Chronologie de l'affaire
Tribunal administratif de Toulouse 29 janvier 2015
Cour administrative d'appel de Bordeaux 13 octobre 2015

Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 13 octobre 2015, 15BX01475

Mots clés visa · risque · ressort · territoire · représentation · délai · quitter · préfet · étranger · renvoi · requête · résidence · éloignement · validité

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro affaire : 15BX01475
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Toulouse, 29 janvier 2015, N° 1500393
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur : Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public : M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CANADAS

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Toulouse 29 janvier 2015
Cour administrative d'appel de Bordeaux 13 octobre 2015

Texte

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2015 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi, et de la décision du même jour prononçant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1500393 du 29 janvier 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 avril 2015, M. E..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 janvier 2015 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 27 janvier 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi no 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.


Considérant ce qui suit

:

1. M.E..., ressortissant tunisien, est entré régulièrement en France le 21 juillet 2014, muni de son passeport revêtu d'un visa d'un durée de validité de 90 jours, lui donnant la possibilité de voyager entre le 16 juillet 2014 et le 10 janvier 2015. Il a été interpellé par les agents de la police aux frontières des Pyrénées-Atlantiques le 26 janvier 2015. Il relève appel du jugement n° 1500393 du 29 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 janvier 2015 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi et de la décision du même jour prononçant son placement en rétention administrative.

Sur la régularité du jugement :

2. M.E..., en soutenant que " le premier juge n'a manifestement pas suffisamment examiné les moyens... [démontrant] que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation concernant sa situation personnelle ", conteste non la régularité du jugement mais l'appréciation qu'a portée le tribunal sur sa demande. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement ne peut dès lors qu'être écarté.

Sur la légalité :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions :

3. Les décisions attaquées ont été signées par M. G...B..., directeur de cabinet du préfet des Pyrénées-Atlantiques. Par un arrêté du 3 octobre 2014, régulièrement publié au recueil spécial n° 115 des actes administratifs de la préfecture consultable sur le site internet de la préfecture, le préfet des Pyrénées Atlantiques a donné à Mme Marie Aubert, secrétaire générale de la préfecture, délégation à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, déférés, contrats, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les mesures d'éloignement et de placement en rétention administrative. Ce même arrêté dispose qu'en cas d'absence ou d'empêchement de MmeA..., la délégation qui lui est conférée sera exercée par M. G...B..., directeur de cabinet du préfet. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date des décisions attaquées, Mme A...n'aurait pas été absente ou empêchée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de ces décisions manque en fait.

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

4. Aux termes de l' article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I -L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (. . .) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants :(. . .) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (. . .) sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ".

5. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise l'article L.511-1 I 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant étranger qui s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté indique que M. E... a été interpellé le 26 janvier 2015 en situation irrégulière, la durée de validité de son visa ayant expiré, qu'il est arrivé en France le 21 juillet 2014 et qu'il n'a jamais sollicité de titre de séjour. Il indique également que l'intéressé ne se prévaut pas d'attaches familiales en France alors que résident en Tunisie ses parents et ses trois frères et soeurs. Par suite, l'arrêté attaqué, qui énonce des éléments concernant la vie privée et familiale de l'intéressé, est suffisamment motivé. En outre, M. E...ne saurait utilement se prévaloir des dispositions du point 1.1.1 de la circulaire du 25 janvier 1990 relatives à la motivation des arrêtés de reconduite à la frontière, lesquelles sont dépourvues de caractère règlementaire.

6. En deuxième lieu, M. E...soutient que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle. Cependant, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans enfant et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie où il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans et où résident toujours ses parents et trois de ses frères et soeurs. Dans ces conditions, et même si l'un de ses frères séjourne régulièrement en France en qualité de conjoint d'une ressortissante française, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire :

7. Aux termes de l'article L.511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter à cet effet; un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. 1 Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français: (. . .) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustrait à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants: (. . .) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (. . .) "

8. En premier lieu, l'arrêté attaqué reprend en substance les dispositions précitées de l'article L.511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que M. E...s'est maintenu en France après l'expiration de son visa, qu'il n'a pas cherché à régulariser sa situation administrative, et qu'il a reconnu, lors de son audition par les services de police, qu'en sollicitant la délivrance d'un visa de court séjour, sa seule intention était de s'installer définitivement en France. Il indique également que M. E...ne présente pas de garanties de représentation dès lors qu'il ne dispose pas d'un domicile à son nom, et que le fait qu'il soit hébergé ne permet pas de considérer qu'il demeurera à disposition de l'administration. Il en conclut ainsi que l'intéressé pourrait se soustraire à l'exécution de cette mesure d'éloignement si un délai pour quitter le territoire français lui était laissé et qu'ainsi, le risque de fuite est caractérisé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision manque en fait.

9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement prise à son encontre à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire.

10. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet aurait refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire en s'estimant lié par les critères énoncés par les dispositions précitées.

11. En quatrième lieu, M. E...soutient que le risque de fuite n'est pas caractérisé dès lors qu'il n'a pas l'intention de séjourner sur le territoire français et qu'il présente des garanties de représentation suffisantes. Cependant, si l'intéressé possède effectivement un passeport en cours de validité, il ressort des pièces du dossier qu'il détenait, lors de son interpellation par les services de police, une carte d'identité française à un autre nom que le sien et sur laquelle figurait pourtant sa photographie. En outre, s'il justifie d'un hébergement chez son frère, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français depuis le mois de juillet 2014, sans chercher à régulariser sa situation administrative, a déclaré, lors de son audition par les services de police, qu'il avait sollicité un visa en vue de se maintenir durablement en France et d'y exercer un emploi. Enfin, si le requérant fait valoir qu'un délai plus long lui aurait permis " d'organiser dignement son départ ", il est célibataire et sans enfant et ne produit aucun document ni n'allègue d'aucune circonstance qui aurait justifié que lui soit octroyé un délai de départ volontaire alors qu'il avait déclaré qu'il ne souhaitait pas retourner en Tunisie. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que le risque de fuite de l'intéressé était caractérisé et qu'ainsi, le préfet pouvait, pour ce motif, lui refuser un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. L'arrêté attaqué mentionne les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des traitements contraires à l'article 3 de cette convention en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, elle est suffisamment motivée.

En ce qui concerne le placement en rétention administrative :

13. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2. l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (. . .) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (. . .) ". Selon l'article L. 551-2 du même code : " La décision de placement (...) est écrite et motivée (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 561-2 du même code: "Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au Il de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (. . .) ".

14. En premier lieu, la décision prononçant le placement en rétention administrative de M. E...vise l'article L.551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et qu'il ne peut quitter immédiatement le territoire français. Cette décision mentionne également qu'il ne présente pas de garanties de représentation eu égard à l'absence de domicile fixe et de ressources stables et au fait qu'il n'a jamais cherché à régulariser sa situation administrative, et qu'ainsi, il ne peut bénéficier d'une mesure d'assignation à résidence. Par suite, la décision susvisée, qui ne s'est pas bornée à indiquer qu'il ne pouvait être éloigné immédiatement du territoire français mais a vérifié s'il disposait de garanties de représentation propres à prévenir le risque de fuite, est suffisamment motivée.

15. En deuxième lieu, et ainsi qu'il a été dit plus haut, il ressort des pièces du dossier que M. E...ne dispose pas d'un domicile fixe, étant hébergé par son frère, ni de ressources stables, et qu'il s'est maintenu irrégulièrement en France sans rechercher à régulariser sa situation administrative. En outre, s'il dispose d'un passeport en cours de validité, il ressort des pièces du dossier que lors de son interpellation, il était en possession d'une fausse carte d'identité française sur laquelle figurait sa photographie. De plus, si l'intéressé soutient dans sa requête qu'il n'a pas l'intention de rester en France, il a en revanche déclaré, lors de son audition par les services de police, qu'il avait sollicité un visa court séjour en Tunisie avec l'intention de s'établir durablement sur le territoire français et a reconnu avoir acheté cette fausse carte d'identité française afin d'optimiser ses chances de trouver un emploi. Dans ces conditions, et quand bien même l'intéressé était hébergé par son frère, le préfet des Pyrénées-Atlantiques, en estimant qu'il ne présentait pas des garanties suffisantes propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre et qu'il ne pouvait ainsi bénéficier d'une mesure d'assignation à résidence, n'a pas entaché sa décision d'un erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intéressé et celles tendant à l'application des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :



Article 1er : La requête de M. F...E...est rejetée.

''

''

''

''

2

N° 15BX01475