Cour de cassation, Chambre sociale, 3 juillet 2019, 18-14.690

Synthèse

  • Juridiction : Cour de cassation
  • Numéro de pourvoi :
    18-14.690
  • Dispositif : Rejet
  • Publication : Inédit au bulletin
  • Décision précédente :Cour d'appel de Colmar, 8 février 2018
  • Identifiant européen :
    ECLI:FR:CCASS:2019:SO10771
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/5fca6a3b67769c5468f7ed04
  • Président : Mme FARTHOUAT-DANON
Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2019-07-03
Cour d'appel de Colmar
2018-02-08

Texte intégral

SOC. MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 3 juillet 2019 Rejet non spécialement motivé Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président Décision n° 10771 F Pourvoi n° Q 18-14.690 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante : Vu le pourvoi formé par la société Lilly France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , contre l'arrêt rendu le 8 février 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme K... R..., domiciliée [...] , 2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 4 juin 2019, où étaient présents : Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller, Mme Pontonnier, greffier de chambre ; Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner Texidor et Périer, avocat de la société Lilly France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme R... ; Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé

, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée

;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Lilly France aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme R... ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE

à la présente décision Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Lilly France. Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame R... était sans cause réelle ni sérieuse, d'AVOIR condamné la société LILLY FRANCE à lui verser les sommes de 25.000 € à titre de licenciement sans cause réelle ni sérieuse, 5.260,12 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que d'AVOIR ordonné le remboursement par la société LILLY FRANCE à POLE EMPLOI ALSACE CHAMPAGNE ARDENNE LORRAINE des prestations de chômage versées à Madame R... dans la limite de six mois ; AUX MOTIFS QUE « la cour observe à titre liminaire que Madame R... ne conteste le bienfondé de son licenciement qu'au regard du non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement. Aux termes de l'article L 1226-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige «lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, transformation de poste de travail ou aménagement du temps de travail. ». L'avis du médecin du travail ne dispense pas l'employeur de rechercher les possibilités de reclassement parmi les emplois disponibles au sein de l'entreprise et, le cas échéant, au sein du groupe auquel elle appartient parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Comme le rappelle avec pertinence Madame K... R..., la preuve de l'exécution loyale de son obligation de recherche d'un poste de reclassement incombe à l'employeur. En l'espèce il est constant que Madame K... R... a régulièrement été soumise à des visites médicales de reprise effectuées le 15 avril 2014 puis le 6 mai 2014, au terme desquelles le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste, et que Madame R... été licenciée pour inaptitude médicale par lettre de la société Lilly France en date du 5 juin 2014 rédigée dans les termes suivants : «...Lors d'un entretien qui a eu lieu le 6 mai 2014, vous nous aviez évoqué tout à la fais votre impossibilité de continuer à occuper un poste en cycles mais aussi votre souhait d'occuper un poste en journée. Lors de ce même entretien, vous nous aviez également indiqué que vous n'étiez pas mobile géographiquement en dehors du site de Fegersheim. En date du 20 mai 2014, nous vous avons exposé par courrier recommandé avec accusé de réception les démarches que nous avons effectuées, afin de tout mettre en oeuvre pour vous proposer des postes de reclassement ; Notre recherche s'est également portée sur tous les postes disponibles au sein de l'entreprise du groupe Lilly France en adéquation avec vos compétences et répondant à vos restrictions médicales. Les postes suivants étaient susceptibles de vous être proposés : - conducteur équipements remplissage B700 groupe LEEM en cycle 5 x 8 ; - technicien de maintenance de production B700 groupe LEEM 4 en cycle 5 x 8 ; (aucun poste avec des horaires de journée et compatible avec vos qualifications n'étant disponible). Ces postes ont été soumis pour avis au médecin du travail. En date du 16 mai 2014, ce dernier a conclu qu'aucun de ces postes n'était compatible avec votre inaptitude. En conséquence, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour inaptitude médicalement constatée par le médecin du travail en raison de l'impossibilité de vous proposer un quelconque reclassement au sein de l'entreprise et du groupe auquel elle appartient... ». A l'appui de la démonstration qui lui incombe de l'exécution loyale de son obligation de reclassement, la Sas Lilly France se rapporte aux contenus des avis du médecin du travail, qui a en outre procédé à une étude de poste avant de rendre son deuxième avis. La société Lilly France se prévaut de ce qu'à l'issue de la deuxième visite médicale d'inaptitude elle a interrogé Madame R... sur son éventuelle mobilité géographique, tant en France qu'à l'étranger, par un questionnaire qui a été renseigné le 6 mai 2014 par la salariée (pièce 18 de l'employeur) et qui indique au titre de la mobilité géographique que Madame R... ne souhaite pas un poste à Neuilly sur Seine, ou un poste dans un autre pays, et qui mentionne en ce qui concerne les postes souhaités «plutôt un poste en journée, sur des parties support, type qualité ou labo, ouverte à toute proposition en fournée ». La société Lilly France se prévaut également de ce qu'elle a procédé à des recherches de postes de reclassement dès le mercredi 7 mai 2014, soit après le deuxième avis d'inaptitude (sa pièce 19) et après rédaction par Madame R... de la fiche de renseignements relative à son souhait de reclassement, et que ces recherches ont été faites par le biais : - d'un courriel qui a été adressé le mercredi 7 mai 2014 par Madame A... chargée des ressources humaines à dix interlocuteurs (sa pièce 19), et qui a été rédigé comme suit : «un de nos collaborateur vient d'être déclaré inapte à son poste de conducteur équipements — Gr 3 conclusions : inapte à son poste, 2èmevisite (article R 4624-31). Afin d'étudier les possibilités de reclassement, pourriez-vous me transmettre pour le 16/05/2014 au plus tard, la liste des emplois (Gr leem 2 - 3 - 4) dans vos directions respectives». Aucun- .renseignement personnalisé relatif à ce « collaborateur » notamment quant à ses compétences et quant à ses souhaits de reclassement tels que transmis par Madame R..., n'accompagne ce courrier électronique (transmis sans aucune pièce jointe) et la société intimée ne permet pas en l'état des éléments portés aux débats, d'identifier les interlocuteurs sollicités par Madame-A.... - des réponses de trois des dix-destinataires transmises entre le 7 mai et le 15 mai 2014 dans les délais réclamés par Madame A... (avant le 16 mai 2014), soit : deux réponses apportées par Madame C... V... chargée des ressources humaines (lieu de travail indéfini), qui a adressé un premier courriel le 7 mai 2014 donnant une réponse négative puis un deuxième courriel le 15 mai 2014 mentionnant un poste vacant de conducteur équipements Gr— 5 x 8 ligne remplissage B700 ; une réponse négative de Madame T... P... assistante ressources humaines sur le site de Fegersheim, adressée dès le 7 mai 2014 à 12h00 qui indique « aucun poste en 2 - 3 - 4 à Neuilly », -une réponse de Monsieur G... S... (fonction et lieu de travail indéfinis) qui, le 7 mai 2014, a adressé une réponse trois minutes après la sollicitation de Madame A... évoquant un tin au b700 en 5 x 8 et c'est tout" ; - d'un courriel adressé dès le jeudi 15 mai 2014 par Madame Céline A... au médecin du travail (sa pièce 20) et sollicitant son avis suite à « la recherche des postes en groupe 2, 3 et 4 ouverts sur le site» et son avis sur les deux postes disponibles recensés, auquel le médecin du travail a répondu le lendemain au matin que «Mme R... est inapte à tout poste dans l'entreprise» ; - d'un extrait du registre du personnel de la société Lilly France (sa pièce 26) qui se limite à la production d'un seul feuillet relatif au personnel embauché entre le 10 février 2014 et le 4 août 2014 ; - d'un extrait du registre du personnel de Neuilly sur Seine (sa pièce 28) qui se limite également à la production d'un seul feuillet comportant neuf salariés embauchés à partir du 5 juin 2014. Si l'employeur est légitime à orienter ses recherches en tenant compte des attentes du salarié, il se doit de lui proposer des emplois disponibles compatibles avec son état de santé et qui correspondent aux qualifications du salarié. Madame R... a certes fait savoir à son employeur qu'elle n'était pas mobile et a clairement mentionné qu'un poste situé tant en dehors du site de Fegersheim qu'à l'étranger ne correspondait pas à ses attentes, mais elle lui a également indiqué qu'elle était ouverte à toute proposition de poste en journée. Aussi, en l'état des documents produits aux débats tels que listés ci-avant, et étant rappelé que le deuxième avis d'inaptitude retient que Madame R... est « inapte à son poste », la société Lilly France ne justifie pas qu'aucun autre emploi que les deux postes soumis pour avis au médecin du travail, n'était disponible. En conséquence le licenciement de Madame K... R... sera jugé sans cause réelle et sérieuse, et il sera fait droit à ses prétentions à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre d'indemnité compensatrice de préavis. Compte tenu de Panciermeté de Madame R... au moment de la rupture, qui lui permet de bénéficier des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail (dans sa rédaction applicable au présent litige), et étant rappelé que la durée de son congé de présence parentale d'éducation compte pour moitié dans l'ancienneté, il sera alloué à l'appelante une somme de 25 000 € de dommages-intérêts en réparation intégrale de son préjudice. Il sera en outre alloué à Madame R... une somme de 5 260,12 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis. Compte tenu du caractère indemnitaire de ce montant, les prétentions de l'appelante au titre de congés payés sur préavis seront rejetées. La société Lilly France sera condamnée à rembourser à Pôle Emploi Alsace Champagne-Ardenne Lorraine les prestations de chômage versées à Madame K... R... dans la limite de six mois en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail » ; 1. ALORS QUE si l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout poste dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur, quelle que soit la position prise par le salarié, de son obligation légale de recherche de reclassement au sein de cette entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel celle-ci appartient, les réponses apportées postérieurement au constat régulier de l'inaptitude, par ce médecin, sur les possibilités éventuelles de reclassement, concourent à la justification par l'employeur de l'impossibilité de remplir cette obligation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, postérieurement au second avis d'inaptitude ayant considéré la salariée inapte à son poste, le médecin du travail, sollicité par l'employeur sur les deux postes qu'il envisageait de proposer à la salariée, avait répondu qu'aucun de ces postes n'était compatible avec son état de santé et que la salariée était « inapte à tout poste dans l'entreprise » ; qu'en considérant qu' « en l'état des documents produits ( ), et étant relevé que le deuxième avis d'inaptitude retient que Madame R... est « inapte à son poste », la société LILLY FRANCE ne justifie pas qu'aucun autre emploi que les deux postes soumis pour avis au médecin du travail, n'était disponible », la cour d'appel a violé l'article L.1226-2 du code du travail ; 2. ALORS QU'il appartient à l'employeur, qui peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'à la suite du second constat d'inaptitude, la salariée avait renseigné un questionnaire (« fiche de reclassement suite à inaptitude ») précisant, au titre de la « mobilité géographique », qu'elle ne souhaitait pas travailler à NEUILLY SUR SEINE ou « dans un autre pays », mais uniquement sur le site de FEGERSHEIM ; qu'en retenant que « si l'employeur est légitime à orienter ses recherches en tenant compte des attentes du salarié, il se doit de lui proposer des emplois disponibles compatibles avec son état de santé et qui correspondent aux qualifications du salarié », considérant ainsi que l'employeur ne pouvait circonscrire ses recherches en fonction des souhaits émis par la salariée, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du code du travail ; 3. ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les pièces du dossier ; que la « fiche de reclassement suite à inaptitude » renseignée par la salariée précisait, au titre de « la mobilité géographique souhaitée (O/N)» : « FEGERSHEIM : O » ; « NEUILLY SUR SEINE : N ; « autres pays : N » et, au titre des « commentaires éventuels visant à faciliter les recherches de reclassement », plus précisément des « postes visés » : « plutôt un poste en journée, sur des parties support, type qualité ou labo, ouverte à toute proposition en journée » ; qu'ainsi, Madame R... avait exprimé un refus de toute mobilité géographique, la précision d'un « poste en journée » n'étant relative qu'à la nature du poste, non à sa localisation ; qu'à supposer qu'en retenant que « Madame R... a certes fait savoir à son employeur qu'elle n'était pas mobile, et a clairement mentionné qu'un poste situé tant en dehors du site de FEGERSHEIM qu'à l'étranger ne correspondait pas à ses attentes, mais elle lui a également indiqué qu'elle était ouverte à toute proposition de poste en journée », la cour d'appel ait considéré que la salariée n'aurait pas limité le périmètre géographique du reclassement au seul site de FEGERSHEIM, elle aurait alors dénaturé la fiche de reclassement de la salariée du 6 mai 2014, en méconnaissance du principe susénoncé ; 4. ALORS QUE dans l'hypothèse où la cour d'appel aurait entendu se fonder, pour considérer que la société LILLY FRANCE n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement, sur la circonstance que les courriers de recherche de reclassement ne comportaient « aucun renseignement personnalisé [sur la salariée], notamment quant à ses compétences et à ses souhaits de reclassement tels que transmis par Madame R... », quand elle avait constaté que ces courriers précisaient « l'un de nos collaborateurs vient d'être déclaré inapte à son poste de conducteur équipements GR 3 » et demandaient, « afin d'étudier les possibilités de reclassement », de « transmettre la liste des emplois (GR LEEM 2-3-4) dans vos directions respectives », en sorte qu'ils étaient suffisamment précis pour permettre à leurs destinataires de se prononcer, la cour d'appel aurait alors violé l'article L. 1226-2 du code du travail ; 5. ALORS QUE la cour d'appel a aussi retenu que la société LILLY FRANCE avait versé aux débats les réponses de trois des dix destinataires transmises dans les délais réclamés par la responsable des ressources humaines dont deux identifiant des emplois disponibles, ainsi que des extraits des registres du personnel de la société LILLY FRANCE se limitant à la production d'un seul feuillet relatif au personnel embauché entre le 10 février 2014 et le 4 août 2014 ainsi que du site de NEUILLY SUR SEINE composé également d'un seul feuillet comportant 9 salariés embauchés à partir du 5 juin 2014 ; qu'à supposer que la cour d'appel ait entendu se fonder sur ces éléments pour considérer que l'exposante n'établissait pas l'absence de poste disponible et compatible avec la qualification et l'état de santé de la salariée, elle aurait alors, en s'abstenant de préciser en quoi tel aurait été le cas, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail.