Cour de cassation, Troisième chambre civile, 11 mai 2017, 16-13.098

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Texte intégral

CIV.3 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 11 mai 2017 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 537 F-D Pourvoi n° T 16-13.098 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

Statuant sur le pourvoi formé par

la société A... et Thomas X..., société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [...], venant aux droits de la Selarl A..., contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2015 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Ingeus, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], 2°/ à la société SCI Cerda, société civile immobilière, dont le siège est [...], défenderesses à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 28 mars 2017, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Y..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Y..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société A... et Thomas X..., de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la SCI Cerda, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Ingeus, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen

unique :

Vu

les articles 114, 649 et 690 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Paris, 2 décembre 2015), que la société Ingeus, locataire en vertu d'un bail commercial, a obtenu, par avenant du 12 mars 2009, la possibilité de donner congé pour le 19 novembre 2010 ; que, par acte délivré le 18 mai 2010 par la société A..., huissier de justice, à la SCI Cerda, bailleresse, elle a signifié un congé à effet au 10 novembre 2010 ; que la SCI Cerda l'a assignée en nullité du congé et en paiement des loyers et charges dus jusqu'à la fin de l'échéance triennale expirant le 10 novembre 2012 ; que la société Ingeus a appelé en garantie la société A..., aux droits de laquelle vient la société A... et Thomas X... ; Attendu que, pour annuler le congé et condamner la société A... à garantir la société Ingeus des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt retient que le congé n'a pas été délivré à la SCI Cerda à son siège, mais à une autre personne, ce qui équivaut à une absence de congé et non à une nullité de forme ;

Qu'en statuant ainsi

, alors qu'elle avait constaté qu'il résultait de l'acte de signification que le congé avait été signifié à la SCI Cerda ayant son siège à Schiltigheim, représentée par son gérant, la société Rohan investissements, elle-même représentée par la société Icone, laquelle était représentée par M. Yves Z... demeurant à [...], et que, ce dernier étant absent à son domicile, copie de l'acte avait été déposée en l'étude de l'huissier de justice à Paris, ce dont il résultait que la signification de l'acte à la SCI Cerda lui avait été faite non pas à son siège social mais au domicile de son représentant, et que la nullité encourue était une nullité de forme, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société Cerda aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Cerda et la condamne à payer à la société A... et Thomas X... la somme globale de 3 000 euros et à la société Ingeus la somme de 800 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société A... et Thomas X... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait déclaré nul et de nul effet le congé délivré en date du 18 mai 2010, dit que le bail avait pris fin le 19 novembre 2012, condamné la société Ingeus à payer à la société Cerda la somme de 212 237,98 € correspondant aux loyers, charges et taxes dus au titre de la poursuite du bail jusqu'au 19 novembre 2012, et condamné la société A... à garantir la société Ingeus de cette condamnation, d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il avait débouté la société Cerda de sa demande de paiement d'une majoration forfaitaire et, statuant à nouveau, d'AVOIR condamné la société Ingeus à payer à la société Cerda, au titre de cette majoration, la somme de 21 223,80 €, outre intérêts au taux légal, ainsi que la somme de 74 € au titre de frais de recouvrement, d'AVOIR condamné la société A... à garantir la société Ingeus de ces deux condamnations et d'AVOIR débouté la société A... de ses demandes ; AUX MOTIFS QU'il résulte de l'acte d'huissier de justice du 18 mai 2010 que le congé a été délivré à la SCI Cerda ayant son siège social [...], représentée par son gérant la SAS Rohan investissement ayant son siège social à [...], elle-même représentée par la société Icone ayant son siège social à [...], représentée par M. Yves Z... [...] ; que ce dernier étant absent, copie de l'acte a été déposé en l'étude de l'huissier de justice ; que si l'article L. 145-10 du Code de commerce prévoit que le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail peut signifier sa demande au bailleur ou bien au gérant de celui-ci qui est réputé avoir qualité pour le recevoir, cette disposition n'est pas prévue par les articles L. 145-4 et L. 145-9 du Code de commerce pour le congé donné par le locataire ; qu'en conséquence, le congé devait être délivré à la SCI Cerda, elle-même, à son siège social [...] ; que la signification du congé qui a été faite à une personne autre que le bailleur équivaut à une absence de congé ; que dès lors c'est en vain que la société A... allègue d'une nullité de forme, d'une absence de grief et de préjudice ; que le congé du 18 mai 2010 n'ayant pas été délivré dans les formes et délais prescrits par le Code de commerce, c'est à juste raison que le Tribunal a dit que le bail s'était poursuivi jusqu'au 19 novembre 2012, date pour laquelle un congé a été régulièrement signifié le 11 mai 2012 ; que la société Ingeus est redevable des loyers, charges et taxes dus jusqu'au 19 novembre 2012 (…), de la majoration forfaitaire prévue au bail qui stipule, en son article 4, qu'en cas de non-paiement à son échéance de toutes sommes dues et après mise en demeure restée infructueuse, le locataire s'engage à payer en sus 10% de la somme due, montant qui n'est pas manifestement excessif (…) et des frais de recouvrement (…) ; que mandatée par la société Ingeus afin de délivrer un congé pour mettre fin à un bail commercial, la société A..., huissier de justice, devait effectuer toutes diligences nécessaires pour délivrer efficacement l'acte ; qu'elle a manqué à ses obligations professionnelles en ne faisant pas délivrer le congé au siège social du bailleur, le privant ainsi de toute efficacité (…) ; qu'en conséquence, la société A... doit garantir la société Ingeus de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Cerda ; ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES QU'il résulte de l'acte signifié que le congé a été délivré, non pas à la personne du bailleur comme il se doit, mais à son gérant, alors que ce dernier est non habilité à recevoir ce congé, la règle prévue par l'article LO. 145-10 du Code de commerce en ce qui concerne la demande de renouvellement n'étant pas applicable au congé qui obéit à des règles plus strictes ; que la délivrance de ce congé, à une personne non habilitée à le recevoir constitue une irrégularité de fond affectant l'acte luimême, de sorte que le congé est nul et de nul effet sans qu'il soit nécessaire de rapporter la preuve d'un grief qui en résulterait pour le destinataire ; 1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'il résulte de ses termes clairs et précis que le congé du 18 mai 2010 a été signifié à la SCI Cerda, représentée par son gérant ; qu'en retenant, après avoir constaté que la SCI Cerda avait la qualité de bailleresse, que la signification de ce congé aurait été faite à une personne autre que le bailleur, la Cour d'appel a dénaturé cet acte et violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) ALORS QUE seuls affectent la validité d'un acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées à l'article 117 du Code de procédure civile ; qu'en retenant que la signification du congé qui, selon elle, aurait dû être délivrée au siège social de la SCI Cerda, « équivalait à une absence de congé », pour en déduire que la société A... invoquait en vain « une nullité de forme » et « une absence de grief et de préjudice », la Cour d'appel a violé les articles 649, 114 et 117 du Code de procédure civile, ensemble l'article 690 du même Code ; 3°) ALORS QUE les prescriptions de l'article 690 du Code de procédure civile, selon lesquelles la notification destinée à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement, sont sanctionnées par une nullité de forme, qui ne peut être prononcée qu'à charge, pour celui qui invoque leur méconnaissance, de prouver le grief qu'elle lui aurait causé ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que le congé qui, selon elle, aurait dû être délivré au siège social de la SCI Cerda, était affecté d'une irrégularité de fond et donc nul sans qu'il soit nécessaire de rapporter la preuve d'un grief qui en résulterait pour son destinataire, la Cour d'appel a violé les articles 649, 114 et 117 du Code de procédure civile, ensemble l'article 690 du même Code ; 4°) ALORS QUE le gérant d'une société civile immobilière est habilité à recevoir l'acte signifié à cette dernière ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que le gérant de la SCI Cerda n'aurait pas été habilité à recevoir le congé, la Cour d'appel a violé les articles 654, alinéa 2, du Code de procédure civile et 1846, 1848 et 1849 du Code civil.