AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit mai deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de la société civile professionnelle CHOUCROY,GADIOU et CHEVALLIER, de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Anne,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 9 septembre 2004, qui, pour exercice illégal de la pharmacie, l'a condamnée à 1 500 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense, ainsi que les observations complémentaires formulées en demande ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles
121-3 et
122-3 du Code Pénal, L. 511,
L. 512,
L. 516,
L. 517,
L. 519 et
L. 601 du Code de la Santé Publique dans leur rédaction en vigueur au moment des faits, L. 5131-1 dudit Code,
459 et
593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Anne X... coupable d'exercice illégal de la pharmacie ;
"aux motifs que le tribunal, par des motifs explicites, que la Cour adopte expressément, a caractérisé l'infraction poursuivie au vu du rapport de l'expert national près la Cour de cassation déposé en 1997 dont on ne saurait sérieusement soutenir le manque d'objectivité, eu égard à sa qualité de pharmacien, dont les conclusions sont sans ambiguïté pour chacun des produits incriminés et s'inscrivent effectivement de manière cohérente dans le cadre déjà fixé à l'époque de l'interprétation jurisprudentielle de la notion de médicament ; que l'élément intentionnel est également constitué dès lors que la prévenue a pris délibérément le risque, alors même que l'on retiendrait pour partie son argumentation, de mettre lesdits produits à la disposition de la clientèle pour s'aligner, selon ses propres dires, sur ses concurrents dans le secteur de la grande distribution ;
"et aux motifs adoptés des premiers juges, qu'il résulte du rapport de l'expert commis par le juge d'instruction que la mise en vente des produits incriminés procède de l'exercice illégal de la pharmacie ; que, quelles que soient les critiques émises à l'encontre de ces conclusions, ces dernières s'inscrivent de manière cohérente dans le cadre, déjà fixé à l'époque, de l'interprétation jurisprudentielle de la notion de médicament, à l'encontre de laquelle Anne X... a délibérément choisi de s'opposer, dans le souci, notamment, de s'aligner sur ses concurrents dans le secteur de la grande distribution et, accessoirement, de mettre lesdits produits à la disposition de sa clientèle ;
"alors que, d'une part, la prévenue ayant, dans ses conclusions d'appel, fait valoir qu'il résultait tant de la jurisprudence communautaire que de la jurisprudence nationale, que le terme de "médicament" devait, en raison de l'imprécision de sa définition donnée par l'article
L. 511 du Code de la santé publique, faire l'objet d'une analyse concrète au cas par cas selon les critères définis pour chacun des produits concernés, les juges du fond, qui ont omis de procéder à cette analyse, ont ainsi entaché leur décision d'un défaut de réponse aux conclusions et d'un défaut de motifs qui doivent entraîner la cassation en application des articles
459 et
593 du Code de procédure pénale ;
"alors, d'autre part, que la prévenue ayant critiqué le rapport de l'expert en faisant valoir, dans ses conclusions ; que des études de ce dernier, connu pour être un ardent défenseur du monopole des pharmaciens, étaient déjà citées dans la plainte de la partie civile, qu'il n'avait fait aucune allusion aux opinions différentes de la sienne et avait volontairement ignoré tant les travaux préparatoires d'une directive communautaire relative aux compléments alimentaires bien que ces travaux aient été déjà connus de spécialistes au moment où il avait établi son rapport ;
qu'un décret du 10 avril 1996 portant sur ces mêmes compléments alimentaires qu'il avait considéré comme des médicaments au prétexte erroné qu'aucun texte législatif ne les définissait, les juges du fond, qui n'ont pas répondu à ces critiques en se bornant, au prix d'une dénaturation manifeste, à les analyser comme invoquant un manque d'objectivité de l'expert eu égard à sa qualité de pharmacien, ont ainsi violé tant l'article 459 que l'article
593 du Code de procédure pénale ;
"et qu'enfin le délit d'exercice illégal de la profession de pharmacien sanctionné par l'article 517 du Code de la santé publique étant, aux termes de ce texte dans sa rédaction applicable au moment des faits, une infraction intentionnelle et la prévenue ayant expliqué, dans ses conclusions d'appel, qu'en raison des incertitudes résultant tant des textes applicables que des décisions de la jurisprudence communautaire et nationale que de l'attitude des différents organismes de l'Etat chargés de surveiller la consommation, la concurrence et la répression des fraudes ainsi que de la pratique en vigueur dans la grande distribution, consistant à vendre impunément exactement les mêmes produits que ceux qu'il lui était reproché d'avoir commercialisés, les juges du fond, qui ont implicitement reconnu l'existence de cette réalité mais ont néanmoins cru pouvoir condamner la demanderesse en se bornant à lui reprocher d'avoir délibérément pris le risque de s'aligner sur ses concurrents, sans pour autant caractériser son intention délictueuse, ont violé tant le texte précité, que les articles
121-3 et
122-3 du Code pénal qui excluent toute responsabilité pénale quand l'auteur d'un fait délictueux n'a pas eu l'intention de commettre une infraction ou a pu légitimement croire, par l'effet d'une erreur de droit, pouvoir accomplir l'acte poursuivi" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que Anne X... devra payer au Conseil national de l'ordre des pharmaciens au titre de l'article
618-1 du Code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article
L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chaumont conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;