Vu la procédure suivante
:
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Acos a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement no 1905983 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2021, la SARL Acos, représentée par Me Bonne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) d'ordonner la restitution des sommes indûment versées, assorties des intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration ne pouvait remettre en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux factures téléphoniques ;
- les factures hôtelières sont en lien avec l'activité de l'entreprise ;
- les frais d'opérateurs téléphoniques, les dépenses auprès du club des cents cravates, celles relatives aux revues de chasse, aux revues automobiles et dans un supermarché, ainsi que la facture " Actiroute " sont en lien avec l'activité de la société ;
- l'opération libellée " poste " résulte d'un détournement de fonds d'un salarié ;
- le retrait libellé " retrait Sin-le-Noble / Hermès cadeau client " est justifié ;
- l'opération libellée " Ryanair " correspond à l'achat de billets d'avion pour l'activité de M. A... sous-traitée à la société ;
- ces dépenses ne peuvent être qualifiées d'avantages occultes au sens du c. de l'article
111 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Acos ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit
:
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Acos, qui exerce une activité d'expertise comptable, a fait 1'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. A l'issue de cette vérification de comptabilité, l'administration fiscale a assujetti la SARL Acos à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de pénalités, au titre des années 2014 et 2015. La SARL Acos relève appel du jugement du 7 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions ainsi mises à sa charge.
Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
2. Aux termes de l'article
39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) / ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article
38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
3. En premier lieu, si la SARL Acos conteste la remise en cause par l'administration de la déductibilité de la somme de 330 euros qui correspondrait au remboursement du montant d'achat d'un cadeau à une cliente, et de la somme de 445,10 euros qui correspondrait à l'achat de billets d'avion pour visiter des filiales de clients, elle n'apporte pas le moindre élément concret quant à la nature et à la réalité de ces frais.
4. En deuxième lieu, s'agissant des dépenses d'un montant de 80 euros pour la participation à un repas organisé par une association et de 50 euros pour l'achat d'une veste auprès de cette même association, de 64 euros, de 79 euros et de 128 euros pour l'achat de revues de chasse, de 67 euros et de 39,90 euros pour l'achat de revues automobiles, ainsi que de la somme de 249,50 euros pour l'achat de boissons pour les clients et les salariés, aucune facture ni élément probant n'est produit de nature à établir que ces dépenses auraient été engagées dans l'intérêt de la société Acos.
5. En troisième lieu, la SARL Acos soutient que le débit de 282 euros est afférent à un détournement de fonds opéré par un de ses salariés qui a été licencié. Toutefois, en tout état de cause, aucun élément concret n'est apporté au soutien de cette allégation. De même, si la société requérante soutient qu'elle n'a pu produire les factures d'un opérateur téléphonique afférentes à des prélèvements bancaires au motif qu'elles ne lui ont pas été transmises sous format papier, il n'est ni soutenu ni établi, en tout état de cause, que cette dépense serait au bénéfice exclusif de la société requérante. Enfin, la SARL Acos ne démontre pas que, ainsi qu'elle le soutient, une somme de 2 019 euros aurait été exposée à raison de la participation des salariés à un stage de sensibilisation à la sécurité routière et non, comme le fait valoir l'administration, à raison de la participation de son gérant à un stage de récupération de points.
6. En quatrième lieu, la SARL Acos conteste la remise en cause par l'administration de la déductibilité de factures émanant de différents organismes hôteliers. Toutefois, il résulte de l'instruction que le service vérificateur a uniquement écarté les factures qui n'avaient pas été émises au nom de la société mais de son gérant en son nom personnel. Or, en se bornant à se prévaloir d'une pratique de facturation des hôtels, la société requérante n'apporte aucun élément de nature à démontrer le caractère professionnel de ces frais alors que l'administration a relevé que d'autres factures d'organismes hôteliers avaient été établies au nom de la société.
7. En cinquième et dernier lieu, la SARL Acos ne peut utilement soutenir que les charges en cause ne constituent pas des revenus distribués au sens du c. de l'article
111 du code général des impôts dès lors qu'aucune imposition supplémentaire n'a été mise à sa charge sur le fondement de ces dispositions.
8. Il résulte de ce qui précède que la SARL Acos ne démontre pas le caractère déductible de ces charges en application de l'article
39 du code général des impôts.
Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
9. Aux termes de l'article
271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / (...) / 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession (...) desdites factures (...) ".
10. Le service vérificateur a remis en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des prélèvements bancaires opérés par un opérateur téléphonique, en raison de l'absence de production par la SARL Acos des factures afférentes. Si la SARL Acos soutient qu'elle est dans l'impossibilité de produire les factures y afférentes, faute de les avoir téléchargées en temps utile, cette circonstance, qui résulte de son propre fait, ne peut utilement être invoquée, l'absence de présentation au service vérificateur des factures correspondant à ces prélèvements bancaires ayant à bon droit été retenue par l'administration pour remettre en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente. De même, si la SARL Acos conteste la remise en cause par l'administration de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée sur des factures émanant de différents organismes hôteliers, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 6, que le service vérificateur a uniquement écarté la taxe sur la valeur ajoutée portée sur les factures qui n'avaient pas été émises au nom de la société mais de son gérant, sans que d'autres justificatifs ne soient produits. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la taxe sur la valeur ajoutée sur ces opérations n'était pas déductible en application des 1. et 2. du II de l'article
271 du code général des impôts.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Acos n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
12. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de la SARL Acos tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Acos est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Acos et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 30 mars 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°21DA02790
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