Cour d'appel de Fort-de-France, 17 février 2012, 10/00462

Mots clés vente · chèque · procédure civile · société · matériel · pascal · biens · préjudice moral · preuve · remise · maître · banque · procès-verbal · provision · querellé

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Fort-de-France
Numéro affaire : 10/00462
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Président : Mme DERYCKERE

Texte

ARRET No

R. G : 10/ 00462

X...

C/

Y...

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 17 FEVRIER 2012

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de Fort-de-France, en date du 11 Mai 2010, enregistré sous le no 10/ 13

APPELANT :

Maître Pascal X...

C/ o SARL VOUT'S

...

97215 RIVIERE-SALEE

représenté par Me Cyrille emmanuelle TUROLLA-KARSALLA, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEE :

Madame Andrée Y...

...

...

97200 FORT-DE-FRANCE

représentée par Me Annie CHANDEY, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Novembre 2011, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. CHEVRIER, conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Présidente : Mme DERYCKERE, Conseillère
Assesseur : M. CHEVRIER, Conseiller
Assesseur : Mme TRIOL, Conseillère

Les parties ont été avisées de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 17 février 2012.

GREFFIER, lors des débats : Mme SOUNDOROM,

ARRET : contradictoire
prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

EXPOSE

Par jugement en date du 22 janvier 2008, le Tribunal Mixte de Commerce de Fort de France a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL GROUPEMENT DES ARTISANS ET INDUSTRIELS DU BOIS (GA. IB.), nommant aux fonctions de mandataire liquidateur : la SCP Z... RAVISE en la personne de Maître Michel Z... et désignant Monsieur Pascal A... ès qualité de commissaire priseur aux fins de procéder à l'inventaire ainsi qu'à la prisée des matériels de scierie industriels qui composaient le patrimoine dudit Groupement.

Au cours du mois de février 2008, Monsieur X... a organisé la vente des biens mobiliers de la société G. A. I. B. Madame Andrée Y... a acquis en son nom le matériel de la société G. A. I. B, pour un montant global de 31. 646 euros.

Par acte d'huissier délivré le 30 novembre 2009, Madame Y... a fait assigner Maitre Pascal X..., sur le fondement de l'article 1382 du code civil, en soutenant qu'il est responsable de la revente du matériel qu'elle avait placé sous sa garde et qu'elle n'a jamais pu recevoir.

Par jugement réputé contradictoire prononcé le 11 mai 2010, le Tribunal Mixte de Commerce (TMC) de Fort de France a condamné Monsieur Pascal X... à payer à Madame Andrée Y... la somme de 31. 646 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2008, outre 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration au greffe de la cour, déposée le 13 juillet 2010, Monsieur X... a interjeté appel de cette décision, qui lui a été signifiée le 24 juin 2010.

Par conclusions récapitulatives déposées le 7 septembre 2011, il demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 11 mai 2010, et de :

- débouter Madame Y... de l'ensemble de ses prétentions comme étant non étayées par la moindre pièce,

- dire et juger n'y avoir lieu à aucune condamnation contre Monsieur Pascal X... qui n'a nullement engagé sa responsabilité professionnelle dans l'organisation de la vente aux enchères publiques des biens de la société G. A. I. B.

- condamner Madame Y... à lui verser la somme de 2. 000 euros à titre de réparation du préjudice moral qu'elle lui a fait subir par ses affirmations calomnieuses el fallacieuses,

- condamner Madame Y... à lui verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de première et deuxième instance sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile dont distraction pour ceux qui le concerne au Cabinet de Maître C-E-TUROLLA-KARSALLAH, avocat aux offres de droit.

L'appelant expose qu'il a bien procédé à la mise en vente aux enchères publiques des matériels sur le site de l'entreprise G. A. I. B. Le mandataire de Madame Y..., Monsieur C..., a remis un chèque bancaire correspondant au montant total de son enchère. Ce chèque n'a pas pu être honoré faute de provision suffisante sur le compte. Deux mois plus tard, Madame Y... a procédé au virement de la somme correspondant à son enchère. A réception du prix d'adjudication, Maitre Pascal X... a demandé à Madame Y... de procéder le plus rapidement possible aux opérations de démontage et d'enlèvement des matériels, alors que les locaux étaient accessibles.

L'appelant souligne qu'il a versé les fonds de la vente aux enchères au liquidateur dès le 14 mai 2008. Il conteste les allégations de Madame Y... selon lesquelles un tiers inconnu lui aurait rapporté que le matériel litigieux avait été revendu à une autre personne.

Monsieur X... prétend que le jugement querellé ne motive aucunement en quoi sa responsabilité civile professionnelle serait engagée. Il soutient que la demanderesse ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et imprudence alors qu'elle a laissé les biens achetés à l'abandon pendant un an.

Monsieur X... considère que Madame Y... est devenue propriétaire par l'effet du procès-verbal d'adjudication dressé le 29 février 2008. Il n'a jamais été investi de la garde des matériels adjugés. La délivrance a donc bien eu lieu le jour du procès-verbal d'adjudication du 29 février 2008. Il s'ensuit que les risques étaient supportés à compter de celle même date par l'adjudicataire. En outre, Madame Y... ne rapporte pas la preuve de la revente du matériel par Monsieur X....

Maître Pascal X... se considère bien fondé à obtenir l'octroi de dommages et intérêts pour le préjudice moral né des accusations calomnieuses dont il a fait l'objet dans le cadre de la présente instance.

Selon ses dernières conclusions déposées le 10 juin 2011, Madame Y... demande à la cour de :

- Déclarer l'appel mal fondé,

- Confirmer le jugement,

- Constater que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve de la remise du prix de vente à un tiers,

- Constater qu'aucune mise en demeure expresse n'a été adressée à Madame Andrée Y...,

- Dire que le retard mis à exécuter la décision rendue doit donner lieu à des dommages et intérêts d'un montant de 32. 500, 00 euros,

- Dire que Monsieur Y... devra exécuter la décision de première instance et consigner la somme due entre les mains de Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre, désigné comme séquestre, selon les dispositions de l'article 521 du Code de procédure civile,

- Condamner Monsieur Pascal A... à payer à Madame Andrée Y... la somme de 5. 000, 00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

L'intimée soutient que, malgré le retard mis à 1'encaissement du chèque, elle n'a pas eu de liberté d'accès au lieu de stockage et n'en a jamais eu la garde. Le chèque a bien été remis à Monsieur X... en date du 10 avril 2008. Ce chèque de banque, qui s'est substitué au premier chèque, remis le 29 février 2008, est à l'ordre du Commissaire Priseur.

Selon l'intimée, « les rapports contractuels de Monsieur X... et de Madame Y... doivent être analysés à la lumière des dispositions de l'article 1147 du Code Civil. Elle n'a aucun lien spécifique avec Maitre X.... »

Madame Y... précise qu'elle n'a jamais reçu de mise en demeure d'avoir à enlever le matériel acheté, ni aucune mise en garde. Elle considère que le simple courrier, falsifié, produit par l'Appelant est insuffisant à exonérer Monsieur X... de sa responsabilité. Madame Y... affirme que Monsieur X... doit donc être condamné à restituer l'intégralité de la somme reçue, qui ne correspond pas à des honoraires et lui a été remise sans cause.

Le transfert des risques n'a jamais eu lieu puisque l'accès au local, où était entreposé le matériel, ne pouvait se faire, que sous le contrôle de Monsieur X... ou de son collaborateur.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 septembre 2011. L'affaire a été plaidée devant le conseiller rapporteur le 18 novembre 2011.


MOTIFS DE LA DECISION


Sur la délivrance des biens acquis par Madame Y... :

L'article 1315 du Code civil énonce que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Aux termes de l'article 1604 du Code civil, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.

Le jugement entrepris retient que le paiement de la somme de 31. 646 euros, dont le remboursement est réclamé par Madame Y..., n'a aucune justification dans la mesure où le prix de vente des biens litigieux était entre les mains de Monsieur X... depuis le 1er avril 2008 alors que ces biens ont été revendus à un tiers.

Le bordereau d'adjudication, daté du 29 février 2008, remis à Madame Y... des biens acquis lors de la vente aux enchères publique mentionne que « le présente relevé ne peut servir de bordereau d'adjudication que s'il est acquitté par l'étude » de Monsieur X.... Or, ce document versé aux débats n'est pas acquitté.

Monsieur C... Yvon atteste qu'il s'est rendu plusieurs fois sur les lieux de la scierie exploitée par la société GALB avant sa liquidation. Il n'a pas pu procéder à « l'enlèvement des matériels achetés par Madame Y..., trouvant porte close et ne pouvant accéder à l'intérieur des lieux. » Il a appris par la suite que « le matériel avait été revendu avec le bâtis. »

Monsieur X... a délivré, le 10 avril 2008, une attestation indiquant qu'il renonçait à la provision du premier chèque donné en paiement par Madame Y..., cette renonciation étant subordonnée à la remise d'un chèque de banque dans les plus brefs délais.

En outre, Monsieur X... a remis le produit de la vente à la SCP Z... RAVISE, mandataire liquidateur de la société GAIB.

Il est dès lors constant que la vente par adjudication a bien été réalisée.

La copie d'une lettre simple de Monsieur X..., daté du 29 avril 2008, mentionne qu'il a indiqué à Madame Y... avoir reçu le virement de la somme de 31. 646 euros correspondant aux biens adjugés à celle-ci. Il lui rappelle qu'elle est légitimement propriétaire des matériels en précisant que les locaux ne sont pas fermés et qu'elle doit organiser leur enlèvement dans les plus brefs délais. En répondant au Conseil de Madame Y... le 5 mai 2009, Monsieur X... a évoqué cette consigne de nouveau.

Madame Y... ne rapporte pas la preuve qu'un contrat de dépôt a pu exister entre les parties.

L'attestation de Monsieur C..., imprécise quant aux informations recueillies, n'établit pas la réalité de ce qu'il aurait entendu à propos de la revente du matériel acquis par Madame Y..., et encore moins en quoi le Commissaire Priseur aurait été impliqué dans cette vente alléguée.

Madame Y... ne produit pas non plus d'éléments permettant d'accréditer le fait qu'elle ne pouvait accéder au site puisqu'elle n'a jamais adressé de mise en demeure à Monsieur X... d'avoir à respecter son obligation de délivrance, alors même que ce dernier lui a écrit pour l'inviter à enlever rapidement ses biens tout de suite après le paiement effectif.

Ainsi, Madame Y... ne démontre pas que Monsieur X... s'est opposé ou a retardé la délivrance des biens acquis par elle, dès lors que le bordereau a pu être acquitté par le versement du prix retenu et qu'il lui appartenait de les retirer sans délai.

Le jugement querellé sera infirmé en toutes ses dispositions.

Madame Y... sera déboutée de toutes ses prétentions.

Sur les demandes reconventionnelles :

Monsieur X... invoque un préjudice moral causé par les accusations calomnieuses de Madame Y.... Toutefois, il n'établit pas que Madame Y... ait agi en justice de mauvaise foi, dans l'intention de lui nuire ou de manière abusive. Il n'y a dès lors pas lieu d'accueillir la demande de dommages et intérêts.

Madame Y..., succombant dans toutes ses prétentions, supportera les entiers dépens et sera condamnée à payer à Monsieur X... une indemnité de 2. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS



La Cour,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 11 mai 2010 prononcé par le Tribunal Mixte de Commerce (TMC) de Fort de France

Statuant à nouveau ;

REJETTE toutes les prétentions de Madame Andrée Y... ;

DEBOUTE Monsieur Pascal X... de sa demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE Madame Andrée Y... à payer à Monsieur Pascal X... une indemnité de 2. 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame Andrée Y... aux dépens de l'appel et de la première instance.

Signé par Mme DERYCKERE, présidente, et Mme SOUNDOROM, greffier, auquel la minute a été remise.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,