Tribunal administratif de Guadeloupe, 1ère Chambre, 14 février 2023, 2200190

Mots clés
société • résiliation • pouvoir • requête • service • réhabilitation • contrat • réparation • préjudice • rapport • rejet • requis • soutenir • tiers

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Guadeloupe
  • Numéro d'affaire :
    2200190
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Satisfaction partielle
  • Nature : Décision
  • Rapporteur : M. Sabatier-Raffin
  • Avocat(s) : CHEYSSON
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et un mémoire complémentaire, respectivement enregistrés les 4 février 2022 et 26 octobre 2022, la société par actions simplifiée (SAS) AMG Féchoz, représentée par Me Cheysson et Me Bursq, demande au tribunal : 1°) de prononcer la résiliation du marché de travaux la liant à la communauté d'agglomération de Cap Excellence ; 2°) de prononcer la mainlevée de la garantie à première demande d'un montant de 113 231,77 euros ; 3°) de condamner la communauté d'agglomération de Cap Excellence à lui verser la somme de 424 732,94 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'ajournement et de la résiliation du marché, assortie des intérêts moratoires à compter de la date de réception de sa réclamation du 3 février 2022, ainsi que la capitalisation de ces intérêts ; 4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Cap Excellence une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle est fondée à solliciter la résiliation du marché la liant à la communauté d'agglomération de Cap Excellence en application de l'article 49.1.2 du CCAG Travaux, dès lors que les travaux ont été interrompus pendant plus d'une année ; - cette résiliation lui ouvre droit aux indemnités suivantes : - 5 868,07 euros au titre des dépenses d'immobilisation du matériel et de son personnel à la suite de l'ajournement décidé ; - 406 818,73 euros au titre du manque à gagner ; - 8 047,47 euros au titre des travaux réalisés et non encore payés ; - 7 131 euros au titre des frais bancaires dus en contrepartie de la garantie à première demande. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2022, la communauté d'agglomération de Cap Excellence conclut au rejet de la requête et à ce que la société AMG Féchoz lui verse une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - en l'absence de décision d'ajournement des travaux, la société titulaire n'est pas fondée à solliciter la résiliation du marché ; - en tout état de cause, les préjudices dont elle demande réparation ne sont pas constitués. Par ordonnance du 9 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 9 décembre 2022 à 12h. Un mémoire présenté par la communauté d'agglomération de Cap Excellence a été enregistré le 14 décembre 2022, postérieurement à la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué. Des pièces complémentaires produites par la société AMG Féchoz en réponse à la demande qui lui a adressée le tribunal ont été enregistrées le 20 décembre 2022 et ont été communiquées. Une note en délibéré présentée par le conseil de la société AMG Féchoz a été enregistrée le 6 février 2023 et n'a pas été communiquée. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ; - le code des marchés publics ; - l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Lubrani, conseiller ; - les conclusions de M. Sabatier-Raffin, rapporteur public ; - les parties n'étant ni présentes ni représentées.

Considérant ce qui suit

: 1. Par un acte d'engagement du 30 juin 2015, la communauté d'agglomération de Cap Excellence a confié à la société AMG Féchoz, dans le cadre du marché de réhabilitation et modernisation du centre des arts et de la culture de Pointe-à-Pitre, la réalisation du macro-lot n° 6 relatif aux prestations de scénographie, lui-même composé des lots machinerie, parqueterie, électricité et éclairages scéniques, équipements audiovisuels, tentures de scène et gradins. En raison de difficultés multiples rencontrées lors de l'exécution de ce marché, les travaux ont cessé. Le 10 mars 2021, la société AMG Féchoz a sollicité auprès de la communauté d'agglomération de Cap Excellence la résiliation du marché en ce qui la concerne. Par un mémoire en réclamation du 3 février 2022, reçu le 7 février suivant, la société titulaire a adressé au pouvoir adjudicateur une demande en indemnisation des divers préjudices qu'elle estimait avoir subis en lien avec la résiliation, ainsi que la mainlevée de la garantie retenue. Par la présente requête, la société AMG Féchoz demande au tribunal de prononcer la résiliation du marché de travaux la liant à la communauté d'agglomération de Cap Excellence, de prononcer la mainlevée de la garantie à première demande et de condamner la communauté d'agglomération de Cap Excellence à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de cette résiliation. Sur les conclusions à fin de résiliation du contrat : 2. Aux termes de l'article 49.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 3 mars 2014 applicable au présent litige : " 49.1.1. L'ajournement des travaux peut être décidé par le représentant du pouvoir adjudicateur. () / 49.1.2. Si, par suite d'un ajournement ou de plusieurs ajournements successifs, les travaux ont été interrompus pendant plus d'une année, le titulaire a le droit d'obtenir la résiliation du marché, sauf si, informé par écrit d'une durée d'ajournement conduisant au dépassement de la durée d'un an indiquée ci-dessus, il n'a pas, dans un délai de quinze jours, demandé la résiliation ". Il y a ajournement des travaux au sens de ces stipulations lorsque le maître d'ouvrage décide de différer leur début ou d'en suspendre l'exécution. 3. Il résulte de l'instruction que, par un ordre de service n°10 du 18 mai 2020, le pouvoir adjudicateur et le maître d'œuvre ont informé les entreprises titulaires des lots du marché de réhabilitation du centre des arts et de la culture de Pointe-à-Pitre, dont la société AMG Féchoz, que " pour faire face à la pandémie dite Covid-19, certaines entreprises avaient fait part au maître de l'ouvrage de leur impossibilité de poursuivre l'exécution des travaux ". Ils ont par suite invité les destinataires de cet ordre de service " à prendre acte qu'un nouvel ordre de service notifiera le calendrier d'exécution mis à jour prenant en compte : la prolongation du délai résultant de la fermeture du chantier décidée par l'entreprise ". Si la communauté d'agglomération de Cap Excellence fait valoir que cet ordre de service, eu égard à son contenu et sa formulation, ne pouvait être regardé comme une décision explicite d'ajournement au sens des stipulations précitées de l'article 49.1 du CCAG, il n'est toutefois pas sérieusement contesté par le pouvoir adjudicateur que les travaux sur le chantier sont interrompus depuis l'avènement du covid-19 au mois de mars 2020 et que l'ordre de service censé " notifier le calendrier d'exécution mis à jour " annoncé par l'ordre de service du 18 mai 2020 n'est jamais intervenu. La société titulaire verse en outre aux débats, d'une part, plusieurs communiqués datant de 2021 émanant de la communauté d'agglomération concernant le sort du projet de réhabilitation, objet du marché en cause, faisant état d'une suspension des travaux à la suite de la pandémie et de la " défaillance de l'entreprise attributaire du gros œuvre ", et, d'autre part, une délibération du conseil communautaire du 19 juillet 2022 aux termes de laquelle l'organe délibérant de la communauté d'agglomération de Cap Excellence décide " d'autoriser le président à lancer les marchés d'assistance technique à maîtrise d'ouvrage et de conception/Réalisation relatif aux travaux d'achèvement du centre des arts et de la culture ". Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir qu'en l'absence de tous travaux réalisés sur le chantier du projet depuis le mois de mars 2020, le maître d'ouvrage, qui a pris l'initiative de cette interruption, doit être regardé comme ayant ajourné les travaux au sens des stipulations de l'article 49.1 précité, lesquels travaux étaient interrompus, à la date d'introduction de la requête et, a fortiori, du présent jugement, depuis plus d'un an. Il y a lieu, par suite, de prononcer la résiliation du marché de travaux conclu le 30 juin 2015 liant la société AMG Féchoz à la communauté d'agglomération de Cap Excellence, en application de l'article 49.1 du CCAG applicable. Sur les conclusions à fin d'indemnisation : En ce qui concerne la demande principale : 4. Aux termes de l'article 45 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 3 mars 2014 applicable au présent litige : " Le représentant du pouvoir adjudicateur peut mettre fin à l'exécution des prestations faisant l'objet du marché avant l'achèvement de celles-ci, soit de son fait ou de celui de son mandataire dans les conditions prévues à l'article 46.2, soit pour faute du titulaire dans les conditions prévues à l'article 46.3, soit dans le cas des circonstances particulières mentionnées à l'article 46.1. () L'article 46 précise, selon les cas, si le titulaire a droit à être indemnisé du fait de la décision de résiliation ". Aux termes de l'article 46.2.3 du même cahier, qui concerne la résiliation du fait du représentant du pouvoir adjudicateur ou de son mandataire après ajournement ou interruption des travaux : " En application de l'article 49, le marché peut être résilié. / Cette résiliation ouvre droit pour le titulaire à indemnité. " En application de ces stipulations, en cas de résiliation prononcée sur la demande du titulaire faisant suite à un ou plusieurs ajournements conduisant au dépassement d'une durée d'un an, ce dernier a droit, dès lors que cet ajournement ne lui est pas imputable, à la rémunération des travaux déjà accomplis et non payés ainsi qu'à l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'ajournement et de cette résiliation, dont fait notamment partie le manque à gagner. 5. En premier lieu, si la société requérante sollicite l'indemnisation, d'une part, des frais d'immobilisation subis du fait de l'ajournement, qu'elle évalue à la somme de 5 868,07 euros, et, d'autre part, de son manque à gagner, qu'elle évalue à la somme de 406 818,73 euros, elle n'apporte, ainsi que le fait valoir la communauté d'agglomération en défense, aucun élément justifiant de la réalité et du montant de ces préjudices en se bornant à renvoyer à la réclamation préalable qu'elle a présentée le 3 février 2022, laquelle ne précise pas plus le fondement de ces sommes. 6. En deuxième lieu, la société requérante demande le paiement de la somme de 8 047,47 euros correspondant aux travaux réalisés non payés. Elle produit à l'appui de sa demande indemnitaire trois notes de situation ainsi que le relevé de ses comptes, lesquels font apparaître que la société demeure créancière de la somme de 8 047,47 euros auprès de la communauté d'agglomération. Par suite, et dès lors que la communauté d'agglomération ne justifie pas avoir effectivement acquitté l'ensemble des notes de situation en litige, la société requérante est fondée à demander une indemnisation à ce titre. 7. En troisième lieu, la société requérante ne peut prétendre au versement d'une somme 7 131 euros correspondant au frais bancaires dus en contrepartie de la garantie de première demande assurée par un organisme tiers, dès lors que ces frais sont sans lien avec l'ajournement décidé ou la résiliation du marché litigieux. 8. En quatrième et dernier lieu, si la société requérante sollicite dans le dispositif de sa requête, " la mainlevée de la retenue de garantie cautionnée d'un montant de 113 231,77 euros ", elle ne développe dans ses écritures aucun moyen à l'appui de ses conclusions. Il convient, par suite, de rejeter ces conclusions comme infondées. En ce qui concerne les intérêts moratoires et leur capitalisation : 9. La société requérante a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 8 047,47 euros à compter du 7 février 2022, date de réception de sa demande par la communauté d'agglomération de Cap Excellence. 10. L'article 1343-2 du code civil dispose : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. 11. La capitalisation des intérêts a été demandée dans la présente requête. A la date du présent jugement, il n'était pas dû une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de rejeter cette demande. Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Cap Excellence une somme de 1 500 euros à verser à la société AMG Féchoz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Partie perdante dans l'instance, la communauté d'agglomération de Cap Excellence ne peut qu'être déboutée de ses conclusions présentées sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La communauté d'agglomération de Cap Excellence est condamnée à verser à la société AMG Féchoz une somme de 8 047,47 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 7 février 2022. Article 2 : La communauté d'agglomération de Cap Excellence versera à la société AMG Féchoz une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent jugement sera notifié la société AMG Féchoz et à la communauté d'agglomération de Cap Excellence. Délibéré après l'audience publique du 31 janvier 2023, à laquelle siégeaient : M. Olivier Guiserix, président, M. Antoine Lubrani, conseiller, Mme Hélène Bentolila, conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023. Le rapporteur, Signé A. LUBRANI Le président, Signé O. GUISERIX La greffière, Signé A. CETOL La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, L'adjointe de la greffière en chef, Signé A. Cétol 4 N° 1901371 7 N° ***