Tribunal de grande instance de Paris, 14 avril 2016, 2014/10491

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2014/10491
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : AGILBEE ; BE AGILE Partenaire de votre développement
  • Classification pour les marques : CL09 ; CL16 ; CL35 ; CL38 ; CL41 ; CL42
  • Numéros d'enregistrement : 3895843 ; 4002834
  • Parties : AGILBEE SARL / Be AGILE SAS ; A (Eric)
  • Président : Monsieur A en sa qualité de
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Texte intégral

TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 14 avril 2016 3ème chambre 1ère section N° RG : 14/10491 DEMANDERESSE Société AGILBEE, SARL [...] 75015 PARIS représentée par Me Matthieu CORDELIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0473 DÉFENDEURS Société Be AGILE, SAS [...] 92081 PARIS LA DEFENSE Monsieur Eric A représentés par Me Jean-Marc PUECH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2232 COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C, Vice-Présidente Julien R. Juge Amélie J. Juge assistés de Léoncia B. Greffier DEBATS À l'audience du 07 mars 2016 tenue publiquement JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoirement en premier ressort EXPOSE DU LITIGE La société AGILBEE se présente comme exerçant depuis le 10 septembre 2007 dans le conseil, la formation professionnelle et le "coaching" dans les domaines de la gestion de projets, le management, la conduite du changement. Elle est notamment titulaire de la marque verbale française «AGILBEE» n°3 895 843 déposée le 09 février 2012 et enregistrée le 1er juin 2012 pour les produits et services des classes 9. 16. 35. 38.41 et 42. Elle est également titulaire du nom de domaine « AGILBEE.COM » enregistré le 14 septembre 2007 auprès du registrar Domain.com LLC. Elle explique qu'elle fait usage de sa marque "AGILBEE" depuis 2007 accompagnée du slogan "BE AGILE". La société Be AGILE, créée en 2013, se présente pour sa part comme une société consacrée aux prestations de "conseil, d'études, d'analyse, de formation, d'audit et de coaching pour les entreprises notamment en lien avec les nouvelles technologies (Téléphonie. Internet. Cloud. Sécurité)". Elle explique être par exemple en charge de formations sur différentes techniques de vente à destination des équipes commerciales de SFR et Orange et fournir des prestations d'assistance technique en télécommunications, d'assistance à maîtrise d'ouvrage et/ou de maîtrise d'œuvre à des sociétés privées ou publiques tel que le Crédit Agricole ou la Mairie d'Orvault. Elle exploite la marque complexe n°4 003 834 " Be Agile Partenaire de votre développement" déposée le 3 mai 2013 par Monsieur Eric A. Président et actionnaire de la société Be AGILE, et enregistrée le 30 août 2013 pour les produits et services des classes 35. 37.38.41 et 42. Suivant contrat de cession de marque en date du 1er janvier 2016, non inscrit au Registre National des Marques, la société Be AGILE a acquis de Monsieur Eric A les droits sur la marque susvisée. Elle est également titulaire du nom de domaine "beagile.fr" enregistré le 4 mars 2013 auprès du registrar Gandi.net. La société AGILBEE indique avoir découvert en mars 2014 l'existence de la société Be AGILE exerçant des activités identiques aux siennes et exploitant de fait la marque "BE AGILE" qui constituerait une imitation de sa marque "AGILBEE". Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 26 mars 2014, elle a. par l'intermédiaire de son conseil en propriété industrielle, mis en demeure la société Be AGILE de cesser toute exploitation de ce signe. En l'absence de réponse, la société AGILBEE l'a assignée devant la présente juridiction par acte d'huissier en date du 5 juin 2014 en contrefaçon de marque ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire. Par acte séparé du 25 février 2015, elle a fait assigner Monsieur Eric A en intervention forcée aux mêmes fins. Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état en date du 14 avril 2015. Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 23 novembre 2015. auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société AGILBEE demande au Tribunal, au visa des articles 711-2, L.711-4, L.711-3 c), L.714-3 et L. 713-3 et L.716-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle et de l’article 1382 du code civil et sous le bénéfice de l'exécution provisoire de: Dire et juger que la société BE AGILE et Monsieur A se sont rendus auteurs d'actes de contrefaçon de la marque français AGILBEE n°3 895 843 ; Dire et juger que la société BE AGILE s'est rendue auteur d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société AGILBEE ; Condamner solidairement la société BE AGILE et Monsieur Eric A à payer à la société AGILBEE la somme de 50.000.00 euros en réparation des actes de contrefaçon; Condamner la société BE AGILE à payer à la société AGILBEE la somme de 50.000,00 euros en réparation des actes de concurrence déloyale ; Prononcer la radiation de la marque n°4 002 834 pour contrefaçon et ordonner la communication du jugement à intervenir par la plus diligente des parties aux services de l'INPI ; Prononcer le transfert du nom de domaine "beagile.fr" au profit de la société AGILBEE et à défaut la radiation du nom de domaine "beagile.fr" et ordonner la communication du jugement à intervenir par la partie la plus diligente a l'AFNIC ou au registrar concerné; Dire irrecevable ou, à défaut, débouter la société BE AGILE en ses demandes reconventionnelles en contrefaçon et dommages-intérêts pour procédure abusive par défaut de fondement ; À TITRE SUBSIDIAIRE ET INFINIMENT SUBSIDIAIRE : Ordonner le transfert ou, à défaut, l'annulation de la marque français BE AGILE n°4 002 834 par communication du jugement à intervenir par la plus diligente des parties aux services de l'INPI ; EN TOUT ETAT DE CAUSE : Ordonner à la société BE AGILE et à Monsieur A de cesser toute exploitation du signe BE AGILE à titre de marque, à titre de dénomination sociale et/ou à titre de nom de domaine, ainsi que de procéder au transfert au profit de AGILBEE ou, à défaut, la radiation du nom de domaine "beagile.fr", sous astreinte de 300 euros par jour de retard; Ordonner la publication judiciaire du jugement à intervenir ou de toute mention laissée à l'appréciation du Tribunal de céans dans 5 (cinq) publications de presse papier ou sur internet, aux frais solidairement de la société BE AGILE et de Monsieur Eric A dans la limite d'une durée de six mois et pour des frais d'insertion ne pouvant toutefois excéder la somme de 15.000,00 euros; Condamner solidairement la société BE AGILE et Monsieur Eric A à payer à la société AGILBEE la somme de 10.000.00 euros au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamner solidairement la société BE AGILE et Monsieur Eric A aux entiers dépens dont autorisation donnée à Me Matthieu CORDELIER de les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; En réplique, dans leurs dernières écritures notifiées par la voie électronique le 2 février 2016, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de leurs moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société Be AGILE et Monsieur Eric A demandent au tribunal, au visa des articles 122, 126 du code de procédure civile, des articles 1202 et 1382 du code civil, des articles L.711-1, et suivants, L.712-6, et suivants. L713-3 et L.716-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de: Dire irrecevable l'ensemble des demandes de la société AGILBEE à la condamnation solidaire de Monsieur Eric A et de la société Be AGILE; Dire et juger que la société Be AGILE, tout comme Monsieur Eric A, ne s'est pas rendue coupable de contrefaçon de la marque verbale française AGILBEE n° 3 895 843 au préjudice de la société AGILBEE ; Dire et juger que la société Be AGILE, tout comme Monsieur Eric A, ne s'est pas rendue coupable de concurrence déloyale au préjudice de la société AGILBEE : Dire et juger qu'il n'y a pas lieu de consentir à la revendication de la société AGILBEE d'ordonner le transfert de la marque Be AGILE n° 4 002 834 ni de prononcer à défaut son annulation; Dire et juger qu'il n'y a pas lieu de prononcer la radiation de la marque Be AGILE n° 4 002 834, ni d'ordonner la communication du jugement à intervenir à l'INPI; Débouter la société AGILBEE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions que ce soit à titre principal, à titre subsidiaire ou en tout état de cause: RECONVENTIONNELLEMENT : Dire et juger que la société AGILBEE s'est rendue coupable de contrefaçon de la marque Be AGILE n° 4 002 834 au préjudice de la société Be AGILE ; Ordonner à la société AGILBEE de cesser toute exploitation ou usage du signe « Be AGILE notamment à titre de slogan : Condamner la société AGILBEE à payer à la société Be AGILE la somme de 15.000. 00 euros en réparation des actes de contrefaçon: Condamner la société AGILBEE à payer à la société Be AGILE, ainsi qu'à Monsieur Eric A, la somme de 15.000, 00 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive; Condamner la société AGILBEE à payer à la société Be AGILE, ainsi qu'à Monsieur A, une somme de 15.000. 00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à tous les dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Jean-Marc Puech, par application de l'article 699 du même code. L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2016.

MOTIFS

1 -Sur la recevabilité des demandes de la société AGILBEE Au visa des articles 1202 du code civil et 122 du code de procédure civile, la société Be AGILE et Monsieur Eric A soutiennent que l'absence de précision du fondement sur lequel est sollicitée la solidarité des condamnations sollicitées à leur encontre entraîne l'irrecevabilité des demandes pour défaut de qualité à agir. Ils ajoutent que Monsieur A en sa qualité de président de la société Be AGILE n'est pas légalement responsable des agissements éventuels de la société en l'absence de démonstration d'une faute intentionnelle et d'une particulière gravité de sa part. La société AGILBEE répond que la mise en cause de Monsieur A est justifiée par le fait qu'il était à la date de l'introduction de l'instance le seul titulaire de la marque, cédée à la société Be AGILE en cours de procédure, et qu'elle était donc nécessaire à la recevabilité des demandes. Elle souligne que les faits litigieux sont antérieurs à la cession et en déduit que les demandes solidaires sont recevables dès lors qu'elles sont formées à l'encontre de Monsieur A en qualité de titulaire de la marque et à l'encontre de la société Be AGILE en tant qu'exploitante de celle-ci. Elle ajoute que ces demandes sont en outre justifiées par le fait que la société Be AGILE et son président agissent nécessairement de concert pour l'exploitation de la marque. Sur ce Conformément à l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Et, en application des articles 31 et 32 du même code, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir étant irrecevable. En l'espèce, les défendeurs déduisent l'irrecevabilité des demandes formulées solidairement à leur encontre de l'absence de précision du fondement permettant cette solidarité. Cependant, le bien-fondé de cette demande de solidarité entre les défendeurs relève d'un examen au fond des demandes et ne constitue pas un moyen d'irrecevabilité de celles-ci, la qualité et l'intérêt à agir de la société AGILBEE en contrefaçon de marque à l'encontre de la société BE AGILE en qualité d'exploitant delà marque litigieuse et de Monsieur Eric A en qualité de titulaire de celle-ci lorsque l'instance a été introduite étant parfaitement établie. Les demandes en concurrence déloyale sont quant à elles formées uniquement à l'encontre de la société BE AGILE à qui il est reproché divers agissements fautifs tenant à l'atteinte portée au slogan de la demanderesse et à l'imitation de son site internet et sont donc également recevables. La fin de non-recevoir opposée par la société Be AGILE et Monsieur Eric A sera en conséquence rejetée. 2 - Sur la contrefaçon de la marque AGILBEE Au visa de l'article L.713-3 b) du code de la propriété intellectuelle. La société AGILBEE soutient que le signe "BE AGILE" déposé par la défenderesse à titre de marque pour des produits et services identiques aux siens constitue une imitation illicite de sa marque dont elle ne fait qu'inverser les syllabes. Elle affirme qu'existe entre les signes AGILBEE et BE AGILE une similitude sur le plan visuel, phonétique et intellectuel, les deux évoquant la notion d'agilité appliquée à des services de formation et de conseil identiques, emportant un risque de confusion important auprès du public visé, à savoir des professionnels d'attention moyenne mais connaissant parfaitement les techniques dites "agiles" dans les domaines de la formation et du coaching en entreprise. Elle ajoute que les autres éléments composants la marque BE AGILE sont insignifiants et ne réduisent pas le risque de confusion, qui est au contraire accru par le fait que le terme BE AGILE est aussi utilisé à titre de dénomination sociale et de nom de domaine. Elle sollicite dès lors, outre la condamnation solidaire des défendeurs à lui payer des dommages et intérêts au titre des actes de contrefaçon commis, l'interdiction d'exploiter le signe "BE AGILE" comme marque, dénomination sociale et/ou nom de domaine, le transfert du nom de domaine beagile.fr à son profit ou à défaut "sa radiation" ainsi que "la radiation de la marque n°4 002 834 de Monsieur A'. En réponse, la société BeAGILE et Monsieur Eric A concluent à l'absence de similarité entre les signes tant sur le plan phonétique (AGILBEE se prononçant en un seul mot. " à la française comme bouche-béé" et non à l'anglaise), auditif ("« AGILBEE » se prononce [agit] fbé] en une seule fois avec une accentuation sur la partie finale et « lie AGILE » se prononce fbi] [agile] avec une accentuation sur la première partie du signe, bien distincte de la finale"), graphique (marque verbale en lettre bâton contre marque complexe associant élément verbal, figuratif et slogan), visuel (lettres d'attaque distinctes, élément figuratif essentiel pour la marque BE AGILE), intellectuel et conceptuel (injonction à être dynamique d'un côté, référence au mode de travail en équipe des abeilles de l'autre). Ils affirment également que les produits et services sont tout à fait distincts, la société BE AGILE intervenant dans des activités de "conseil en télécommunications''' alors que la société AGILBEE est spécialisée dans "le marché de niche d'un centre de formation délivrant les certifications d'un grand maître du S membre d'une AGILEALLIANCE, sponsor d'argent des SCRUMDAYS 2015 dont les formations sont normées, profondément imprégnées par une culture de la programmation et du logiciel'. Ils rappellent que dans l'examen du risque de confusion, il convient de prendre en considération les marques en cause considérées chacune dans leur ensemble, sans extraire un composant d'une marque complexe et en déduisent qu'en l'absence de similarité entre les signes et les services concernés, le public pertinent, qui doit être entendu comme des professionnels dotés d'un haut niveau d'attention en raison des budgets en jeu, ne peut être amené à confondre les deux marques telles qu'enregistrées. Sur ce Conformément à l'article L 716-1 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon, qui peut être prouvée par tout moyen en vertu de l'article L 716-7 du même code, engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L 713-2, L 713-3 et L 713-4 du même code. En vertu de l'article 713-2 du code de la propriété intellectuelle. Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire: a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que: "formule, façon, système, imitation, genre, méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement; b) La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée. Aux termes de l'article L 713-3 du code de propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public: a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement. En application du droit interne interprété à la lumière de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres conformément au principe posé par l'arrêt Von Colson et Kamann c. Land Nordhein-Westfalen du 10 avril 1984 comme en application directe du droit communautaire, le risque de confusion doit faire l'objet d'une appréciation abstraite par référence au dépôt d'une part en considération d'un public pertinent correspondant au consommateur des produits et services concernés normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, et d'autre part par comparaison entre le signe litigieux utilisé et la marque protégée par référence à son enregistrement indépendamment de ses conditions d'exploitation mais également par comparaison des services et produits visés dans l'enregistrement et des produits et services commercialisés sous le signe litigieux. Le risque de confusion est en outre analysé globalement : tous les facteurs pertinents, dont la notoriété de la marque et l'importance de sa distinctivité, doivent être pris en considération, l'appréciation globale de la similitude de la marque et du signe litigieux devant être fondée sur l'impression d'ensemble qu'ils produisent au regard de leurs éléments distinctifs et dominants. Pour l'appréciation du caractère similaire ou non des produits et services proposés par les deux sociétés en présence sous les signes litigieux, les parties produisent notamment les pièces suivantes: - les extraits Kbis des deux sociétés aux termes desquels la société AGILBEE, créée en décembre 2007, a pour activité principale "la formation professionnelle et l'édition de formations'''' tandis que la société Be AGILE, créée en juillet 2013 exerce dans les domaines de "la conception, la réalisation de missions de conseil, d'audit, d'études de formation et d'assistance dans les domaines des nouvelles technologies, de l'organisation et des ressources humaines au profit des entreprises privées ou publiques, la diffusion d'information au travers de site internet, l'organisation et la conduite de colloques, de conférences, de congrès et de salons, [...:] - les statuts des deux sociétés qui précisent, concernant la société AGILBEE, que son objet concerne notamment "la formation professionnelle dans le domaine de l’informatique, de l'organisation d'entreprise, du management et plus largement tous les domaines relatifs aux sciences, à la recherche ou à la culture: l'achat et la vente de tous articles et produits afférents à ces domaines d'activité: l'édition, la conception, l'élaboration, la fabrication et la commercialisation de tous produits sur tous supports destinés à la formation et aux loisirs [...]" (statuts mis à jour le 20 mars 2013) et concernant la société Be AGILE, qu'elle a pour objet les mêmes activités principales que celles décrites dans l'extrait Kbis (statuts mis à jour le 31 mars 2014). - les présentations des activités respectives des deux sociétés sur leurs sites internet dont il résulte que la société AGILBEE "conseille et accompagne les organisations dans leur conduite de changement pour devenir plus Agile : Equipe Projet. Management, Innovation. Coaching d'Entreprise. Coaching de Coachs. Culture d'Entreprise." et propose pour cela des actions de formation et de coaching dédiées à l'approche "AGILE" en France, tandis que la société Be AGILE se présente comme un "cabinet de conseil orienté vers l'accompagnement au changement dans tous les secteurs d'activité et sur tous types et tailles d'entreprise" et propose pour cela des "conseils en organisation et technologies, de la formation et du coaching en management et en développement commercial sans précision quant à la méthode appliquée. Il en résulte clairement que, contrairement à ce que soutient la société Be AGILE, les deux sociétés en cause exercent des activités identiques de conseil, formation et "coaching" en conduite du changement à destination des entreprises, principalement mais pas uniquement dans le secteur des nouvelles technologies. S'il est établi que la société AGILBEE recourt plus précisément, dans le cadre de ces formations, aux méthodes dites "AGILE", définies dans les années 90 dans le secteur de la programmation logicielle mais étendues depuis à l'accompagnement au changement dans tous les secteurs de l'entreprise, alors qu'aucun élément du débat ne permet d'affirmer que la société Be AGILE s'inscrit dans ce même mouvement, il ne peut en être déduit que la demanderesse interviendrait uniquement dans le secteur informatique alors que les pièces visées ci-dessus établissent au contraire que son offre de conseils, formations et "coaching" concerne de manière plus générale la conduite du changement à tous les niveaux de l'entreprise, que ce soit managerial, technique ou commercial. Cette simple différence de méthode n'emporte donc pas à elle seule une différenciation des produits et services concernés par les marques litigieuses, qui visent de manière identique les services de conseils en organisation et direction des affaires de la classe 35, les services de télécommunications de la classe 38, les services de formation et de coaching de la classe 41 et ceux de conception de systèmes informatiques et de conseil en ce domaine de la classe 42. Il convient en conséquence de retenir, pour l'appréciation globale du risque de confusion, la similarité des services en causes. Le public pertinent est, au regard de ceux-ci, constitué par des professionnels raisonnablement avisés des offres de formation existant sur le marché et attentifs à la qualité des formations délivrées, à leur prix et à la compétence des intervenants formateurs. S'agissant des signes en présence, la marque "AGILBEE" n°3895843 est une marque verbale représentée de manière très basique en lettres bâtons noires. La marque "BE AGILE PARTENAIRE DE VOTRE DÉVELOPPEMENT" n°4002834 est une marque complexe, en couleur, constituée de trois éléments : *un logo représentant un homme stylisé dessiné au moyen d'un cercle et deux demi-cercles, les bras levés et inséré dans un rond vert, * un premier élément verbal "Be Agile", écrit dans une alternance de lettres capitales et scriptes, en police de couleur grise à l'exception du A de "Agile" de couleur verte, situé à droite du logo; * un second élément verbal "partenaire de votre développement" situé en dessous du logo et du signe "Be Agile", écrit en lettres cursives grises en plus petit que "Be Agile". En présence d'une marque complexe, l'appréciation de la similitude entre les signes ne peut se limiter à prendre en considération un seul composant de celle-ci et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d'opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble, (CJCE, 20 sept. 2007. Société des Produits Nestlé/OHMI - Quick Restaurants. C- 193/06 P. point 35). Et si l'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe peut, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants, encore faut-il. pour apprécier ce caractère dominant, procéder à une comparaison des qualités intrinsèques de chacun de ces éléments en examinant leur aptitude plus ou moins grande à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d'une entreprise déterminée, et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d'autres entreprises. En l'espèce, la société AGILBEE se contente d'opérer une comparaison de sa marque avec le seul élément verbal "Be AGILE" en affirmant que les autres éléments sont insignifiants en raison de leur configuration dans la marque complexe, de la reprise de l'élément verbal "Be Agile" comme dénomination sociale et nom de domaine el de la prévalence nécessaire pour le public de la partie verbale et phonétique du signe permettant seul de nommer le service désigné. Toutefois, si l'élément verbal "Be Agile" occupe en effet dans la configuration de la marque complexe une place importante et en tous cas supérieure à celle du signe "Partenaire de votre développement", il est d'importance égale à celle de l'élément figuratif qui occupe le tiers gauche de la marque et ressort particulièrement du fait du coloris vert employé. Ce logo apparaît de plus, en raison de son caractère épuré et stylisé, facilement mémorisable par le public visé et à ce titre susceptible de contribuer, autant que l'élément verbal et en association avec ce dernier, à renseigner celui-ci sur l'origine commerciale des services. Il n'y a donc pas lieu de limiter la comparaison des marques en présence au seul signe "Be Agile". Et dans ces conditions, compte tenu de la juxtaposition d'un élément figuratif et de deux éléments verbaux dans la marque "Be Agile partenaire de votre développement", des couleurs et de la typographie utilisées, l'impression visuelle d'ensemble produite par cette marque est totalement différente de celle suscitée par la marque verbale simple "AGILBEE" et à ce titre insusceptible de créer un risque de confusion pour les professionnels concernés par les services visés, nonobstant la similitude de ces derniers. Et à supposer même que l'élément verbal "Be Agile" soit suffisamment dominant pour être seul pris en compte dans l'appréciation de la similitude des marques en cause, il y aurait lieu de relever que les deux signes ne sont similaires ni sur un plan visuel (lettres bâtons noires pour "AGILBEE", alternances de lettres scriptes et capitales en couleur pour "BE AGILE"), ni sur un plan phonétique, le premier étant constitué d'un seul tenant quand le second se lit en deux mots séparés et la syllabe d'attaque de chacun étant différente. La seule référence conceptuelle commune à la notion d'agilité serait, en l'état des services proposés, insuffisante à générer un risque de confusion auprès du public de professionnel visé, cette similitude étant atténuée par la référence dans le signe AGILBEE à l'abeille (bee en anglais), terme facilement compréhensible des professionnels visés et évocateur de l'habilité de ces animaux au travail en commun et à la collaboration, idée totalement absente de la marque en défense. Dès lors, en l'absence de caractérisation d'un risque de confusion entre les marques en présence, les demandes de la société AGILBEE en contrefaçon de sa marque AGILBEE seront intégralement rejetées, tout comme celles subséquentes visant à interdire sur ce fondement l'usage de la dénomination sociale "Be AGILE", à lui transférer le nom de domaine éponyme. de même que la demande improprement qualifiée de "radiation" de la marque n° 4002834 et devant être comprise comme une demande de nullité de ladite marque pour atteinte à une marque antérieure sur le fondement des articles L.714-3 et L.711-4 du code de la propriété intellectuelle. 3°- Sur la demande subsidiaire en revendication de la marque complexe n° 4002834 "BE AGILE PARTENAIRE DE VOTRE DÉVELOPPEMENT" La société AGILBEE formule à titre subsidiaire une demande de revendication de la marque n° 4002834 sur le fondement de l'article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle s'appuyant sur l'usage de sa dénomination sociale AGILBEE depuis 2007 et de sa marque éponyme accompagnée du slogan "be agile" depuis 2007. La société Be AGILE et Monsieur Eric A, soulignant la contradiction entre cette demande et celle en nullité pour défaut de distinctivité et déceptivité, contestent la fraude, expliquant qu'au moment du dépôt de la marque n°4002834, ils n'avaient pas connaissance de l'existence de la société AGILBEE qui est une "toute petite société parmi des dizaines voire des centaines" d'autres qui se consacrent comme elle aux méthodes agiles ou au S. Sur ce Conformément à l'article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle dans sa version issue de la loi 92-597 du 1er juillet 1992 applicable au litige, si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. À moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement. Par ailleurs, en application du principe fraus omnia corrumpit, un dépôt de marque est frauduleux lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité présente ou ultérieure. La fraude est caractérisée dès lors que le dépôt a été opéré pour détourner le droit des marques de sa finalité, non pour distinguer des produits et services en identifiant leur origine mais pour priver des concurrents du déposant ou tous les opérateurs d'un même secteur d'un signe nécessaire à leur activité. Le caractère frauduleux du dépôt s'apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l'allègue. Dans ce cadre, la notion de fraude est d'interprétation stricte et ne saurait découler de la seule connaissance par le déposant de l'usage d'un signe identique ou similaire antérieur, la mauvaise foi supposant de prendre en considération l'intention de ce dernier au moment du dépôt. En l'espèce, la société AGILBEE se contente de déduire le caractère frauduleux du dépôt de la marque complexe "BE AGILE PARTENAIRE DE VOTRE DÉVELOPPEMENT" de l'usage antérieur de sa dénomination sociale AGILBEE ainsi que de la marque et du slogan du même noM. Ce faisant, elle n'apporte aucun élément de nature à démontrer l'intention frauduleuse de Monsieur Eric A lorsqu'il a procédé à l'enregistrement de la marque litigieuse, ni même la connaissance par ce dernier de l'existence de la société défenderesse et de l'usage par celle-ci à titre de marque du signe constituant sa dénomination sociale ou bien encore du slogan "Be Agile", étant au surplus rappelé, par référence à l'analyse développée au stade de l'examen de la contrefaçon l'absence de similarité entre les marques en cause. En conséquence, la demande en revendication sera rejetée. 4 - Sur la demande subsidiaire en nullité de la marque complexe n° 40028374 "BE AGILE PARTENAIRE DE VOTRE DÉVELOPPEMENT" La société AGILBEE formule à titre infiniment subsidiaire une demande de nullité de la marque complexe n° 4002834 sur le fondement des articles L.711-4 b) et c), L.711 -2, L.711 -3 et L.714-3 du code de la propriété intellectuelle en raison d'une part de l'atteinte portée à sa marque et à sa dénomination sociale antérieure et du risque de confusion en résultant et d'autre part de son caractère soit descriptif et non distinctif soit déceptif. Sur ces derniers points, elle fait précisément valoir que le signe "Be Agile" fait "directement référence au type de prestations déformation professionnelle proposé ainsi qu'à la qualité dudit service de formation en matière d'agilité professionnelle", entendu comme la qualité de savoir-être et de savoir- faire recherchée par les entreprises clientes, raison pour laquelle elle- même a délibérément choisi de ne pas retenir cette expression à titre de marque ou de dénomination sociale. Elle en déduit que le signe "Be Agile" constitue un message à caractère publicitaire insusceptible de jouer un rôle d'identification des services proposés. Elle ajoute que si, comme elle le soutient, la société BE AGILE n'use aucunement des méthodes dites "agiles" dans ses formations, alors sa marque est nécessairement déceptive et de nature à tromper le public sur la nature et la qualité des services de formation et de coaching proposés. La société Be AGILE et Monsieur Eric A répondent que sur le plan des antériorités aucun élément ne laisse supposer l'existence d'un risque de confusion en l'état des signes en cause constitués pour l'un d'une marque complexe et pour l'autre d'une marque verbale simple. Ils contestent le caractère descriptif du signe "Be Agile" en faisant valoir que la société Be AGILE ne recourt pas aux méthodes "agiles" dans le cadre de ses formations, que de plus l'adjectif "agile" appliqué à des services de conseil en stratégie d'audit ou de formation revêt un caractère arbitraire, qu'en outre il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des composantes de la marque complexe et non d'un seul élément verbal. Elle ajoute que le terme "Be Agile " n'est pas déceptif dès lors qu'elle n'a jamais prétendu sur son site internet recourir à ce type de méthode. Sur ce Conformément à l'article L 714-3 du code de la propriété intellectuelle, est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L 711-1 et à L 711- 4, la décision d'annulation ayant un effet absolu. - Sur la nullité pour atteinte aux droits antérieurs de la demanderesse En vertu de l'article L.711-4 du même code, ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment: a) À une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ; b) A une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public: c) A un nom commercial ou à une enseigne connus sur l'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public : d) A une appellation d'origine protégée ou à une indication géographique ; e) Aux droits d'auteur ; f) Aux droits résultant d'un dessin ou modèle protégé ; g) Au droit de la personnalité d'un tiers, notamment à son nom patronymique, à son pseudonyme ou à son image ; h) Au nom, à l'image ou à la renommée d'une collectivité territoriale. Il a déjà été jugé au stade de l'appréciation de la contrefaçon que la marque complexe n° 4002834 ne portait pas atteinte aux droits antérieurs de la société AGILBEE sur sa marque antérieure n°3895843 en l'absence de similarité entre les signes en cause. Par référence à l'analyse développée plus haut, il ne peut y avoir non plus risque de confusion dans l'esprit des professionnels ciblés par les services proposés entre la marque complexe litigieuse et la dénomination sociale de la société demanderesse. Quant à la prétendue atteinte portée au slogan "be Agile" dont la demanderesse affirme qu'elle l'utilise depuis 2007 en association avec la marque "AGILBEE", force est de constater qu'aucune pièce produite ne permet de prouver l'existence d'un usage public antérieur au dépôt de la marque n°4002834. En effet, l'ensemble des éléments produits par la société AGILBEE pour établir l'existence de ce slogan et l'antériorité de son usage sont soit non datés (objets publicitaires produits en pièce 31 et 32 et plaquette commerciale en pièce 17), soit postérieurs au dépôt de la marque litigieuse (échanges de courriers électroniques commerciaux et factures dont le plus ancien, la facture EYE LIKE, est de novembre 2013), soit encore non publics (statuts de AGILBEE de 2007 et 2013). En conséquence, il n'y a pas lieu à annulation de la marque complexe n°4002834 sur ce fondement. - sur le caractère distinctif et non déceptif de la marque complexe n°4002834 Et, en vertu de l'article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle, le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif : a) Les signes ou dénominations qui. dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur. la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ; c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle. Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c), être acquis par l'usage. Ainsi, pour remplir sa fonction essentielle d'identification, une marque doit être distinctive, caractère indépendant de l'originalité ou de la nouveauté qui suppose que les éléments entrant dans sa composition soient arbitraires par rapport aux produits ou services qu'elle désigne et soient perçus par le consommateur comme pouvant identifier l'origine du produit. La réalité du caractère distinctif intrinsèque ou acquis par l'usage doit être appréciée au jour du dépôt de la marque. Non sans contradiction, après avoir soutenu que le signe Be AGILE constituait une contrefaçon par imitation de sa marque dont elle ne faisait qu'inverser les syllabes et en avoir revendiqué la propriété à son profit, la société AGILBEE soutient que la marque complexe n°4002834 souffre d'un défaut de distinctivité pour être descriptive d'une qualité des services visés, à savoir le recours à la méthode AGILE. Comme pour l'appréciation de la similitude entre les signes, l'examen de la distinctivité d'une marque complexe doit s'opérer de manière globale sur l'ensemble des composants de la marque et non sur chacun de ceux-ci pris isolément. Il convient donc d'examiner la capacité du signe litigieux, constitué d'une combinaison de deux éléments verbaux et d'un élément figuratif dont il a été souligné l'égale importance, à identifier les services qu'elle désigne comme provenant de l'entreprise Be AGILE et de les distinguer de ceux d'autres entreprises. À ce titre, la seule allusion dans l'un des deux éléments verbaux au concept d'agilité, dont il est établi qu'en matière de conduite du changement il correspond notamment à une technique particulière, ne prive pas le signe de distinctivité dès lors d'une part, que l'adjectif "agile" est polysémique et susceptible dans le langage courant de faire classiquement écho à la qualité attendue des professionnels confrontés au changement, qualité vers laquelle les formations ou le coaching dispensés promettent donc de tendre, d'autre part qu'aucun élément du dossier ne permet de démontrer que la société Be AGILE fonde ses services sur l'application des techniques dites "agiles", et enfin que les autres composants de la marque complexe, à savoir l'élément verbal "partenaire de votre développement" et le logo figurant un homme stylisé sur fond vert sont dénués de toute référence à cette méthode. Dès lors, et quand bien même la méthode "agile" serait bien au cœur de l'activité de la société Be AGILE, comme l'affirme sans le démontrer la société AGILBEE, la marque complexe litigieuse serait au regard des différents éléments qui la composent simplement évocatrice de la méthode appliquée, et non descriptive de celle-ci. L'article L. 711-3 c du code de la propriété intellectuelle exclut par ailleurs de la protection par le droit des marques les signes "de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service". La déceptivité d'une marque s'apprécie en se plaçant au jour du dépôt, à l'égard des produits et services pour lesquels l'enregistrement a été demandé. Elle suppose que soit créé un risque de confusion dans l'esprit du consommateur moyen des services en cause et que l'on puisse retenir une tromperie effective ou un risque suffisamment grave de tromperie de celui-ci. En l'espèce, la société AGILBEE affirme que le fait pour la société Be AGILE de ne pas recourir aux "méthodes agiles " dans le cadre de ses formations est de nature à tromper le consommateur sur la qualité des services proposés. Il convient de rappeler que le consommateur moyen des services en cause est un professionnel normalement avisé de l'offre de formation existant en matière de formation et d'accompagnement en conduite du changement. Pour qu'une tromperie effective ou un risque grave de tromperie soit établi, il serait donc nécessaire que le terme "agile" puisse, aux yeux des milieux intéressés, être associé à la méthode de formation "agile". Or la société AGILBEE, qui postule la parfaite connaissance par les professionnels desdites techniques, n'apporte aux débats aucun élément susceptible de démontrer la renommée et le succès de cette méthode en matière de conduite du changement, et donc le risque de confusion pour le consommateur visé en matière de services de conseils et de formation, alors que les défendeurs démontrent de leur côté que ce concept d'agilité est aussi utilisé par d'autres acteurs économiques dans différents secteurs pour mettre en axant l'adaptabilité de leurs produits. En conséquence, le grief de déceptivité ne sera pas retenu et la société AGILBEE sera déboutée de sa demande de nullité de la marque complexe noo4002834. 5- Sur les actes de concurrence déloyale La société AGILBEE soutient qu'en adoptant à titre de dénomination sociale, de marque et de nom de domaine l'expression "BE AGILE" qui est son slogan depuis 2007, la société BE AGILE cherche à se placer dans son sillage, ce qui est de nature à induire ses clients en erreur. Elle ajoute que la société AGILBEE adopte un comportement visant à imiter sur son site internet "l'ensemble des services de la société AGILBEE ainsi que bon nombre de référentiels et de mode de présentation de ses activités", qu'elle propose ainsi comme elle les services d'un consultant "certifié master traîner", qu'elle recourt aussi comme elle à l'usage de la "gamification" dans le cadre de ses formations, qu'elle adopte les mêmes approches de coaching, propose des coaching et des formations en management similaires et fait la même référence aux valeur du rugby. Elle ajoute que le fait d'enregistrer un nom de domaine ayant un caractère descriptif et donc vocation à créer un monopole au profit du déposant est aussi une forme de concurrence déloyale. Elle en déduit l'existence de préjudices moraux et financiers en terme de "perte d'image, de réputation et perte de chance d'acquérir de nouveaux clients", en expliquant que la société BE AGILE occupe désormais la première place dans les résultats de recherche internet à partir de GOOGLE. Elle sollicite sur ce fondement la radiation du nom de domaine "beagile.fr" et l'interdiction sous astreinte de l'usage du signe "Be AGILE" à titre de dénomination sociale ou autre. En réponse, la société Be AGILE rappelle que les deux sociétés ne sont pas en situation de concurrence, elle-même n'intervenant pas dans le domaine des formations "agiles". Elle souligne que la demanderesse ne se fonde sur aucun acte spécifique distinct de ceux opposés au titre de la contrefaçon et expose que ni l'abus de concurrence ni le préjudice ne sont démontrés. Elle soutient que le vocable "agile" est utilisé par nombre d'acteurs économiques dans leurs promotions publicitaires ou à titre de marque et que les sites internet des deux parties sont très différents et aucunement sources de confusion. Elle précise à cet égard que la demanderesse ne peut revendiquer de monopole sur le recrutement de formateurs certifiés ni sur le terme "gamification" ou sur la technique d'apprentissage qu'il désigne, laquelle est couramment utilisée dans le domaine de la formation. Quant à la référence aux valeurs du rugby, elle explique qu'elle est le fruit de l'expérience personnelle de ses associés dont l'un était entraîneur au racing Club de France et non une imitation de la société AGILBEE. Elle affirme enfin que son nom de domaine "beagile.fr" n'est pas descriptif des services proposés. Sur ce En vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de-droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée. Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir- faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel. Il a été démontré au stade de l'appréciation de la contrefaçon que les sociétés AGILBEE et BE AGILE, qui proposent de manière identiques des services de conseils, formations et coaching à destination des professionnels, sont en situation de concurrence directe, nonobstant les différentes méthodes appliquées. La société AGILBEE invoque en premier lieu pour fonder sa demande en concurrence déloyale la reprise par la société Be AGILE de son slogan "be agile" dont elle affirme qu'il est utilisé depuis 2007 concomitamment à sa marque. Ce slogan n'est l'objet d'aucun droit privatif au bénéfice de la société AGILBEE. Dans un contexte de libre concurrence, il est libre de droit et peut être utilisé dans le commerce sans entrave sauf faute démontrée générant un risque de confusion ou captation indue d'investissements prouvée. En l'espèce, ainsi qu'il a été démontré plus haut, la société demanderesse échoue à prouver l'usage public dudit slogan antérieur à la création de la société Be AGILE et à l'enregistrement de sa marque et du nom de domaine éponymes. Dès lors, aucune faute de sa part n'est caractérisée de ce chef. La société AGILBEE invoque également l'imitation sur le site internet de la société défenderesse de son offre de formation en terme de contenus, d'intitulés et de présentation, manifestée notamment par le recours comme elle à certains formateurs certifiés et la référence aux valeurs du rugby, susceptibles selon elle de générer un risque de confusion. Cependant, l'examen comparé des sites internet des deux parties, tels que reproduits dans le constat d'huissier établi les 23.26 et 27 mai 2014 ainsi que sur les différentes copies d'écran dont la valeur probante ne fait l'objet d'aucune contestation, établit que tant leur présentation que leur contenu sont radicalement différents. Ainsi, sur la page d'accueil du site demanderesse est reproduite la marque AGILBEE dans un coloris bleu accompagné d'un dessin de petite abeille butinante et du slogan "be agile", le reste du site étant sur un fond blanc. Les cinq onglets sur fond noir renvoient aux rubriques "Formations, Coaching, Contact, Agilbee, Agilbeelab". Le site de la défenderesse apparaît au contraire dominé, comme la marque complexe qui y est reproduite sur chaque page dans tous ses éléments, par la couleur verte sur fond gris. La page d'accueil propose des onglets "accueil, qui sommes-nous, nos réalisations, notre écosystèmes et contactez-nous" sans rapport avec ceux du site de la demanderesse. Les intitulés des formations proposées sont également différents: ''''Agile coaching, scrum, Agile, innovation, Certifications Scrum, management Agile, lean startup, Action Types, certifications PMI-ACP, Lean, efficacité personnelle et professionnelle, PUMA....'''' pour AGILBEE, "télécommunications, relation-client, cloud, efficacité commerciale et management" pour Be AGILE. Il s'en déduit l'absence de toute reprise ou imitation fautive du site internet de la société AGILBEE par la société BE AGILE, les différences entre les deux sites étant au demeurant exclusifs de tout risque de confusion. Quant à la similarité des domaines d'intervention des deux sociétés, elle ne constitue qu'une expression de la liberté de concurrence, la société AGILBEE ne pouvant naturellement revendiquer à son profit le monopole des formations en management ou en conduite du changement en entreprise. Dès lors, il est naturel et exclusif de toute faute que, pour des formations sur un même sujet, les deux sociétés recourent à des formateurs ayant des certifications identiques. Quant à la référence aux valeurs du rugby, particulièrement banale pour des services proposant de travailler sur une amélioration des relations et du travail collectif en entreprise, elle ne peut être revendiquée par la société AGILBEE à son seul profit, d'autant que la société défenderesse démontre une expérience antérieure de ses fondateurs en la matière. La société AGILBEE invoque enfin l'usage d'un nom de domaine descriptif des services proposés. Néanmoins, il a été démontré lors de l'appréciation de la distinctivité de la marque complexe n°4002834 que la signe "be Agile" n'était pas descriptif des services proposés par la société du même noM. Ce grief, pas plus que les autres, n'est donc susceptible d'engager la responsabilité délictuelle de cette société en l'absence de démonstration de faute de sa part, étant au surplus souligné que la société AGILBEE n'apporte aucun élément susceptible d'étayer le préjudice qu'elle invoque en terme de "perte d'image, de réputation et perte de chance d'acquérir de nouveaux clients". Ses demandes au titre de la concurrence déloyale seront intégralement rejetées, tout comme les mesures d'interdiction sollicitées. 6- sur les demandes reconventionnelles de la société BE AGILE - en contrefaçon de marque par l'usage du slogan "be agile" Exposant que la reproduction sur le site internet, les pages facebook et linkedin de la société AGILBEE du slogan "be agile" constitue une contrefaçon par reproduction de l'élément verbal de la marque dont elle est titulaire, la société Be AGILE sollicite à titre reconventionnel, sur le fondement des articles 713-3 et 716-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, qu'il soit fait interdiction à la société AGILBEE de faire usage de ce signe outre la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts au titre des actes de contrefaçon commis par la société AGILBEE. La société AGILBEE conclut au rejet de cette demande compte tenu de la nullité du signe opposé, de l'antériorité de l'usage de son slogan et de l'absence de reproduction des autres éléments de la marque complexe de la société Be AGILE. Elle revendique enfin de manière allusive des droits d'auteur sur cette expression "si tant est qu'elle puisse être distinctive et originale". Sur ce Il a précédemment été démontré l'échec de la société AGILBEE à prouver un usage public du slogan "be Agile" antérieur au dépôt de la marque complexe qui lui est opposée. Dès lors, la société AGILBEE est irrecevable à ce seul titre à invoquer des droits d'auteur sur cette expression, au demeurant parfaitement banale et insusceptible d'appropriation par quiconque sur ce fondement. S'agissant de la contrefaçon par imitation alléguée par la société Be AGILE, dans son arrêt Arsenal Football Club du 12 novembre 2002. la CJUE alors CJCE a précisé que le titulaire d'une marque enregistrée ne peut, en application de l'article 5§ 1 a) de la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques devenue la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008. interdire l'usage par un tiers d'un signe identique à sa marque que si cet usage a lieu dans la vie des affaires sans le consentement du titulaire de la marque et porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services En effet, la fonction essentielle de la marque étant de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service désigné par la marque en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance, le titulaire de la marque doit, pour que cette garantie de provenance puisse être assurée, être protégé contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de celle-ci. À défaut d'atteinte aux fonctions de ses droits, l'utilisation du signe est. au plan du droit des marques, libre. En l'espèce, la société AGILBEE ne fait usage du signe "Be Agile" qu'à titre de slogan et donc à des fins publicitaires, et non pour distinguer ses services de ceux de ses concurrents ou pour en garantir l'origine commerciale, ces derniers étant commercialisés sous sa marque "AGILBEE". Ce faisant, en l'absence d'usage du signe "Be Agile" à titre de marque, elle ne porte pas atteinte aux droits de la société Be AGILE sur la marque complexe n°4002834 et la demande de contrefaçon sera rejetée. - pour procédure abusive Tandis que la société Be AGILE soutient que la présente procédure est abusive en l'absence d'approche amiable préalable à l'envoi d'une mise en demeure comminatoire et en l'état des demandes reposant sur des amalgames, des affirmations incantatoires et des procès d'intention, la société AGILBEE affirme au contraire qu'une résolution amiable du litige a bien été tentée en vain et que la présente procédure était donc légitime. Sur ce En application de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol. En l'espèce, le rejet des demandes de la société AGILBEE en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale ne suffit pas à établir de sa part l'intention malicieuse que lui prêtent les défendeurs en l'absence de tout autre élément propre à la démontrer. De plus, les défendeurs ne justifient d'aucun préjudice distinct de celui né de la nécessité de se défendre en justice, lequel sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 6 - Sur les demandes accessoires La société AGILBEE, qui succombe, supportera les dépens. L'équité commande de ne pas laisser à la charge des défendeurs les frais qu'ils ont dû engager dans le cadre de cette procédure, la société demanderesse sera en conséquence condamnée à verser à la société Be AGILE la somme de 7.000 euros et à Monsieur Eric A celle de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes de la société AGILBEE au titre de ces dispositions seront rejetées. L'exécution provisoire de la présente décision n'apparaît pas nécessaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort, Rejette la fin de non-recevoir opposée par la société Be AGILE et Monsieur Eric A, Déboute la société AGILBEE de ses demandes en contrefaçon de sa marque "AGILBEE" n°3895843. Déboute la société AGILBEE de son action en revendication de la marque complexe n° 4002834 "BE AGILE PARTENAIRE DE VOTRE DÉVELOPPEMENT", Dit n'y avoir lieu à annulation de ladite marque. Déboute la société AGILBEE de ses demandes en concurrence déloyale. Déboute la société Be AGILE de ses demandes reconventionnelles en contrefaçon de marque et en dommages et intérêts pour procédure abusive, Rejette la demande de la société AGILBEE au titre des frais irrépétibles ; Condamne la société AGILBEE à payer à la société Be AGILE la somme de 7. 000 euros (sept mille euros) et à Monsieur Eric A la somme de 3.000 euros (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile; Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement; Condamne la société AGILBEE aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Jean-Marc PUECH conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.