Tribunal de grande instance de Paris, 7 janvier 2016, 2014/11025

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2014/11025
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : LES DEGLINGOS
  • Classification pour les marques : CL03 ; CL08 ; CL16 ; CL18 ; CL20 ; CL21 ; CL22 ; CL24 ; CL25 ; CL27 ; CL28 ; CL30 ; CL32 ; CL33 ; CL41
  • Numéros d'enregistrement : 3462076 ; 6331029 ; 8576258
  • Parties : MC ERON Ltd (Hong Kong) ; GLOBE TROTOYS SARLU / CORA SAS

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2017-05-16
Tribunal de grande instance de Paris
2016-01-07

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 07 janvier 2016 3ème chambre 4ème section N° RG : 14/11025 DEMANDERESSES Société MC ERON LTD Romm 1103 Crown Industrial Estate 106 How Ming S KWUN T. 1IONG-KONG (CHINE) S.A.R.L.U GLOBE TROTOYS [...] 44000 NANTES Toutes deux agissant poursuites et diligences de leur représentant légal, domicilié en cette qualité aux dits sièges. et représentées par Me François HERPE de la SELARL C.V.S., avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire /#P0098 et par Me Florent L, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant DÉFENDERESSE S.A.S. CORA [...] 75008 PARIS prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège. et représentée par Maître Gaétan CORDIER du PARTNERSHIPS EVERSHEDS PARIS LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #.10014 COMPOSITION DU TRIBUNAL François T, Vice-Président Laure A. Vice-Présidente Laurence L, Vice-Présidente assistés de Sarah BOUCRIS, Greffier. DÉBATS À l'audience du 23 octobre 2015 tenue en audience publique JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSE DU LITIGE La société MC E est une société chinoise qui a pour filiale la société GLOBE TROTOYS immatriculée au RCS de Nantes. Ces deux sociétés ont été fondées par leur dirigeant, Monsieur Laurent M. Elles déclarent travailler en étroite collaboration et être spécialisées dans la conception, la fabrication et la commercialisation de peluches, doudous et autres jouets à destination de la petite enfance distribués en France et à l'étranger. Sur une idée de Laurent M, elles ont développé une gamme de doudous baptisés « LES DEGLINGOS » composés de plusieurs peluches qui sont des animaux, tels que le rat, le cochon, le loup, le lapin, l'ours ou la vache présentés en costume de velours côtelé avec des fils de couleurs variées, à l'allure sympathique et amusante, prénommés Big bos, Nosnos, Molos, ou encore Ronronos qui, sur les prospectus de vente, parlent un langage avec des mots qui se terminent en « os ». Le 10 novembre 2006, Laurent M a déposé la marque française semi- figurative sous le numéro 3 462 076, désignant divers produits et services en classes 18,28 et41, notamment les "jeux et jouets" de la classe 28. La société MC E, quant à elle, est titulaire de la marque européenne portant sur le même signe, déposée sous le n°6 331 029, enregistrée par l'OHMI le 20 juin 2008, en classe 16, 18, 25, 28 et 41 et visant notamment les « Jeux ; jouets » et de la marque communautaire n°8 576 258, enregistrée par l'OHMI le 31 janvier 2010 en classe 3, 8, 16, 18. 20, 21, 22, 2425, 27, 2830, 32, 33, 41. La société MC E indique avoir imaginé un texte publicitaire de présentation générale pour ces peluches conçu sous forme de définition, comme suit : « Deglingos : nom masculin familier. Animaux rigolos, foldingos mais pas craignos. Les Deglingos sont une espèce unique d'animaux contaminée par la rigolote algue. Ils parlent leur propre langue qui consiste à terminer certains mots par « os » et ont un objectif: participer à la Dégling 'Star. Ils répètent leur première chanson et espèrent la sortir très prochainement. » Les peluches, dont certaines ont été photographiées avec des enfants de célébrités, ont connu du succès et auraient acquis à ce jour une notoriété. Les sociétés exposent que les personnages de la gamme LES DEGLINGOS, considérée haut de gamme, sont vendus dans un circuit de distribution spécialisé pour les jeux et jouets auprès de détaillants, à l'exclusion des grandes surfaces. En 2013, les sociétés MC E et GLOBE TROTOYS ont accepté de développer des doudous baptisés MABOUL pour les grandes surfaces dont elles ont confié la distribution exclusive à la société CORA, distributeur des produits de grande consommation à travers des hypermarchés. En 2014, les sociétés MC E et GLOBE TROTOYS indiquent avoir découvert que la société CORA avait reproduit dans le catalogue de vente « Prix à croquer » de ses hypermarchés, daté du 9 au 19 avril 2014, dans l'encart réservé aux produits MABOUL, le texte publicitaire conçu par la société MC E relatif aux peluches LES DEGLINGOS en y ajoutant le logo de la marque « LES DEGLINGOS ». Par courrier en date du 15 avril 2014, renouvelé le 6 mai 2014, la société MC E a mis en demeure la société CORA de cesser ce comportement contrefaisant et de réparer le préjudice subi pour l'image de la marque. La société CORA a exposé, par courrier du 22 mai 2014, que c'est par erreur qu'elle avait fait paraître le texte relatif à la présentation commerciale des produits DEGLINGOS sur son prospectus commercial et qu'elle avait fait supprimer l'encart de son catalogue en ligne dès le 18 avril 2014. Elle indiquait diffuser depuis, un erratum sur son site internet et dans les magasins. A défaut d'accord amiable, les sociétés MC E et GLOBE TROTOYS ont assigné par exploit en date du 17 juillet 2014 la société CORA en contrefaçon de marque et de droits d'auteur et parasitisme, sollicitant une indemnisation et une mesure de publication. Selon leurs dernières conclusions signifiées le 22 mai 2015, les sociétés MC E et GLOBE TROTOY demandent, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, au tribunal de : - recevoir la société MC E en toutes ses demandes, fins et conclusions ; - juger que la société CORA a contrefait les droits dont la société MC E dispose sur les marques française et communautaires n°3 462 076, n°6 331 029etn°8 576 258; - juger que la société CORA a contrefait les droits d'auteur de la société MC E; -juger que la société CORA s'est rendue coupable d'acte de parasitisme ; - condamner en conséquence la société CORA au paiement de la somme de 150.000 € à la société MC E en réparation du préjudice subi à raison des actes de contrefaçon de marques et de droit d'auteur; - condamner en conséquence la société CORA au paiement de la somme de 50.000 € à la société GLOBE TROTOYS en réparation du préjudice subi à raison des actes parasitisme ; - ordonner, aux frais de la société CORA, la publication du dispositif du jugement à intervenir sur un bandeau en haut de la page d'accueil du site internet de ladite société dont l'adresse est GLOBE TROTOYS www.cora.fr en caractère gras, police 14, et ce pendant un mois à compter de la mise en ligne, laquelle devra intervenir dans les 8 jours de la signification du jugement, sous peine d'astreinte de 1.000 € par jour de retard ; - condamner la société CORA à procéder à l'affichage de ladite décision sur tout panneau d'information à destination des consommateurs situé à l'accueil de l'ensemble des magasins de l'enseigne CORA situé sur le territoire national, et ce pendant trois mois à compter de l'affichage, lequel devra intervenir dans les 8 jours de la signification du jugement à intervenir, sous peine d'astreinte de 1.000 € par jour de retard, - condamner la société CORA à verser à la société MC E et la société GLOBE TROTOYS la somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamner la société CORA en tous les dépens de l'instance, en allouant à la SELARL d'Avocats Interbarreaux (Nantes-Paris-Rennes- Lille) Cornet-Vincent-Ségurel (C.V.S. Maître François HERPE), avocat aux offres de droits, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Au terme de ses conclusions signifiées le 16 mars 2015, la société CORA demande avec le bénéfice de l'exécution provisoire au tribunal de : -JUGER la société MC ERON Ltd déchue de ses droits sur la marque française n°3 462 076 déposée le 10 novembre 2006, et sur la marque communautaire n° 6 331 029, pour défaut d'exploitation, - DECLARER irrecevable les demandes de la société MC ERON Ltd fondées sur la contrefaçon des marques n°3 462 076 et n°6 331 029 En tout état de cause : Sur le droit d'auteur : - Juger que la société Me E n'est titulaire d'aucun droit d'auteur sur le texte de présentation des peluches « les déglingos », - DEBOUTER la société Me E de sa demande en contrefaçon de droit d'auteur, Sur la concurrence déloyale et le parasitisme : - JUGER que la société Cora n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ou de parasitisme à Pencontre de la société GLOBE TROTOYS ; - DEBOUTER la société GLOBE TROTOYS de sa demande fondée sur le parasitisme, Sur l'absence de préjudice : - JUGER que les sociétés Me E et GLOBE TROTOYS ne démontrent l'existence d'aucun préjudice du fait de la reprise par la société Cora de la dénomination « les déglingos » et du texte de présentation des peluches « les déglingos » ; - DEBOUTER les sociétés Me E et GLOBE TROTOYS de leurs demandes de publication, - DEBOUTER les sociétés Me E et GLOBE TROTOYS de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à rencontre de la société Cora. En tout état de cause, -CONDAMNER solidairement les sociétés Me E et GLOBE TROTOYS à régler à la société Cora la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, -CONDAMNER solidairement les sociétés Me E et GLOBE TROTOYS aux entiers dépens. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 septembre 2015.

MOTIVATION

Sur la déchéance de la marque communautaire n° 6 331 029 Sur l'intérêt à agir en déchéance Sur le fondement de l'article 51 du règlement n° 207/2009 du 26 février 2009 et de l'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, la défenderesse sollicite la déchéance des droits de la société MC E sur la marque communautaire LES DEGLINGOS pour défaut d'usage sérieux des produits ou services suivants visés dans l'enregistrement : - en classe 16 : papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d'autres classes ; produits de l'imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau ; matériel d'instruction ou d'enseignement ; matières plastiques pour l'emballage (non comprises dans d'autres classes) ; caractères d'imprimerie clichés ; - en classe 18 : cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d'autres classes ; peaux d'animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie ; - en classe 25 : vêtements, chaussures, chapellerie ; - en classe 28 : jeux ; jouets ; articles de gymnastique et de sport non compris dans d'autres classes ; décorations pour arbres de Noël ; - en classe 41 : éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles. La société MC E soulève l'irrecevabilité de la demande au motif qu'elle est formée pour des services et produits qui ne sont pas opposés au titre de la contrefaçon et que la défenderesse n'a donc pas intérêt à agir. Selon l'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, la déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. La demande reconventionnelle en déchéance doit se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant conformément aux dispositions de l'article 70 du code de procédure civile et, dans la mesure où elle constitue un moyen de défense dans l'action en contrefaçon, le défendeur doit justifier d'un intérêt à agir pour les produits et services qui lui sont opposés et ceux qui y sont identiques ou similaires. En l'espèce, la société MC E poursuit la responsabilité de la société CORA pour contrefaçon de sa marque LES DEGLINGOS que la société MC E aurait reproduit pour désigner des doudous et peluches «mabouls» identiques aux «jeux, jouets » désignés dans l'enregistrement de la marque en cause. La défenderesse est donc recevable à agir en déchéance de la marque LES DEGLINGOS à l'égard des « jeux et jouets » de la classe 28, qui lui sont opposés par l'action en contrefaçon mais non pour les autres services ou produits qui ne sont pas invoqués et qui sont par voie de conséquence étrangers au litige. Sur le défaut d'usage sérieux En vertu de l'article 51 du règlement n°207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire : « Le titulaire de la marque communautaire est déclaré déchu de ses droits [...] «, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n 'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu’il n 'existe pas de justes motifs pour le non-usage ». La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. En l'espèce, il appartient à la société MC E de démontrer d'une exploitation sérieuse de la marque pour les produits « jeux et jouets » depuis novembre 2009, soit dans un délai de 5 ans précédant la demande formulée par conclusions signifiées le 27 novembre 2014. La preuve peut se faire par tous moyens. La société MC E verse aux débats : -les catalogues « LES DEGLINGOS » datés de 2007 à 2013 (pièces 20 à 28 et 49) sur lesquels figurent les peluches, déclinées aussi en accroche-poussettes, spirales d'activité ou hochets, et jeux de cartes, ou encore en chaussons et cartables, - des factures datant de 2010 à 2013 à la société Punch & Judy, leur ancien distributeur, puis à compter de 2014, des factures à différents magasins de jouets en France portant sur les peluches ( pièces 29 à 38) - des articles de presse extraits d'internet, datés de mars et juin 2010 présentant le début de la collection des peluches et son fondateur (pièce 1), - des copies d'écran de juillet et décembre 2014, du site internet GLOBE TROTOYSw.deglingos.com, du site marchand GLOBE TROTOYSw.berceaumagique.com, qui offrent à la vente des peluches. Il résulte de l'examen de l'ensemble de ces pièces qui se corroborent entre elles que la société MC E rapporte suffisamment la preuve de l'usage sérieux de la marque pour les peluches, qui contrairement à ce que la société CORA allègue, sont des produits destinés à distraire des enfants et qui rentrent dans la catégorie des jeux et jouets. En conséquence la demande en déchéance ne saurait prospérer. Sur la déchéance de la marque française n° 3 462 076 Les demanderesses versent aux débats la copie de la marque française LES DEGLINGOS (pièce n°2) qui est au nom de Laurent M sans justifier du transfert qui serait intervenu au profit de la société MC E. Celui-ci n'étant pas partie à la procédure, la société MC E est irrecevable à agir sur le fondement de ce titre et il n'y a pas lieu en conséquence à statuer sur la demande en déchéance. Sur la contrefaçon des marques communautaires n° 6 331 029 et n° 8 576 258 La société MC E justifie être titulaire des deux marques communautaires n° 6 331 029 et n° 8 576 258, enregistrés respectivement les 20 juin 2008 et 31 janvier 2010, portant sur le même signe "les Déglingos" qui visent notamment en classe 28 les "jeux et jouets". Il n'est pas contesté qu'en avril 2014, la marque a été reproduite par la société CORA dans le catalogue de vente des hypermarchés dans l'encart réservé aux peluches Mabouls. La société CORA a reconnu son erreur. La bonne foi étant inopérante en la matière, la contrefaçon est caractérisée. Sur la titularité des droits d'auteur sur le texte publicitaire La société MC E revendique des droits d'auteur sur le texte publicitaire qu'elle a conçu en vue de la promotion des peluches LES DEGLINGOS, texte qu'elle considère original. Elle ajoute par ailleurs que c'est à raison de son originalité que la société CORA s'en est inspirée pour les peluches Mabouls La société CORA conteste l'originalité de texte qui emprunte des mots qui se terminent en « os » connus de longue date, dont le style prétendument détaché ne suffit pas à lui conférer un caractère original. SUR CE L'article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que : " l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ". L'article L 112-1 du même code prévoit que " les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ". L'article L 112-1 précise que « sont considérées notamment comme œuvres de l'esprit au sens du code, 1° les livres, brochures, et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques. » Un texte publicitaire peut être l'objet d'une propriété littéraire et artistique à condition qu'il porte la marque d'une œuvre de l'esprit. L'originalité de l'œuvre doit s'apprécier de manière globale de sorte que la combinaison des éléments qui la caractérise du fait de leur agencement particulier lui confère une physionomie propre qui démontre l'effort créatif et le parti pris esthétique portant l'empreinte de la personnalité de l'auteur. Néanmoins, lorsque cette protection est contestée en défense, l'originalité de l'œuvre doit être explicitée par celui qui s'en prétend l'auteur, seul ce dernier étant à même d'identifier les éléments traduisant sa personnalité. En l'occurrence, la société MC E se prétend auteur du texte « Deglingos : nom masculin familier. Animaux rigolos, foldingos mais pas craignos. Les Deglingos sont une espèce unique d'animaux contaminée par la rigolote aïgue. Ils parlent leur propre langue qui consiste à terminer certains mots par « os » et ont un objectif: participer à la Dégling 'Star. Ils répètent leur première chanson et espèrent la sortir très prochainement. » Elle ne revendique pas l'originalité de l'utilisation des mots employés qui se terminent en « os » mais de la combinaison de cette particularité avec un style rédactionnel sous forme de définition, très direct, avec la description d'un univers nouveau propre aux peluches DEGLINGOS. Pour autant, les termes utilisés pour la composition du texte sont tirés du langage courant, ou des mots se terminant par le suffixe « os » qui sont, selon l'article du Larousse de la langue française, largement connus pour avoir été à la mode dans les années 1980 dans le langage des jeunes. Contrairement à ce que soutient la demanderesse, l'originalité nécessaire à la revendication ne ressort ni de la juxtaposition de ces mots, ni de l'agencement de la phrase. En effet, il s'agit d'un texte employant des mots courants pour des phrases construites comme chacun pourrait le faire, présentant des Déglingos dans l'univers commun de la chanson, dont la présentation sous forme de définition est une idée de libre parcours. Le caractère original ne peut pas non plus se déduire du seul fait que la société CORA l'a utilisé pour promouvoir ses produits, ce qui ne saurait valoir reconnaissance implicite des droits allégués par la société MC E. Il s'ensuit que, faute pour elle d'établir que ce texte porte l'empreinte de la personnalité de son auteur, la société MC E sera déclarée irrecevable à agir en contrefaçon de droit d'auteur. Sur la concurrence déloyale et parasitaire La société GLOBE TROTOYS, filiale de la société MC E qui ne revendique aucun droit privatif, sollicite réparation au titre de la concurrence déloyale et parasitaire reprochant à la société CORA d'avoir indûment tiré profit de la renommée des produits DEGLINGOS et déloyalement bénéficier de leur image en reprenant les éléments de sa stratégie commerciale. Il convient de rappeler que le principe est celui de la liberté du commerce et que ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, que des comportements fautifs tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui tirent profit sans bourse délier d'une valeur économique d'autrui lui procurant un avantage concurrentiel injustifié, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements. La situation de concurrence entre les parties ne constitue plus, en l'état actuel du droit, une condition de l'action en concurrence déloyale. Pour que cette action aboutisse, il faut établir l'existence d'un risque de confusion portant sur l'origine des produits. Il est établi et non contesté que la société CORA a repris le texte publicitaire attaché aux peluches LES DEGLINGOS et la marque éponyme dans le catalogue Cora du 9 au 19 avril 2014, 600 bonnes affaires, dans l'encart réservé aux doudous Maboul qui sont également des animaux en peluche. Selon les articles de presse produits extraits de différents journaux tels que Elle, Modes et travaux, le catalogue Mickey, les produits de la marque Déglingos sont largement diffusés et relayés par la presse auprès du public et, ce encore récemment en 2013 et 2014. La date de ces articles qui peut se lire dans la publicité elle-même faisant référence dans certains cas à la rentrée 2014, ne peut être sérieusement contestée. Il résulte de ce qui précède que la société CORA en procédant à la commercialisation de peluches se référant à la désignation des peluches LES DEGLINGOS par la reprise du texte publicitaire et de la marque, a ainsi profité de l'image connue des peluches LES DEGLINGOS pour promouvoir ses produits au préjudice de la société GLOBE TROTOYS. Sur les mesures réparatrices La société MC E demande réparation sur le fondement de l'article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle du préjudice subi au titre de la contrefaçon à hauteur de 150 000€ en tenant compte des économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que la société CORA aurait retirés de l'atteinte à ses droits, et en réparation de l'avilissement de sa marque. Au titre de la concurrence déloyale, la société GLOBE TROTOYS sollicite réparation à hauteur de 50 000 €. Il ressort du catalogue produit que les doudous Mabouls existent en différentes formes d'animaux, qu'est présenté notamment un cochon dénommé « Doudou Bunny Maboul » en velours côtelé, coton et polyester, au prix de 8,99€ inférieur de moitié au prix des peluches LES DEGLINGOS, vendus entre 20 € et 30 €. Il résulte aussi du catalogue que l'apparence visuelle de la peluche Maboul est contrairement à ce que soutient la défenderesse, beaucoup plus commune que celle des peluches LES DEGLINGOS dont la physionomie et l'allure sont plus recherchées. Cette comparaison évidente n'échappe d'ailleurs pas au message du fan posté sur facebook le 16 juillet 2014, produit par les demanderesses, qui relève à leur attention que soit « vous avez créé une ligne bas de gammos pour la grande distribution sans en parler, soit cora profite de votre marque pour ecoulos des doudous craignos » (pièce 12). Les demanderesses soutiennent que leur préjudice est d'autant plus grand que leurs produits sous la marque LES DEGLINGOS sont commercialisés de façon quasi exclusive auprès de petits détaillants. Elle font état d'une action en concurrence déloyale en cours contre leur ancien distributeur la société Punch&Judy à qui elles reprochent notamment des actes de dénigrement pour avoir fait croire aux revendeurs détaillants en jouets et décorations que la société MC E avait décidé de proposer ses produits à la grande distribution et que c'était la cause de leur désaccord. Toutefois il résulte des pièces produites par la défenderesse que ses peluches sont vendues en ligne sur des sites Amazon et Fnac, par des revendeurs indépendants, mais aussi directement sur le site Cdiscount (pièce 13 défenderesse). Les faits de concurrence déloyale, caractérisés par la reprise du texte consacré aux Déglingos, sont de nature à perturber le réseau de distribution des sociétés demanderesses. Celles-ci versent notamment pour en attester le témoignage de Madame C, VRP multicarte, qui fait part du mécontentement de ses clients qui l'auraient informée de la publicité dans le catalogue Cora et d'une rupture de confiance dans la promesse d'un circuit spécialisé ; cela étant, il peut être relevé que les demanderesses ne produisent aucune autre pièce qui corroborerait un changement réel de comportement des détaillants et une baisse des commandes liée à cette publication (pièce 19). De plus, la défenderesse justifie par son courrier du 22 mai 2014 avoir diffusé très rapidement un erratum qu'elle joint, sur lequel elle indique expressément ne pas commercialiser de produits de la marque Les déglingos. Aucun document financier ni comptable justifiant des investissements ou d'un manque à gagner n'est produit. Il s'ensuit au vu des éléments discutés que le préjudice au titre de la contrefaçon de la marque sera justement réparé par l'allocation de la somme de 5 000 € et au titre de la concurrence déloyale à hauteur de 3000 €. Le préjudice étant ainsi entièrement réparé, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication. Sur les autres demandes Il y a lieu de condamner la société CORA, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. En outre, elle doit être condamnée à verser aux demanderesses, qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qu'il est équitable de fixer à la somme globale de 3 000 euros. Les circonstances de l'espèce justifient le prononcé de l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

. Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe du jugement contradictoire rendu en premier ressort, Déclare la société CORA recevable à agir en déchéance pour les produits « jeux jouets » visés par la marque communautaire n° 6 331 029, La déclare irrecevable à agir en déchéance pour le surplus, Déboute la société CORA de sa demande à ce titre, Déclare la société MC E irrecevable à agir en contrefaçon de la marque française n° 3 462 076, Dit qu'en reproduisant les marques communautaires n° 6 331 029 et 8 576 258 LES DEGLINGOS sur le catalogue de publicité Cora du mois d'avril 2014, la société CORA a commis un acte de contrefaçon au préjudice de la société MC E titulaire de la marque européenne, Condamne la société CORA à payer à la société MC E au titre de la contrefaçon la somme de 5000 €, Condamne la société CORA à payer à la société GLOBE TROTOYS la somme de 3 000 € au titre de la concurrence déloyale. Déclare la société MC E irrecevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur. Déboute les sociétés MC E et GLOBE TROTOYS de leur demande de publication. Condamne la société CORA à payer aux sociétés MC E et GLOBE TROTOYS la somme globale de 3Ô00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ordonne l'exécution provisoire, Condamne la société CORA aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 69 e ) du code de procédure civile par la SELARL C.V.S. en la personne de Me François HERPE.