Cour de cassation, Chambre sociale, 20 janvier 2010, 08-41.652

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2010-01-20
Cour d'appel de Rennes
2008-02-19

Texte intégral

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Rennes, 19 février 2008), qu'engagée le 16 septembre 2002 par la société Canal Plus Distribution, Mme X... a été licenciée le 9 mars 2005 pour absences depuis le 31 décembre 2003 ayant perturbé le service et justifié son remplacement définitif ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que l'employeur fait grief à

l'arrêt d'avoir déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°/ qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'impossibilité de recourir au travail temporaire du fait des compétences de la salariée et de la durée de la formation nécessaire pour les acquérir n'établissait pas la nécessité de procéder à son remplacement définitif, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1232-1 (anc. L. 122-14-3) du code du travail ; 2°/ qu'aucune disposition légale n'impose à l'employeur de communiquer le registre du personnel ; qu'en déclarant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse motif pris de ce que l'employeur n'avait pas communiqué le registre du personnel quand il ne lui avait pas été demandé de le produire, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-1 (anc. L. 122-14-3) du code du travail, ensemble l'article 142 du code de procédure civile ; 3°/ qu'est suffisamment motivée la lettre de licenciement qui fait état de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise causée par les absences répétées du salarié et la nécessité de procéder à son remplacement définitif ; qu'en jugeant au contraire que la lettre de licenciement ainsi motivée ne permettait pas de déterminer la nature exacte du licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 (anc. L. 122-14-2) et L. 1232-1 (anc. L. 122-14-3) du code du travail ; 4°/ que le fait de dispenser le salarié de l'exécution de son préavis ne constitue pas en soi une mesure vexatoire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 (anc. L. 122-14-3) et L. 1234-4 (anc. L. 122-8) du code du travail ;

Mais attendu

qu'ayant relevé que la salariée avait repris son activité le 20 février 2005 alors que le licenciement était intervenu le 9 mars suivant, la cour d'appel, sans ériger le registre du personnel comme seul élément de preuve, ni devoir suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté que n'étaient établies ni l'existence d'une perturbation, ni la nécessité d'un remplacement définitif ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen

: Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le troisième moyen

:

Attendu que l'employeur fait grief à

l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour absence de proposition de formation, alors, selon le moyen, qu'à défaut de disposition conventionnelle contraire, le droit au DIF a pris effet le 7 mai 2005 ; qu'en condamnant l'employeur pour non-respect du droit au DIF quand le licenciement avait été prononcé le 9 mars 2005, la cour d'appel a violé l'article L. 6323-1 (anc. L. 933.1) du code du travail ;

Mais attendu

que, selon l'article L. 6323-1 du code du travail, tout salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée disposant d'une ancienneté minimale dans l'entreprise déterminée par voie réglementaire, bénéficie chaque année d'un droit individuel à la formation d'une durée de vingt heures ; que, suivant l'article L.6323-5 de ce code, les droits acquis annuellement au titre du droit individuel à la formation peuvent être cumulés sur une durée de six ans et qu'aux termes de l'article L. 6323-18 du code du travail dans la lettre de licenciement, l'employeur informe, s'il y a lieu, le salarié de ses droits en matière de droit individuel à la formation, notamment de la possibilité de demander pendant le préavis à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation ; qu'il en résulte que l'employeur est tenu d'informer le salarié qui acquiert le bénéfice de la première tranche annuelle de son droit antérieurement à l'expiration du préavis ; Et attendu qu'ayant exactement retenu que la loi du 4 mai 2004 s'appliquait à la salariée engagée le 16 septembre 2002, la cour d'appel, qui a constaté que le préavis avait pour terme le 9 mai 2005, a justement retenu que l'employeur avait manqué à son obligation d'information en matière de droit individuel à la formation ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Canal plus distribution aux dépens ; Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la société Canal plus distribution et condamne cette société à payer à la SCP Ancel et Couturier Heller la somme de 2 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille dix

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils, pour la société Canal plus distribution PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Canal + Distribution au paiement de dommages intérêts à ce titre ; AUX MOTIFS QUE selon les termes de la lettre de licenciement du 9 mars 2005, il est reproché à Mme X... «d'avoir accumulé régulièrement des absences depuis le 31 décembre 2003 ce qui a perturbé le service … et justifié son remplacement définitif» ; que selon les dispositions impératives de l'article L. 122-45 al. 1 du code du travail dans sa rédaction du 11 février 2005 qui étaient donc applicables à la présente procédure, un employeur n'est pas autorisé à procéder au licenciement d'une personne en raison de son état de santé ; qu'or, manifestement, lorsque la procédure de licenciement a été initiée le 16 février 2005, Mme X... était toujours en arrêt de travail pour maladie et a repris son activité le 20 février 2005 ; que d'autre part, la société ne justifie pas que les absences de Mme X..., qui occupe un emploi de conseiller clientèle aient perturbé ce service de vente par correspondance d'abonnements aux chaînes de télévision Canal + et Canal Satellite et qu'il était impératif de procéder à son remplacement définitif au risque de mettre en danger cette activité commerciale ; considérant que l'employeur s'abstient de produire aux débats le registre du personnel, ce qui aurait permis à la cour de vérifier si la situation de Mme X... était exceptionnelle, de comptabiliser pendant la période litigieuse en 2004 et 2005, parmi les 300 télé négociateurs, le nombre de salariées en congés pour maladie et de rechercher s'il avait été procédé, pour remplacer les titulaires absentes, au recrutement de personnes dans le cadre de contrats à durée déterminée ou par l'intermédiaire d'agences de travail temporaire ; que s'agissant du second motif invoqué dans la lettre de licenciement, une désorganisation du service et une perte non négligeable du chiffre d'affaires correspondant à 6.375 appels, ce calcul est purement théorique et ne permet pas d'établir que l'absence de Mme X... dans le service centre d'appels téléphoniques où elle intervenait, ait perturbé son fonctionnement et entraîné une perte importante du chiffre d'affaires, alors que l'on ignore quel est le pourcentage d'abonnements aux chaînes de télévision Canal + et Canal Satellite par rapport au nombre d'appels par téléphone ; que curieusement, à la même époque et pour les mêmes motifs, en des termes strictement identiques, la société Canal + Distribution a mis fin au contrat de travail de Mme Y..., ce qui permet de penser que l'employeur pour des motifs de rentabilité qui n'entraient pas dans les dispositions des articles L. 321-1 et suivants du code du travail, en invoquant un motif qui ne correspondait pas à la réalité, a décidé de se séparer de ces deux personnes ; ALORS, D'UNE PART, QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (conclusions d'appel, p. 11), si l'impossibilité de recourir au travail temporaire du fait des compétences de la salariée et de la durée de la formation nécessaire pour les acquérir n'établissait pas la nécessité de procéder à son remplacement définitif, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1232-1 (anc. L. 122-14-3) du code du travail ; ALORS, D'AUTRE PART, QU'aucune disposition légale n'impose à l'employeur de communiquer le registre du personnel ; qu'en déclarant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse motif pris de ce que l'employeur n'avait pas communiqué le registre du personnel quand il ne lui avait pas été demandé de le produire, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-1 (anc. L. 122-14-3) du code du travail, ensemble l'article 142 du code de procédure civile ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'employeur ne précise pas qu'il s'agit «d'absences pour maladie» et que ces absences ont été dûment justifiées par Mlle X... ; qu'il précise même «dont certaines injustifiées» mais, n'apporte aucun élément de preuve sur ses dires ; que la lettre de licenciement ressemble pour le moins à un licenciement pour «motif disciplinaire» ; que si ce licenciement avait été clairement justifié pour cause de maladie, ce qui ne semble pas être le cas ; que le code du travail précise que la maladie ne peut être un motif de licenciement en soi ; qu'en revanche, ses conséquences sur le fonctionnement de l'entreprise peuvent constituer un motif de rupture à la condition qu'elles perturbent le bon fonctionnement de l'entreprise et rendent nécessaire le remplacement définitif du salarié ; que la lettre de licenciement aborde la perturbation et le remplacement ; que toutefois, Mlle X... au regard du poste occupé, sur la plate-forme téléphonique, ne mettait pas en péril l'entreprise comme tente de l'expliquer la SAS Canal + Distribution dans la lettre de licenciement ; «qu'une telle régularité continuelle d'absences répétées de votre part perturbe irrémédiablement le bon fonctionnement du service …» ; que le poste occupé par Mlle X... ne mettait pas en péril l'entreprise ; qu'en effet à l'audience de jugement, il a été clairement expliqué que les communications téléphoniques pouvaient sans difficulté être relayées par les autres opérateurs présents sur la plate-forme téléphonique ; que le licenciement de Mlle X... est «vexatoire» dans la mesure où le licenciement peut être considéré comme «disciplinaire», l'exemple le plus frappant étant le licenciement immédiat sans que Mlle X... puisse effectuer ses deux mois de prévis ; que pour l'ensemble de ces raisons : - la lettre de licenciement ne permettant pas de déterminer la nature exacte du licenciement, - la désorganisation de l'entreprise n'étant pas clairement objective alors que le poste occupé par Mlle X... n'était pas de nature à perturber le fonctionnement de l'entreprise, pouvant sans difficulté être assuré par les autres opérateurs présents sur la plate-forme téléphonique, - le caractère soudain du licenciement, - la non-possibilité d'effectuer son préavis, sous-entendant «une faute grave» ; que le conseil de prud'hommes déclare le licenciement de Mlle X... sans cause réelle et sérieuse ; ALORS, DE TROISIEME PART, QU'est suffisamment motivée la lettre de licenciement qui fait état de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise causée par les absences répétées du salarié et la nécessité de procéder à son remplacement définitif ; qu'en jugeant au contraire que la lettre de licenciement ainsi motivée ne permettait pas de déterminer la nature exacte du licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 (anc. L. 122-14-2) et L. 1232-1 (anc. L. 122-14-3) du code du travail ; ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE le fait de dispenser le salarié de l'exécution de son préavis ne constitue pas en soi une mesure vexatoire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 (anc. L. 122-14-3) et L. 1234-4 (anc. L. 122-8) du code du travail. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Canal + Distribution à verser à Mme X... la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour avoir imposé une clause d'exclusivité nulle ; AUX MOTIFS QUE la clause d'exclusivité incluse dans le contrat de travail de Mme X..., engagée à temps partiel, lui interdisait pendant les jours et heures où elle était libre d'aller travailler dans une autre entreprise, pour compléter ses revenus ; qu'or, si l'on se réfère aux écritures de l'employeur, page 15, cette clause rédigée en termes très généraux qui restreint le droit au travail de la salariée n'avait aucune utilité puisqu'il est affirmé «qu'il n'existe aucune société exerçant dans le même domaine que Canal + Distribution dans toute la France» et n'était pas compensée par l'attribution d'une prime ; qu'il sera accordé à Mme X... en réparation de son préjudice la somme de 5.000 euros ; ALORS, D'UNE PART, QU'une clause dépourvue de toute utilité ne peut avoir causé de préjudice ; qu'en condamnant l'employeur au paiement de dommages intérêts sans rechercher ni caractériser le préjudice subi par le salarié du fait de l'insertion d'une clause d'exclusivité, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ; ALORS, D'AUTRE PART, QUE la licéité d'une clause d'exclusivité n'est pas subordonnée au paiement d'une contrepartie financière ; qu'en condamnant l'employeur au paiement de dommages intérêts en réparation du prétendu préjudice résultant de l'insertion d'une clause d'exclusivité, motif pris de ce qu'elle n'était pas compensée par l'attribution d'une prime, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Canal + Distribution au paiement de dommages intérêts pour absence de proposition de formation ; AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l'article L. 933-1 et suivant du code du travail applicable dès le 7 mai 2004, l'employeur qui licencie un salarié, est tenu dans la lettre de licenciement de l'informer de ses droits en matière de droit individuel de formation, notamment de la possibilité de demander pendant le délai congé à bénéficier d'une action de bilan de compétence, de validation des acquis de l'expérience ou de formation ; que Mme X... recrutée le 16 septembre 2002 à temps partiel, 32 heures par semaine, à la date de son licenciement le 9 mars 2005 justifiait d'une présence dans l'entreprise de plus d'un an, qu'elle avait donc vocation à bénéficier au terme de son contrat de travail des dispositions de cette loi ; qu'elle aurait dû en être informée dans la lettre de licenciement ce qui lui aurait permis de solliciter pendant la période de préavis qui expirait le 9 mai 2005 une formation individuelle ou d'un bilan de compétence d'une durée calculée prorata temporis, ce qui n'a pas été fait et a entraîné pour la salariée un préjudice constitué par la perte d'une chance de retrouver plus facilement un emploi ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le DIF est ouvert à tous les salariés ayant une ancienneté minimale d'un an dans l'entreprise, ce qui était le cas de Mme X... recrutée le 16 septembre 2002 ; que le DIF est entré en vigueur le 7 mai 2004, à cette date, un salarié pouvait demander à bénéficier de son DIF ; que l'employeur a l'obligation d'informer le salarié qu'il licencie de ses droits en matière de DIF, notamment la possibilité de demander pendant le préavis à bénéficier d'une action de bilan de compétence, etc. ; ALORS QU'à défaut de disposition conventionnelle contraire le droit au DIF a pris effet le 7 mai 2005 ; qu'en condamnant l'employeur pour non respect du droit au DIF quand le licenciement avait été prononcé le 9 mars 2005, la cour d'appel a violé l'article L. 6323-1 (anc. L. 933.1) du code du travail.