Tribunal de grande instance de Paris, 16 novembre 2017, 2017/05153

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2017/05153
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Parties : COMITÉ NATIONAL OLYMPIQUE ET SPORTIF FRANÇAIS / RENÉ PIERRE - JEUX AUTOMATIQUES SA

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2019-02-22
Tribunal de grande instance de Paris
2017-11-16

Texte intégral

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 16 novembre 2017 3ème chambre 1ère section N° RG : 17/05153 Assignation du 20 mars 2017 incident DEMANDERESSE COMITE NATIONAL OLYMPIQUE ET SPORTIF FRANÇAIS [...] représentée par Maître Fabienne FAJGENBAUM de la SCP NATAF FAJGENBAUM & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0305 DEFENDERESSE S.A. RENE PIERRE - JEUX AUTOMATIQUES [...] représentée par Maître Pierre ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0231& Maître Eric HALPHEN, Vice-Président CESAR, avocat au barreau de LYON MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Julien RICHAUD, luge assisté de Marie-Aline P, Greffier DEBATS À l'audience du 17 octobre 2017, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 16 novembre 2017. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort EXPOSE DU LITIGE L'association reconnue comme établissement d'utilité publique COMITE NATIONAL OLYMPIQUE ET SPORTIF FRANÇAIS (ci-après « le CNOSF ») a notamment pour objet statutaire d'assurer le respect de la Charte Olympique, de propager les principes fondamentaux de l’Olympisme énoncés dans la Charte Olympique, de promouvoir l'unité du mouvement sportif et représenter le mouvement sportif et d'assurer la protection des Propriétés Olympiques au sens des dispositions de la Charte Olympique, notamment du symbole Olympique, des termes « Olympique », « Olympiade », « Jeux Olympiques », de son acronyme « JO », et de leurs traductions. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI Conformément à l'article L 141-5 du code du sport, le CNOSF est propriétaire des emblèmes olympiques nationaux et dépositaire de la devise, de l'hymne, du symbole olympique et des termes « Jeux Olympiques » et « Olympiades », le fait de déposer à titre de marque, de reproduire, d'imiter, d'apposer, de supprimer ou de modifier les emblèmes, devise, hymne, symbole et ces termes sans son autorisation étant puni des peines prévues aux articles L 716-9 et suivants du code de la propriété intellectuelle. La SA RENE PIERRE, immatriculée au RCS de CHALON SUR SAONE, exerce une activité de fabrication et commercialisation de billards, baby-foot et jeux depuis 1952. Le 27 juin 2016, le CNOSF a fait dresser par un agent assermenté de l'Agence pour la protection des programmes (APP) un procès-verbal de constat sur le site internet vente-privee.com pour établir l'offre en vente du 23 juin au 3 juillet 2016 de trois types de billards sous la désignation « OLYMPIC » fabriqués par la SA RENE PIERRE. Par courrier du 5 juillet 2016, le CNOSF mettait en demeure la SA RENE PIERRE en particulier de cesser la commercialisation de ces billards sous le signe « OLYMPIC » et de lui communiquer des éléments permettant de déterminer l'ampleur de cette dernière. Les échanges entre les parties n'aboutissaient pas à un règlement amiable du litige naissant. C'est dans ces circonstances que le CNOSF a, par acte d'huissier du 20 mars 2017, assigné la SA RENE PIERRE devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire. Dans ses dernières conclusions d'incident notifiées par la voie électronique le 13 octobre 2017 auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la SA RENE PIERRE demande au juge de la mise en état, au visa des articles L 716-3 du code de la propriété intellectuelle et D 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire et son annexe VI, de : - DIRE ET JUGER que dès lors que le dommage invoqué résulterait de prétendus faits d'une contrefaçon imputée à la société RENE PIERRE SA, le fait dommageable comme le lieu où le dommage a été subi ne peuvent qu'être situés au lieu du siège social de celle-ci et non pas au siège de l'association requérante ; - DIRE ET JUGER qu'en l'absence de vente directe sur Internet, le CNOSF ne saurait se prévaloir à son égard du critère de l'accessibilité au réseau Internet pour fonder la compétence territoriale du tribunal de grande instance de PARIS ; - DIRE ET JUGER que le CNOSF ne saurait se prévaloir de l'existence d'un magasin RENE PIERRE à PARIS pour fonder la compétence Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI territoriale du Tribunal de grande instance de PARIS alors qu'il a assigné au siège social sis à CRISSEY (SAONE ET LOIRE) ; - DIRE ET JUGER que le CNOSF ne saurait se prévaloir des rapports contractuels entre elle et la société VENTE-PRIVEE.COM pour fonder la compétence territoriale d'une action de nature délictuelle ; - SE DECLARER territorialement incompétent au bénéfice du tribunal de grande instance de NANCY ; - DEBOUTER le CNOSF de toutes ses demandes ; - RENVOYER l'affaire à la connaissance du tribunal de grande instance de NANCY à l'issue de l'expiration du délai d'appel ; - CONDAMNER le COMITE NATIONAL OLYMPIQUE ET SPORTIF FRANÇAIS - CNOSF à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens du présent incident. En réponse, dans ses dernières écritures d'incident notifiées par la voie électronique le 5 octobre 2017 auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, le CNOSF demande au juge de la mise en état, au visa des articles 46, 73 et suivants, 700 et 771 du code de procédure civile et L716-3 du code de la propriété intellectuelle, de : - débouter la société RENE PIERRE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; - déclarer le tribunal de grande instance de Paris territorialement compétent pour statuer sur le présent litige ; - condamner la société RENE PIERRE à payer la somme de 2.500 euros au Comité National Olympique et Sportif Français au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au règlement des dépens de l'incident Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'ordonnance sera contradictoire conformément à l'article 467 du code de procédure civile. EXPOSE DES MOTIFS

Moyens des parties

Au soutien de son exception de nullité, la SA RENE PIERRE, qui rappelle la combinaison des articles 42 du code de procédure civile et D 211-6-1 du code de l'organisation désigne le tribunal de grande instance de Nancy, expose que la vente réalisée par la SA VENTEPRIVEE.COM sur le site internet qu'elle exploite ne lui est pas imputable, cette dernière n'étant pas un intermédiaire, ce qui exclut l'invocation de sa constatation en ligne sur un ordinateur à Paris comme critère de compétence territoriale. Elle ajoute que le CNOSF ne peut invoquer les factures constatant la vente à la SA VENTEPRIVEE.COM à laquelle il est tiers comme critère de compétence en matière délictuelle Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI Le CNOSF réplique que la SA VENTEPRIVEE.COM avait, conformément à son rôle de place de marché, la qualité d'intermédiaire lors des ventes constatées en ligne à Paris, les factures d'acquisition étant d'ailleurs postérieures à celles-ci. Il ajoute que ces dernières suffisent à fonder la compétence du tribunal de grande instance de Paris puisqu'elles établissent un usage illicite du signe « OLYMPIC » dans son ressort de compétence. Appréciation du juge de la mise en état En application de l'article 771 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et sur les incidents mettant fin à l'instance, les parties n'étant plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge: Conformément aux articles 73 et 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure, constituées par tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte soit à en suspendre le cours, doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir peu important que les règles invoquées au soutien de l'exception soient d'ordre public Et, en vertu des articles 75 et 76 du même code, s'il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée, le juge pouvant, dans un même jugement, mais par des dispositions distinctes, se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige, sauf à mettre préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond. Conformément à l'article L 716-3 du code de la propriété intellectuelle, les actions civiles et les demandes relatives aux marques, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire. Et, en vertu des dispositions combinées des articles D 716-12 du code de la propriété intellectuelle et D 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire ainsi que de son annexe VI, le tribunal de grande instance de Paris a compétence exclusive pour connaître des actions en matière de marques notamment dans le ressort de la cour d'appel de Paris. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI Enfin, en vertu des articles 42 et 46 du code de procédure civile, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi. De nature délictuelle, l'action en contrefaçon, comme l'action en concurrence déloyale et parasitaire fondée sur des faits connexes, est soumise à ces règles. Le seul fait que l'acquisition des billards litigieux par la SA VENTEPRIVEE.COM auprès de la SA RENE PIERRE soit postérieure à leur vente sur le site internet exploité par celle-ci ne suffit pas à établir sa qualité exclusive d'intermédiaire alors qu'elle demeure libre du choix de ses modalités et du moment de son approvisionnement, la date de la commande effective passée auprès de la SA RENE PIERRE étant d'ailleurs inconnue, et que ses conditions générales démontrent qu'elle a, dans ses relations avec les internautes acquéreurs, la seule qualité de venderesse et est soumise aux garanties légales (pièce 1 du CNOSF). Aussi, le critère de la constatation en ligne depuis un ordinateur parisien de cette vente n'est pas déterminant. En revanche, les factures produites par la SA RENE PIERRE (pièce 1) établissent que celle-ci a vendu à la SA VENTEPRIVEE.COM en septembre et en octobre 2016 les billards litigieux et les a livrés à celle-ci à son siège social situé à La Plaine Saint Denis, dans le ressort de la cour d'appel de Paris. Il ne s'agit pas alors de fonder une compétence en matière délictuelle sur un critère de compétence propre à la matière contractuelle mais d'analyser le fait juridique que constituent ces ventes pour le tiers qu'est le CNOSF, ce qui exclut l'opposabilité à son égard des stipulations du contrat conformément à l'article 1165 (devenu 1199) du code civil : pour lui, qui invoque un acte de contrefaçon tenant à la vente de produits revêtus d'un signe qu'il estime attentatoire à son monopole, le lieu de leur livraison, qui est celui de leur mise effective sur le marché, est le lieu du fait dommageable. A ce seul titre, la compétence du tribunal de grande instance Paris est fondée

En conséquence

, l'exception d'incompétence opposée par la SA RENE PIERRE sera rejetée. Au regard de la nature de l'incident, les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront, comme le sort des dépens, réservées avec l'examen du fond du litige.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état statuant en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition des parties au greffe le jour du délibéré, Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI Rejette l'exception d'incompétence opposée par la SA RENE PIERRE; Renvoi l'affaire à l'audience du juge du la mise en état le 12 décembre 2017 à 11h00 pour fixation du calendrier, présence nécessaire des avocats; Réserve à l'examen du litige au fond les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.