CJUE, 5ème Chambre, 11 juin 1998, 79/1072

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Avis juridique important | 61996J0361 Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 11 juin 1998. - Société générale des grandes sources d'eaux minérales françaises contre Bundesamt für Finanzen. - Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Köln - Allemagne. - Taxe sur la valeur ajoutée - Interprétation de l'article 3, sous a), de la huitième directive 79/1072/CEE - Obligation pour l'assujetti non établi à l'intérieur du pays d'annexer à la demande de remboursement de la taxe les originaux des factures ou des documents d'importation - Possibilité d'annexer un duplicata en cas de perte de l'original non imputable à l'assujetti. - Affaire C-361/96. Recueil de jurisprudence 1998 page I-03495 Sommaire Parties Motifs de l'arrêt Décisions sur les dépenses Dispositif Mots clés 1 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Remboursement de la taxe aux assujettis non établis à l'intérieur du pays - Obligations de l'assujetti - Dépôt de l'original des factures ou des documents d'importation - Possibilité pour les États membres d'admettre le dépôt des duplicata des factures ou des documents d'importation en cas de perte des originaux non imputable à l'assujetti - Admissibilité - Conditions (Directive du Conseil 79/1072, art. 3, a)) 2 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Remboursement de la taxe aux assujettis non établis à l'intérieur du pays - Documents à produire pour obtenir le remboursement - Principe de non-discrimination - Obligation des États membres de reconnaître aux assujettis, indépendamment de leur lieu d'établissement, les moyens de preuve admis des seuls assujettis établis sur le territoire national (Traité CE, art. 6; directive du Conseil 79/1072) Sommaire 1 L'article 3, sous a), de la huitième directive 79/1072 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l'intérieur du pays - doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'un État membre prévoie dans son droit interne la possibilité, pour un assujetti qui n'est pas établi dans cet État membre, dans l'hypothèse de la perte d'une facture ou d'un document d'importation qui ne lui est pas imputable, de prouver son droit au remboursement en produisant un duplicata de la facture ou du document d'importation en question, dès lors que la transaction qui est à l'origine de la demande de remboursement a eu lieu et qu'il n'y a pas de risque de demandes de remboursement ultérieures. Le droit dérivé doit respecter les principes généraux du droit et, notamment, le principe de proportionnalité. Or, l'exclusion de la possibilité pour un État membre d'admettre une demande de remboursement dans de tels cas exceptionnels n'est pas nécessaire pour atteindre l'objectif général poursuivi par la huitième directive qui est de prévenir la fraude ou l'évasion fiscale. 2 Dès lors qu'un assujetti qui est établi dans un État membre a la possibilité de prouver son droit au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée en produisant un duplicata ou une photocopie de la facture lorsque l'original lui est parvenu et a ensuite été perdu sans qu'une telle perte lui soit imputable, le principe de non-discrimination énoncé à l'article 6 du traité et rappelé au cinquième considérant de la huitième directive 79/1072 exige qu'une telle possibilité soit également reconnue à l'assujetti qui n'est pas établi dans cet État membre lorsque la transaction qui est à l'origine de la demande de remboursement a eu lieu et qu'il n'y a pas de risque de demandes de remboursement ultérieures. Parties Dans l'affaire C-361/96, ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Finanzgericht Köln (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre Société générale des grandes sources d'eaux minérales françaises et Bundesamt für Finanzen, une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 3, sous a), de la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l'intérieur du pays (JO L 331, p. 11), LA COUR (cinquième chambre), composée de MM. C. Gulmann, président de chambre, M. Wathelet, J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), D. A. O. Edward et J.-P. Puissochet, juges, avocat général: M. G. Cosmas, greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal, considérant les observations écrites présentées: - pour la Société générale des grandes sources d'eaux minérales françaises, par MM. B. Hense, membre de la direction de la C&L Treuhand-Vereinigung Deutsche Revision AG, et K. P. Karig, directeur de la division des impôts de la C&L Treuhand-Vereinigung Deutsche Revision AG, à Francfort-sur-le-Main, - pour le gouvernement allemand, par M. E. Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, en qualité d'agent, - pour la Commission des Communautés européennes, par M. J. Grunwald, conseiller juridique, en qualité d'agent, vu le rapport d'audience, ayant entendu les observations orales de la Société générale des grandes sources d'eaux minérales françaises, représentée par Mme H. Morin-Hauser, conseiller fiscal auprès de la C&L Treuhand-Vereinigung Deutsche Revision AG, du gouvernement allemand, représenté par M. E. Röder, et de la Commission, représentée par M. J. Grunwald, à l'audience du 15 janvier 1998, ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 12 février 1998, rend le présent Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par ordonnance du 29 août 1996, parvenue à la Cour le 12 novembre suivant, le Finanzgericht Köln a posé, en application de l'article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 3, sous a), de la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l'intérieur du pays (JO L 331, p. 11, ci-après la «huitième directive»). 2 Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant la Société générale des grandes sources d'eaux minérales françaises au Bundesamt für Finanzen (office fédéral des impôts, ci-après le «Bundesamt») à propos de la possibilité pour la demanderesse au principal de prouver son droit au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») payée en amont en produisant un duplicata de la facture originale perdue, sans que cette perte lui soit imputable. La huitième directive 3 L'article 2 de la huitième directive dispose: «Chaque État membre rembourse à tout assujetti qui n'est pas établi à l'intérieur du pays mais qui est établi dans un autre État membre, dans les conditions fixées ci-après, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l'intérieur du pays par d'autres assujettis, ou ayant grevé l'importation de biens dans le pays, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins des opérations visées à l'article 17, paragraphe 3, sous a) et b), de la directive 77/388/CEE ou des prestations de services visées à l'article 1er, sous b).» 4 L'article 3, sous a), de la huitième directive précise: «Pour bénéficier du remboursement, tout assujetti visé à l'article 2 qui n'a effectué aucune livraison de biens ou aucune prestation de services réputée se situer à l'intérieur du pays doit: a) déposer, auprès du service compétent visé à l'article 9, premier alinéa, une demande conforme au modèle figurant à l'annexe A à laquelle seront annexés les originaux des factures ou des documents d'importation. Les États membres mettent à la disposition des requérants une notice explicative qui doit contenir en tout cas les éléments d'information minimaux repris à l'annexe C.» 5 L'annexe C de la huitième directive, intitulée «Liste d'éléments d'information minimaux à reprendre dans la notice explicative», énonce, au point H: «La demande doit être accompagnée des originaux des factures ou des documents d'importation établissant les montants de la taxe sur la valeur ajoutée supportée par le requérant.» 6 Enfin, l'article 7, paragraphes 3 et 4, de la huitième directive dispose: «3. Le service compétent visé à l'article 9, premier alinéa, appose son visa sur chaque facture ou document d'importation afin qu'ils ne puissent pas être réutilisés pour une autre demande et les restitue dans un délai d'un mois. 4. Les décisions concernant les demandes de remboursement doivent être notifiées dans un délai de six mois à compter de la date de présentation, au service compétent visé au paragraphe 3, de ces demandes accompagnées de tous les documents requis par la présente directive pour instruire la demande. ...» La législation allemande 7 L'article 18, paragraphe 9, de l'Umsatzsteuergesetz du 26 novembre 1979 (loi allemande relative à la taxe sur le chiffre d'affaires, ci-après l'«UStG») dispose: «Par dérogation à l'article 16 et aux paragraphes 1 à 4 et afin de simplifier la procédure d'imposition, le ministère fédéral des Finances peut, par décret et avec l'accord du Bundesrat, soumettre à une procédure spéciale le remboursement, à des entrepreneurs non établis sur le territoire de la perception, de la taxe payée en amont. Dans ce cadre, il est possible de prévoir que l'entrepreneur devra lui-même calculer le montant du remboursement.» 8 L'Umsatzsteuer-Durchführungsverordnung du 21 décembre 1979 (règlement d'application de la loi relative à la taxe sur le chiffre d'affaires, ci-après l'«UStDV») détermine la procédure spéciale de remboursement de la taxe payée en amont. Son article 61, paragraphe 1, dispose: «L'entrepreneur doit demander le remboursement sur un formulaire officiel prescrit à cet effet auprès du Bundesamt für Finanzen ou du bureau des contributions déterminé en application de l'article 5, paragraphe 1, point 8, deuxième phrase, du Finanzverwaltungsgesetz (loi portant organisation de l'administration des contributions). La demande doit être introduite dans les six mois qui suivent la fin de l'année calendrier au cours de laquelle le droit au remboursement est né. L'entrepreneur doit lui-même calculer le remboursement dans la demande. La demande vaut renonciation au sens de l'article 19, paragraphe 2, de la loi. Les factures et les documents d'importation doivent être joints en original à la demande.» 9 L'article 163, paragraphe 1, de l'Abgabenordnung du 16 mars 1976 (code des impôts allemand, ci-après l'«AO») dispose en outre: «Il est possible de fixer l'impôt à un montant inférieur ou de ne pas tenir compte de facteurs de calcul qui le majoreraient, lorsqu'il apparaît que sa perception serait inéquitable dans le cas particulier. Avec l'accord du contribuable, il est possible d'admettre, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, que certains facteurs de calcul, pour autant qu'ils majorent l'impôt, ne seront pris en compte qu'ultérieurement, et que certains facteurs de calcul, pour autant qu'ils diminuent l'impôt, seront pris en compte par anticipation. La décision relative à une fixation dérogatoire peut être liée à la fixation de l'impôt.» 10 L'article 155, paragraphe 6, de l'AO précise: «Les dispositions relatives à la fixation de l'impôt sont applicables par analogie à la décision de remboursement de l'impôt.» Les faits du litige au principal 11 La demanderesse au principal est une société de capitaux ayant son siège en France. A la suite de la résiliation d'un contrat de concession passé avec Union Deutsche Lebensmittelwerke GmbH (ci-après «Union Deutsche»), la demanderesse au principal a conclu avec cette dernière, au mois de janvier 1989, un accord par lequel elle s'engageait à lui payer la somme de 3 500 000 DM, augmentée de celle de 490 000 DM au titre de la TVA. 12 Selon l'affirmation non contestée de la demanderesse au principal, l'original de la facture établie par Union Deutsche a été perdu par la poste alors qu'il avait été envoyé à un cabinet d'avocats chargé par la demanderesse de réclamer le remboursement de la TVA au Bundesamt. 13 La demanderesse au principal a donc fait établir par Union Deutsche un duplicata de la facture originale et a demandé, sur la base de ce document, le remboursement de la TVA au Bundesamt. Par décision du 4 mars 1993, le Bundesamt a établi l'avis de remboursement sans faire droit à cette demande. La demanderesse au principal a formé un recours contre cette décision devant le Finanzgericht Köln, lequel a, par jugement du 3 juillet 1996, rejeté le recours comme non fondé. La demanderesse au principal a introduit une demande en «Revision» de ce jugement devant le Bundesfinanzhof, devant lequel l'affaire est actuellement pendante. 14 Avant même la conclusion de la procédure relative à l'avis de remboursement, la demanderesse au principal avait également demandé au Bundesamt de lui accorder le remboursement sollicité dans le cadre d'une mesure d'équité au sens de l'article 163, paragraphe 1, de l'AO. Par sa décision précitée du 4 mars 1993 établissant l'avis de remboursement, le Bundesamt n'a pas non plus fait droit à cette demande, considérant que, conformément à l'article 61, paragraphe 1, de l'UStDV, l'original de la facture devait être annexé à la demande de remboursement. La demanderesse a introduit une réclamation contre cette décision devant le Bundesministerium der Finanzen (ministère fédéral des Finances), qui l'a également rejetée le 7 juin 1994. 15 La demanderesse au principal a donc introduit un recours devant le Finanzgericht contre le refus du Bundesamt de lui accorder le remboursement sollicité dans le cadre d'une mesure d'équité au sens de l'article 163, paragraphe 1, de l'AO. Elle souligne que l'article 61, paragraphe 1, cinquième phrase, de l'UStDV vise à éviter des remboursements multiples de la TVA. Or, de tels remboursements multiples seraient, en l'occurrence, exclus, car il ne ferait aucun doute que l'original de la facture n'a pas été utilisé pour obtenir le remboursement de la TVA. En effet, d'une part, le Bundesamt pourrait facilement vérifier que l'administration fiscale n'a pas été saisie d'une deuxième demande de remboursement relative à la même opération, une telle demande devant être introduite, conformément à l'article 61, paragraphe 1, première phrase, de l'UStDV, auprès du «Bundesamt für Finanzen ou du bureau des contributions déterminé en application de l'article 5, paragraphe 1, point 8, deuxième phrase, du Finanzverwaltungsgesetz». D'autre part, l'original ne pourrait plus être utilisé à l'avenir pour obtenir un remboursement de la TVA, une demande n'ayant pas été introduite dans le délai imparti par l'article 61, deuxième phrase, de l'UStDV, à savoir dans les six mois suivant l'expiration de l'année civile au cours de laquelle est apparu le droit au remboursement. Selon la demanderesse au principal, il n'existerait dès lors aucun risque que la prise en considération du duplicata conduise à un double remboursement de la TVA. 16 Dans de telles circonstances, la demanderesse au principal considère que l'application stricte de l'article 61, paragraphe 1, cinquième phrase, de l'UStDV conduirait à une rigueur excessive, qui devrait être corrigée par la voie de l'équité. En outre, une application stricte de l'article 61, paragraphe 1, cinquième phrase, de l'UStDV serait également contraire aux principes de proportionnalité et de neutralité de la TVA consacrés par le droit communautaire. 17 Le Bundesamt estime qu'un remboursement de la TVA fondé, pour des motifs d'équité, sur un duplicata serait contraire à la volonté des auteurs de l'UStDV. Ainsi qu'il résulte de l'article 61, paragraphe 1, cinquième phrase, de l'UStDV, seule la présentation de l'original de la facture permettrait d'exclure avec certitude la possibilité de remboursements multiples de la TVA. Le Bundesamt souligne en outre que l'article 61, paragraphe 1, cinquième phrase, de l'UStDV correspond à l'article 3 de la huitième directive. 18 Le Finanzgericht observe d'ailleurs que le ministère fédéral des Finances a fondé sa décision de rejet sur le fait que l'article 3, sous a), de la huitième directive n'admettrait aucune dérogation à l'obligation d'annexer l'original de la facture à la demande de remboursement, même pour des raisons d'équité lorsque la perte de l'original n'est pas imputable à l'assujetti qui sollicite le remboursement. 19 La juridiction de renvoi relève que, selon une interprétation littérale de l'article 3, sous a), de la huitième directive, la présentation des documents originaux serait une nécessité absolue à laquelle il ne pourrait être dérogé en aucune circonstance. Une telle interprétation serait conforme à l'objectif de l'article 3, sous a), d'empêcher que des remboursements multiples de la TVA ne puissent être abusivement obtenus. Or, un tel risque serait plus élevé dans le cas de demandes de remboursement introduites par des entrepreneurs établis dans un autre État membre. Le Finanzgericht souligne à cet égard que l'obligation pour le service compétent d'apposer, conformément à l'article 7, paragraphe 3, de la huitième directive, son visa sur chaque facture ou document d'importation afin que ces documents ne puissent pas être réutilisés pour une autre demande ainsi que l'obligation, énoncée à l'article 7, paragraphe 4, de statuer sur la demande de remboursement dans un délai de six mois à compter de la présentation des documents requis pourraient indiquer que la procédure de remboursement a été sciemment conçue comme étant une procédure simplifiée, dans laquelle l'impératif de rapidité et de sécurité de l'exécution l'emporte sur celui de la justesse objective du résultat. 20 La juridiction de renvoi se demande, cependant, si une telle interprétation de l'article 3, sous a), de la huitième directive ne serait pas contraire au principe de neutralité de la TVA énoncé au deuxième considérant de ladite directive, ainsi qu'au principe de non-discrimination consacré tant par l'article 95 du traité CE que par le cinquième considérant de cette directive dans la mesure où, lorsque l'original de la facture est parvenu à un entrepreneur établi en Allemagne et a été ensuite perdu sans qu'une telle perte lui soit imputable, cet entrepreneur peut déduire la TVA payée en amont en produisant un duplicata ou une photocopie de la facture et bénéficier ainsi d'un règlement en équité sur la base du montant apparaissant sur le duplicata ou la photocopie. 21 Selon le Finanzgericht, il se pourrait, dès lors, que l'article 3, sous a), de la huitième directive doive être interprété en ce sens qu'il définit les règles de base relatives au droit au remboursement de la TVA, tout en laissant aux États membres une marge d'appréciation en ce qui concerne les conditions d'ouverture de ce droit et, en particulier, les moyens de preuve possibles; ou bien qu'il prévoit, en règle générale, la présentation des documents originaux, mais autorise les États membres à admettre des dérogations dans des situations exceptionnelles, notamment lorsque, comme en l'espèce, la perte de l'original n'est pas imputable à l'entrepreneur établi dans un autre État membre; ou bien encore qu'il impose que les duplicata soient pris en compte, lorsque, comme en l'espèce, le refus d'en tenir compte défavoriserait l'entrepreneur établi dans un autre État membre par rapport à un entrepreneur établi dans l'État membre concerné. 22 Enfin, la juridiction de renvoi relève que la présente affaire est étroitement liée à l'affaire Reisdorf, relative à la question de savoir si la déduction de la TVA payée en amont par un entrepreneur établi dans l'État membre concerné dépend ou non de la possession du document original, qui était alors pendante devant la Cour (arrêt du 5 décembre 1996, C-85/95, Rec. p. I-6257). 23 Dans ces conditions, le Finanzgericht a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes: «1) L'article 3, sous a), de la huitième directive du Conseil en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires du 6 décembre 1979 (huitième directive) fait-il obstacle à ce que les États membres prévoient dans leur droit interne la possibilité, pour un assujetti visé à l'article 2 de la directive, dans l'hypothèse de la perte d'une facture ou d'un document d'importation qui ne lui est pas imputable, de prouver son droit au remboursement en produisant un duplicata de la facture ou du document d'importation en question? 2) En cas de réponse négative à la première question: résulte-t-il du principe de non-discrimination du droit communautaire et du principe de la neutralité de la taxe sur le chiffre d'affaires qu'un assujetti visé à l'article 2 de la huitième directive a le droit, dans l'hypothèse d'une perte des factures ou des documents d'importation visés à l'article 3, sous a), qui ne lui est pas imputable, de prouver son droit au remboursement en produisant un duplicata de la facture ou du document d'importation?» Sur la première question 24 Il convient tout d'abord de relever que l'article 3, sous a), de la huitième directive dispose expressément que, pour bénéficier du remboursement de la TVA payée en amont, tout assujetti qui n'est pas établi dans l'État membre concerné doit «déposer ... une demande ... à laquelle seront annexés les originaux des factures ou des documents d'importation». L'annexe C de ladite directive, laquelle détermine la liste d'éléments d'information minimaux à reprendre dans la notice explicative que les États membres mettent à la disposition des assujettis sollicitant le remboursement, confirme, au point H, que «La demande doit être accompagnée des originaux des factures ou des documents d'importation établissant les montants de la taxe sur la valeur ajoutée supportée par le requérant». 25 L'obligation d'annexer le document original à la demande de remboursement résulte également de l'article 7, paragraphe 3, de la huitième directive, selon lequel «Le service compétent ... appose son visa sur chaque facture ou document d'importation afin qu'ils ne puissent pas être réutilisés pour une autre demande ...». 26 Il ressort des dispositions précitées que la demande de remboursement introduite, conformément à la huitième directive, par un assujetti qui n'est pas établi dans l'État membre concerné doit, en principe, être accompagnée des originaux des factures ou des documents d'importation établissant les montants de la TVA dont le remboursement est sollicité. 27 Il convient d'observer ensuite que les dispositions précitées de la huitième directive diffèrent des articles 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), lesquels lient normalement, ainsi que la Cour l'a jugé dans l'arrêt Reisdorf, précité, point 22, l'exercice du droit à déduction à la possession de l'original de la facture ou du document qui, selon les critères fixés par l'État membre concerné, peut être considéré comme en tenant lieu. 28 Une telle différence de rédaction est conforme à l'objectif général de la huitième directive, énoncé à son sixième considérant, de lutter contre «certaines formes de fraude ou d'évasion fiscale» ainsi qu'à l'objectif poursuivi, en particulier, par l'article 7, paragraphe 3, de ladite directive d'empêcher qu'un entrepreneur qui n'est pas établi dans l'État membre concerné ne puisse réutiliser la facture ou le document d'importation pour d'autres demandes de remboursement. 29 Toutefois, l'article 3, sous a), de la huitième directive ne saurait être interprété en ce sens qu'il exclut la possibilité pour un État membre d'admettre une telle demande de remboursement dans des cas exceptionnels où il n'existe aucun doute que la transaction qui est à l'origine de la demande de remboursement a eu lieu, où la perte de la facture ou du document d'importation n'est pas imputable à l'assujetti et où il est établi que, compte tenu des circonstances, il n'y a pas de risque de demandes de remboursement ultérieures. 30 Il résulte, en effet, de la jurisprudence de la Cour que le droit dérivé doit respecter les principes généraux de droit et, notamment, le principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 1977, Bela-Mühle, 114/76, Rec. p. 1211, points 5 à 7). Or, l'exclusion d'une telle possibilité n'est pas nécessaire, dans ce cas, pour prévenir la fraude ou l'évasion fiscale. 31 Il convient donc de répondre à la première question que l'article 3, sous a), de la huitième directive doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'un État membre prévoie dans son droit interne la possibilité, pour un assujetti qui n'est pas établi dans cet État membre, dans l'hypothèse de la perte d'une facture ou d'un document d'importation qui ne lui est pas imputable, de prouver son droit au remboursement en produisant un duplicata de la facture ou du document d'importation en question, dès lors que la transaction qui est à l'origine de la demande de remboursement a eu lieu et qu'il n'y a pas de risque de demandes de remboursement ultérieures. Sur la seconde question 32 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande en substance si, dès lors qu'un assujetti qui est établi dans un État membre a la possibilité de prouver son droit au remboursement de la TVA en produisant un duplicata ou une photocopie de la facture lorsque l'original lui est parvenu et a ensuite été perdu sans qu'une telle perte lui soit imputable, les principes de non-discrimination et de neutralité de la TVA exigent qu'une telle possibilité soit également reconnue à l'assujetti qui n'est pas établi dans cet État membre. 33 Il convient de relever que, selon l'ordonnance de renvoi, lorsque l'original de la facture est parvenu à un entrepreneur établi en Allemagne et a ensuite été perdu sans qu'une telle perte lui soit imputable, cet entrepreneur peut déduire la TVA payée en amont en produisant un duplicata ou une photocopie de la facture et bénéficier d'un règlement en équité sur la base du montant apparaissant sur le duplicata ou la photocopie. 34 Il y a lieu de souligner en outre que, conformément au principe de non-discrimination énoncé à l'article 6 du traité CE, le cinquième considérant de la huitième directive rappelle expressément que ladite directive «ne doit pas aboutir à soumettre les assujettis à un traitement différent selon l'État membre à l'intérieur duquel ils sont établis». Toutefois, en vertu d'une jurisprudence constante, une discrimination ne peut consister que dans l'application de règles différentes à des situations comparables ou bien dans l'application de la même règle à des situations différentes (voir, notamment, arrêt du 14 février 1995, Schumacker, C-279/93, Rec. p. I-225, point 30). 35 A cet égard, le gouvernement allemand fait valoir que l'impossibilité de déroger à l'obligation d'annexer le document original en cas de perte non fautive dudit original serait justifiée par le risque d'usage abusif de documents non originaux lors de demandes de remboursement de la TVA introduites par des assujettis qui ne sont pas établis dans l'État membre concerné, pour lesquels, contrairement aux assujettis qui y sont établis, une vérification des livres et de la gestion par les services compétents ne serait pas possible et pour lesquels le traitement des demandes d'assistance administrative entre les États membres serait, en général, long et peu efficace. 36 En tout état de cause, de telles raisons ne peuvent justifier un traitement différent des assujettis selon qu'ils sont ou non établis dans l'État membre concerné lorsque la transaction qui est à l'origine de la demande de remboursement a eu lieu, que la perte de la facture ou du document d'importation n'est pas imputable à l'assujetti et qu'il n'y a pas de risque de demandes de remboursement ultérieures. 37 Dans la mesure où, dans une telle situation, le principe de non-discrimination exige qu'un assujetti non établi dans l'État membre concerné ait la possibilité de prouver son droit au remboursement de la TVA en produisant un duplicata ou une photocopie de la facture dans les mêmes conditions qu'un assujetti qui y est établi, il n'est pas nécessaire d'examiner la seconde question au regard du principe de neutralité de la TVA. 38 Il y a donc lieu de répondre à la seconde question que, dès lors qu'un assujetti qui est établi dans un État membre a la possibilité de prouver son droit au remboursement de la TVA en produisant un duplicata ou une photocopie de la facture lorsque l'original lui est parvenu et a ensuite été perdu sans qu'une telle perte lui soit imputable, le principe de non-discrimination énoncé à l'article 6 du traité et rappelé au cinquième considérant de la huitième directive exige qu'une telle possibilité soit également reconnue à l'assujetti qui n'est pas établi dans cet État membre lorsque la transaction qui est à l'origine de la demande de remboursement a eu lieu et qu'il n'y a pas de risque de demandes de remboursement ultérieures. Décisions sur les dépenses Sur les dépens 39 Les frais exposés par le gouvernement allemand ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Dispositif

Par ces motifs

, LA COUR (cinquième chambre), statuant sur les questions à elle soumises par le Finanzgericht Köln, par ordonnance du 29 août 1996, dit pour droit: 1) L'article 3, sous a), de la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l'intérieur du pays, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'un État membre prévoie dans son droit interne la possibilité, pour un assujetti qui n'est pas établi dans cet État membre, dans l'hypothèse de la perte d'une facture ou d'un document d'importation qui ne lui est pas imputable, de prouver son droit au remboursement en produisant un duplicata de la facture ou du document d'importation en question, dès lors que la transaction qui est à l'origine de la demande de remboursement a eu lieu et qu'il n'y a pas de risque de demandes de remboursement ultérieures. 2) Dès lors qu'un assujetti qui est établi dans un État membre a la possibilité de prouver son droit au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée en produisant un duplicata ou une photocopie de la facture lorsque l'original lui est parvenu et a ensuite été perdu sans qu'une telle perte lui soit imputable, le principe de non-discrimination énoncé à l'article 6 du traité CE et rappelé au cinquième considérant de la huitième directive 79/1072 exige qu'une telle possibilité soit également reconnue à l'assujetti qui n'est pas établi dans cet État membre lorsque la transaction qui est à l'origine de la demande de remboursement a eu lieu et qu'il n'y a pas de risque de demandes de remboursement ultérieures.