Logo pappers Justice

CJUE, 10ème Chambre, ViaSat, Inc. contre Commission européenne, 10 mars 2021, T-245/17

Synthèse

  • Juridiction : CJUE
  • Numéro de pourvoi :
    T-245/17
  • Publication : Publié au recueil
  • Titre : Recours en carence et en annulation – Réseaux et services de communications électroniques – Utilisation harmonisée du spectre de fréquences de 2 GHz – Systèmes paneuropéens fournissant des services mobiles par satellite (MSS) – Décision 2007/98/CE – Procédure harmonisée de sélection des opérateurs – Autorisations pour les opérateurs sélectionnés – Décision no 626/2008/CE – Invitation à agir – Absence de mise en demeure – Prise de position de la Commission – Irrecevabilité – Refus d’agir – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité – Compétence de la Commission
  • Parties : ViaSat, Inc. contre Commission européenne
  • Nature : Résumé
  • Identifiant européen :
    ECLI:EU:T:2021:128
  • Lien EUR-Lex :https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:62017TJ0245
  • Décision liée :Décision de la CJUE
Voir plus

Texte intégral

Affaire T-245/17 ViaSat, Inc. contre Commission européenne Arrêt du Tribunal (dixième chambre élargie) du 10 mars 2021 « Recours en carence et en annulation - Réseaux et services de communications électroniques - Utilisation harmonisée du spectre de fréquences de 2 GHz - Systèmes paneuropéens fournissant des services mobiles par satellite (MSS) - Décision 2007/98/CE - Procédure harmonisée de sélection des opérateurs - Autorisations pour les opérateurs sélectionnés - Décision no 626/2008/CE - Invitation à agir - Absence de mise en demeure - Prise de position de la Commission - Irrecevabilité - Refus d'agir - Acte non susceptible de recours - Irrecevabilité - Compétence de la Commission » 1. Recours en carence - Prise de position au sens de l'article 265, deuxième alinéa, TFUE avant l'introduction du recours - Notion - Refus d'agir conformément à l'invitation d'agir - Inclusion (Art. 265, 2e al., TFUE) (voir points 57, 59, 60) 2. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Actes destinés à produire des effets juridiques - Refus d'agir conformément à l'invitation d'agir - Inclusion (Art. 263 TFUE) (voir points 68, 69, 71, 72, 110, 111) 3. Rapprochement des législations - Secteur des télécommunications - Harmonisation de l'utilisation d'un spectre radioélectrique - Décision no 676/2002 - Décision 2007/98 - Sélection et autorisation de systèmes fournissant des services mobiles par satellite - Décision no 626/2008 - Sélection des opérateurs par la Commission - Autorisations délivrées par les États membres (Décisions du Parlement européen et du Conseil no 676/2002, art. 4, § 3, et no 626/2008, titre II, art. 7, § 1, et 8, § 1, et titre III ; décision de la Commission 2007/98) (voir points 89-94) 4. Union européenne - Compétences d'attribution - Attribution implicite - Conditions (Art. 5 TUE) (voir points 201-204, 209) Résumé Par un appel à candidatures ( 1 ), la Commission européenne a lancé une procédure de sélection des opérateurs de systèmes paneuropéens fournissant des services mobiles par satellite (MSS) ( 2 ) dans la bande de fréquences de 2 GHz dont les conditions d'utilisation et de disponibilité ont été harmonisées par une décision de la Commission ( 3 ). À l'issue de cette procédure, celle-ci a sélectionné deux candidats, à savoir Inmarsat Ventures Ltd (ci-après « Inmarsat ») et Solaris Mobile Ltd (devenue EchoStar Mobile Ltd). Inmarsat a sollicité les autorisations nécessaires auprès des autorités réglementaires nationales (ci-après les « ARN ») afin d'exploiter le système European Aviation Network (ci-après le « système EAN ») en utilisant la fréquence qui lui avait été assignée dans la décision de sélection. Le 2 août 2016, la requérante, ViaSat, Inc., a adressé une lettre à la Commission lui demandant d'agir afin d'empêcher les ARN d'accorder les autorisations en cause à Inmarsat sans nouvel appel à candidatures selon une procédure de sélection commune. La requérante, qui n'a pas participé à la procédure de sélection, souhaitait fournir, notamment, des services de connectivité à bord par satellite, par le biais d'une entreprise commune constituée en 2016 avec Eutelsat SA, dans l'ensemble de l'Union ainsi que sur les principales voies aériennes reliant l'Amérique du Nord à l'Europe. Le 31 octobre 2016, la Commission a répondu à la lettre de la requérante par un courrier électronique indiquant qu'elle n'avait adopté aucune décision relative à une demande d'autorisation pour l'utilisation de la bande de fréquences de 2 GHz pour les MSS par l'un des opérateurs sélectionnés, cette question devant, en tout état de cause, être traitée par les autorités nationales compétentes. Non satisfaite par la réponse de la Commission, la requérante lui a adressé, le 22 décembre 2016, une lettre lui demandant de prendre position à la suite de l'invitation mentionnée dans son courrier du 2 août 2016, afin de satisfaire à l'obligation d'agir qui lui incomberait ( 4 ). La Commission a répondu à ce courrier par les lettres des 14 et 21 février 2017. Toujours insatisfaite des réponses de la Commission, la requérante a demandé au Tribunal de constater la carence de celle-ci ( 5 ) et, subsidiairement, d'annuler tout ou partie de la décision de cette dernière contenue dans lesdites lettres. Statuant en chambre élargie, le Tribunal rejette le recours de la requérante dans son ensemble.

Appréciation du Tribunal

Concernant la recevabilité de la demande en carence, le Tribunal souligne qu'il ressort desdites lettres de la Commission que cette dernière a considéré ne pas pouvoir agir, en raison d'un défaut de compétence, à la suite de l'invitation de la requérante lui demandant de prendre des mesures visant à empêcher les ARN d'accorder les autorisations à Inmarsat pour l'utilisation de la bande de fréquences de 2 GHz pour l'exploitation du système EAN afin de préserver le marché intérieur résultant de l'harmonisation de l'utilisation de cette bande de fréquences pour les MSS. Il s'agit d'un refus d'agir constituant une prise de position mettant fin à la carence reprochée avant l'introduction du recours. Par conséquent, le Tribunal rejette la demande en carence comme étant irrecevable. En ce qui concerne la recevabilité de la demande en annulation de la décision contenue dans les lettres en cause, le Tribunal rappelle que, afin d'apprécier si la demande en annulation concernée est recevable, il est nécessaire d'examiner si l'acte que la Commission était invitée à adopter constituerait lui-même un acte dont la légalité pourrait être contrôlée par le Tribunal. Cette question est liée à celle de savoir si la Commission dispose de compétences pour adopter un tel acte. Sur l'existence de compétences explicites de la Commission Premièrement, le Tribunal relève que le cadre réglementaire relatif à la gestion du spectre radioélectrique ( 6 ) et aux MSS prévoit une répartition claire des compétences entre la Commission et les États membres. À cet égard, alors que la Commission dispose de compétences pour déterminer la disponibilité et la finalité d'utilisation de certaines bandes de fréquences, ainsi que pour sélectionner les opérateurs de MSS dans la bande de fréquences de 2 GHz dont la finalité de l'utilisation pour les MSS a été harmonisée, les ARN ne disposent d'aucune marge d'appréciation lors de l'octroi des autorisations, de sorte qu'elles ne peuvent pas les refuser si la demande provient d'un opérateur sélectionné par la Commission. Le Tribunal relève également que la compétence pour contrôler le respect des conditions communes, dont sont assorties les autorisations ( 7 ), et des engagements pris par l'opérateur en cause dans le cadre de la procédure de sélection ( 8 ), ainsi que la compétence pour sanctionner d'éventuelles infractions ont été conférées aux États membres, la Commission ne disposant à cet égard que d'une compétence de coordination ( 9 ). Concernant les compétences de la Commission dans le cadre de la procédure de contrôle et d'exécution, le Tribunal souligne que, chaque fois que nécessaire, la Commission devrait avoir la possibilité de soulever des problèmes d'exécution relatifs au respect par les opérateurs des conditions d'autorisation communes en formulant une recommandation ou un avis à l'égard des autorités nationales compétentes ( 10 ). En conséquence, la décision MSS ne confère pas à la Commission de compétences explicites pour évaluer la compatibilité du système EAN avec la décision de sélection ou avec le cadre réglementaire applicable aux MSS, ni pour adopter ensuite un acte attaquable visant à empêcher les ARN d'accorder les autorisations à Inmarsat ou à les contraindre de retirer les autorisations accordées. Deuxièmement, en ce qui concerne les compétences de la Commission résultant de la directive « cadre », le Tribunal relève que les décisions que la Commission a la compétence d'adopter ( 11 ), lesquelles auraient un caractère contraignant, ont un contenu restreint. En effet, elles peuvent uniquement comporter la définition d'une approche harmonisée ou coordonnée pour traiter les questions énumérées dans la disposition pertinente ( 12 ). Or, parmi ces questions ne figure pas celle concernant une approche harmonisée quant aux autorisations à accorder à un opérateur sélectionné selon la procédure commune après que l'utilisation d'une fréquence a été harmonisée. Troisièmement, concernant les compétences de la Commission visant à modifier la finalité de l'utilisation de la bande de fréquences de 2 GHz, le Tribunal rappelle que la Commission pourrait, sur le fondement de la décision harmonisation ( 13 ), adopter une nouvelle décision prévoyant l'harmonisation des conditions d'utilisation et de disponibilité de la bande de fréquences de 2 GHz pour les finalités autres que l'exploitation des systèmes fournissant des MSS en abrogeant ainsi la décision harmonisation actuellement en vigueur. En outre, la décision harmonisation ( 14 ) confère à la Commission des compétences pour réviser celle-ci. Alors qu'un tel acte de la Commission pourrait produire les effets demandés par la requérante, cette dernière ne serait toutefois pas recevable à demander l'annulation d'un tel acte faute pour elle de disposer de la qualité pour agir. Enfin, en ce qui concerne les compétences de la Commission résultant de la directive « autorisation », le Tribunal souligne que les compétences des ARN relatives aux autorisations sont principalement celles prévues par la décision MSS, et non celles prévues par la directive « autorisation ». En conséquence, les éventuelles compétences de la Commission dans le cadre de l'application par les ARN du régime des autorisations ainsi prévues relèvent de cette décision et consistent en la coordination des procédures de contrôle et d'exécution des conditions communes dont sont assorties les autorisations ( 15 ). Sur l'existence de compétences implicites de la Commission À cet égard, le Tribunal rappelle que l'existence d'un pouvoir implicite, qui constitue une dérogation au principe d'attribution ( 16 ), doit être appréciée de façon stricte. Ainsi, ce n'est qu'exceptionnellement que de tels pouvoirs implicites sont reconnus par la jurisprudence et, pour qu'ils le soient, ils doivent être nécessaires pour assurer l'effet utile des dispositions du traité ou du règlement de base concerné. Le Tribunal souligne que la Commission ne saurait se voir reconnaître des compétences implicites concernant les autorisations, sous risque de remettre en cause celles explicitement conférées par le législateur aux États membres, et ne saurait pas non plus se voir reconnaître des compétences implicites allant au-delà des compétences de coordination qui lui ont été explicitement conférées en ce qui concerne les mesures d'exécution. Par conséquent, le Tribunal rejette le présent recours dans son ensemble. ---------------------------------------- ( 1 ) JO 2008, C 201, p. 4. ( 2 ) Décision no 626/2008/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 2008, concernant la sélection et l'autorisation de systèmes fournissant des services mobiles par satellite (MSS) (JO 2008, L 172, p. 15, ci-après la « décision MSS »), titre II. ( 3 ) Décision 2007/98/CE, du 14 février 2007, sur l'utilisation harmonisée du spectre radioélectrique dans les bandes de fréquences de 2 GHz pour la mise en œuvre de systèmes fournissant des services mobiles par satellite (JO 2007, L 43, p. 32). ( 4 ) Sur le fondement de l'article 17 TUE, de l'article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, ainsi que du considérant 22 de la décision MSS ; des considérants 24 et 35 et de l'article 5, paragraphe 2, de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive « autorisation ») (JO 2002, L 108, p. 21) ; de l'article 19 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO 2002, L 108, p. 33). ( 5 ) Sur le fondement de l'article 265 TFUE. ( 6 ) Décision no 676/2002/CE du Parlement et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire pour la politique en matière de spectre radioélectrique dans [l'Union] européenne (décision « spectre radioélectrique ») (JO 2002, L 108, p. 1). ( 7 ) Article 7, paragraphe 2, et article 8, paragraphe 3, de la décision MSS. ( 8 ) Article 2, paragraphe 2, sous a), article 7, paragraphes 1 et 2, sous a) et c), et article 8, paragraphe 3, sous a), de la décision MSS. ( 9 ) Article 9, paragraphe 2, premier et deuxième alinéas, et article 10 de la décision MSS. ( 10 ) Considérant 22 et article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, de la décision MSS. ( 11 ) Article 19, paragraphe 1, de la directive « cadre ». ( 12 ) Article 19, paragraphe 3, de la directive « cadre ». ( 13 ) Décision 2007/98/CE de la Commission, du 14 février 2007, sur l'utilisation harmonisée du spectre radioélectrique dans les bandes de fréquences de 2 GHz pour la mise en œuvre de systèmes fournissant des services mobiles par satellite (JO 2007, L 43, p. 32, ci-après la « décision harmonisation »). ( 14 ) Considérant 12 et article 4 de la décision harmonisation. ( 15 ) Article 9 de la décision MSS. ( 16 ) Article 5, paragraphe 1, TUE.