LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Stéphane X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 18 novembre 2009, qui, pour conduite en état d'ivresse manifeste et non-respect de l'arrêt absolu devant un feu de signalisation, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis et neuf mois de suspension du permis de conduire, et, pour la contravention, à 250 euros d'amende ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen
de cassation, pris de la violation des articles
L. 234-1,
L. 234-3,
L. 234-9 et
R. 233-1 du code de la route, 388,
427,
485,
512,
591 et
593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, requalifiant partiellement les faits, a déclaré M. X... coupable du délit de conduite sous l'empire d'un état d'ivresse manifeste ;
"aux motifs que, sur la régularité du contrôle routier et du dépistage de l'alcoolémie, il convient de rappeler à titre liminaire que l'article
R. 233-1 du code de la route permet à tout policier de procéder à un contrôle routier, que l'article
L. 234-3 permet à tout agent ou officier de police judiciaire de soumettre au dépistage de l'imprégnation alcoolique l'auteur d'une infraction au code de la route et que l'article
L. 234-9 permet à tout officier de police judiciaire de soumettre sur son initiative un conducteur aux épreuves de dépistage ; qu'en l'espèce, deux policiers, dont au moins un officier de police judiciaire, ont rapporté avoir vu le prévenu, au volant de son Audi A 3, franchir un feu tricolore au rouge depuis plus de 10 secondes et ont ensuite intercepté l'automobiliste, avant de le soumettre au dépistage par l'éthylotest ; que les policiers ont indiqué dans leur procès-verbal d'interpellation que le feu rouge se trouvait à l'intersection de la rue Cugnot et de la rue Ferdinand prolongée ; que le prévenu fait plaider qu'aucun feu tricolore ne se trouve à cette intersection, qui d'ailleurs n'existe pas ; que les vérifications opérées par le ministère public depuis la décision de première instance et contradictoirement débattues à l'audience de la cour, ont établi qu'un feu tricolore est bien implanté au lieu de constatation de l'infraction, mais qu'il s'agit de l'intersection de la rue Cugnot et de la rue Ferdinand ; qu'ainsi, les constatations effectuées à l'initiative du prévenu ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations des policiers, à faire disparaître l'infraction de non-respect de feu rouge et encore moins à remettre en cause la validité de la procédure, puisqu'il apparaît que c'est à la suite d'une simple erreur matérielle, due à l'absence de plaques indiquant le nom des rues à cet endroit, que les policiers ont confondu le nom des deux rues voisines Ferdinand et Ferdinand prolongée ; qu'en définitive, il ressort clairement du dossier que le feu rouge en question existe bien et que le prévenu a franchi ce carrefour la nuit des faits ; que la régularité du contrôle routier et du dépistage effectué sur le fondement de l'article
L. 234-3 du code de la route n'est donc pas contestable ; que, sur la régularité du contrôle de l'alcoolémie, le bon fonctionnement de l'éthylomètre doit être établi par son homologation et sa vérification périodique ; que la date de dernière vérification de l'éthylomètre doit être mentionnée dans la procédure ; que, si l'indication, dans le procès-verbal d'infraction, des mentions relatives à l'homologation et à la vérification périodique n'est pas prescrite à peine de nullité, en l'absence de ces mentions, la preuve de la conformité de l'appareil aux prescriptions réglementaires ne peut être apportée indirectement, par des éléments externes desquels le juge pourrait déduire la conformité de l'appareil ; que cette preuve ne peut notamment pas procéder de la seule mention au procès-verbal de la prochaine date de vérification ; qu'il ne s'agit pas là d'une cause de nullité de la procédure, mais que les résultats fournis par un appareil n'ayant pas fait l'objet d'une vérification périodique n'ont pas de valeur probante suffisante ; qu'en l'espèce, la seule mention « valable jusqu'à novembre 2007 » est insuffisante pour permettre de vérifier la conformité de l'appareil, et donc pour garantir la valeur probante des mesures effectuées ; qu'il convient par conséquent d'écarter les résultats de ce contrôle d'alcoolémie et qu'il n'est pas besoin d'examiner les autres critiques formulées par la défense à l'encontre de ce contrôle d'alcoolémie ; que, sur la qualification des faits, il appartient aux juges de donner aux faits qui leur sont soumis leur exacte qualification, à partir de l'ensemble des éléments contradictoirement débattus devant eux ; qu'il résulte de la procédure, et en particulier du procès-verbal ayant pour objet le placement en garde à vue de M. X..., que celui-ci, peu après son interpellation et les vérifications d'alcoolémie, titubait, tenait des propos incohérents et sentait fortement l'alcool ; qu'il n'était pas en mesure de comprendre la portée de la notification de ses droits en garde à vue, ni même de répondre aux questions des policiers ; qu'en raison de cette circonstance insurmontable, l'officier de police judiciaire a dû surseoir à la notification des droits ; que ces constatations suffisent à établir un état d'ivresse flagrant, qui permet à la cour de requalifier le délit reproché à M. X... en conduite sous l'empire d'un état d'ivresse manifeste, étant précisé que cette requalification a été mise dans le débat et que d'ailleurs le conseil du prévenu avait conclu à ce sujet ; qu'enfin, le fait que le rédacteur dudit procès-verbal ait écrit « elle est visiblement sous l'empire de l'alcool » après avoir dans la phrase précédente indiqué : « constatons que cet individu titube », relève de la simple coquille et ne saurait faire accroire que la personne décrite était soudainement devenue une femme inconnue ; qu'il convient donc de requalifier les faits initialement qualifiés de conduite en état alcoolique et de déclarer M. X... coupable du délit de conduite sous l'empire d'un état d'ivresse manifeste et de la contravention de non-respect de feu rouge, et d'entrer en voie de condamnation à son encontre ; qu'en raison de l'état d'ivresse particulièrement important sous l'empire duquel M. X... a entrepris de traverser l'agglomération stéphanoise au volant de sa voiture, prenant le risque de causer des accidents graves, notamment en ne respectant pas un feu de signalisation, il convient de sanctionner le prévenu par une peine d'emprisonnement avec sursis de deux mois et par une suspension du permis de conduire de neuf mois ; qu'une amende de 250 euros sera également prononcée pour le non-respect du feu rouge ;
"1) alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits de la prévention, lesquels doivent rester tels qu'ils ont été retenus dans l'acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d'être jugé sur des faits nouveaux ; qu'en l'espèce, il était reproché à M. X... d'avoir, à Saint-Etienne, le 9 septembre 2007, conduit un véhicule alors qu'il se trouvait, même en l'absence de tout signe d'ivresse manifeste, sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par la présence dans l'air expiré d'un taux d'alcool pur égal ou supérieur à 0,40 mg par litre d'air, en l'espèce 0,91 mg/litre d'air expiré ; qu'ainsi, il n'était nullement reproché au prévenu d'avoir conduit un véhicule en état d'ivresse manifeste, caractérisé par des signes extérieurs constatés par les enquêteurs au moment de l'interpellation de l'intéressé ; que, dès lors, en énonçant, pour déclarer M. X... coupable de conduite en état d'ivresse manifeste, qu'il résultait du procès-verbal de placement en garde à vue, que le prévenu, peu après son interpellation, titubait, tenait des propos incohérents et sentait fortement l'alcool, la cour d'appel, qui a retenu à la charge du prévenu des faits non visés à la prévention et à propos desquels il ne résulte pas de l'arrêt que le prévenu ait accepté d'être jugé, a violé l'article
388 du code de procédure pénale ;
"2) alors que toute personne poursuivie ayant conformément aux dispositions de l'article 6 § 3 a) de la Convention européenne des droits de l'homme le droit d'être informée des faits matériels qui lui sont imputés et de la qualification juridique donnée à ces faits, ainsi que le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, la juridiction pénale qui opère une requalification des faits poursuivis doit en informer préalablement le prévenu et le mettre en mesure de présenter utilement sa défense sur la nouvelle qualification envisagée ; qu'ainsi, l'éventualité d'une requalification des faits doit être portée à la connaissance du prévenu au plus tard au cours des débats devant la juridiction correctionnelle ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour requalifier les faits, initialement qualifiés de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, en conduite en état d'ivresse manifeste, à énoncer que cette requalification a été « mise dans le débat », bien qu'il ne résulte d'aucune mention de l'arrêt que la requalification des faits ait été envisagée au cours des débats devant la cour d'appel, ni, partant, que le prévenu ait pu présenter ses observations en temps utile sur la nouvelle qualification pénale ainsi retenue, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article
388 du code de procédure pénale, ensemble le principe de l'égalité des armes et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"3) alors qu'il ne résulte pas de la seule mention selon laquelle la requalification a été « mise dans le débat » que le prévenu ait effectivement été invité à en débattre en temps utile, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article
388 du code de procédure pénale ;
"4) alors que, loin de se défendre au fond, dans ses conclusions d'appel, sur la qualification de conduite en état d'ivresse manifeste, M. X... s'est borné à indiquer qu'une telle requalification était exclue ; que, dès lors, en énonçant que le prévenu avait « conclu à ce sujet » pour en déduire que la requalification opérée était conforme aux prescriptions de l'article
388 du code de procédure pénale, la cour d'appel, qui a dénaturé lesdites conclusions, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article
593 du code de procédure pénale, ensemble l'article
388 de ce code ;
"5) alors que la requalification des faits relevant de la seule compétence de la juridiction de jugement et ne constituant pour cette dernière qu'une éventualité, quelle que soit la portée des conclusions dont elle est saisie, la circonstance que, dans ses écritures d'appel, le prévenu ait envisagé, pour la réfuter, la possibilité d'une requalification des faits n'a ni pour objet ni pour effet de soustraire la juridiction de jugement, lorsqu'elle décide de procéder à une telle requalification, à l'obligation d'inviter expressément le prévenu à s'en expliquer et à présenter ses observations en temps utile ; que, dès lors, en énonçant que le prévenu avait « conclu à ce sujet » pour en déduire que la requalification opérée était conforme aux prescriptions de l'article
388 du code de procédure pénale, la cour d'appel, qui s'est déterminée par une motivation inopérante, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article
388 du code de procédure pénale ;
"6) alors, subsidiairement, que le délit de conduite sous l'empire d'un état d'ivresse manifeste n'est caractérisé qu'à la condition que l'ivresse qui n'est qu'un état passager soit constatée au moment même de l'interpellation de l'intéressé ; qu'en l'espèce, si le procès-verbal n° 07-15367 énonce que, le 9 septembre 2007 à 2 h 55, M. X... a été interpellé et soumis à un dépistage de l'imprégnation alcoolique qui se serait révélé positif, il n'indique nullement qu'au moment de cette interpellation, M. X... présentait les signes d'une ivresse manifeste ; que ce n'est que trente minutes plus tard, soit à 3 h 25, que le procès-verbal de placement en garde à vue a déclaré constater : « cet individu titube, tient des propos incohérents, que son haleine sent fortement l'alcool » ; qu'il ne ressortait d'aucune des pièces de la procédure que l'ivresse manifeste alléguée existait au moment où M. X... était au volant de son véhicule ; que, dès lors, en se déterminant par la circonstance qu'il résultait de la procédure, et en particulier du procès-verbal de placement en garde à vue, que M. X... titubait, tenait des propos incohérents et sentait fortement l'alcool « peu après son interpellation », quand trente minutes s'étaient écoulées depuis l'interpellation lors de laquelle il n'avait pas été relevé d'ivresse manifeste, la cour d'appel, qui a dénaturé les procès-verbaux susvisés, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article
593 du code de procédure pénale" ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la requalification en conduite en état d'ivresse manifeste des faits initialement qualifiés de conduite sous l'empire d'un état alcoolique a été soumise au débat contradictoire dès lors que, dans ses conclusions d'appel, l'avocat du prévenu a été en mesure de la contester ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen
de cassation, pris de la violation des articles
R. 412-30 du code de la route, 388,
427,
485,
512,
591 et
593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable de la contravention de non-respect d'un feu rouge fixe ;
"aux motifs que les vérifications opérées par le ministère public depuis la décision de première instance, et contradictoirement débattues à l'audience de la cour, ont établi qu'un feu tricolore est bien implanté au lieu de constatation de l'infraction, mais qu'il s'agit de l'intersection de la rue Cugnot et de la rue Ferdinand ; qu'ainsi, les constatations effectuées à l'initiative du prévenu ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations des policiers, à faire disparaître l'infraction de non respect de feu rouge et encore moins à remettre en cause la validité de la procédure, puisqu'il apparaît que c'est à la suite d'une simple erreur matérielle, due à l'absence de plaques indiquant le nom des rues à cet endroit, que les policiers ont confondu le nom des deux rues voisines Ferdinand et Ferdinand prolongée ; qu'en définitive, il ressort clairement du dossier que le feu rouge en question existe bien et que le prévenu a franchi ce carrefour la nuit des faits ; qu'il convient donc de déclarer M. X... coupable de la contravention de non-respect de feu rouge et d'entrer en voie de condamnation à son encontre ;
"alors que le juge répressif ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui ; que, dès lors, en se déterminant par la seule circonstance que « les vérifications opérées par le ministère public depuis la décision de première instance, et contradictoirement débattues à l'audience de la cour, ont établi qu'un feu tricolore est bien implanté au lieu de constatation de l'infraction », pour en déduire que le prévenu avait effectivement commis la contravention de non-respect d'un feu rouge fixe mentionnée dans le procès-verbal des policiers, quand aucune des mentions de l'arrêt attaqué ne précise la nature ni la teneur des « vérifications » auxquelles aurait procédé le représentant du ministère public en cause d'appel, ni n'établit en quoi le résultat de ces investigations aurait été soumis au débat contradictoire, la cour d'appel a violé l'article
427 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments l'infraction dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article
567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;