du Code civil" ;
Mais attendu que l'existence d'un litige ne constituant pas un défaut de la chose vendue, la cour d'appel, qui a constaté que la SCI avait acquis l'immeuble à un prix très modique, en parfaite connaissance de l'état de celui-ci, qu'il ne pouvait pas être reproché à M. X... d'avoir dissimulé l'état de la charpente, celui-ci n'étant pas décelable et que la preuve de la mauvaise foi du vendeur n'étant pas rapportée, la clause d'exclusion de garantie des vices cachés insérée à l'acte de vente était valable, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Beaufleury, envers le trésorier-payeur général pour ceux exposés par M. Gilbert X... et Mme A..., et envers le trésorier-payeur général et M. Placide X..., pour ceux exposés par M. Placide X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt et un juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.