Chronologie de l'affaire
Tribunal de Grande Instance de Paris 20 juin 2013
Tribunal de Grande Instance de Paris 02 juillet 2015
Cour d'appel de Paris 03 novembre 2015
Cour d'appel de Paris 27 juin 2017

Cour d'appel de Paris, 3 novembre 2015, 2013/14310

Mots clés procédure · demande de mesures provisoires · compétence matérielle · juge de la mise en état · juge des référés · droit communautaire · compétence · propriété intellectuelle · procédure civile · mesures · référé

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro affaire : 2013/14310
Domaine de propriété intellectuelle : BREVET
Numéros d'enregistrement : EP0757530
Décision précédente : Tribunal de Grande Instance de Paris, 02 juillet 2015, N° 2012/11488
Parties : GUY DEMARLE GRAND PUBLIC SAS ; GUY DEMARLE ÉTS SAS / VORWERK & CO INTERHOLDING GmbH (Allemagne) ; DOMAR SA (Espagne)
Président : Monsieur Benjamin RAJBAUT

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Grande Instance de Paris 20 juin 2013
Tribunal de Grande Instance de Paris 02 juillet 2015
Cour d'appel de Paris 03 novembre 2015
Cour d'appel de Paris 27 juin 2017

Texte

COUR D'APPEL DE PARIS ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2015

Pôle 5 - Chambre 1 (n°185/2015, 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14310

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du juge de la mise en état du 20 Juin 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 3ème chambre - 4ème section - RG n° 12/11488

APPELANTES SAS GUY D G PUBLIC Parc d'Activités des Ansereuilles 59136 WAVRIN

SAS ETS GUY D Parc d'Activités des Ansereuilles 59136 WAVRIN Représentées par Me Alain FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044 Assistées de Me Clotilde D AVOCATS, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES Société VORWERK & CO Vorwerk & Co Interholding GmbH, société de droit allemand prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège Muhlenweg 17-37 D42275 WUPPERTAL 32260 WUPPERTAL Allemagne Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111 Assistée de Me Amandine M de la SCP VERON & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0024

Société DOMAR SA Société de droit Espagnol prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège Calle Verneda S/N (pol. roca) 08107 MARTORELLES BARCELONE ESPAGNE Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044 Assistée de Me Thomas C de la SCP DUCLOS THORNE MOLLET- VIEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque P75 COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 23 Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre Madame Nathalie AUROY, Conseillère, Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère, qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Karine ABELKALON

ARRÊT : •Contradictoire • par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. • signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Madame Karine ABELKALON, greffier présent lors du prononcé.

Vu l'ordonnance du juge de la mise en état de la troisième chambre, quatrième section, du tribunal de grande instance de Paris du 20 juin 2013,

Vu l'appel interjeté contre cette ordonnance par les sociétés Guy D grand public et Établissements Guy D (ci-après les sociétés Guy D) le 12 juillet 2013,

Vu les dernières conclusions numérotées 3 transmises le 26 août 2015 par les sociétés Guy D, Vu les dernières conclusions numérotées 3 transmises le 21 août 2015 par la société de droit espagnol Domar SL (ci-après société Domar), intimée et appelante incidente,

Vu les dernières conclusions numérotées 3 transmises le 31 mars 2015 par la société de droit allemand Vorwerk & Co. Interholding Gmbh (ci-après société Vorwerk),

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 15 septembre 2015,

MOTIFS DE L'ARRÊT


Considérant que

par actes des 11 et 15 juillet 2012, la société Vorwerk, spécialisée dans les robots ménagers, a fait assigner les sociétés Domar et Guy D devant le tribunal de grande instance de Paris, en contrefaçon des revendications 1, 3, 4, 5 et 6 de son brevet européen EP 0757 530 désignant la France ; Qu'en cours de procédure, la société Vorwerk a saisi le juge de la mise en état d'un incident pour obtenir notamment, sur le fondement de l'article L615-3 du code de la propriété intellectuelle, le prononcé de mesures d'interdiction provisoire à l'encontre des sociétés défenderesses ;

Que dans son ordonnance du 20 juin 2013, le juge de la mise en état a :

par disposition susceptible d'appel immédiat,

•déclaré le juge de la mise en état compétent pour statuer sur la mesure d'interdiction provisoire,

par dispositions non susceptibles d'appel immédiat,

• rejeté la demande de sursis à statuer • fait défense, à titre provisoire, en application de l'article L615-3 du code de la propriété intellectuelle, aux sociétés Guy Demarle et Domar d'importer, de détenir, d'offrir à la vente et de vendre en France le robot Cook'in, sous astreinte non comminatoire de 1 000 € par infraction constatée, dans le délai de deux mois suivant la signification de l'ordonnance, étant précisé que l'importation, la détention, l'offre et la vente d'un seul robot constituerait une infraction distincte, • ordonné, en application de l'article L615-5-2 du code de la propriété intellectuelle, la production, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance, de tous documents et informations détenus par les sociétés Guy Demarle et Domar, relatifs aux quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées et aux prix obtenus par ces robots, • rejeté le surplus des demandes, • en se réservant la liquidation des astreintes prononcées, • ordonné l'exécution provisoire, •réservé les dépens et les frais irrépétibles ;

Considérant que par jugement du 2 juillet 2015, statuant au fond, le tribunal a accueilli la demande en contrefaçon présentée par la société Vorwerk ;

Considérant que la présente instance est relative à l'appel interjeté contre l'ordonnance du juge de le mise en état ;

Considérant que les sociétés Guy D demandent à la cour de juger que le juge de la mise en état n'est pas compétent pour accéder à des demandes de mesures d'interdiction provisoire sur le fondement de l'article L615-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007, qui organise une action spéciale à mettre en œuvre devant la juridiction compétente par la voie du référé ou de la requête, de juger que seul le juge des référés ou le juge des requêtes peut être saisi et en conséquence, d'infirmer et d'annuler en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;

Qu'à l'appui de leurs prétentions, elles soutiennent que cet article doit être interprété à la lumière de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, qui organise, en son article 9, une procédure spécifique de référé-interdiction, dès lors qu'il est issu de la loi du 29 octobre 2007, qui eut pour objet de mettre le code de la propriété intellectuelle en conformité avec cette directive ;

Qu'elles soulignent qu'en vertu de l'article L. 211-10 du code de l'organisation judiciaire, seuls certains tribunaux de grande instance, spécialement désignés, connaissent des actions en matière de brevet, et 'dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle ' et qu'en vertu du principe général selon lequel le spécial déroge au général, lorsque le législateur a fixé comme ici des règles spécifiques, il n'est pas possible d'aller rechercher ces mêmes mesures sur le fondement du droit commun;

Qu'elles font valoir que les mesures d'interdiction provisoire prévues par l'article L615-3 du code de la propriété intellectuelle ne sont pas de simples mesures provisoires que le juge de la mise en état peut prononcer en vertu de l'article 771 du code de procédure civile, et qui ne peuvent être frappées d'appel qu'avec le jugement statuant sur le fond, en application de l'article 776 du même code, mais des mesures d'interdiction provisoires spéciales exigeant un débat qui se rapproche sensiblement du débat de fond, puisque le président du tribunal doit se prononcer à l'aune de la vraisemblance de la contrefaçon alléguée, et qui doivent pouvoir faire l'objet d'un appel immédiat, comme le prévoit l'article 490 du code de procédure civile ;

Qu'elles observent que la référence à l'ancien texte prévoyant une procédure en la forme de référé est utile en ce qu'elle montre que les mesures d'interdiction ont toujours fait l'objet de règles particulières, qu'en l'occurrence le débat avait lieu devant le président et donc d'une manière garantissant un vrai débat avec la possibilité d'un double degré de juridiction ;

Qu'elles ajoutent que reconnaître au juge de la mise en état la possibilité d'ordonner de telles mesures fait difficulté au regard du droit au procès équitable, ce magistrat ayant vocation à participer au délibéré sur le fond, que la concentration de l'ensemble des aspects d'une instance entre les mains du juge de fond est contestable, alors que la séparation des pouvoirs entre le juge des mesures provisoires et le juge des mesures définitives est volontairement prévue par la directive 2004/48, et que l'absence d'appel immédiat possible est inacceptable, alors que l'article 9 de cette directive requiert une procédure de référé permettant un appel 'dans un délai raisonnable' ; Considérant que la société Domar demande également à la cour de juger que le juge de la mise en état n'est pas compétent en la matière, de juger que la société Vorwerk devra mieux se pourvoir devant le président du tribunal de grande instance en sa qualité de juge des référés et des requêtes et d'infirmer l'ordonnance déférée, notamment en sa mesure d'interdiction immédiate ;

Qu'elle soutient que l'article L615-3 du code de la propriété intellectuelle constitue une exception à la règle générale de l'article 771 du code de procédure civile ;

Qu'elle fait valoir qu'à la différence du juge des référés, le juge de la mise en état est une émanation du tribunal dont le rôle est de purger la procédure de l'instance au fond des éventuels incidents, afin que le tribunal n'ait plus qu'à juger le fond du droit, que les mesures en référé qui peuvent être sollicitées conformément à la procédure de l'article L615-3 du code de la propriété intellectuelle ne sont pas relatives à un incident afférent à l'instance au fond dont le juge de mise en état doit surveiller le bon déroulement et que le seul lien institué par ce texte entre l'instance en référé et l'instance au fond, en application des accords ADPIC, porte seulement sur l'obligation faite au breveté, lorsque les mesures prises sont ordonnées avant l'engagement d'une instance au fond, de se pourvoir au fond dans un certain délai ;

Qu'elle observe que l'article L615-3 du code de la propriété intellectuelle organise une procédure spécifique devant le juge des référés, qui ouvre droit à l'appel immédiat, ou devant le juge des requêtes, et que le juge de la mise en état, dont les ordonnances ne sont en général par susceptibles d'appel immédiat, ne peut être saisi ni en référé, ni sur requête, ce qui démontre que le législateur a manifestement entendu exclure sa compétence pour ordonner les mesures au visa de cet article ; que, selon elle, ceci est confirmé tant par le texte de la directive (article 9,4°) que par les travaux préparatoires de la loi du 29 octobre 2007, le législateur ayant voulu que l'action en interdiction provisoire prévue par le nouveau texte déroge aux 'conditions de référé de droit commun', y compris à l'article 771 du code de procédure civile ; que, toujours selon elle, en retirant la compétence du président statuant 'en la forme' des référés le contentieux de l'interdiction provisoire, pour le confier au juge des référés, le législateur de 2007 a souhaité simplifier l'obtention d'une telle mesure en permettant au breveté de l'obtenir lorsque la contrefaçon est vraisemblable et non plus sérieuse, de sorte que le fond de l'affaire n'a pas à être examiné ;

Qu'elle ajoute que la compétence du juge de la mise en état est source d'insécurité juridique, notamment parce qu'elle aboutit à soumettre sans motif légitime la demande d'interdiction provisoire à un régime différent en fonction d'un événement (la désignation du juge de la mise en état) dont la survenance ne dépend pas des parties ; Considérant que la société Vorwerk répond qu'il ressort de la combinaison des articles L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle et 771 du code de procédure civile que le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur une mesure d'interdiction provisoire demandée postérieurement à sa désignation, la disposition de l'article L211-10 du code de l'organisation judiciaire mise en avant par les sociétés Guy D signifiant que les cas et conditions dans lesquels certains tribunaux de grande instance sont compétents pour connaître de certaines actions en matière de propriété intellectuelle ressortent du code de la propriété intellectuelle, et non que, dans le cadre de ces actions, le code de procédure civile ne trouve plus à s'appliquer ;

Qu'elle soutient que la nouvelle rédaction de l'article L615-3 du code de la propriété intellectuelle n'écarte pas la compétence du juge de la mise en état ; qu'elle fait valoir que, contrairement aux assertions de la société Domar, il ressort explicitement des travaux parlementaires que le législateur a entendu désormais soumettre la demande d'interdiction provisoire au droit commun des référés, sauf en ce qui concerne les conditions d'ouverture, les articles 808 et 809 du code de procédure civile ne lui étant pas applicables, ce qui implique que les dispositions du code de procédure civile relatives à la répartition des compétences entre le juge des référés et le juge de la mise en état, une fois ce dernier désigné, lui sont applicables ;

Qu'elle relève que ni la directive n°2004/48, ni l'accord ADPIC n'imposent la compétence du juge des référés en la matière et n'excluent l'application des règles de procédure civile française relatives à la compétence du juge de la mise en état, qui statue dans les mêmes conditions que le juge des référés une fois qu'il est saisi ; qu'elle observe que la compétence du juge de la mise en état ne fait pas obstacle à un appel, qui n'est que différé, que les parties gardent la maîtrise de la procédure puisqu'il leur suffit de signifier et de placer leur assignation en référé avant de signifier et d'enrôler une assignation au fond, pour éviter la compétence du juge de la mise en état et que le défaut d'impartialité allégué du juge de la mise en état, pour statuer sur le fond du litige, ne peut en aucune manière être invoqué pour contester sa compétence, étant toujours loisible aux parties de demander sa récusation ;

Considérant, ceci exposé, que selon l'article L615-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007 :

'Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente.

La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.

Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n’est pas sérieusement contestable.

Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.

Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit se pourvoir, par la voie civile ou pénale, dans un délai fixé par voie réglementaire. À défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés' ;

Que cette disposition concernant les brevets constitue la transposition en droit interne des dispositions de l'article 9 de la directive (CE) n° 2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, elles-mêmes inspirées des dispositions de l'article 50 de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) ; que le but à atteindre fixé par la directive résulte très clairement du point 22 de son préambule, aux termes duquel : 'Il est également indispensable de prévoir des mesures provisoires permettant de faire cesser immédiatement l'atteinte sans attendre une décision au fond, dans le respect des droits de la défense, en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d'espèce, et en prévoyant les garanties nécessaires pour couvrir les frais et dommages occasionnés à la partie défenderesse par une demande injustifiée. Ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d'un droit de propriété intellectuelle ; qu'alors que l'article L615-3 ancien du code de la propriété intellectuelle ne prévoyait la possibilité de telles mesures que lorsque le tribunal était saisi d'une action en contrefaçon du brevet, en les confiant à 'son président, saisi et statuant en le forme des référés', l'accès des brevetés à ces mesures est désormais facilité par la possibilité de saisir le juge des référés ou le juge des requêtes dès avant l'engagement d'une action au fond ; que celui-ci doit toutefois intervenir, sous peine d'annulation des mesures ordonnées, dans le délai prévu par le dernier alinéa du nouveau texte ;

Qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi de 2007 produits que le législateur n'a entendu faire déroger ce texte au droit commun des référés qu'en ce qui concerne ses conditions d'ouverture, les articles 808 et 809 du code de procédure civile ne lui étant pas applicables ; que les appelants admettent d'ailleurs que les dispositions de l'article 490 du code de procédure civile sur la possibilité d'appel des ordonnance de référé lui sont applicables ; qu'il ne résulte nullement de l'article L211-10 du code de l'organisation judiciaire, qui ne concerne que la compétence particulière de certains tribunaux de grande instance en matière de propriété intellectuelle, qu'hormis les procédures régies spécialement par le code de la propriété intellectuelle, les dispositions du code de procédure civile ne trouvent pas à s'appliquer à cette matière ;

Considérant que la simple lecture de l'article 771 du code de procédure civile, aux termes duquel 'Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seule compétent, à l'exclusion de toute formation du tribunal, pour :

1. Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et sur les incidents mettant fin à l'instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;

2. Allouer une provision pour le procès ;

3. Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 517 à 522 ;

4. Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;

5. Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction ;' démontre que le rôle du juge de la mise en état ne se borne pas à 'purger la procédure de l'instance au fond des éventuels incidents', mais qu'il lui est attribué des pouvoirs concurrents de ceux d'autres formations du tribunal, d'où la prescription de sa compétence exclusive lorsqu'une demande est présentée postérieurement à sa désignation ;

Qu'il est ainsi jugé de façon constante, pour l'octroi d'une provision dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable, que la compétence du juge des référés cesse à partir de la désignation du juge de la mise en état, celui-ci étant exclusivement compétent dès lors que la demande est présentée postérieurement à sa désignation ;

Qu'il est donc admis que la compétence du juge de la mise en état présente les mêmes garanties que celle du juge des référés en termes d'accès à un débat contradictoire, de droit au procès équitable et de sécurité juridique, étant observé que les parties gardent la maîtrise de la procédure puisque la compétence du juge de la mise en état dépend essentiellement de l'engagement par elles d'une action au fond ;

Que la formule 'toutes autres mesures provisoires' utilisée par le §4 de l'article 771 du code de procédure civile est suffisamment large pour englober les mesures d'interdiction provisoires prévues par l'article L615-3 du code de la propriété intellectuelle, qui ne figurent pas dans la liste des exceptions à la compétence exclusive du juge de la mise en état précisées dans le même paragraphe ;

Que, si celles-ci ne figurent pas non plus, malgré leur importance, parmi les décisions du juge de la mise en état prévues à l'article 776 du code de procédure civile qui, par exception au principe de l'appel avec le jugement sur le fond, sont susceptibles d' appel immédiat, elles bénéficient néanmoins, avec la possibilité d'un appel différé, du double degré de juridiction, étant observé qu'en pratique, comme en l'espèce, la fixation du calendrier par le juge de la mise en état est susceptible de permettre un examen de l'affaire au fond dans des délais concurrençant ceux de l'examen en appel d'une ordonnance de référé ; qu'à cet égard, il doit être relevé que le délai raisonnable' auquel fait référence l'article 9 de la directive du 29 avril 2004 ne se rapporte qu'à la possibilité de révision dont doit faire l'objet les mesures provisoires lorsqu'elles sont ordonnées non contradictoirement, sur requête ; Que l'appréciation du caractère vraisemblable de l'atteinte alléguée aux droits du titulaire du brevet exigée par l'article L615-3 du code de la propriété intellectuelle ne peut qu'être facilitée par la réunion des preuves déjà produites par le demandeur à l'action introduite au fond et la saisine d'un juge spécialisé en matière de brevet ; que pour les requêtes, l'article 812, alinéa 3 du code de procédure civile prévoit d'ailleurs que celles afférentes à une instance en cours doivent être présentées au président de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée ; qu'il ne peut ainsi être déduit des anciennes dispositions applicables la volonté réitérée par le législateur en 2007 d'instaurer une séparation des pouvoirs entre le juge des mesures provisoires et le juge des mesures définitives, laquelle n'est au demeurant nullement imposée par la directive du 29 avril 2004, qui n'érige aucun principe à ce sujet ;

Qu'en définitive, aucune disposition de l'article L615-3 du code de la propriété intellectuelle, même lu à la lumière de la directive du 29 avril 2004, n'interdit sa combinaison avec l'article 771 du code de procédure civile ; qu'il en résulte que le juge de le mise en état a à bon droit reconnu sa compétence pour statuer sur la mesure d'interdiction provisoire sur le fondement de ces textes ; qu'il convient donc de confirmer l'ordonnance de ce chef et de rejeter les demandes des appelantes ;

PAR CES MOTIFS



Confirme l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré le juge de la mise en état compétent pour statuer sur la mesure d'interdiction provisoire,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés Guy D grand public, Établissements Guy D et Domar SL et les condamne in solidum à payer à la société Vorwerk & Co. Interholding Gmbh la somme de 10 000 €,

Condamne in solidum les sociétés Guy D grand public, Etablissements Guy D et Domar SL aux dépens,

Accorde à Maître Pierre V le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.